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03/04/2018 | FRANCE | N°16/25439

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 03 avril 2018, 16/25439


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 03 AVRIL 2018



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/25439



Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 25 novembre 2014 emportant cassation d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris (Pôle 5 chambre 7) le 18 juin 2013, sur appel d'un jugement rendu le 27 mars 2012 par le tribunal de grande in

stance de Paris sous le n° RG 10/16006.





DEMANDEURS A LA SAISINE



Madame [Y] [O], Veuve de Monsieur [Q] [U]

demeurant [Adresse 1]

EGYPTE

née l...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 03 AVRIL 2018

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/25439

Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 25 novembre 2014 emportant cassation d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris (Pôle 5 chambre 7) le 18 juin 2013, sur appel d'un jugement rendu le 27 mars 2012 par le tribunal de grande instance de Paris sous le n° RG 10/16006.

DEMANDEURS A LA SAISINE

Madame [Y] [O], Veuve de Monsieur [Q] [U]

demeurant [Adresse 1]

EGYPTE

née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 1]

Madame [I] [U], épouse [N]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1] / MAROC

née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 1]

Monsieur [E] [M] [U]

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 3]

né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 1]

Représenté par Me Didier LEBON, avocat au barreau de LILLE

Représenté par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

DÉFENDEURS A LA SAISINE

MONSIEUR LE CHEF DU SERVICE DES IMPOTS DES PARTICULIERS [Localité 2], représentant l'Etat

ayant ses bureaux [Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Alain STIBBE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0211

Représenté par Me Alexandra BORET, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Mme Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Mme Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon bordereau de situation du 25 juillet 2012, Monsieur et Madame [U] sont redevables à la caisse de Monsieur le chef du service des impôts des particuliers (SIP) de [Localité 2] arrondissement Muette de la somme totale de 1 794 417,82 euros au titre de l'impôt sur les revenus des années 1999 à 2002 et de la contribution sociale de l'année 2002.

Les impositions ont été mises en recouvrement entre le 30 avril 2006 et le 30 septembre 2006 à la suite de redressements fiscaux notifiés aux époux [U].

Ces derniers n'ont formé aucune contestation contre ces impositions.

La notification des redressements fiscaux a été adressée aux contribuables par lettre recommandée avec accusé de réception le 22 décembre 2004, en ce qui concerne les revenus de 2001 et 2002, et le 3 mai 2005, en ce qui concerne les revenus de 1999 et 2000.

Les époux [U] ont cédé à des tiers :

- le 18 janvier 2006, un parking (lot n° [Cadastre 1]) dépendant de l'immeuble situé à [Adresse 5], moyennant le prix de 43 500 euros ;

- le 23 mars 2006, un studio (lot n° [Cadastre 2]) dépendant de l'immeuble situé à [Adresse 6], pour un prix de 163 600 euros.

Le 4 mai 2006, Monsieur et Madame [U] ont donné à leur fille leur véhicule à moteur.

Le 10 février 2005, Madame [U] a donné à son fils, Monsieur [E] [U], l'intégralité de ses droits (soit la moitié en toute propriété) sur les lots n° [Cadastre 3] et [Cadastre 4]dépendant de l'immeuble situé à [Adresse 7], la valeur de cette donation étant estimée à 95 000 euros dans l'acte.

Le 4 août 2005, Madame [U] a donné à sa fille, Madame [I] [U], et à son fils Monsieur [E] [U] la nue-propriété des lots n° [Cadastre 5] et [Cadastre 6] dépendant d'un immeuble situé à [Adresse 8], le montant de cette donation étant évaluée à 140 000 euros dans l'acte ; Madame [U] a conservé l'usufruit de ces lots.

Monsieur [E] [U] a ayant déjà revendu ses droits dans l'immeuble situé à [Adresse 7], celui-ci échappe ainsi aux poursuites des créanciers de sa mère.

Le Trésor public demande que l'acte du 4 août 2005 lui soit déclaré inopposable.

Le Trésor public a engagé une action paulienne et en dommages intérêts à l'encontre de l'acte de donation effectué le 4 août 2005 par Madame [Y] [U] au bénéfice de ses deux enfants.

Selon jugement du 27 mars 2012, il a été fait droit à l'action en déclaration de simulation, le trésorier étant débouté de sa demande de dommages intérêts.

Sur appel des consorts [U], la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 18 juin 2013, confirmé le jugement de première instance et déboutés les consorts [U] de l'ensemble de leurs demandes.

Sur pourvoi des consorts [U], la Cour de cassation a, par arrêt du 25 novembre 2014, cassé et annulé l'arrêt du 18 juin 2013 en toutes ses dispositions, remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris.

La cour a constaté que l'arrêt d'appel indiquait que l'affaire avait « été communiquée au ministère public qui était représenté lors des débats et qui a fait connaître son avis » et a jugé que cette mention ne permettait «pas de savoir si l'avis du ministère public a été oral ou si ce dernier a déposé des conclusions écrites à l'audience, ou avant celle-ci et si, dans cette dernière hypothèse, les parties ont eu la possibilité d'y répondre ». La cour de cassation a retenu qu'elle n'était pas en mesure d'exercer son contrôle.

Par conclusions signifiées le 17 janvier 2018, Madame [Y] [O] veuve de Monsieur [Q] [U], Madame [I] [U] épouse [N] et Monsieur [E] [U] demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire l'appel recevable et bien fondé et :

in limine litis, vu la convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, la convention entre la République française et la République arabe d'Egypte sur la coopération judiciaire en matière civile, y compris le statut personnel et en matière sociale, commerciale et administrative signée à Paris le 15 mars 1982 et l'article 102 du code civil,

- constater que le trésorier principal du [Localité 2] n'ignorait pas le domicile réel égyptien de Madame [Y] [U], le domicile réel marocain de Madame [I] [U] et le domicile réel Parisien de Monsieur [E] [U] ;

- constater le non respect d'une formalité d'ordre public qui fait nécessairement grief ;

- dire nulle et de nul effet l'assignation en date des 12 et 19 octobre 2010 ;

Subsidiairement, vu l'article 1166 du code civil,

- dire et juger que le trésorier principal du [Localité 2] ne peut exercer un droit patrimonial attaché à la personne.

Vu la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- constater que le redressement servant de fondement à l'exercice de l'action paulienne est entaché d'une irrégularité grave.

- déclarer irrecevable le trésorier principal en son action ;

Très subsidiairement, vu l'article 1167 du code civil,

- constater que la proposition de redressement en date du 22 décembre 2004 était sous réserve de la réponse des autorités fiscales égyptiennes à une demande d'assistance administrative ;

- dire et juger qu'à la date de la première donation litigieuse, soit le 10 février 2005, l'administration fiscale ne justifiait pas d'une créance certaine ;

- dire et juger qu'à la date de la seconde donation litigieuse, soit le 4 août 2005, l'administration fiscale ne justifiait toujours pas d'une créance certaine puisque les propositions de redressement en date respectivement des 22 décembre 2004 et 3 mai 2005 n'étaient toujours pas établies en considération d'une réponse des autorités étrangères concernées ;

- constater que les actes de donation litigieux ont été passés dans le cadre d'une opération normale de transmission du patrimoine familial ;

- constater que le trésorier principal du [Localité 2] ne démontre pas le caractère frauduleux des actes de donations et l'intention de Madame [U] d'organiser son insolvabilité ;

- constater que le trésorier principal du [Localité 2] ne justifie pas de l'impossibilité de recouvrer à l'étranger sa créance ;

- débouter le trésorier principal du [Localité 2] de l'ensemble des demandes, fins et conclusions ;

- condamner trésorier principal du [Localité 2] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Jean-Philippe Autier dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 26 janvier 2018, Monsieur le chef du service des impôts des particuliers de Paris 16ème La Muettte demande à la cour, au visa de l'article 1167 (ancien) du code civil, de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté le chef du service des impôts des particuliers de Paris 16ème arrondissement Muette représentant l'Etat de sa demande de dommages et intérêts et de :

- débouter les consorts [U] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Y ajoutant,

- condamner Madame [Y] [U], Madame [I] [U] et Monsieur [E] [U], in solidum, à verser 10 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice causé par leurs agissements frauduleux,

- condamner Madame [Y] [U], Madame [I] [U] et Monsieur [E] [U] in solidum, à verser 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Alain Léopold Stibbe dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la nullité de l'acte introductif d'instance

Les appelants soutiennent que les assignations sont nulles en ce qu'elles ne font pas état des domiciles réels des défendeurs mais de domiciles qualifiés unilatéralement comme tels et de façon abusive et injustifiée par l'administration fiscale ; que Mme [Y] [U] est domiciliée en Egypte, [Adresse 1] et non en France, l'adresse en France correspondant à une résidence pour ses séjours parisiens ; qu'il appartenait au tribunal de retenir pour domicile, non l'adresse de résidence, mais le domicile au sens de la convention fiscale applicable ou, à défaut, au sens de l'article 102 du code civil.

Ils indiquent que Mme [I] [U] est domiciliée au [Adresse 2] et non au [Adresse 9] et que le trésorier principal n'a pas justifié que l'assignation lui ait été effectivement délivrée ; que M. [M] [U] réside au [Adresse 3] et non au [Adresse 3] ; que l'indication d'un domicile erroné, en toute mauvaise foi par le demandeur, cause nécessairement un grief aux défendeurs.

Le trésorier principal expose que Mme [U] dispose d'un foyer d'habitation permanent en France, le centre de ses intérêts vitaux se situant en France au regard du droit conventionnel. Elle ajoute que l'huissier instrumentaire a certifié son domicile [Adresse 10] qui lui a été confirmé par le gardien et que rien rien ne prouve que l'administration fiscale avait connaissance de l'adresse égyptienne précise de Mme [U] ; qu'en conséquence, les dispositions du décret n° 83-654 du 8 juillet 1983 portant publication de la convention entre la République française et la République arabe d'Egypte sur la coopération judiciaire en matière civile du 15 mars 1982 sont inapplicables.

Il indique que l'assignation destinée à Mme [I] [U] épouse [N] lui a été délivrée à son adresse connue dans les conditions prévues à l'article 5 de la convention de la Haye du 15 novembre 1965 relatif à la notification à l'étranger d'un acte judiciaire ou extrajudiciaire, soit par lettre recommandée avec avis de réception adressé au procureur du Roi près le tribunal de première instance de Casablanca, [Adresse 11], Maroc. Un courrier recommandé a été envoyé en procès-verbal de recherches infructueuses à Madame [U] ; qu'il appartenait à cette dernière d' informer le Trésor public de son changement d'adresse. Elle ajoute que Mme [I] [U] a bien été touchée par l'acte.

Il expose que la seule adresse de M. [U] dont il avait connaissance était le [Adresse 3] et que les consorts [U] n'en apportent pas la preuve contraire ; qu'en outre, l'assignation lui a été signifiée à personne en l'étude d'huissier le 25 octobre 2010.

Ceci état exposé, l'assignation a été régulièrement délivrée à l'adresse connue par l'administration fiscale de Mme [U]. La réalité du domicile parisien de Mme [U] a en outre été confirmée par le gardien de l'immeuble. Il appartenait à cette dernière d'avertir l'administration fiscale d'un éventuel changement d'adresse. Les dispositions du décret du 8 juillet 1983 portant publication de la convention signée entre la République française et la République d'Egypte sur la coopération judiciaire civile en matière civile du 15 mars 1982 entrée en vigueur le 7 août 1983 sont donc inapplicables en l'espèce

L'assignation a été signifié à la personne de M. [E] [U] en l'étude de l'huissier le 25 octobre 2010, après justification par ce dernier de son identité.

L'assignation a été délivrée à Mme [I] [U] dans les conditions prévues à l'article 5 de la convention de la Haye du 15 novembre 1965 relatif à la notification à l'étranger d'un acte judiciaire ou extrajudiciaire, soit par lettre recommandée avec avis de réception adressé au procureur du Roi près le tribunal de première instance de Casablanca, [Adresse 11], Maroc. Elle a été touchée par l'assignation.

En tout état de cause, en application de l'article 114, alinéa 2 du code de procédure civile, la nullité de l'acte introductif d'instance ne peut être prononcée que si celui qui l'invoque prouve le grief que lui a cause la nullité. En l'espèce, Mme [U], Mme [U] épouse [N] et M. [U] qui ont constitué avocat en première instance et fait valoir leurs arguments ne justifient d'aucun grief.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité.

Sur l'exception d'irrecevabilité de la demande

Les appelants soutiennent que le trésorier principal ne peut exercer un droit patrimonial attaché à la personne ; qu'une donation au profit des enfants procède d'un droit exclusivement attaché à la personne ; que dès lors, le trésorier principal n'est pas recevable à exercer l'action paulienne tendant à priver d'effet la donation.

Ils ajoutent que le trésorier principal ne peut exercer une action fondée sur la fraude alors que la créance dont il se prévaut a été obtenue à la suite d'une procédure irrégulière et non conforme aux dispositions de la Convention européenne des Droits de l'Homme.

Le Trésor public expose qu'il ne demande pas la révocation de la donation du 4 août 2005 mais simplement son inopposabilité ; qu'il résulte de cette inopposabilité, lorsqu'elle est prononcée, que le bien aliéné ne retourne pas dans le patrimoine mais simplement que le créancier poursuivant peut, par décision de justice et dans la limite de sa créance, échapper aux effets d'une aliénation opérée en fraude de ses droits, afin d'en faire éventuellement saisir l'objet entre les mains du tiers.

Il indique que la contestation de la régularité de la procédure ayant présidé à l'établissement de l'assiette de l'impôt (visite domiciliaire) relève de la compétence du juge de l'impôt, et non de celle du juge judiciaire.

Ceci étant exposé, l'action paulienne prévue par l'article 1167 du code civil engagée à l'encontre des appelants par l'administration fiscale ne tend pas à la révocation ou à la nullité d'un acte mais à son inopposabilité au créancier poursuivant, en l'espèce l'administration fiscale, lorsque l'acte, à titre onéreux ou à titre gratuit, a été conclu en fraude de ses droits. En l'espèce, l'administration fiscal ne demande pas la révocation de la donation litigieuse mais son inopposabilité.

En outre, il convient de souligner qu'il n'appartient pas au juge saisi de l'action paulienne de statuer sur la procédure de redressement ou l'assiette de l'imposition, qui par ailleurs n'ont fait l'objet d'aucun recours des redevables.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable la demande du trésorier principal.

Sur le fond

Les appelants soutiennent que l'exercice de l'action paulienne est réservé au créancier disposant d'une créance certaine sur leur débiteur au jour de l'acte frauduleux ; que tout argument relatif à l'absence de contestation du redressement est dénué de pertinence puisqu'il s'agit d'apprécier si, à la date de l'acte litigieux, l'existence de la créance de l'administration fiscale est certaine en son principe ; qu'à la date de la proposition de rectification du 22 décembre 2004, suite à un examen de situation fiscale personnelle (portant sur la période du 1er janvier 2001 au 31décembre 2002) la créance de l'administration fiscale n'était pas certaine en son principe puisqu'elle cette proposition traduisait la seule position de l'administration fiscale et était faite sous réserve de la réponse des autorités égyptiennes à une demande d'assistance administrative.

Le trésorier principal soutient que le créancier doit justifier d'un principe de créance antérieure à l'acte critiqué ; que le Trésor dispose d'un principe de créance dès le fait générateur de l'impôt, c'est-à-dire dès la perception des revenus dont l'imposition sera ultérieurement mise en recouvrement ; que le chef du service des impôts des particuliers de Paris 16ème arrondissement Muette disposait donc d'un principe de créances à l'encontre de Monsieur et Madame [U], très antérieur aux actes contestés intervenus en 2006 puisque les revenus qui ont fait l'objet des redressements fiscaux ont été perçus entre 1999 et 2002 et que l'éventuelle assistance administrative auprès des instances fiscales égyptiennes ne remet pas en cause le principe de créance de l'administration fiscale qui reste certain et ce d'autant plus que cette dernière a affirmé la domiciliation fiscale française des consorts [U] à plusieurs reprises fondée sur différents critères afin de la déterminer : foyer d'habitation permanent, critère du centre des intérêts vitaux, critère de la nationalité, comptes bancaires.

Ceci étant exposé, le principe de créance fiscale existe dès le fait générateur de l'impôt. En l'espèce, l'administration fiscale disposait antérieurement à la donation avec réserve d'usufruit du 4 août 2005 d'un principe certain de créance envers les époux [U] né dès la perception par les époux [U] de revenus au titre des années imposables, soit les années 1999 à 2002.

Il est souligné qu'au surplus, les propositions de rectification des 22 décembre 2004 et 3 mai 2005 sont antérieures à l'acte en cause et qu'en contestant le principe de créance, les consorts [U] contestent en réalité les propositions de rectification qui n'ont fait l'objet d'aucun recours par les époux [U].

Sur le préjudice subi par le Trésorier public

Les appelants soutiennent que le trésorier principal ne justifie pas d'avoir tenté et épuisé au plan international les possibilités de recouvrement de sa créance et ne rapporte pas la preuve de cette insolvabilité ou tentative d'organisation d'une insolvabilité et alors que les donations ont été réalisées dans le cadre d'une opération normale de transmission du patrimoine familial.

Le Trésor public soutient que son préjudice est certain puisque le seul autre patrimoine connu des époux [U] est l'usufruit des lots n° [Cadastre 5] et [Cadastre 6] dépendant de l'immeuble situé à [Adresse 8] appartenant à Madame [U] ; que la valeur de cet usufruit est très insuffisante pour désintéresser Le trésorier principal, titulaire d'une créance de 1 796 987,55 euros.

Il ajoute qu'il a effectué toutes les diligences qu'il a effectuées pour recouvrer la créance, n'ont permis d'appréhender qu'une somme de 1 444 euros, la quasi-totalité des avis à tiers détenteurs notifiés à divers établissements bancaires s'étant révélés infructueux ; qu'il a de plus tenté tous les moyens de recouvrement à la seule adresse dont elle avait connaissance, aucune convention ne prévoyant par ailleurs le recouvrement fiscal en Egypte ou au Maroc.

Il soutient que les donations consenties en 2006 par Madame [U] constituent donc des actes d'appauvrissement qui ont augmenté l'insolvabilité de leur auteur et causé un préjudice au trésorier demandeur ; que la fraude prévue par l'article 1167 du code civil résulte de la seule connaissance qu'a eu le débiteur du préjudice qu'il causait au créancier en se rendant insolvable ou en augmentant son insolvabilité ; que Mme [U] avait nécessairement conscience, au moment où elle effectuait les deux donations attaquées, qu'elle s'appauvrissait et diminuait le gage de son créancier. Il précise que les deux donations ont été consenties postérieurement aux avis notifiant aux époux [U] qu'ils feraient l'objet d'un contrôle de leur situation fiscale et même postérieurement à la notification du redressement fiscal concernant les revenus 2001 et 2002 qui est intervenue le 22 décembre 2004.

Ceci étant exposé, l'administration fiscale justifie du fait qu'avant l'acte de donation litigieux, Mme [U] avait fait donation à son fils le 10 février 2005 de la moitié de la propriété d'un bien immobilier situé à [Adresse 7] d'une valeur de 95 000 euros, M. [U] ne contestant pas avoir revendu ses droits dans ce bien ; qu'il n'est pas contesté que les époux [U] ont cédé à des tiers le 18 janvier 2006 un parking à Paris au prix de 43 500 euros et le 23 mars 2006 un studio à Paris au prix de 163 600 euros ; qu'après ces actes de disposition, intervenus après le contrôle fiscal et avant les mises en recouvrement des impositions en résultant, le patrimoine des époux [U] était constitué de l'usufruit du bien immobilier de [Localité 3] appartenant à Mme [U] dont la nu-propriété a fait l'objet de la donation litigieuse. Il est souligné que les avis à tiers détenteurs se sont révélés infructueux à l'exception des sommes de 2 300 euros et 1 444 euros.

Ces éléments établissent que les débiteurs ont organisé leur insolvabilité en diminuant le gage de leur créancier en France et il ne saurait être reproché à l'administration fiscale de ne pas avoir tenté ou épuisé au plain international les possibilités de recouvrement de sa créance avant de constater leur insolvabilité apparente.

En effectuant la donation litigieuse le 4 août 2005 en cours de contrôle fiscal et après les propositions de rectification des 22 décembre 2004 et du 3 mai 2005, Mme [U] ne pouvait ignorer le contrôle en cours, l'existence de la dette fiscale et le fait qu'elle qu'elle s'appauvrissait et diminuait le gage du créancier.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont estimé que l'administration fiscale démontrait la fraude paulienne reprochée à Mme [U] et le jugement sera dès lors confirmé de ce chef.

La décision déférée sera également confirmée en ses autres dispositions dont celles relatives à la publication du jugement à la conservation des hypothèques, aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [U] succombant en leur appel seront condamnés solidairement aux dépens d'appel et déboutés de leur demande d'indemnité de procédure. Ils seront condamnés in solidum, sur ce même fondement, à payer à l'administration fiscale, la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 27 mars 2012 en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE solidairement Madame [Y] [O] veuve [U], Madame [I] [U] épouse [N] et Monsieur [E] [U] aux dépens d'appel ;

DEBOUTE Madame [Y] [O] veuve [U], Madame [I] [U] épouse [N] et Monsieur [E] [U] de leur demande d'indemnité de procédure ;

CONDAMNE solidairement Madame [Y] [O] veuve [U], Madame [I] [U] épouse [N] et Monsieur [E] [U] à payer à Monsieur le chef du service des impôts des particuliers de Paris 16ème arrondissement Muette la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 16/25439
Date de la décision : 03/04/2018

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°16/25439 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-03;16.25439 ?
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