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10/04/2018 | FRANCE | N°16/09075

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 10 avril 2018, 16/09075


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 10 Avril 2018

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/09075



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Mars 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F15/04538





APPELANT

Monsieur [N] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]



représentÃ

© par Me Caroline ANDRIVET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1717





INTIMEE

SAS LSN ASSURANCES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 388 12 3 0 699



représentée par Me Pierre CHEVALIER...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 10 Avril 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/09075

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Mars 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F15/04538

APPELANT

Monsieur [N] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]

représenté par Me Caroline ANDRIVET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1717

INTIMEE

SAS LSN ASSURANCES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 388 12 3 0 699

représentée par Me Pierre CHEVALIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0228

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sylvie HYLAIRE, présidente

Madame Jacqueline LESBROS, conseillère

Madame Valérie AMAND, conseillère

Greffier : Mme Laurie TEIGELL, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Sylvie HYLAIRE, Présidente et par Madame Aurélie VARGAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

EXPOSÉ DU LITIGE

La société LSN Assurances est un cabinet de courtage d'assurances qui assure en particulier le suivi administratif relatif aux prestations Santé et Prévoyance des salariés de la profession notariale et dispose à ce titre d'une délégation de gestion des organismes sociaux.

Monsieur [O], né en 1972, a été engagé par contrat à durée indéterminée à compter du 14 mai 2012, en qualité de Gestionnaire de contrats Prévoyance, statut employé, classe B de la convention collective des entreprises de courtage et/ ou de réassurance, moyennant un salaire brut mensuel de 2.250 euros pour durée de travail mensuelle de 152,10 heures.

Monsieur [O] a été placé en arrêt maladie du 6 mars au 11 mars 2014.

Par courrier du 7 mars 2014, l'employeur convoquait Monsieur [O] à un entretien préalable à une mesure de licenciement.

Par courrier du 10 mars 2014, Monsieur [O] informait l'employeur qu'il avait été victime d'un accident du travail survenu le 6 mars 2014 dans les toilettes de la société et lui demandait d'effectuer la déclaration d'accident du travail auprès de la caisse primaire d'assurance maladie.

La société LSN Assurances lui adressait le 12 mars 2014 la feuille d'accident du travail remplie par ses soins. Elle lui demandait en retour de préciser les circonstances de cet accident et de lui adresser l'arrêt de travail correspondant afin d'établir la déclaration d'accident du travail. Monsieur [O] n'a pas répondu à ce courrier.

Monsieur [O] a été placé le 14 mars 2014 en hospitalisation complète sans consentement à l'issue de laquelle il a été en arrêt maladie continu jusqu'à son licenciement.

Le 17 novembre 2014, la société LSN Assurances a convoqué Monsieur [O] à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 26 novembre 2014 auquel il ne s'est pas présenté.

La société a ensuite notifié son licenciement au salarié le 8 décembre 2014 pour le motif suivant : «absence prolongée de plus de huit mois au cours des 24 derniers mois ayant engendré une perturbation importante du fonctionnement de l'entreprise dont la situation objective a rendu nécessaire votre remplacement définitif.»

Soutenant que ses conditions de travail étaient à l'origine de la dégradation de son état de santé, Monsieur [O] a saisi le 15 avril 2015 le conseil de prud'hommes de Paris afin de voir juger son licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, et obtenir diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité et préjudice moral ainsi qu'une indemnité au titre de ses frais irrépétibles.

Par jugement du 29 mars 2016, le conseil de prud'hommes a débouté Monsieur [O] de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Monsieur [O] a interjeté appel de ce jugement le 1er juillet 2016.

A l'audience, les conseils des parties ont soutenu les conclusions déposées et visées par le greffe.

Monsieur [O] demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de :

A titre principal:

- dire et juger que son licenciement est nul,

En conséquence,

- condamner la société LSN Assurances à lui payer la somme de 27. 000 euros correspondant à 12 mois de salaire brut, au titre du préjudice subi,

A titre subsidiaire,

- dire et juger son que son licenciement n'est fondé sur aucune cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- condamner la société LSN Assurances à lui payer la somme de 13.500 euros correspondant à 6 mois de salaire brut, à titre de préjudice subi,

En tout état de cause,

- condamner la société LSN Assurances à lui payer la somme de 5.000 euros pour manquement à l'obligation de sécurité,

- condamner la société LSN Assurances à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de préjudice moral,

- condamner la LSN Assurances à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société LSN Assurances aux entiers dépens.

La société LSN Assurances demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter Monsieur [O] de l'ensemble de ses prétentions indemnitaires, de le condamner à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de dire qu'il supportera les entiers dépens de l'instance,

Subsidiairement et avant dire droit, elle demande à la cour ordonner la production par Monsieur [O], appelant, de l'original de sa pièce n°2.

La cour se réfère expressément aux conclusions des parties pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qu'elles ont soutenus.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié pour raison de santé.

Il résulte par ailleurs de l'article L. 1226-9 du code du travail que le contrat de travail d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne peut être rompu au cours d'une période de suspension que si l'employeur justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

Toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de cette disposition est nulle.

Lorsque l'absence prolongée du salarié pour cause de maladie résulte d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat, ses conséquences sur le fonctionnement de l'entreprise ne peuvent être invoquées pour justifier un licenciement.

A l'appui de sa demande de nullité du licenciement, Monsieur [O] fait valoir tout d'abord que l'employeur l'a convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement dès le lendemain de l'accident du travail survenu le 6 mars 2014, démontrant sa volonté de se débarrasser d'un collaborateur devenu inutile.

Il soutient encore que la dégradation de son état de santé est la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, en l'occurrence une surcharge importante de travail et des conditions de travail qualifiées de délétères au sein de l'entreprise et de son propre service, dont la preuve serait rapportée, selon lui, par les propres pièces de la société LSN Assurances. Subsidiairement, il demande que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse pour le même motif. Il conclut qu'en tout état de cause, la société LSN Assurances qui a manqué à son obligation de sécurité ne peut se prévaloir de son absence prolongée et de l'impossibilité de maintenir son contrat de travail pour le licencier.

Il fait valoir enfin que la société LSN Assurances ne démontre ni l'existence de perturbations auxquelles elle ne pouvait faire face alors qu'il lui était possible de répartir ses tâches sur d'autres salariés, ni la nécessité de procéder à son remplacement définitif, alors qu'elle pouvait pourvoir à son remplacement temporaire par un salarié recruté par contrat à durée déterminée, comme elle l'avait fait d'octobre 2012 à mars 2013 pour pallier une surcharge de travail.

La société LSN Assurances réplique que contrairement à ce qu'indique Monsieur [O], elle ne l'a pas licencié pour raison de santé mais du fait de son absence prolongée et de la perturbation du fonctionnement de l'entreprise nécessitant son remplacement définitif, tels qu'elle en justifie ; elle conteste tout manquement à son obligation de sécurité et ajoute qu'elle ignorait que Monsieur [O] avait été victime d'un accident du travail le 6 mars 2014, Monsieur [O] ne lui ayant jamais adressé le certificat médical établissant le caractère professionnel de l'accident dont il se disait victime et dont elle ne connaît ni la nature, ni les circonstances ; elle ajoute que les prolongations d'arrêts maladie qui lui ont été fournies étaient tous établis pour maladie non professionnelle.

***

Il n'est pas établi par les pièces produites aux débats que Monsieur [O] a été discriminé à raison de son état de santé, ni que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en imposant à Monsieur [O] des conditions de travail qui ont nui à sa santé, ni même que l'arrêt de travail du salarié at une origine professionnelle, qu'il s'agisse des conséquences de ses conditions de travail ou de la survenance d'un accident du travail.

En premier lieu, il résulte des pièces produites que la convocation à l'entretien préalable du 7 mars 2014 faisait suite à des faits disciplinaires et non pas à l'accident du travail du 6 mars 2014, dont la société LSN Assurances n'a été informée par Monsieur [O] que par courrier du 10 mars 2014.

Il résulte en effet d'un mail adressé le 7 mars 2014 par Madame [T], supérieure hiérarchique de Monsieur [O], au directeur des ressources humaines, Monsieur [U], que Monsieur [O] s'était présenté à son bureau le 6 mars pour lui annoncer son intention de démissionner au mois de septembre suivant; Madame [T] ajoutait que Monsieur [O] ne supportait aucune remarque tant sur son comportement que sur la qualité de son travail, que des erreurs étaient commises et que plusieurs assurés avaient demandé à ce qu'il ne s'occupe plus de leur dossier.

La veille, le 6 mars, Monsieur [O] avait adressé à Monsieur [U] un mail à 23 heures 34 dans lequel il revenait sur les termes de leur entretien le jour même au cours duquel Monsieur [U] lui avait reproché d'être responsable de la dégradation de l'état de santé de sa collègue, Madame [Y] ; dans ce mail, Monsieur [O] se défendait de cette mise en cause en indiquant que la situation était, selon Madame [Y] elle-même, imputable à l'attitude de Madame [T] à son égard; il indiquait encore qu'il détenait des preuves d'erreurs de gestion commises avant son arrivée et encore à ce jour, conduisant à la prise en charge de prestations qui n'auraient pas dû l'être et au déficit des contrats ; il appelait l'employeur à faire les choses dans les règles et terminait en ajoutant «vous pardonnerez certainement les fautes et les incorrections d'ailleurs je profite du mail pour prévenir que je suis arrêté médicalement jusqu'au 11 mars.» C'est dans ces conditions qu'il était convoqué à l'entretien préalable, après avoir porté des accusations contre sa supérieure hiérarchique et dénoncé des irrégularités de gestion dont il entendait tirer parti pour contester les erreurs qui pourraient lui être reprochées.

Par ailleurs, Monsieur [O] qui impute à ses conditions de travail la dégradation de son état de santé, explique qu'il a été exposé à une surcharge importante de travail et à un stress permanent qui sont à l'origine d'un état dépressif, d'insomnies sévères et d'une perte de poids de 10 kg en six mois ainsi que de son accident du travail le 6 mars 2014. Il ajoute qu'alors même que son médecin traitant lui avait prescrit en février 2014 un arrêt de travail pour épuisement professionnel, il ne s'était pas arrêté, l'employeur n'envisageant à aucun moment de remédier à sa charge de travail. Il soutient que la société LSN Assurances était parfaitement informée de la gravité de son état de santé puisqu'elle a produit dans une instance prud'homale concernant une autre salariée en faveur de laquelle il avait attesté, l'ordonnance de prolongation de l'hospitalisation complète du juge des libertés et de la détention afin de discréditer son témoignage.

Cependant, Monsieur [O] ne rapporte pas la preuve d'une surcharge de travail qui n'est étayée par aucun élément, que ce soit sur la nature ou le volume des tâches qui lui étaient confiées ou sur son incidence sur ses horaires de travail, permettant d'objectiver une situation de souffrance au travail.

Les deux témoignages qu'il produit aux débats ne permettent pas plus de connaître ses conditions de travail.

En effet, dans son attestation datée du 18 février 2016, Madame [D], ancienne salariée licenciée au mois d'octobre 2013, indique : «La hiérarchie ne disait que du bien du travail de Monsieur [O]. Par la suite une ex collègue m'a raconté qu'il a eu une période durant la fin de l'année 2013 extrêmement pénible car son service était en sous effectif. Il a fini par faire un burn out». Ce témoignage n'apporte aucun élément utile sur les conditions de travail de Monsieur [O] et ne permet nullement d'établir un lien de causalité avec l'état de santé de Monsieur [O] dont Madame [D] n'a eu connaissance que par un tiers.

Dans une attestation du 15 décembre 2017, Monsieur [A], salarié engagé par contrat à durée déterminée du 15 avril 2013 au 28 février 2014, indique avoir constaté la surcharge de travail de Monsieur [O] qui lui avait confié avoir fait part de la dégradation de ses conditions de travail à sa hiérarchie qui ne s'en préoccupait pas et qu'il n'avait pas été surpris d'apprendre qu'il avait fini par «s'écrouler au travail». Ce témoignage produit tardivement ne contient aucun élément précis et circonstancié sur les conditions de travail de Monsieur [O], n'est corroboré par aucun autre élément et ne permet pas d'établir un lien de causalité avec la dégradation de son état de santé.

Dans ses échanges avec son employeur, Monsieur [O] n'a jamais fait état de ses conditions de travail ni d'une dégradation de son état de santé.

En effet, dans ses mails des 6 et 7 mars 2014 à Monsieur [U], Monsieur [O] n'y fait aucune référence alors même qu'il aurait été victime d'un accident sur son lieu de travail le 6 mars qu'il met sur le compte de la dégradation de son état de santé; au contraire, dans son mail du 7 mars, il sollicitait une autorisation de congé pour le 12 mars, date à laquelle il devait se rendre en Catalogne pour signer un contrat de travail et joignait à cet effet ses réservations d'avion, indiquant qu'il déposerait sa démission à son retour avec une demande de dispense de préavis.

Contrairement à ce qu'indique Monsieur [O], il ne résulte d'aucune pièce que l'employeur aurait eu connaissance de ses problèmes de santé antérieurement à l'arrêt de travail du 6 mars 2014, et plus particulièrement d'un épuisement professionnel mentionné dans un arrêt de travail d'un mois daté du 3 février 2014 que Monsieur [O] n'a pas pris et dont il n'est pas démontré qu'il ait informé l'employeur. De même, aucune pièce produite par l'employeur ne révèle le climat de travail délétère dont fait état Monsieur [O] qui ne se réfère dans ses conclusions à aucune pièce précise de la partie adverse (page 8 de ses conclusions); les seules pièces produites par l'employeur tendent à démontrer ses griefs à l'encontre de Monsieur [O], à savoir qu'il aurait entretenu des relations difficiles avec ses collègues féminines et qu'il ne supportait pas les remarques sur son travail (mail du 7 mars 2014 de Madame [T]).

Le certificat médical du 3 février 2014 qui fait état d'un épuisement professionnel est établi par le médecin traitant sur les seules déclarations de Monsieur [O], de même que le certificat médical du 9 mars 2014 établi par un médecin du service d'urgence qui indique que Monsieur [O] présente des pertes de connaissance qu'il attribue lui-même à une surcharge de travail et à une perte de poids importante inexpliquée.

Concernant l'accident de travail dont il aurait été victime, Monsieur [O] n'a fourni à l'employeur qui lui a adressé, à sa demande, dès le 7 mars 2014, la feuille d'accident du travail, aucune précision sur les circonstances de cet accident en vue de la déclaration d'accident du travail malgré une relance de l'employeur le 12 mars 2014 ; il n'a en particulier pas renvoyé le certificat médical d'accident du travail dont il produit pour la première fois en appel l'original du volet n°3 daté du 6 mars 2014 qui mentionne un malaise avec perte de connaissance. Ce document ne précise pas le début de l'arrêt de travail ni sa durée. Ni l'arrêt de travail initial daté du 6 mars 2014 ni celui du 13 mars 2014 produit par la société LSN Assurances ne font référence à l'accident de travail. Par la suite, les certificats de prolongations d'arrêts de travail adressés à l'employeur le sont tous pour maladie et non pas pour accident du travail. Monsieur [O] ne produit aux débats aucun témoignage ou élément sur les circonstances dans lesquelles se serait produit l'accident prétendu.

Il en résulte qu'à la date du licenciement, le contrat de travail de Monsieur [O] n'était pas suspendu en raison d'un accident du travail mais bien pour maladie non professionnelle.

Aucun manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité n'est établi par Monsieur [O] qui ne fournit à la cour aucun détail sur ses conditions de travail, le sous-effectif dans son service et sa propre charge de travail, ni aucun élément de preuve propre à établir la faute de l'employeur.

La société LSN Assurances justifie au contraire avoir veillé aux conditions de travail de Monsieur [O], notamment lorsqu'elle a engagé une salariée en qualité de gestionnaire de contrat de prévoyance, par contrat à durée déterminée du 16 octobre 2012 au 15 janvier 2013, pour accroissement temporaire d'activité lié à la formation de nouveaux collaborateurs affectés dans le même service que Monsieur [O] (pièce 36 de la société).

Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'éléments de preuve suffisants, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du licenciement pour discrimination liée à l'état de santé, ni de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité.

Si en vertu de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, cet article ne s'oppose pas au licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié à condition que ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif.

Par ailleurs, l'article 32 de la convention collective des entreprises de courtage et/ou de réassurance dispose ce qui suit: «(') Les absences pour accidents du travail ou maladies professionnelles ne constituent pas des causes de rupture du contrat de travail en dehors des cas prévus par la loi.

Les absences continues ou discontinues pour maladie ou accident, sans origine professionnelle et justifiées, ne constituent pas une cause de rupture du contrat de travail. Cependant, si la situation objective de l'entreprise rend nécessaire, pour sa bonne marche, le remplacement définitif du salarié, l'employeur pourra engager une procédure de licenciement.

Dans ce cas, la procédure de rupture du contrat ne pourra débuter qu'à l'issue d'une ou plusieurs absences dont la durée totale excèdera 8 mois. En cas d'absences discontinues, cette durée de 8 mois sera appréciée sur les 24 derniers mois.(...)».

En l'espèce, il est établi qu'à la date d'engagement de la procédure de licenciement le 17 novembre 2014, Monsieur [O] était absent sans discontinuer depuis le 6 mars 2014, soit depuis plus de 8 mois.

La société LSN Assurances fait valoir que l'absence prolongée de Monsieur [O] et l'incertitude sur la date de reprise de son retour ont engendré des perturbations au sein de l'entreprise et des difficultés de fonctionnement du service composé de seulement trois salariés ainsi qu'une surcharge de travail pour les deux salariés présents; elle ajoute que le poste de gestionnaire maladie/prévoyance nécessite des compétences particulières qui rendent les recrutements difficiles en particulier pour assurer des remplacements dans la mesure où les salariés disposant de ces qualifications peuvent facilement trouver un emploi à durée indéterminée.

Même si la société LSN Assurances a procédé dès le 2 septembre 2014 au recrutement d'une salariée par contrat à durée indéterminée pour occuper le poste de Monsieur [O], la société LSN Assurances ne justifie pas de la nécessité d'un remplacement définitif du salarié à son poste : employant plus de cent salariés, elle ne démontre pas qu'elle ne pouvait pourvoir à son remplacement temporaire en interne, ni que la technicité du poste rendait impossible le recrutement d'un salarié par contrat à durée déterminée alors même qu'il est établi qu'elle avait déjà procédé à un tel recrutement pour un poste de gestionnaire prévoyance entre le 16 octobre 2012 et le 15 janvier 2013.

Il y a lieu dans ces conditions de constater que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et d'infirmer le jugement de ce chef.

Sur les conséquences du licenciement

Au jour de son licenciement, Monsieur [O] avait une ancienneté de 2 ans et 6 mois au sein d'une entreprise de plus de onze salariés.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur [O], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 13.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du Code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral

Monsieur [O] sollicite la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice moral résultant non seulement de son licenciement pour raison de santé et du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité mais également pour violation du respect de sa vie privée, la société LSN Assurances ayant produit l'ordonnance du juge des libertés et de la détention relative à son hospitalisation sans consentement dans le cadre d'une instance prud'homale concernant Madame [D] en faveur de laquelle il avait attesté, afin de discréditer son témoignage; selon Monsieur [O], ce fait permet selon lui d'illustrer le comportement de l'employeur à son égard pendant l'exécution du contrat de travail.

La société LSN Assurances s'oppose à la demande en indiquant notamment que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention lui a été transmise par télécopie par Monsieur [O] lui-même de sorte qu'il a enlevé toute confidentialité à ce document et qu'il n'y a eu aucune violation du respect de sa vie privée.

Il a été jugé qu'il n'y avait pas eu de discrimination en raison de l'état de santé, ni manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité.

En revanche, le fait pour l'employeur de produire dans le cadre d'une instance prud'homale l'opposant à une autre salariée une décision de justice concernant Monsieur [O] et relative à son état de santé constitue une violation manifeste du respect dû à vie privée, la communication par Monsieur [O] ne l'autorisant nullement à en faire usage.

En réparation, il sera alloué à Monsieur [O] la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'issue du litige conduit à infirmer le jugement qui a condamné Monsieur [O] aux dépens.

Succombant à l'instance, la société LSN Assurances est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société LSN Assurances à payer à Monsieur [O] la somme de 13.500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société LSN Assurances à payer à Monsieur [O] la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

Ordonne à la société LSN Assurances le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne la société LSN Assurances à payer à Monsieur [O] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société LSN Assurances aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 16/09075
Date de la décision : 10/04/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°16/09075 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-10;16.09075 ?
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