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04/04/2018 | FRANCE | N°16/15560

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 04 avril 2018, 16/15560


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 04 AVRIL 2018



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/15560



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Novembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 15/07727





APPELANTE



Madame [V] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date

naissance 1] 1979 à [Localité 1] (MAROC)

Représentée par Me Slim BEN ACHOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : C1077





INTIMÉES



SA EDF

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Romain ZANNOU,...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 04 AVRIL 2018

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/15560

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Novembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 15/07727

APPELANTE

Madame [V] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1] (MAROC)

Représentée par Me Slim BEN ACHOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : C1077

INTIMÉES

SA EDF

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Romain ZANNOU, avocat au barreau de PARIS, toque : J029

SAS MENWAY TALENTS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Romain ZANNOU, avocat au barreau de PARIS, toque : J029 ayant pour avocat plaidant Me Bernard TRUNO, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente

Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Mme Séverine TECHER, Vice-Présidente Placée, rédacteur

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier : Mme Martine JOANTAUZY, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, présidente et par Madame Martine JOANTAUZY, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 14 mars 2015, Mme [V] [C] a présenté sa candidature pour une offre d'emploi d'ingénieur chercheur en mécanique des fluides, proposée par la SA Electricité de France, ci-après désignée EDF, par l'intermédiaire d'un cabinet de recrutement, la SAS Menway talents.

Sa candidature a été rejetée.

Sollicitant son intégration au sein de la société EDF, Mme [C] a saisi, le 23 juin 2015, le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement rendu le 17 novembre 2016, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, l'a déboutée de toutes ses demandes et condamnée aux dépens. Les sociétés EDF et Menway talents ont également été déboutées de leurs demandes.

Le 12 décembre 2016, Mme [C] a interjeté appel du jugement.

Par conclusions transmises le 27 novembre 2017 par voie électronique, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [C] demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- ordonner son intégration dans le poste d'ingénieur chercheur en mécanique des fluides, au salaire moyen concernant ce poste, à défaut d'information sur ce point, au salaire de 5 000 euros bruts mensuels, avec une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification 'du jugement', avec réserve à la cour du pouvoir de liquider l'astreinte,

- condamner la société EDF à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'engagement pris sous la forme d'accord, charte et tout autre document relatif à la responsabilité sociale du groupe pris en matière de lutte contre les discriminations, défense des droits de l'Homme et sécurité au travail en vigueur au sein de l'entreprise,

- condamner solidairement les sociétés Menway talents et EDF à lui payer les sommes suivantes :

* 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* des dommages-intérêts correspondant au salaire qui aurait dû lui être versé à compter du 20 mars 2015, à défaut d'information sur le montant du salaire mensuel brut, la somme à déterminer arrêtée à la date de l'audience, qui devra être réajustée à la date de notification 'du jugement', avec intérêts au taux légal à compter de la date d'échéance mensuelle de chacune des sommes correspondant au salaire compris dans cette somme,

* 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement les sociétés Menway talents et EDF aux dépens.

Par conclusions transmises le 5 janvier 2018 par voie électronique, auxquelles il est expressément fait référence, la société Menway talents sollicite la confirmation du jugement, le rejet de toutes les demandes de l'appelante et la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions transmises le 6 septembre 2017 par voie électronique, auxquelles il est expressément fait référence, la société EDF sollicite de la cour qu'elle :

- déclare irrecevable et mal fondée la demande nouvelle en cause d'appel de dommages et intérêts pour violation de ses engagements unilatéraux,

- confirme le jugement,

- et condamne Mme [C] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

La clôture de l'instruction est intervenue le 10 janvier 2018, sans report, en dépit de la demande présentée en ce sens par Mme [C] par lettre transmise le 8 janvier 2018 par voie électronique.

Mme [C] a transmis, le 5 février 2018, de nouvelles conclusions après la clôture de l'instruction. Elle n'a pas sollicité, à cette occasion, un rabat de l'ordonnance de clôture.

L'affaire a été plaidée le 20 février 2018.

MOTIFS

La cour indique, à titre liminaire, que seules les conclusions transmises valablement avant la clôture de l'instruction sont prises en compte.

Sur la recevabilité de la demande en paiement dirigée contre la seule société EDF

L'article R. 1452-7 du code du travail, applicable aux faits de l'espèce en vertu de l'article 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, dès lors que la requête de Mme [C] a été introduite devant le conseil de prud'hommes avant le 1er août 2016, dispose que les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, ce qui inclut les litiges relatifs à un contrat de travail qui n'a pas été conclu.

C'est donc vainement que la société EDF invoque l'irrecevabilité de la demande dirigée contre elle seule, qui n'avait pas été présentée en première instance.

Sur la discrimination à l'embauche

Mme [C] soutient que son origine, son nom de famille, sa religion, son sexe, son âge et son milieu social ont été pris en compte pour refuser sa candidature, ce qui résulte, selon elle :

- des circonstances de la procédure de recrutement,

- de l'existence d'une discrimination à l'embauche,

- de la reconnaissance par les plus hautes autorités de l'État,

- et de sa situation.

L'article L. 1132-1 du code du travail énonce qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Aux termes de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de cette disposition, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, il ressort uniquement du curriculum vitae de Mme [C] valant candidature un prénom et un nom d'origine étrangère.

Aucun élément lié à son sexe, en l'absence de précision sur son état civil ainsi que sur sa situation de famille, à son âge, en l'absence de date de naissance ou d'âge expressément mentionné, à sa religion ainsi qu'à son milieu social, en l'absence de toute indication sur ces points, ne figure sur son curriculum vitae.

Indépendamment des études générales qu'elle verse au débat sur la discrimination à l'embauche en France, Mme [C] établit, au travers des pièces qu'elle produit, les faits suivants :

- elle disposait de compétences compatibles avec l'offre d'emploi litigieuse,

- aucun entretien n'a été organisé avant refus de sa candidature,

- au cours des échanges écrits qui ont eu lieu sur ce refus, des précisions lui ont été apportées sur les qualités requises, qui ne figuraient pas expressément sur l'offre d'emploi : réalisation d'un doctorat en contrat CIFRE et/ou de stages de fin d'études ou de première expérience significative auprès de partenaires industriels tels que Areva, IRSN, CEA, bonne connaissance et maîtrise de plusieurs codes de calcul tels que Code-Saturne et OpenFOAM, NEPTUNE-CFD, Fluent, CFX, Star-CD, Star-CCM+ et HYSYS, les autres précisions apportées étant des exégèses de l'offre d'emploi et non des modifications du profil de poste comme le prétend l'appelante,

- seules neuf candidatures sur les 614 reçues, dont 55 ont été considérées comme conformes, lui ont été communiquées.

L'appelante fournit ainsi des éléments de fait précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination à son encontre.

Il ressort du mandat donné par la société EDF à la société Menway talents que devaient être recrutés les candidats :

* ingénieurs et/ou doctorants,

* jeunes diplômés et bénéficiant d'une expérience entre 1 et 3 ans en recherche appliquée à l'industrie, un poste étant à pourvoir sur la modélisation des incendies et combustion et deux postes étant à pourvoir sur CFD, vibration et thermodynamique,

* prioritairement au profil ayant effectué un doctorat en contrat CIFRE et/ou ayant réalisé des stages de fin d'études ou une première expérience significative auprès de partenaires industriels tels que Areva, IRSN, CEA... et ayant une bonne connaissance et la maîtrise de plusieurs codes de calcul tels que Code-Saturne et OpenFOAM, NEPTUNE-CFD, Fluent, Star-CD, Star-CCM+, HYSYS...

* capables d'esprit d'équipe relationnel, d'adaptabilité, d'autonomie, de compétences rédactionnelles, d'une capacité à présenter / défendre ses dossiers, du sens du service, de la qualité, du résultat, du respect des délais.

Mme [C] ne justifie d'aucun diplôme ou expérience en recherche appliquée à l'industrie alors que les neuf candidatures produites au débat par les intimées, sur lesquelles six ont été rejetées et trois ont été retenues, font apparaître que cette condition était remplie.

Ce seul défaut constitue un élément objectif et pertinent étranger à toute discrimination légitimant le rejet de sa candidature.

Par ailleurs, sur les neuf curriculum vitae communiqués, trois candidats portaient un prénom et un nom d'origine étrangère, à consonance proche de celle des prénom et nom de Mme [C] : M. [R] [L], Mme [O] [M] et M. [C] [X], soit deux hommes et une femme, le premier ayant été in fine recruté, étant relevé, surabondamment, que trois candidats sur les neuf étaient des femmes : Mmes [O] [M], [Y] [O] et [B] [F], la deuxième ayant été in fine recrutée, et que les trois candidats recrutés, soit Mme [Y] [O], MM. [X] [D] et [R] [L], étaient âgés, respectivement, de 29, 23 et 30 ans.

Enfin, les trois candidats recrutés remplissaient toutes les conditions requises par la société EDF, étant observé, en réponse aux contestations de Mme [C], que ces trois candidats n'avaient pas besoin d'être universitaires, que leur profil expérimental n'était pas incompatible avec la compétence en modélisation mise en avant dans l'offre d'emploi, et que :

- Mme [Y] [O] maîtrisait au moins deux codes de calcul (NEPTUNE-CFD, Fluent), aucune exhaustivité n'étant attendue sur ce point, justifiait d'une spécialité (la combustion) lui permettant de pourvoir l'un des trois postes (sur la modélisation des incendies et combustion) et était jeune diplômée, avec une expérience professionnelle inférieure à trois ans comme attendu,

- M. [D] n'avait pas besoin d'être titulaire d'un doctorat, justifiait d'une première expérience significative au sein d'Areva, avait réalisé un stage de fin d'études au sein du CEA, maîtrisait au moins un code de calcul (Star-CCM+), aucune exhaustivité n'étant attendue sur ce point, et était jeune diplômé, sans expérience professionnelle, ce qui était conforme à l'offre,

- M. [L] n'avait pas besoin d'être docteur, justifiait d'une spécialité (la combustion) lui permettant de pourvoir l'un des trois postes (sur la modélisation des incendies et combustion), maîtrisait au moins deux codes de calcul (Code-Saturne et NEPTUNE-CFD), aucune exhaustivité n'étant attendue sur ce point, et justifiait d'expériences significatives auprès du CEA et de l'IRSN.

Au regard de l'ensemble des éléments ainsi recueillis, et même si l'intégralité des candidatures n'a pas été communiquée, les intimées démontrent que la décision de rejet de la candidature de Mme [C] était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Aucune discrimination à l'embauche n'est donc retenue.

C'est, en conséquence, à bon droit que les premiers juges ont rejeté les demandes en découlant, Mme [C] étant, au surplus, déboutée de sa demande, nouvelle en cause d'appel, de condamnation dirigée contre la société EDF pour violation de l'engagement pris sous la forme d'accord, charte et tout autre document relatif à la responsabilité sociale du groupe pris en matière de lutte contre les discriminations, défense des droits de l'Homme et sécurité au travail en vigueur au sein de l'entreprise.

Sur les autres demandes

Mme [C] succombant principalement à l'instance, il est justifié de la condamner aux dépens d'appel et à payer à chacune des deux intimées la somme de 1 500 euros à chacune au titre des frais irrépétibles dont il serait inéquitable de leur laisser la charge.

La demande qu'elle a présentée de ce dernier chef est, en conséquence, rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Déclare la demande en condamnation de la société EDF à titre de dommages et intérêts pour violation de l'engagement pris sous la forme d'accord, charte et tout autre document relatif à la responsabilité sociale du groupe pris en matière de lutte contre les discriminations, défense des droits de l'Homme et sécurité au travail en vigueur au sein de l'entreprise recevable ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Ajoutant,

Déboute Mme [C] de sa demande en condamnation de la société EDF à titre de dommages et intérêts pour violation de l'engagement pris sous la forme d'accord, charte et tout autre document relatif à la responsabilité sociale du groupe pris en matière de lutte contre les discriminations, défense des droits de l'Homme et sécurité au travail en vigueur au sein de l'entreprise recevable ;

Condamne Mme [C] à payer à la SAS Menway talents et à la SA EDF la somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [C] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 16/15560
Date de la décision : 04/04/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°16/15560 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-04;16.15560 ?
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