RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 12 Avril 2018
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11890
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Juin 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/04592
APPELANT
Monsieur [N] [U]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1] ( MAROC )
Demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Annie DE SAINT RAT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0919
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/013129 du 23/05/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIME
Me [I] [C] (SCP BTSG) - Mandataire liquidateur de SARL QUALITE GLOBALE CONSEIL VENANT AUX DROITS DE FACE TO FACE FORCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
non comparant, non représenté
PARTIE INTERVENANTE :
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST
Sise [Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Arnaud CLERC de la SELARL LAFARGE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substituée par Me Mathilde BOBILLE, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Isabelle MONTAGNE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente,
Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller,
Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère,
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Chantal HUTEAU, lors des débats
ARRET :
- réputé contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,
- signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente, et par Monsieur Philippe ANDRIANASOLO, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
EXPOSE DU LITIGE
Alléguant avoir effectué une succession de missions à durée déterminée en qualité d'enquêteur pour le compte de la société Face to Face Force, [N] [U] a saisi le 23 avril 2012, le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir la requalification des relations contractuelles en contrat de travail à durée indéterminée depuis le 1er novembre 2008 et la condamnation de cette société à lui payer un rappel de salaire sur la base d'un temps plein et différentes indemnités au titre de la rupture des relations de travail le 9 février 2012.
Suivant jugement prononcé le 28 juin 2013, notifié le 25 novembre 2013, cette juridiction l'a débouté de ses demandes.
Le 12 décembre 2013, [N] [U] a régulièrement relevé appel de ce jugement.
La société Qualité Globale Conseil qui est venue aux droits de la société Face to Face Force, a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Paris le 20 juillet 2016.
Suivant conclusions du 13 février 2018 reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement, requalifier les contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée du 1er novembre 2008 au 29 février 2012, constater le caractère abusif de la rupture du contrat de travail, fixer sa créance aux sommes suivantes :
* 38.097,85 euros au titre du rappel de salaire pour la période de novembre 2008 à février 2012, subsidiairement 7191,00 euros à titre de rappel de salaire et heures supplémentaires,
* 2.796,74 euros au titre du préavis de 2 mois,
* 279,67 euros au titre des congés payés afférents,
* 978,85 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
* 1.398,37 euros au titre de la requalification du contrat de travail,
* 1.398,37 euros au titre de l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,
* 20.000,00 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
* 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* 1.500,00 euros au titre de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991,
ordonner la remise d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi, conformes et dire l'arrêt opposable à l'Ags.
Suivant conclusions du 13 février 2018 reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, le Centre de gestion et d'étude Ags d'Ile de France ouest, unité déconcentrée de l'Unedic, fait valoir les limites de la garantie légale et demande à la cour de confirmer le jugement et débouter l'appelant de ses demandes.
Bien que régulièrement convoqué à l'audience du 13 février 2018, maître [C] [I] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Qualité Globale Conseil venant aux droits de la société Face to Face Force, ne s'est pas présenté ni fait représenter.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la qualification de l'arrêt
Le liquidateur judiciaire de la société Qualité Globale Conseil venant aux droits de la société Face to Face Force, défendeur, cité à personne n'a pas comparu. Par conséquent, en application des articles 473 et 749 du code de procédure civile, l'arrêt sera réputé contradictoire.
Sur l'étendue des relations contractuelles et la requalification des relations contractuelles en contrat de travail à durée indéterminée
Au soutien de sa demande de requalification des relations contractuelles à compter du 1er novembre 2008 en contrat de travail durée indéterminée avec la société Face to Face Force, l'appelant produit des bulletins de paie pour la période comprise entre novembre 2008 et février 2012 et des attestations Pôle Emploi pour la période comprise entre janvier 2011 et février 2012.
Cependant, force est de constater que les bulletins de paie afférents à la période comprise entre novembre 2008 et décembre 2010 ont été établis par la société Explorer dont le numéro Siret est différent de celui de la société Face to Face Force qui a établi des bulletins de paie à partir de janvier 2011 et que l'appelant n'apporte aucun élément sur la société Explorer. Dès lors, il sera retenu que ces deux sociétés étaient des entités juridiques distinctes.
Par ailleurs, l'appelant qui n'a pas mis en cause en cause la société Explorer ne fournit aucun élément juridique sur les conditions dans lesquelles l'activité et le personnel de la société Explorer auraient pu être repris par la société Face to Face Force à compter de janvier 2011, étant relevé que le bulletin de paie de janvier 2011 établi par la société Face to Face Force mentionne une date d'entrée dans cette société au 3 janvier 2011.
En outre, l'appelant ne justifie ni même n'allègue l'existence d'une entité juridique autonome dont le transfert aurait entraîné l'application des dispositions de l'article L.1224-1 et la reprise sous certaines conditions par le nouvel employeur des obligations qui incombaient au premier.
Par conséquent, l'employeur de l'époque n'étant pas dans la cause, l'analyse de la situation contractuelle antérieure à janvier 2011 n'a pas lieu d'être.
Par conséquent, seule sera examinée la période contractuelle avec la société Face to Face Force à compter du 3 janvier 2011 correspondant, au vu du bulletin de paie de janvier 2011, aux premières vacations réalisées pour le compte de cette société.
Sur la requalification des relations de travail en contrat à durée indéterminée
L'appelant fait valoir qu'il n'aurait jamais signé de contrat écrit pour accomplir ses missions consistant principalement à vérifier des titres de transport dans des bus dans le cadre du marché conclu avec le Syndicat des transports Ile de France (Stif).
L'Ags fait valoir que l'appelant ne produit aucun contrat de travail, ni aucun ordre de mission, ni aucune feuille de route qui permettrait de démontrer la façon dont était organisée la relation de travail.
L'article L.1242-12 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée déterminée doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif à défaut de quoi il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
En l'espèce, alors que l'appelant fait valoir qu'aucun contrat de travail à durée déterminée n'a été signé, et qu'aucun élément ne permet de retenir le contraire, il doit être retenu que celui-ci a été employé par la société Face to Face Force à compter du 3 janvier 2011 sans qu'aucun contrat de travail écrit n'ait été signé entre les parties pendant toute la durée de la relation contractuelle.
En conséquence, la relation contractuelle doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée à compter du 3 janvier 2011 et jusqu'au 9 février 2012, date de la dernière vacation effectuée au regard du bulletin de paie.
Sur le rappel de salaire à temps plein
L'appelant allègue qu'il n'aurait pas connu à l'avance son rythme de travail, que son temps de travail hebdomadaire était variable et qu'il se serait tenu à disposition de l'entreprise en permanence ; que le contrat à temps partiel devrait être requalifié en temps plein ; que sur les périodes interstitielles, il aurait droit à un rappel de salaire.
L'Ags fait valoir que l'appelant n'a accompli aucune prestation de travail en juillet et août 2011, que ses heures de travail étaient très variables selon les mois, qu'il ne démontre pas que toutes les heures travaillées n'ont pas été payées, ni qu'il aurait effectué des tâches variées, ni qu'il se serait tenu à disposition de l'entreprise en permanence.
L'article L.3123-14 du code du travail dispose que le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit et qu'il mentionne notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
L'absence d'écrit constatant l'existence d'un contrat de travail à temps partiel fait présumer que ce dernier a été conclu pour un horaire à temps complet.
L'employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et d'autre part, de ce que le salarié n'était pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition.
En l'espèce, aucun contrat de travail écrit n'étant intervenu entre l'appelant et la société Face to Face Force à compter du début de la relation contractuelle, le contrat de travail est donc présumé avoir été conclu pour un horaire à temps complet.
Toutefois, dans ses conclusions, l'appelant indique lui-même qu'il 'était tenu de donner ses disponibilités trois mois à l'avance', ce qui est corroboré par les plannings des enquêtes produits aux débats par la société intimée en première instance que l'appelant produit devant la cour, dont il ressort que le salarié connaissait suffisamment à l'avance les jours et heures auxquelles il serait amené à effectuer des vacations, ce qui ne l'obligeait pas à se tenir en permanence à la disposition de son employeur.
En outre, l'appelant qui sollicite à titre subsidiaire un rappel de salaire sur heures supplémentaires ne produit pas d'élément suffisant à étayer sérieusement cette demande; en effet, il ne produit qu'un tableau confectionné par ses soins mentionnant un nombre global d'heures de travail par mois pour toute la durée de la relation de travail, sans aucun décompte hebdomadaire ni précision de date et d'horaire, ce qui ne met pas en mesure l'employeur, en application de l'article L.3171-4, de justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié.
Il en résulte que la demande de rappel de salaire sur la base d'un temps plein et au titre des heures supplémentaires n'est pas fondée et doit être rejetée.
Sur la rupture
L'appelant fait valoir que la rupture consécutive à sa demande d'être rempli de ses droits est abusive.
L'Ags fait valoir que la fin de la relation contractuelle est intervenue au terme du contrat de travail à durée déterminée.
La relation contractuelle ayant été requalifiée en contrat à durée indéterminée, sa rupture qui n'a pas été précédée d'une lettre de licenciement s'analyse en un licenciement sans cause qui ouvre droit à l'appelant au paiement d'indemnités de rupture.
Au regard des bulletins de paie produits aux débats, le salaire de référence doit être fixé à la somme de 713,30 euros.
En application des articles L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail, l'appelant a droit à une indemnité compensatrice de préavis d'un mois au regard de l'ancienneté inférieure à deux ans, pour un montant de 713,30 euros et à une indemnité compensatrice de congés payés y afférent de 71,33 euros.
En application des articles L.1234-9 et R.1234-2 du code du travail, il a par ailleurs droit à une indemnité de licenciement qui doit être fixée à 142,66 euros.
En application de l'article L.1235-5 du code du travail, le préjudice résultant de la rupture abusive sera réparé par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 1.000,00 euros.
Aux termes de l'article L.1235-5 du code du travail, les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l'article L.1235-2 du code du travail n'étant pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté, la demande au titre du non respect de la procédure de licenciement n'est pas fondée et sera rejetée.
Sur l'indemnité de requalification
En application de l'article L.1245-2 du code du travail, l'appelant a droit à une indemnité de requalification qui sera accordée à hauteur d'un mois de salaire, soit 713,30 euros.
Les sommes sus-retenues seront fixées au passif de la société Qualité Globale Conseil par application des articles L.625-4 et suivants du code de commerce et leur paiement sera garanti par l'Ags en application de l'article L.3253-8 du code du travail dans la limite du plafond légal applicable.
Sur la remise de documents
Au regard de la solution du litige, il convient d'ordonner au liquidateur judiciaire de la société intimée de remettre à l'appelant un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, dans le délai d'un mois à compter de sa notification.
Sur les frais irrépétibles
Il n'apparaît pas inéquitable d'allouer à l'appelant la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à la charge du liquidateur judiciaire de la société intimée.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes de Paris le 28 juin 2013 sauf en ce qu'il a débouté [N] [U] de ses demandes de rappel de salaire et congés payés afférents et d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,
Statuant à nouveau,
PRONONCE la requalification des contrats de travail durée déterminée entre [N] [U] et la société Face to Face Force, en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 janvier 2011 jusqu'au 9 février 2012,
FIXE la créance de [N] [U] au passif de la société Qualité Globale Conseil venant aux droits de la société Face to Face Force, aux sommes suivantes :
* 713,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ,
* 71,33 euros au titre des congés payés y afférent,
* 142,66 euros de l'indemnité de licenciement,
* 1.000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 713,30 euros au titre de l'indemnité de requalification,
Dit que le Centre de gestion et d'étude Ags d'Ile de France ouest, unité déconcentrée de l'Unedic, devra garantir le paiement de ces sommes dans la limite du plafond légal,
ORDONNE à maître [C] [I] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Qualité Globale Conseil venant aux droits de la société Face to Face Force, de remettre à [N] [U] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, dans le délai d'un mois à compter de sa notification,
CONDAMNE maître [C] [I] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Qualité Globale Conseil venant aux droits de la société Face to Face Force, à payer à [N] [U] la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,
DEBOUTE les parties du surplus des demandes,
CONDAMNE maître [C] [I] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Qualité Globale Conseil venant aux droits de la société Face to Face Force, aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier Le Président