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10/04/2018 | FRANCE | N°16/16749

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 10 avril 2018, 16/16749


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 10 AVRIL 2018



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/16749



Décision déférée à la Cour : Sentence du 21 mai 2015 rendue par le tribunal arbitral composé de MM. [M] [E] et [A] [K], arbitres, et de M. [U] [H], président





DEMANDEUR AU RECOURS :



Monsieur [Y] [J] né le [Date naissan

ce 1] 1973 à [Localité 1] (58)



[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Pauline MENCHON substituant Me Florian DE MASCUREAU de la SEP LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR & Associés,...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 10 AVRIL 2018

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/16749

Décision déférée à la Cour : Sentence du 21 mai 2015 rendue par le tribunal arbitral composé de MM. [M] [E] et [A] [K], arbitres, et de M. [U] [H], président

DEMANDEUR AU RECOURS :

Monsieur [Y] [J] né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1] (58)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Pauline MENCHON substituant Me Florian DE MASCUREAU de la SEP LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

DÉFENDERESSES AU RECOURS :

Société civile SCEA [Adresse 2] venant aux doits de Madame [W] [L] et SICAGEMAC

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentées par Me Béatrice DE VIGNERAL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1997

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 mars 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dominique GUIHAL, présidente

Mme Dominique SALVARY, conseillère

M. Jean LECAROZ, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Dominique GUIHAL, présidente et par Mme Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.

M. [Y] [J], éleveur de bovins dans la Nièvre, a vendu le 13 janvier 2014 sur le marché de la société civile [Adresse 4] (la SICAGEMAC) une génisse charolaise, née le [Date naissance 2] 2011, pour un prix de 1 420 euros HT à Mme [W] [L], aux droits de laquelle est venue la SCEA du domaine des quatre tilleuls. Lors de la vente, M. [J] a remis une attestation à l'acheteuse selon laquelle la génisse n'avait jamais vêlé et qu'elle était non gestante.

Par une lettre du 15 septembre 2014, la SICAGEMAC a informé M. [J] de ce que la génisse avait vêlé un veau mort à terme le 28 juillet 2014, qu'elle a dû être euthanasiée, qu'il était demandé à M. [J] le remboursement de la génisse, des frais vétérinaires et des frais de nourriture pour un montant global de 2 944,45 euros TTC.

Mme [L] a saisi le tribunal arbitral instauré par l'accord interprofessionnel relatif à l'achat et l'enlèvement des bovins de plus de 8 mois destinés à l'abattage, siégeant à Paris.

Dans une sentence n°003/2014 du 21 mai 2015, le tribunal arbitral composé de MM. [M] [E] et [A] [K], arbitres, et de M. [U] [H], président a :

- dit que le vendeur avait manqué à son obligation de livraison conforme ;

- prononcé la résolution de la vente ;

- ordonné la restitution du prix de vente ;

- dit que le vendeur devra indemniser l'acquéreur à hauteur des frais d'engraissement et des frais vétérinaires ;

- évalué respectivement ces frais à concurrence de 788 € HT et de 294,13 € HT;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamne M. [J] aux dépens.

M. [J] a interjeté appel le 29 juillet 2016.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 29 janvier 2018, M. [J] demande à la cour, à titre principal, d'infirmer la sentence, de rejeter toutes les demandes de Mme [L], de la SCEA et de la SICAGEMAC et de condamner Mme [L] et la SCEA à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, à titre subsidiaire, de condamner la SICAGEMAC à le relever et à le garantir de toute condamnation, en tout état de cause, de condamner solidairement Mme [L], la SCEA et la SICAGEMAC à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 8 décembre 2016, la SICAGEMAC et la SCEA demandent à la cour de constater que la SCEA vient aux droits de Mme [L], de prononcer la mise hors de cause de Mme [L], à titre principal, de constater que la génisse présentait un vice caché, à titre subsidiaire, de constater que M. [J] a manqué à son obligation de délivrance conforme, en tout état de cause, d'ordonner la résolution de la vente intervenue le 13 janvier 2014, de condamner M. [J] à payer à la SCEA la somme de 1 579,99 euros au titre du remboursement d'achat de la génisse, celle de 945,60 euros au titre du remboursement des frais d'engraissement et celle de 352,96 euros au titre du remboursement des frais vétérinaires, de condamner M. [J] à payer à la SICAGEMAC la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction.

SUR QUOI,

Sur l'intervention de la SCEA et la mise hors de cause de Mme [L]

Considérant que par acte authentique du 27 avril 2015 dressé par Me [D], notaire à [Localité 4], a été constitué la SCEA du domaine des quatre tilleuls ; que selon les statuts constitutifs, Mme [L] a déclaré « subroger purement et simplement la présente société dans tous ses droits relatifs à l'exploitation et notamment concernant les droits à paiement unique (DPU) et droits à paiement de base, l'universalité des éléments d'exploitation étant apportée » ; que Mme [L] a été affiliée en tant que retraitée à la Mutuelle Sociale Agricole à compter du 29 juillet 2015 ;

Considérant que la SCEA justifie qu'elle est subrogée dans les droits de Mme [L] et que cette dernière doit être mise hors de cause ;

Sur le défaut de conformité de la génisse vendue

Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents que le tribunal arbitral a jugé que le seul fait qu'une génisse soit gestante ne la rend pas impropre à sa destination, de sorte que la garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 et suivants du code civil n'est pas applicable à l'espèce ;

Considérant que selon l'article 1604 du code civil, « La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur » ; que le vendeur a l'obligation de livrer un bien conforme aux caractéristiques convenues ;

Considérant que lors de la vente du 13 janvier 2014, M. [J] a attesté sur l'honneur que le bovin vendu était une génisse en ces termes : « Atteste sur l'honneur que le bovin mentionné ci-dessus est une génisse ; conformément à la réglementation communautaire, une génisse est définie comme bovin femelle n'ayant jamais vêlé (règlement 1208/81 ' 28 avril 1981) et non gestante. Je dispose des pièces et documentations permettant d'apporter la preuve de l'information portée sur la présente attestation et m'engage à les présenter lors de tout contrôle » ; que le caractère non gestant de la génisse faisait donc partie des caractéristiques convenues de la chose vendue ;

Considérant que, comme l'a retenu le tribunal arbitral, dans la mesure où la durée normale de gestation ressort entre 278 et 295 jours, la génisse qui a vêlé 196 jours après la vente, était déjà gestante à la date du 13 janvier 2014 ;

Considérant que M. [J] soutient que la non-conformité de la génisse était apparente, qu'il n'est pas prouvé que la génisse ayant vêlé est celle qui a été vendue, que l'expiration du calendrier d'abattage interdit toute action contre lui, que n'ayant pas été prévenu de l'euthanasie de la génisse, il ne doit pas sa garantie en application de l'accord interprofessionnel relatif à l'achat et l'enlèvement des bovins de plus 8 mois destinés à l'abattage et que la non-conformité est imputable à la SICAGEMAC ;

Mais considérant que M. [J] n'aurait pas pu établir son attestation sur l'honneur si la génisse présentait au jour de la vente les éléments apparents dont il se prévaut, à savoir l'absence de retour en chaleur, la baisse de performance en engraissement et la déformation du profil abdominal ; que du reste M. [J] n'établit pas que ces éléments étaient décelables ;

Considérant qu'il n'existe aucun doute quant à l'identité entre la génisse vendue le 13 janvier 2014 par M. [J] et celle ayant vêlé un veau mort le 28 juillet 2014 puis a été euthanasiée le 11 août 2014, dont les documents de vente, de soins et de vétérinaire portent tous le même numéro d'identification (582427) 1024 ;

Considérant que le dépassement du calendrier d'abattage, selon lequel la génisse devait être abattue au 13 mai 2014, s'explique par la découverte, de ce qu'elle était gestante et qu'il était donc déconseillé de procéder à l'abattage ; que le dépassement du calendrier d'abattage et le silence gardé par l'acheteuse ne peuvent pas être considérés comme une acceptation sans réserve du bovin et n'interdit pas à la SCEA d'agir contre M. [J] en résolution de la vente et en condamnation à payer des dommages-intérêts ;

Considérant que M. [J] a été informé de l'euthanasie du bovin puisqu'il a avait déjà connaissance le 25 août 2014 de l'avis donné par la commission de conciliation Interbev Bourgogne ;

Considérant que les « Principes généraux relatifs à la garantie du vendeur » figurant dans l'accord interprofessionnel relatif à l'achat et l'enlèvement des bovins de plus 8 mois destinés à l'abattage, qui prévoient que l'acheteur doit être informé dans les 24 heures qui suivent le constat de la mort, sont applicables à la garantie des vices cachés ; qu'il n'ont pas vocation à recevoir application dans le cadre de la violation de l'obligation de délivrance conforme de la chose vendue, comme en l'espèce ;

Considérant que la SICAGEMAC n'est pas chargée d'effectuer des examens obstétriques mais seulement « des formalités administratives intermédiaires » selon l'article 2 de son règlement intérieur à savoir « pesée au marché, paiement, vérification des certificats sanitaires et identification » ; que M. [J], qui était tenu de s'assurer de l'état sanitaire de la génisse et d'en justifier (article 4 du règlement intérieur de la SICAGEMAC), a lui-même attesté sur l'honneur que celle-ci n'avait pas vêlé et n'était pas gestante ; que cette attestation a été faite précisément pour garantir cette caractéristique à l'acheteuse ;

Qu'il convient de confirmer la sentence en ce qu'elle a retenu un défaut de conformité de la génisse ;

Sur la résolution de la vente et les dommages-intérêts

Considérant que lorsque la non-conformité de la chose vendue porte sur un élément en considération duquel la vente a été conclue, la résolution de la vente est encourue ;

Considérant que lors de l'achat de la génisse, l'acheteuse avait pour seule activité l'engraissement de génisses qui n'avaient pas vêlé et qui n'étaient pas gestantes ; que l'attestation sur l'honneur remise par M. [J] à l'acheteuse révèle que le caractère non gestant de la génisse était une considération essentielle pour cette dernière lorsque la vente a été conclue ; qu'il convient de rappeler que l'euthanasie pratiquée le 11 août 2014 est la « suite [du] vélage dystocique avec extraction forcée du veau » selon l'ordonnance du vétérinaire ; qu'il convient donc de prononcer la résolution de la vente et de condamner M. [J] à payer à la SCEA la somme de la 1 572,99 euros TTC au titre du prix de la génisse ;

Considérant que l'acheteuse a encore subi les préjudices résultant directement de la faute commise par M. [J] en ce qu'elle a engagé inutilement des frais d'engraissement pour un montant de 788 euros HT et des frais vétérinaires pour un montant de 294,13 euros HT ;

Considérant que la sentence est confirmée ;

Sur les autres demandes

Considérant qu'ainsi qu'il a été jugé plus haut, la SICAGEMAC n'a commis aucune faute ; que la demande de M. [J] à être garantie par la SICAGEMAC de toute condamnation doit donc être rejetée ;

Considérant que l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol ; qu'aucun abus dans le droit d'agir ou de se défendre en justice ne pouvant être imputé à la SCEA et à la SICAGEMAC, la demande de M. [J] en condamnation pour procédure abusive est rejetée ;

Considérant que succombant à l'instance, M. [J] est condamné à payer à la SICAGEMAC la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens qui seront recouvrés directement par le conseil de cette dernière ;

PAR CES MOTIFS,

Constate que la SCEA [Adresse 2] vient aux droits de Mme [L],

Met hors de cause Mme [L],

Confirme la sentence rendue le 21 mai 2015 par le tribunal arbitral instauré par l'accord interprofessionnel relatif à l'achat et l'enlèvement des bovins de plus de 8 mois destinés à l'abattage,

Rejette les demandes de M. [Y] [J],

Condamne M. [Y] [J] à payer à la société civile [Adresse 4] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [Y] [J] aux dépens avec distraction au profit de Me de VIGNERAL conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/16749
Date de la décision : 10/04/2018

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°16/16749 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-10;16.16749 ?
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