Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 03 AVRIL 2018
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/24795
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Novembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/06389
APPELANTE
Madame [G] [J] née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1] (Fédération de Russie)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0056
assisté de Me Michèle CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0724
INTIME
Monsieur [W] [D] né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0044
assisté de Me Jean ROUCHE de la SARL FLEURY MARES DELVOLVE ROUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0035
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Dominique GUIHAL, présidente
Mme Dominique SALVARY, conseillère
M. Jean LECAROZ, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
Le MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de Madame le PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel de PARIS
élisant domicile en son parquet au [Adresse 3]
représenté à l'audience par Madame [Q], substitut général
ARRET :- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique GUIHAL, présidente et par Mme Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.
Mme [G] [J], née le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 1], de nationalité russe et américaine, et M. [W] [D], né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 2], de nationalité française, se sont mariés à [Localité 3] le [Date mariage 1] 1991 sous le régime de la séparation de biens au visa des articles 1536 et suivants du code civil.
Après leur mariage, les époux sont retournés vivre à [Localité 4] où ils résidaient avant l'union. Ils ont, quelques temps après, aménagé dans un appartement acheté au nom du mari avant le mariage en 1990 : 'l'appartement des artistes'.
Deux enfants sont nés de cette union : [L], le [Date naissance 4] 1992 et [V] le [Date naissance 5] 1995.
Les époux ont notamment acquis pendant le mariage une résidence secondaire dans [Localité 5].
Mme [G] [J] a déposé une requête en divorce le 8 novembre 2001 devant la Suprême Court de l'Etat de New York.
Quatre décisions ont été rendues :
- par le juge [S], une première Décision and Order', en date du 5 mars 2002, qui a statué sur les pensions alimentaires pour les enfants et la prise en charge des frais de scolarité, médicaux et des résidences de [Localité 4] et du [Localité 5],
- par le juge [S] un deuxième 'Décision and Order', en date du 28 juin 2002, qui a rejeté la demande de M. [W] [D] de voir dire le contrat de mariage français valide et exécutoire et écarté l'application de ce contrat,
- par la juge [P], une 'Trial Décision' en date du 3 octobre 2003, et le 'judgement of divorce' en date du 9 janvier 2004.
Ce dernier jugement a prononcé le divorce de Mme [G] [J] et M. [W] [D] pour adultère du mari, confié la garde des deux enfants mineurs à la mère exclusivement, avec un droit de visite et d'hébergement au profit du père, en précisant que la mère devra consulter le père sur toutes les décisions significatives concernant les enfants mais qu'elle aura le pouvoir de décision finale, mis à la charge du père une pension alimentaire de 10 000 dollars américains par mois au bénéfice des deux enfants outre la souscription d'une assurance médicale et d'une assurance vie à leurs noms, le paiement de divers frais dont la scolarité privée, les livres et fournitures, le soutien scolaire, l'orthophonie, mais hors frais de musique, dit que cette pension sera réduite à 6 800 dollars US à compter de la majorité de l'aîné et condamné M. [W] [D] à payer à son ex-épouse une pension alimentaire de 25 000 dollars US par mois pendant 7 ans avec rétroactivité de toutes les pensions à la date du 8 novembre 2001. Le jugement a par ailleurs pris des dispositions quant au paiement des arriérés de pension.
S'agissant de la liquidation des biens des époux, la Cour a également dit que la distribution des biens de la communauté matrimoniale se fera selon la loi de l'Etat de New York. Elle a ordonné la vente de la maison du [Localité 5] et de la collection russe en décidant qu'il s'agissait de biens communs à répartir comme suit : 75% à l'épouse et 25% au mari, dit qu'à l'exception de l'emprunt contracté pour la maison du [Localité 5] à la charge de chacune des parties par moitié - sauf l'obligation pour M.[W] [D] d'indemniser Mme [G] [J] des frais de procédure de saisie - et de la somme de 50 000 dollars US correspondant à la part due par l'épouse au titre de l'emprunt concernant 'l'appartement des Artistes', le remboursement des emprunts, le découvert autorisé, les prétendues dettes de M. [W] [D] envers [T] [G], les dettes de carte de crédit et le billet à ordre de M. [D] constituaient des dettes propres qui seront réglées par celui-ci, dit que 'l'appartement Des Artistes' situé à [Localité 4] constituait, à concurrence de 475 000 dollars US, un bien commun, somme devant revenir à hauteur de 75 % à Mme [G] [J] et de 25% à M. [W] [D], ordonné que le paiement des honoraires de l'avocat de Mme [G] [J] soit pris en charge par M. [W] [D] et ordonné que la part de ce dernier sur le solde de la vente des deux biens immobiliers des époux soit séquestrée chez l'avocat de Mme [G] [J] pour garantir le paiement des pensions à venir.
Par une décision du 3 mai 2005, la Cour d'appel de l'Etat de New York a confirmé ces dispositions à l'exception de celles relatives à la distribution du solde du produit de la vente de 'l'appartement des artistes', et dit que l'intégralité devait en revenir à M. [W] [D].
L'appartement des Artistes a été vendu en juin 2004 pour le prix de 3.925 000 dollars US, laissant un solde net de 1 320 825 dollars US. La maison du [Localité 5] a été vendue en mai 2005 pour le prix de 3 125 000 dollars US dont le solde net s'est élevé à 1 434 534 dollars US.
Par actes d'huissier du 9 février 2005, Mme [G] [J] a saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une demande d'exequatur des décisions des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 en leurs seules dispositions relatives aux pensions alimentaires.
A titre reconventionnel, M. [W] [D] a demandé que soit dit inopposable en France le jugement en date du 28 juin 2002.
Le ministère public a demandé qu'il soit fait droit aux prétentions de Mme [G] [J] au motif que les décisions, objet du litige, étaient conformes à l'ordre public international de fond et de procédure.
Par jugement du 26 novembre 2008, le tribunal de grande instance de Paris a :
- rejeté le moyen d'irrecevabilité soulevé par M. [W] [D];
- déclaré bien fondée la demande de M. [W] [D] en inopposabilité de la décision américaine rendue par le juge [S] le 28 juin 2002 ;
- déclaré exécutoires en France les jugements rendus par la Cour Suprême de l'Etat de New York les 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 exclusivement sur les dispositions suivantes :
* en page 27 de la traduction jurée du jugement du 3 octobre 2003, celles ayant trait à la rétroactivité des pensions alimentaires allouées à l'épouse et aux enfants à compter de la date de la demande en prenant en compte les montants déjà réglés et celles prévoyant que ces pensions doivent comprendre un montant de 10 000 dollars par mois en plus des sommes déterminées par les présentes jusqu'à ce que les arriérés de paiement aient été complètement payés ;
* en page 4 de la traduction jurée du jugement du 9 janvier 2004, celles ayant trait à la pension alimentaire au bénéfice des enfants, d'un montant de 10 000 dollars par mois, réduite à 6 800 dollars US à compter de l'émancipation du premier enfant, cette obligation étant rétroactive au 8 novembre 2001, date de la requête de pension alimentaire à titre provisionnel, les arriérés de paiement dus devant être réglés au moyen d'échéances de 10 000 dollars par mois en plus de la somme allouée jusqu'à complet paiement des arriérés ;
* en page 4 et 5 de la traduction jurée du jugement du 9 janvier 2004, celles ordonnant à M. [W] [D] d'assurer les coûts d'une assurance maladie ainsi que ceux afférents à tous soins de santé des enfants qui ne seraient pas couverts, de même que les frais relatifs à leur éducation, hors cours de musique, comprenant les frais de scolarité privée jusqu'à ce que les enfants atteignent l'âge de 21 ans, de soutien scolaire et de thérapies orthophonistes; de même, celles ordonnant que la pension alimentaire au bénéfice des enfants sera réduite de la moitié du montant que M. [W] [D] paiera pour les enfants quand ils seront au collège au titre des frais de pension et de location de chambre ;
* en page 5 de la traduction jurée du jugement du 9 janvier 2004, celles ordonnant à M. [W] [D] de payer une pension alimentaire de 25 000 dollars US par mois net d'impôts en ce qui concerne Mme [G] [J] et non déductible pour le défendeur, avec rétroactivité de la pension au 8 novembre 2001, date de la requête de pension alimentaire, les arriérés dus conformément à l'ordonnance de la Cour du 3 octobre 2003 devant être réglés par échéance de 10 000 dollars US par mois en sus de la somme susmentionnée, jusqu'à complet paiement des arriérés ;
- rejeté toute autre demande,
- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.
Mme [G] [J] a interjeté appel partiel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions du 5 février 2018, Mme [G] [J] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé inopposable en France la décision américaine du 28 juin 2002,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré les décisions américaines des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 non conformes à l'ordre public international en ce qui concerne la liquidation des droits des époux et, statuant à nouveau, de dire que la décision du juge [S] en date du 28 juin 2002 ainsi que les décisions américaines des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 sont opposables dans l'ordre juridique français,
- sur l'appel incident, de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré exécutoires en France les décisions américaines des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 s'agissant des dispositions précitées et visées en page 27 de la traduction jurée du 3 octobre 2003, en page 4 de la traduction jurée du jugement du 9 janvier 2004, en pages 4 et 5 de la traduction jurée du jugement du 9 janvier 2004,et en page 5 de la traduction jurée du jugement du 9 janvier 2004 (relativement aux pensions allouées à l'épouse et aux enfants, à la prise en charge de certains frais concernant les enfants et les arriérés de pensions) ;
- en tout état de cause, de condamner M. [W] [D] aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL 2H et à payer à Mme [G] [J] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
S'agissant de la décision américaine du 28 juin 2002, Mme [G] [J] fait grief au jugement du tribunal de grande instance de Paris d'avoir, sous couvert de la vérification de la conformité à l'ordre public, maintenu le contrôle, pourtant prohibé, de l'application de la loi compétente. Elle fait valoir que le jugement américain, parfaitement motivé, est conforme à l'ordre public international lequel doit s'apprécier dans sa version atténuée et sans qu'il puisse être fait référence à un ordre public de proximité compte tenu des faibles liens de rattachement de l'affaire avec la France. Elle oppose également que les principes de sécurité et de prévisibilité juridiques, en tout état de cause, non violés en l'espèce, mais aussi de liberté des conventions matrimoniales, ne sont pas dotés d'une impérativité internationale forte et ne peuvent permettre la mise en oeuvre de la réserve de l'ordre public international de fond. Elle soutient que les autres critères d'opposabilité du jugement du 28 juin 2002 sont remplis, qu'il s'agisse de la compétence internationale indirecte du juge de l'Etat de New York, de l'absence de fraude ou de la conformité de la décision à l'ordre public international de procédure.
S'agissant de l'exequatur des jugements new yorkais des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 dans leurs dispositions relatives aux pensions alimentaires et à l'assurance médicale des enfants, Mme [G] [J] sollicite la confirmation du jugement du tribunal de grande instance de Paris en faisant valoir que les premiers juges ont exactement retenu que tous les critères de régularité internationale étaient remplis, que l'appréciation effectuée par le juge étranger quant aux capacités contributives des époux ne pouvait être remise en cause et qu'aucune partialité n'était démontrée à l'encontre du juge américain dès lors que les jugements ont été confirmés.
Mme [G] [J] sollicite la confirmation du jugement ayant jugé sa demande d'exequatur partiel recevable, M. [W] [D] ne justifiant pas en quoi les diverses dispositions concernées seraient indivisibles entre elles.
M. [W] [D] demande à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé inopposable en France la décision américaine du 28 juin 2002,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré exécutoires en France les dispositions des décisions américaines des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 relatives aux pensions alimentaires et à la prise en charge des frais médicaux et scolaires des enfants et, statuant à nouveau, de déclarer l'ensemble des dispositions patrimoniales et financières des jugements américains des 28 juin 2002, 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 ainsi que les dispositions du jugement du 9 janvier 2004 relatives à l'autorité parentale contraires à la conception française de l'ordre public international,
- de débouter Mme [G] [J] de sa demande d'exequatur et de toutes ses autres demandes,
- de la condamner aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP AFG avocat et à payer à M. [W] [D] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [W] [D], qui soutient que les décisions américaines, sont indivisibles, fait valoir à l'appui de sa demande l'existence de quatre violations d'ordre public international de fond concernant les mesures patrimoniales.
Il invoque, en premier lieu, le défaut de motif du jugement du 28 juin 2002, celui-ci ne comportant selon lui aucune explication sur le défaut de conformité du contrat notarié de mariage passé en France à la loi de l'Etat de New York dont la conséquence serait la nullité ou son absence de force probante dans cet Etat. Il en conclut que l'exequatur doit être refusé aux décisions des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 réglant les conséquences pécuniaires du divorce sur la base dudit jugement.
Il soutient, en deuxième lieu, que le juge américain a violé le principe tenant au respect de la volonté clairement exprimée des époux quant à la loi applicable à leur régime matrimonial et au choix de ce régime, pilier du droit de la famille français protégé dans le cadre de l'ordre public international, qu'il a été ainsi porté une atteinte inacceptable aux principes de sécurité juridique des époux, de prévisibilité, et de liberté des conventions matrimoniales.
Il fait valoir, en troisième lieu, que la décision américaine, refusant toute efficacité à l'acte notarié français pour vice de forme selon la loi de New York, viole l'ordre public international en ce que le juge étranger n'était pas compétent pour annuler un acte public français, cette compétence étant réservée au juge français, que le droit des parties de conclure un tel acte dans la forme locale est d'ordre public international et que la compétence de la loi du lieu de conclusion de l'acte pour régir sa validité et sa forme, par son ancienneté et son universalité, a fortiori lorsqu'elle est aussi la loi de l'autorité publique qui a dressé l'acte au fond, peut être considérée comme une règle impérative faisant échec à l'exequatur d'un jugement qui la méconnaîtrait. M. [W] [D] soutient également que l'ordre public s'oppose à l'exequatur d'un jugement incompatible avec une décision rendue sur le même objet et entre les mêmes parties dans l'Etat où elle est invoquée, l'acte authentique français devant bénéficier des mêmes garanties compte tenu de ses nombreux points communs avec un jugement ; qu'un jugement étranger annulant un acte public du for est contraire à l'ordre public international.
M. [W] [D] invoque, en quatrième lieu, l'existence d'une atteinte disproportionnée au droit des biens, les jugements américains ayant procédé selon lui à un partage léonin des actifs et des dettes des époux, en violation de l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme, au détriment du mari, victime, y compris s'agissant des pensions alimentaires, de dispositions financières confiscatoires et attentatoires à la liberté de son père de disposer, le patrimoine de celui-ci ayant été confondu avec celui de son fils. Il fait grief également aux décisions américaines d'avoir tenu compte de la vocation successorale du mari en ignorant, par ailleurs, le patrimoine familial de l'épouse.
S'agissant des mesures relatives aux enfants, M. [W] [D] estime qu'elles portent atteinte, sans raison valable, au principe de l'autorité parentale conjointe et sont donc contraires à la conception française de l'ordre public international.
S'agissant enfin de l'ordre public de procédure, M. [W] [D] entend faire constater la partialité de la juge [P], connue pour ses positions ultra-fémnistes et qui aurait adopté une attitude partiale et hostile à son égard caractérisée par des incidents d'audience, le refus d'auditions de témoins, le rejet de pièces et d'offres de preuve de la part du mari, comportement qui a également concerné le père du mari, M. [H] [D].
Le ministère public, par un avis communiqué aux parties, conclut à la confirmation du jugement aux motifs, s'agissant de la demande d'inopposabilité du jugement du 28 juin 2002, que la décision américaine ne respecte pas le choix des époux relatif à leur régime matrimonial et qu'elle ne peut écarter l'application d'un acte authentique reçu par un officier public et revêtu de la force exécutoire. S'agissant des jugements des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004, le ministère public est d'avis que la demande d'exequatur partiel est recevable et que la prise en compte du patrimoine du père de M. [W] [D] pour fixer le montant de la pension alimentaire due à Mme [G] [J] ainsi que le principe de la coparentalité ne sont pas des principes de justice universelle comme doués d'une valeur internationale absolue pouvant justifier un refus d'exequatur.
MOTIFS
Considérant que pour accorder l'exequatur hors de toute convention internationale, le juge français doit s'assurer que trois conditions sont remplies à savoir la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, l'absence de fraude à la loi et la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure ;
Sur la compétence indirecte du juge américain
Considérant que la compétence indirecte de la juridiction américaine, saisie du divorce de M. [W] [D] et Mme [G] [J], résulte du fait que ces derniers ont toujours résidé à [Localité 4] du temps de la vie commune, que Mme [G] [J] est de nationalité américaine comme les deux enfants communs, nés aux Etats-Unis, et que le patrimoine immobilier du couple, à la date de la demande en divorce, était situé aux Etats-Unis ;
Que ces éléments suffisent à établir l'existence d'un lien de rattachement entre le litige et le juge américain dont la saisine ne revêt aucun caractère frauduleux ;
Sur l'absence de fraude
Considérant que l'existence d'une fraude à la loi consistant en des manoeuvres visant à éluder l'application de la loi française n'est ni alléguée ni établie ;
Sur la conformité des décisions litigieuses à l'ordre public international
Sur l'ordre public de procédure
Considérant que saisi par M. [W] [D] d'une demande tendant à voir dire le contrat de mariage français valide et applicable, le juge américain a tout d'abord recherché la loi applicable à la conclusion, l'interprétation et la validité des contrats en retenant que, si les tribunaux avaient traditionnellement recours au droit du lieu de conclusion du contrat, une conception plus moderne avait cours dans l'Etat de [Localité 4] faisant référence au droit du lieu où se situent les contacts les plus importants et qui est le plus intéressé à l'issue du litige ; que le juge américain a ensuite caractérisé l'abondance des liens de l'affaire avec l'Etat de [Localité 4] avant d'en conclure que celui-ci avait beaucoup plus intérêt que la France à faire usage de son propre droit pour déterminer la validité et l'applicabilité d'un contrat de mariage entre ses résidents ; qu'il a ensuite énoncé qu'en vertu de la loi sur les relations domestiques § 236 (B) (3) selon laquelle 'une convention entre les parties conclue antérieurement au mariage ou pendant la durée de celui-ci est valide et applicable dans le cadre d'une action matrimoniale si ladite convention est écrite, signée par les parties et constatée ou prouvée de la manière requise pour permettre l'enregistrement d'un acte' et que ' sans la constatation en bonne et due forme requise, qui manque dans le cas de la convention conclue entre les parties, le Contrat de mariage était nécessairement invalide ;
Considérant que c'est donc à tort que M. [W] [D] soutient que la décision américaine du 28 juin 2002 est dépourvue de motivation ;
Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont déclaré inopérant le moyen invoqué par M. [W] [D] tiré d'une violation de l'ordre public international de procédure en se prévalant de l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme qui garantit le droit à un procès équitable comprenant le droit d'être jugé par un tribunal impartial ; qu'il ont à cet égard justement retenu que les jugements dont l'exequatur était demandé ayant été frappés d'appel - et (pour l'essentiel) confirmés - il s'en déduisait que d'autres magistrats que le juge [P], dont la partialité est alléguée, avaient eu à connaître du litige ;
Que la critique formulée par M. [W] [D] selon laquelle l'appel aux Etats-Unis n'a pu 'purger' la procédure américaine des vices allégués dès lors qu'un tel recours n'opère aucun effet dévolutif et n'entraîne donc aucun réexamen des éléments de fait, n'est justifiée par aucune pièce ; qu'une telle analyse est par ailleurs contredite par le fait que, conformément aux indications données par M. [W] [D], la cour d'appel de l'Etat de New York a infirmé partiellement le jugement de divorce en ce qu'il avait valorisé l'assistance de l'épouse à l'aménagement et à la décoration de l'appartement de [Localité 4] et a supprimé en conséquence l'octroi au profit de celle-ci de la somme de 356 250 dollars US ;
Considérant au surplus que les décisions prises par la Juge [P] concernant la répartition des biens entre les époux et les pensions alimentaires dues à Mme [G] [J] et pour l'entretien et l'éducation des enfants s'appuient non sur des considérations générales tenant au sexe des parties ou à leur nationalité mais à des critères divers et propres à l'affaire tenant en particulier au train de vie de la famille pendant le mariage, aux choix professionnels faits en commun pendant l'union, aux perspectives de chacun des époux dans ce domaine en relevant que les enfants communs résident au domicile de leur mère, aux situations financières et de revenus des parties, aux besoins des enfants ; que les observations formulées par la juge [P] à l'égard du mari et de son père quant à leur défaut de crédibilité ne sauraient caractériser, comme le soutient l'intimé, un manque de partialité voire une hostilité à leur encontre alors que cette critique se limite à certaines de leurs affirmations, notamment celles tenant à la propriété de l'appartement de [Localité 4], jugées contradictoires avec d'autres éléments tirés du dossier ;
Qu'il s'ensuit qu'aucune violation de l'ordre public de procédure ne peut être retenue ;
Sur l'ordre public international de fond
Considérant, d'une part, que lorsqu'il s'agit de donner effet en France à des droits régulièrement acquis à l'étranger, l'ordre public n'intervient que par son effet atténué et que seul un degré élevé de contrariété aux conceptions françaises peut justifier une intervention de l'ordre public; que, d'autre part, l'ordre public de proximité n'est pas en cause en l'espèce, seuls le mariage et le contrat de mariage, ainsi que la nationalité du mari rattachant le litige à la France alors que Mme [G] [J] est de nationalité américaine, que les époux ont toujours résidé aux Etats-Unis où sont nés les deux enfants et où se situaient leurs actifs immobiliers au jour de la demande en divorce ;
Considérant que M. [W] [D] relève à juste titre que la décision d'écarter l'application du contrat de mariage français remet en cause le choix des époux de soumettre leur union au régime matrimonial français de la séparation des biens, avec toutes les conséquences qui en découlent sur le plan de la qualification des biens et des modalités de liquidation ;
Mais considérant que le fait pour une décision étrangère d'écarter l'application d'un acte notarié français ne constitue pas, en soi, une violation de l'ordre public international français ;
Considérant qu'un contrat de mariage notarié n'est pas assimilable à un jugement; que c'est donc en vain que M. [W] [D] invoque l'éventuelle contrariété de la décision étrangère avec un tel acte ;
Considérant qu'est également inopérant le moyen selon lequel le juge américain n'était pas compétent pour statuer sur la validité de l'acte notarié français dès lors, d'une part, que la compétence indirecte de la juridiction américaine pour statuer sur le divorce des parties et ses conséquences, laquelle s'étend nécessairement aux questions incidentes telle la nature du régime matrimonial en cause, est acquise, d'autre part, que c'est sur la saisine de M. [W] [D] lui-même que le juge américain [S] a été appelé à se prononcer sur 'la validité et l'applicabilité' dudit contrat, enfin, que la décision américaine tend moins à l'annulation du contrat qu'à en écarter l'application effective au litige au regard du droit américain ;
Considérant, de même, que le principe de la liberté des conventions matrimoniales, s'il est d'ordre public en droit interne, et les objectifs de sécurité juridique et de prévisibilité invoqués en l'espèce ne sont pas de nature, en tant que tels, à justifier la non reconnaissance en France d'une décision étrangère prise conformément au régime matrimonial applicable sur son territoire; que les exigences de l'ordre public international doivent à cet égard être appréciées de manière concrète, dans les résultats induits par la décision étrangère ;
Considérant que M. [W] [D] fait valoir à ce titre que la 'distribution équitable' réalisée par le juge américain attribuant à Mme [G] [J] 75% des biens qualifiés de communs et 25 % à M. [W] [D], ainsi que les dispositions relatives au passif du couple aboutissent à un résultat manifestement disproportionné par rapport aux données de l'affaire; qu'il dénonce le caractère tout autant 'confiscatoire' à son égard des décision relatives aux pensions alimentaires ;
Mais considérant que M. [W] [D] ne communique aucun élément permettant d'apprécier le caractère disproportionné des décisions rendues par rapport à la réalité de sa situation financière et patrimoniale ;
Que les critères retenus par le juge pour décider des modalités de la distribution des biens visent, au delà des revenus et charges des parties, les conséquences des choix communs faits pendant le mariage durant lequel il est dit que M. [W] [D] a obtenu des diplômes, développé diverses activités professionnelles à [Localité 4] et une expérience valorisable à l'avenir, contrairement à l'épouse ;
Considérant qu'il n'appartient pas au juge de l'exequatur de se substituer au juge étranger dans l'appréciation qu'il a pu faire des pièces qui lui étaient soumises ; qu'il en est de même des éléments de train de vie constants auxquels le juge a fait expressément référence, entre autres critères, pour fixer les pensions alimentaires dues à l'épouse et aux enfants, quand bien même aurait-il intégré les aides familiales perçues par M. [W] [D] au motif de leur caractère récurrent ;
Considérant que c'est donc à tort que les premiers juges ont dit inopposable en France la décision rendue par le juge [S] le 28 juin 2002 ;
Qu'il convient, par voie de conséquence, de dire opposables en France les dispositions des jugements rendus par la Cour Suprême de l'Etat de New York les 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 relatives à la liquidation des droits de M. [W] [D] et Mme [G] [J] ;
Considérant que la décision sera confirmée en ce qu'elle a dit exécutoire en France les dispositions détaillées dans son dispositif telles qu'issues de la 'page 27 de la traduction jurée du jugement du 3 octobre 2003", de la 'page 4 de la traduction jurée du jugement du 9 janvier 2004", des 'pages 4 et 5 de la traduction jurée du jugement du 9 janvier 2004" et de la 'page 5 de la traduction jurée du jugement du 9 janvier 2004" ;
Que c'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu, au motif tiré de l'indivisibilité, que l'exequatur des dispositions du jugement du 9 janvier 2004 relatives aux frais des enfants incombant à M. [W] [D] devait s'étendre aux dispositions relatives aux frais de leçons de musique laissés, par le juge américain, à la charge exclusive de Mme [G] [J] ;
Considérant que M. [W] [D] demande également que les dispositions du jugement de divorce américain du 9 janvier 2004 relatives à l'autorité parentale soient jugées contraires à la conception française de l'ordre public international en relevant, d'une part, le caractère très limité du droit qui lui a été reconnu d'entretenir des contacts avec les enfants tout au long de l'année scolaire, d'autre part, la violation, sans raison valable, des principes d'exercice conjoint de l'autorité parentale auquel seuls des motifs graves permettent de déroger, et d'égalité des droits et responsabilité des parents dans le cadre de leurs relations avec les enfants ;
Mais considérant qu'il n'appartient pas au juge de l'exequatur de réviser la décision étrangère ni d'en apprécier le bien fondé ; qu'il y a lieu d'observer que la décision américaine relativement au droit de visite et d'hébergement du père, dont l'éloignement géographique est rappelé, a été prise 'conformément à l'accord des parties' et qu'elle ménage pour M. [W] [D] des rencontres régulières avec ses enfants pendant l'année scolaire et les vacances ; que, s'agissant des modalités d'exercice de l'autorité parentale, les jugements américains des 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004 prévoient, en s'appuyant sur les recommandations du psychiatre 'désigné par la cour en qualité d'expert indépendant', que la décision finale appartiendra à la mère ; qu'ils relèvent, d'une part, les mauvaises relations entre les parents qui ne sont pas parvenus pendant la procédure de divorce à discuter sur les questions d'éducation, d'autre part, l'intérêt pour les enfants d'éviter des conflits constants concernant leur vie ; que le devoir de consulter le père, 'de prendre ses préférences et préoccupations et d'essayer de l'inclure dans les événements significatifs de la vie des enfants' est rappelé ;
Qu'au vu de ces éléments, c'est à juste titre et par des motifs que la cour adopte, que les premiers juges ont rejeté la demande de M. [W] [D] tendant à voir dire inopposables en France les mesures relatives à l'autorité parentale en retenant que les décisions américaines n'étaient pas contraires aux principes fondamentaux du droit de la famille alors que les droits paternels étaient garantis et l'intérêt des enfants préservé;
Sur les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que M. [W] [D], qui succombe en cause d'appel, sera condamné aux dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives au jugement du 28 juin 2002 du juge [S] ;
Statuant à nouveau de ce chef :
Déclare opposable en France la décision américaine du juge [S] en date du 28 juin 2002 ;
En conséquence, dit également opposables en France les dispositions des décisions américaines du juge [P] relatives à la liquidation des droits patrimoniaux des parties ;
Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne M. [W] [D] aux dépens en cause d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE