La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2018 | FRANCE | N°14/04297

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 04 avril 2018, 14/04297


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 04 Avril 2018



(n° , 09 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/04297



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU RG n° 12/00621





APPELANTE

Madame [A] [X] épouse [O]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]r>
comparante en personne,

assistée de Me Jean-Pierre NABONNE, avocat au barreau d'ESSONNE





INTIME

SA THALES

Campus Polytechnique

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représenté par Monsieur [...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 04 Avril 2018

(n° , 09 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/04297

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU RG n° 12/00621

APPELANTE

Madame [A] [X] épouse [O]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

comparante en personne,

assistée de Me Jean-Pierre NABONNE, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIME

SA THALES

Campus Polytechnique

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représenté par Monsieur [D] [W], Directeur des Ressources Humaines, muni d'un pouvoir, assisté de Me Béatrice POLA, avocat au barreau de PARIS, toque : J043

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Véronique PAMS-TATU, Président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Florence OLLIVIER, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 14 décembre 2017

Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique PAMS-TATU, président de chambre et par Madame Valérie LETOURNEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [O] a été engagée, le 14 octobre 1991, en qualité d'ingénieur recherche et développement connectique, position I, indice hiérarchique 76, par la société Thomson'CSF aux droits de laquelle est venue la société Thalès.

Elle travaille aujourd'hui dans l'établissement Thalès research & technology (TRT) à [Localité 2] dans le GIE III V Lab, regroupant certaines activités communes à Thalès, Nokia et le CEA, les ressources humaines restant celles de chacune de ces entreprises. Elle reste ainsi employée de Thalès.

À compter du 1er août 1993, elle a été promue en qualité d'ingénieur recherche en matériaux et composants matériaux, position II, coefficient 100.

À compter de 1996, elle a occupé le poste d'ingénieur responsable des études circuits imprimés puis d'ingénieur responsable d'affaires au sein de l'établissement TRT, spécialisé dans la recherche appliquée dans la conception d'outils et de méthodes nécessaires au développement des technologies conçues par le groupe Thalès.

Elle estime qu'au 1er janvier 1996, elle aurait dû être promue ingénieur position IIIA (NR9) et percevoir les salaires correspondants dès sa prise de position et que le poste suivant aurait dû lui permettre de progresser jusqu'à la position IIIB.

Le 1er juillet 2008, elle a été nommée responsable communication et administration des ventes., ingénieur position II. Pensant passer en position IIIA du fait de cette nomination, elle a demandé un entretien avec sa hiérarchie et le directeur des ressources humaines mais il n'a pas été donné de suite à ses doléances et elle est restée classée en position II.

Après divers échanges entre le conseil de la salariée et la société Thalès, elle a été promue en décembre 2011 en position IIIA/NR9.

Elle a saisi le 16 juillet 2012 le conseil de prud'hommes de Longjumeau lequel, par jugement du 6 mars 2014, l'a déboutée de ses demandes.

Elle a interjeté appel.

Par arrêt avant dire droit du 14 juin 2017, la cour d'appel de Paris a fait injonction à la société Thalès de communiquer différents éléments d'information concernant plusieurs salariés.

La cour se réfère à cet arrêt s'agissant des prétentions des parties sauf à préciser que, dans le dernier état de ses prétentions, Mme [O] porte ses demandes au titre du rappel de salaire pour discrimination à la somme de 476'581 € et de l'indemnité au titre de l'article 700 à la somme de 25'000 €, les autres demandes restant inchangées. Mme [O] a sollicité à l'audience le rejet de nouvelles pièces anonymisées produites par la société Thalès.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur les pièces n° 99 à 102 et 110 à 118 produites par la société Thalès

Il convient de faire droit à la demande de rejet de ces pièces formulée par Mme [O], celles-ci étant anonymes et ne pouvant donc être utilement critiquées par elle ni lui permettre une comparaison de sa situation avec celle des salariés dont le nom ne figure pas sur les pièces.

Sur la prescription

Selon l'article L. 1134'5 du code du travail, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de cette discrimination.... Les dommages-intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée.

Mme [O] avait sollicité une mutation interne début 2008 et un poste de « responsable communication et ingénierie ventes externes » lui a été proposé en juillet 2008. La « description de poste type » indiquait : poste repère L9 ce qui correspond à NR9 (et à la position III).

Cependant, fin mars 2009, Mme [O] a reçu sa fiche de position au 1er janvier 2009 mentionnant une position II et un niveau de responsabilité 8. C'est donc à cette date que lui a été révélé l'existence d'une discrimination.

Antérieurement à la loi du 17 juin 2008, l'action en responsabilité civile dirigée contre l'employeur était soumise à la prescription trentenaire de droit commun.

La loi du 17 juin 2008 a instauré une prescription quinquennale. Elle est entrée en vigueur le 18 juin 2008, date à laquelle a commencé à courir le délai de prescription quinquennale. Celle-ci a été acquise le 18 juin 2013.

La révélation de la discrimination est apparue fin mars 2009. La salariée a saisi le conseil de prud'hommes le 16 juillet 2012. Son action en réparation d'un préjudice résultant d'une discrimination n'est donc pas prescrite.

Par ailleurs, il n'est pas interdit au juge pour apprécier la réalité de la discrimination subie au cours de la période non prescrite, de procéder à des comparaisons avec d'autres salariés engagés dans des conditions identiques de diplômes et de qualification à la même date que l'intéressée, celle-ci fût-elle antérieure à la période non prescrite.

Sur le fond

Mme [O] fait valoir que :

- elle n'a obtenu pendant 20 ans, du 14 octobre 1991 au 30 novembre 2011, aucune promotion, hormis le passage automatique prévu par la convention collective, de la position I à la position II, en juillet 1993, malgré ses demandes répétées de 1995 à 2008, et bien qu'elle ait satisfait aux recommandations de Thalès en matière de mobilité,

- elle a même vu sa rémunération diminuer à chaque mutation qu'elle a sollicitée en 1999 puis en 2008, et que c'est seulement fin mars 2009, en recevant sa fiche de rémunération (rétroactive au 1er janvier), qu'elle a pris conscience d'une discrimination à son encontre,

- elle a demandé un entretien à sa hiérarchie et, le 20 avril 2009, M. [A], directeur du GIE III V, et M. [N], directeur des ressources humaines de TRT, lui ont annoncé qu'il y avait eu une erreur dans le référencement du poste, que non seulement elle n'avait pas de promotion mais que sa rémunération globale était diminuée, et que la position IIIA avait été attribuée dans le GIE III V à trois hommes, dont M. [J] qu'elle avait encadré dès 2007, dans le poste qu'elle venait de quitter,

- tout en étant membre permanent du Codir du GIE III V, elle ne pouvait assister à des réunions à l'instar de la moitié des ingénieurs et cadres de TRT au motif qu'elle n'avait pas la position nécessaire IIIA alors que l'ampleur de ses tâches dans le poste qu'elle venait de prendre était encore augmentée par rapport à la description de ce poste,

- elle a été promue en décembre 2011 en position IIIA/NR9 alors qu'elle avait de fait cette position depuis 1996, et que depuis 2014 ses fonctions ont encore évolué dans l'organigramme et sont désormais comparables à celles d'un directeur de communication placé en position IIIC,

- elle a été victime dans le déroulement de sa carrière d'une discrimination notamment liée à son sexe.

La société réplique que :

- sa politique de promotion n'est pas fondée sur l'ancienneté du salarié mais tient compte du poste occupé par le collaborateur et de son expertise,

- sur la période du 1er janvier 1996 au 30 avril 2001, pour être positionné IIIA/LR9, le collaborateur doit être responsable d'un laboratoire et encadrer une équipe importante d'ingénieurs et techniciens ou avoir la charge du dossier à budget conséquent, il doit justifier d'une expertise particulière et constitue un dossier qui doit ensuite être approuvé par le comité de pilotage technique,

- sur la période du 1er mai 2001 au 30 juin 2008, les promotions en matière de gestion d'affaires ne sont pas fonction de l'expertise technique du salarié, c'est le volume, la complexité, le chiffre d'affaires généré par les affaires qu'il gère qui sont susceptibles de conduire à sa promotion,

- à compter du 1er juillet 2008, la comparaison avec M. [I] est inopérante, celui-ci étant un membre du comité de direction de l'établissement et Mme [O] n'exerçant pas des responsabilités similaires et n'encadrant qu'un collaborateur,

- il n'y a eu aucune inégalité de traitement,

- Mme [O] ayant saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau le 16 juillet 2012, et l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrivant suivant les textes alors en vigueur par cinq ans, aucun rappel de salaire au titre de la période antérieure à juillet 2007 ne peut être dû,

- une différence de traitement ne constitue pas en elle-même une discrimination illicite, et Mme [O] n'apporte aucun élément susceptible de caractériser un lien entre l'inégalité de traitement qu'elle aurait subie et son appartenance au sexe féminin ou son âge.

- subsidiairement, elle n'a subi aucun préjudice au regard des minima conventionnels.

Le GIE comme la société applique la convention collective de la métallurgie et des ingénieurs et cadres de la métallurgie. Parallèlement à ces classifications, le groupe Thalès a mis en place une grille interne de niveaux de responsabilité LR.

Selon l'article L. 1132'1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article premier de la loi numéro 2088'496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221'3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat notamment en raison de son sexe.

Cette interdiction, qui se combine avec le principe d'égalité de salaire figurant à l'article L. 3221'2 est précisée par les articles L. 1142'1 et suivants et vise notamment le recrutement, déroulement de la carrière, l'accès à la formation et la rémunération.

Selon l'article L. 1134'1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, .... le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte..... Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et le juge forme sa conviction après avoir ordonné toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Mme [O] présente les éléments de fait suivants :

Sur la période du 1er janvier 1996 au 30 avril 2001 en tant que responsable de l'activité d'études amont technologie circuits imprimés

Mme [O] soutient qu'elle aurait dû bénéficier de la position IIIA (NRA) dès le 1er janvier 1996.

Elle était responsable des équipements liés aux technologies de circuits imprimés, de l'identification, du choix et de la validation de nouvelles solutions technologiques, des marchés d'études relatifs à ces technologies et avait donc un budget correspondant à ces marchés d'études.

Elle encadrait une équipe composée d'ingénieurs et techniciens et était chargée des entretiens annuels d'évaluation de M. [U] (ingénieur), Mme [C] et M. [L] (techniciens). Elle avait encore trois personnes dans son équipe en 1999.

Elle était en 1996 hiérarchiquement placée au-dessus de MM. [Y], [E]. Elle encadrait en outre M. [J] ainsi qu'il résulte de l'entretien annuel d'activité 2008 de Mme [O].

Or, ces trois hommes ont été promus IIIA/NR9, le 1er janvier 2009, et placés dans une équipe du GIE III V sans en être le responsable ainsi qu'il ressort des organigrammes produits.

Mme [O] présente donc des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination.

La société ne fournit aucun élément objectif étranger à toute discrimination justifiant ses décisions de promouvoir les collègues masculins de Mme [O], en particulier concernant M. [J] qui était jusqu'à fin 2008 encadré par elle.

La société ne peut sérieusement opposer que Mme [O] devait constituer un dossier soumis à l'approbation du comité de pilotage technique, alors que cette procédure n'a pas été portée à sa connaissance malgré ses demandes de promotion. Celle-ci avait au demeurant une expertise certaine résultant de ses nombreuses publications.

Sur la période du 1er mai 2001 au 30 juin 2008 en tant que responsable chargée d'affaires

Mme [O] était chargée d'affaires de vente de composants, de grands projets européens, de la prospection de nouveaux contrats et clients, avait des responsabilités en matière de communication, coordonnait des projets importants et disposait donc d'un budget élevé (pièces 54, 56-1...) Elle était manager de nombreuses affaires et de très grande importance.

Compte tenu du volume, de la complexité du chiffre d'affaires générées par les affaires qu'elle gérait, elle pouvait donc prétendre à la position IIIB/NR10, lorsqu'elle a été nommée responsable chargée d'affaires le 1er mai 2001.

Or, il résulte des pièces versées aux débats qu'elle n'a pas connu la même progression de carrière que ses collègues masculins, MM. [K], [T] et [D], ce qui laisse supposer l'existence d'une discrimination.

A compter du 1er juillet 2008 en tant que responsable communication et administration des ventes

Mme [O] fait valoir qu'elle n'exerçait pas la même fonction ni les mêmes tâches que MM. [Q], [M] et [D] lesquels étaient cependant tous placés dans la même position hiérarchique et avaient été embauchés avec le même niveau de diplôme.

Mme [O] est ingénieur diplômée de l'ENSPM devenue Ecole centrale Marseille, ainsi que de l'Université scientifique, technologique de [Localité 3] et a obtenu le first certificate in english de l'université [Établissement 1]. Elle a ensuite suivi des formations internes.

Comparaison avec M. [Q]

M. [Q] et Mme [O] ont été embauchés à la même date et dans le même établissement, pour exercer des tâches techniques sur les circuits imprimés.

M. [Q] ([R] + ESSEC) a été embauché , le 30 septembre 1991, en position I avec un salaire annuel de 25'520 €, alors que le salaire d'embauche de Mme [O], 14 octobre 1991, était de 27'258 €.

Mme [O] était en position II en 2011 et M. [Q] en position IIIB en 2012.

Comparaison avec M. [D]

M. [D] (ENST) a été embauché, le 2 mars 1992, en position IIIA avec un salaire de 55 494 €, soit un salaire supérieur à celui de Mme [O], en décembre 2011, (52'000 €) lorsqu'elle a été promue en position IIIA avec plus de 20 ans d'ancienneté.

Celui-ci était directeur des programmes à TRT en 2007 position IIIC avec un salaire mensuel de 8000 € au 1er octobre 2007.

Mme [O], au 1er octobre 2007, était responsable de programme, en position II avec un salaire mensuel de 3303 euros.

Comparaison avec M. [M]

Celui-ci (ESE) a été embauché, le 17 octobre 1983, en position II avec salaire de 30'298 €, légèrement inférieur au salaire de Mme [O] en juillet 1993 lorsqu'elle a été promue en position II (30'375 €).

Il a accédé à la position III C en 2002.

Il résulte des graphiques versés aux débats que bien que Mme [O] ait eu un salaire d'embauche élevé pour une position I, ses collègues masculins de même niveau ont eu une progression de carrière nettement supérieure.

Comparaison avec M. [I]

Mme [O] fait valoir que M. [I] a la même formation scientifique qu'elle et, qu'en 2016, ayant deux fois moins d'ancienneté qu'elle dans la communication, il a été placé deux positions au-dessus d'elle avec un salaire double.

La société n'a fourni que des indications partielles sur M. [I] - ainsi que sur les salariés ci-dessus - car il manque notamment le descriptif de poste, malgré l'injonction de la cour. Il convient d'en tirer les conséquences. Par ailleurs, elle produit à nouveau, lors de l'audience de réouverture des débats, des documents anonymes que la cour a rejetés car la salariée était dans l'impossibilité d'effectuer une comparaison utile avec ces personnes.

La convention collective applicable prévoit les classifications suivantes :

Un ingénieur position IIIA « exerçant des fonctions dans lesquelles il met en 'uvre non seulement des connaissances équivalentes à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances fondamentales et une expérience étendue dans une spécialité » « sa place dans la hiérarchie le situe au-dessus des agents de maîtrise et des ingénieurs et cadres placés éventuellement sous son autorité ou bien comporte dans les domaines scientifique, technique, administratif, commercial ou de gestion, des responsabilités exigeant une large autonomie de jugement et d'initiative dans le cadre de ses attributions ».

Un ingénieur position IIIB « exerçant des fonctions dans lesquelles il met en 'uvre des connaissances théoriques et une expérience étendue dépassant le cadre de la spécialisation conduisant à une haute spécialisation. Sa place dans la hiérarchie lui donne le commandement sur un ou plusieurs ingénieurs ou cadres des positions précédentes... ou bien comporte dans les domaine, technique, commercial, administratif ou de gestion des responsabilités exigeant une très large autonomie de jugement et d'initiative ».

Il résulte des constatations de la cour que Mme [O] pouvait prétendre compte tenu de ses tâches, dès 1996 à la position IIIA, et à compter du 1er juillet 2008, à la position IIIB.

Elle revendique à compter de janvier 2014, la position IIIC ainsi définie : « ne se justifie que par la valeur technique exigée par la nature de l'entreprise, par l'importance de l'établissement par la nécessité d'une coordination entre plusieurs services ou activités » « l'occupation de ce poste exige la plus haute autonomie de jugement et d'initiative » « Une telle classification résulte aussi de l'importance particulière des responsabilités scientifiques, techniques, commerciales, administratives ou de gestion confiée à l'intéressé en raison du niveau de son expérience et de ses connaissances ».

Sur l'organigramme, Mme [O] relève directement de M. [G], président du GIE III-V ; elle est chargée de l'administration des ventes et la rédaction d'offres commerciales, de la communication ; elle s'adresse aux plus hauts niveaux du GIE ainsi qu'au personnel salarié de trois employeurs différents, membres du GIE, ayant tous des politiques et des domaines d'action, elle bénéficie de l'autonomie, des compétences, de l'aptitude et de l'expertise requise pour prétendre au niveau IIIC.

Ainsi, Mme [O] fait valoir à juste titre :

- qu'elle est restée en position minimale II/NR8, de 1991 à 2011, puis en position IIIA, qu'elle conserve encore, à l'occasion de sa nomination dans un poste de responsable communication et administration des ventes et alors qu'elle avait accompli trois mobilités dans deux établissements et dans différentes familles professionnelles.

- que malgré ses demandes de promotion, ses responsables hiérarchiques masculins ne lui ont pas indiqué la procédure de promotion par expertise dont ses collègues masculins ont pu bénéficier en étant managers responsables programmes/affaires à TRT, sans avoir à remplir ses critères.

Par ailleurs, elle ne pouvait assister aux réunions du codir bien que destinataire des dates de réunions.

Il résulte des organigrammes produits que les postes à hautes responsabilités sont tenus majoritairement par des hommes : les deux directeurs, les responsables de groupes, et responsable business développement et informatique ainsi que la plupart des responsables de laboratoire.

Mme [O] a donc été victime d'une discrimination à raison de son sexe.

Elle doit recevoir au 1er janvier 1996, la position cadre IIIA (NR9), au 1er mai 2001, la position cadre IIIB (NR10), au 1er janvier 2014, la position cadre IIIC (NR11) avec la rémunération correspondante à cette qualification, y compris le salaire variable ainsi que l'intéressement.

Mme [O] sollicite de façon distincte le paiement de la somme de 476'581 € à titre de rappel de salaire depuis 2007 jusqu'en février 2018 du fait de cette discrimination, et celle de 387'020 € en réparation de son préjudice de carrière de 1996 à 2007, alors qu'il s'agit de réparer le préjudice résultant de la perte de salaire sur l'intégralité de la période où elle a été victime de discrimination de 1996 à 2018.

Elle réclame donc au total la somme de 863 601€.

Pour calculer son préjudice il sera fait application de la méthode Clerc en calculant la différence entre le dernier salaire perçu sur la base IIIA et celui sur lequel la cour considère qu'elle doit être positionnée IIIC (NR11) soit 4929 €, en multipliant cette somme par 12 (mois) puis par le nombre d'années pendant lesquelles elle a subi cette discrimination - soit du 1er janvier 1996 à la date du présent arrêt - le tout divisé par deux.

Il lui sera ainsi accordé la somme de 660 486 €.

Le préjudice moral subi sera réparé par la somme de 8000 €.

Il est équitable d'accorder à Mme [O] une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Rejette les pièces produites par la société Thalès n° 99 à 102 et 110 à 118,

Infirme le jugement déféré,

Dit que que Mme [O] a été victime d'une discrimination depuis 1996,

Dit que Mme [O] peut prétendre à la qualification position cadre IIIC et qu'elle doit recevoir, au 1er janvier 1996, la position cadre IIIA (NR9), au 1er mai 2001, la position cadre IIIB (NR10), et au 1er janvier 2014, la position cadre IIIC (NR11) avec la rémunération correspondante à cette qualification, y compris le salaire variable ainsi que l'intéressement et la participation,

Condamne la société Thalès à payer à Mme [O] les sommes de :

- 660 486 € en réparation du préjudice matériel résultant de la discrimination de 1996 à 2018

- 8000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral

- 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

avec intérêts de droit à compter de l'arrêt,

Déboute Mme [O] de ses autres demandes,

Condamne la société Thalès aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 14/04297
Date de la décision : 04/04/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°14/04297 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-04;14.04297 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award