RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 04 Avril 2018
(n° , 05 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/07221
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/08906
APPELANTE
Madame [C] [M] [F]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1]
représentée par Me Gwendoline ZUCCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0942
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/026811 du 05/09/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMEE
SARL ABC+ prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : B 3 42 096 59191
représentée par Me Hélène LAFONT-GAUDRIOT, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : C 177
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Véronique PAMS-TATU, Président de chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller
Madame Florence OLLIVIER, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 14 décembre 2017
Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique PAMS-TATU, président de chambre et par Madame Valérie LETOURNEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société ABC+ a pour principale activité la réalisation d'études de marchés et d'enquêtes relatives à l'univers des enfants de 0 à 14 ans.
La société organise des réunions regroupant un panel de consommateurs spécifiques et pour réaliser ces panels, elle fait appel à des enquêteurs ou recruteurs.
Mme [M] [F] a attrait la société ABC+ devant le conseil de prud'hommes de Paris, le 12 juin 2013, afin d'obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée, le paiement de diverses sommes notamment à titre d'indemnités de requalification, pour travail dissimulé, de rupture, pour non-respect de la procédure de licenciement et rupture abusive.
Par jugement du 15 avril 2016, cette juridiction a déclaré ses demandes irrecevables comme prescrites.
Mme [M] [F] a interjeté appel et sollicite de voir déclarer ses demandes recevables, requalifier le contrat de travail en contrat à durée indéterminée et à temps complet et condamner la société à lui payer diverses sommes notamment à titre d'indemnités de requalification, de rupture, pour rupture irrégulière et abusive, pour travail dissimulé, de rappels de salaire et congés payés afférents, d'indemnité de sujétion, de frais, de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche, d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le montant des sommes réclamées étant précisé au dispositif des conclusions.
L'intimée conclut à la confirmation du jugement, au débouté de l'appelante, et à sa condamnation à lui payer des sommes à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 32'1 du code de procédure civile et d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le montant des sommes réclamées étant précisé au dispositif des conclusions.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
Mme [M] [F] soutient avoir été embauchée pour exercer les fonctions de recruteur, à compter du 15 juin 2005, à la suite d'un échange téléphonique.
Il résulte du registre du personnel qu'elle a été employée en qualité de recruteur du 1er au 31 juillet 2005, du 1er au 30 septembre 2005 et du 25 novembre au 31 décembre 2005. Aucun contrat n'a été signé de sorte que la relation de travail est réputée à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2005.
Trois contrats ont ensuite été signés : « contrat à durée déterminée emploi temporaire en application de l'article D. 121'2 du code du travail » daté du 20 novembre 2005 sans mention d'un terme et deux « contrats de travail » l'un, non daté, pour la période du 15 au 31 mai 2006 et l'autre, daté du 3 juillet 2006, pour la période du 1er au 3 juin 2006. Aucun de ces contrats ne mentionne le motif de recours.
Sur la recevabilité des demandes
Mme [M] [F] a saisi le conseil de prud'hommes le 12 juin 2013.
La fin des relations contractuelles est intervenue le 3 juin 2006, terme de la dernière mission.
Le dernier bulletin de salaire a été établi le 30 juin 2006 et rémunérait la période du 1er au 3 juin 2006.
Les demandes indemnitaires étaient alors soumises au délai de droit commun de 30 ans prévu par l'ancien article 2262 du code civil.
La loi du 17 juin 2008 a instauré une prescription quinquennale. Toutefois « les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure » (article 26 II de la loi du 17 juin 2008).
Il s'ensuit que Mme [M] [F] était recevable à solliciter :
- la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et à temps complet jusqu'au 18 juin 2013, la loi du 17 juin 2008 étant entrée en vigueur le 18 juin 2008,
- ainsi que des rappels de salaire.
Sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée
Aucun contrat écrit n'a été signé en juillet et septembre 2005 et les contrats à durée déterminée ne comportent pas de motif de recours.
Il convient donc de requalifier l'ensemble de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, et d'accorder à la salariée une indemnité de requalification dont le montant est précisé au dispositif.
Sur la requalification de la relation de travail à temps partiel en temps complet
Mme [M] [F] soutient que son contrat de travail à temps partiel doit être requalifié en contrat de travail à temps complet faute de satisfaire aux dispositions de l'article L. 3123'14 du code du travail.
Cependant, l'employeur rapporte la preuve qu'elle ne restait pas à sa disposition puisqu'elle travaillait en même temps pour le compte de plusieurs autres sociétés à l'encontre desquelles elle a d'ailleurs engagé des procédures prud'homales tendant aux mêmes fins de requalification de la relation de travail, de paiement d'indemnités afférentes à la rupture et de rappels de salaire.
Par ailleurs, les attestations de Mme [B], amie de Mme [M] [F], et de deux participants ne sont pas de nature à établir cette disponibilité permanente.
Elle sera déboutée de sa demande de rappel de salaire afférente à un travail à temps complet.
Sur l'indemnité pour travail dissimulé
Aucun rappel de salaire n'étant dû, il convient de débouter la salariée de ce chef de demande.
Sur la rupture
La relation de travail a pris fin le 3 juin 2006. La rupture s'analyse en un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse en l'absence de procédure de licenciement et de lettre de licenciement.
Il sera accordé à la salariée une indemnité de préavis - équivalente à un mois de salaire - étant observé que le salaire moyen s'élève à 582,10 €, outre les congés payés afférents.
L'irrégularité de la procédure sera réparée par la somme de 50 €.
Compte tenu de la faible ancienneté de la salariée, de sa rémunération et des circonstances de la rupture, il lui sera accordé une somme de 200 € à titre de dommages-intérêts.
Sur l'indemnité de sujétion et les frais professionnels
S'agissant de l'indemnité de sujétion, la société fait remarquer à juste titre que la salariée était libre dans l'organisation de ses enquêtes aux heures et selon les modalités choisies par elle seule.
Cette dernière soutient qu'elle a exposé des frais en raison de la nécessité de réaménager son intérieur, d'adapter son local, d'acheter du matériel de bureautique et du mobilier, d'exposer des frais de téléphone et d'internet. Cependant, de nombreuses factures produites sont nettement antérieures au début de la relation de travail. En outre, elle travaillait pour plusieurs employeurs.
Elle sera déboutée de ces demandes.
Sur l'obligation de sécurité
Mme [M] [F] n'a pas bénéficié de visite médicale d'embauche mais ne justifie pas d'un préjudice. Elle sera déboutée de cette demande
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré,
Déclare les demandes recevables,
Condamne la société ABC+ à payer à Mme [M] [F] les sommes de :
- 600 € à titre d'indemnité de requalification
- 582,10 € à titre d'indemnité de préavis
- 58,21 € à titre de congés payés afférents
- 50 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement
- 200 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Ordonne à la société ABC+ de remettre à Mme [M] [F] une attestation pôle emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte sans qu'il y ait lieu d'ordonner une astreinte,
Déboute Mme [M] [F] du surplus de ses demandes,
Condamne la société ABC + aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT