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03/04/2018 | FRANCE | N°14/02458

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 03 avril 2018, 14/02458


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 03 Avril 2018

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/02458



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Janvier 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 13/00035





APPELANTE



SARL ETAMPES DIS

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Localité 1]

N° SIRET : 409 888 773



représe

ntée par Me Stéphanie GIRAUD, avocat au barreau de LYON, toque : 688







INTIME



Monsieur [O] [H]

[Adresse 3]

Avenue du 8 mai 1945

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 2]



com...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 03 Avril 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/02458

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Janvier 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 13/00035

APPELANTE

SARL ETAMPES DIS

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Localité 1]

N° SIRET : 409 888 773

représentée par Me Stéphanie GIRAUD, avocat au barreau de LYON, toque : 688

INTIME

Monsieur [O] [H]

[Adresse 3]

Avenue du 8 mai 1945

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Carole VERCHEYRE GRARD, avocat au barreau de PARIS, toque : G0091 substitué par Me Aude DESCAMPS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre

Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [O] [H] a été engagé par la société ETAMPES DIS, enseigne LECLERC, le 23 mars 2009, en qualité d'employé commercial vendeur. Après avoir été convoqué à un entretien préalable qui s'est déroulé le 5 décembre, avec mise à pied conservatoire, il a été licencié pour faute grave par lettre du 11 décembre 2012 énonçant le motif suivant :

'Le samedi 24 novembre 2012, vous étiez de fermeture. La fermeture du rayon traiteur implique de filmer, ranger les produits en chambre froide.

Le lundi 26 novembre lors de l'ouverture de ce même rayon des constats d'irrégularités ont été trouvés :

-Les produits (tels que boudin noir et rillettes) ont été stockés non filmés dans le laboratoire (8.8°C) et non dans la chambre froide (max 4°C) donc le risque de prolifération bactérienne était très grand.

-Un container poubelle était présent dans le laboratoire alors que c'est interdit ;

-Un plat de choucroute a été stocké hors chambre froide sur une palette de bois à proximité d'un container poubelle ouvert et d'un sac poubelle éventré au sol.

Un tel comportement peut non seulement avoir de graves conséquence pour la santé de notre clientèle mais également des conséquences pénales pour notre entreprise.

Les explications que vous nous avez fournies lors de l'entretien du 5 décembre 2012 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Nous vous avions pourtant déjà alerté sur la nécessité de respecter les règles et consignes de travail d'hygiène et de sécurité.

Dans ce contexte, nous ne voyons pas que vous puissiez modifier votre comportement et, en conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.

La convention collective applicable à a relation de travail est celle du commerce à prédominance alimentaire.

Le 14 janvier 2013, monsieur [H] a saisi le Conseil de Prud'hommes d'Evry pour contester son licenciement et en paiement de diverses sommes.

Par jugement du 28 janvier 2014, le Conseil de prud'hommes a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixé la moyenne des salaires à 1.462,38 Euros et condamné la société à payer à monsieur [H] les somme suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2013 :

- 1.135,78 Euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 2.924,76 Euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents -711,93 Euros au titre de la mise à pied et les congés payés afférents

-1,496,92 Euros au titre de la prime annuelle 2012.

La société ETAMPES DIS a également été condamnée à payer à monsieur [H] 11.699,04 Euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 1.000,00 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Conseil de Prud'hommes a débouté les parties du surplus de leurs demandes et ordonné la transmission du jugement à Pole Emploi.

La société ETAMPES DIS a relevé appel de ce jugement le 27 février 2014.

Par conclusions visées au greffe le 14 février 2018 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société ETAMPES DIS demande à la cour d'infirmer le jugement sur les condamnations prononcées et de débouter monsieur [H] de l'intégralité de ses demandes ; subsidiairement de dire que le jugement repose à tout le moins sur une cause réelle et sérieuse, de débouter monsieur [H] de sa demande de dommages et intérêts et de ramener le montant de l'indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis respectivement à 1.156,94 Euros et 2.993,84 Euros outre les congés payés afférents.

Elle sollicite condamnation de monsieur [H] à lui payer 2.500 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par conclusions visées au greffe le 14 février 2018 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [H] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le rappel de salaires pendant la mise à pied et le rappel de primes, de l'infirmer sur le surplus, de fixer son salaire moyen à 1.595,20 Euros et de condamner la société ETAMPES DIS à lui payer les sommes suivantes avec intérêts aux taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et anatocisme :

-3.190,40 Euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents,

-1.238,94 Euros à titre d'indemnité de licenciement,

-28.713,60 Euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-149,69 Euros à titre de congés payés afférents à la prime annuelle de 2012,

-1.500 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la non application du dispositif de portabilité des garanties de la prévoyance,

-634,17 Euros à titre de rappel de salaire pour les mois de novembre et décembre 2011 et les congés payés y afférents ;

-28,72 à titre de rappel de salaire pour les mois de mai et juin 2012 et les congés payés y afférents,

- 1.789,00 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

MOTIFS

Sur la faute grave

La faute grave est celle qui résulte de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations du contrat ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. Le licenciement doit être fondé sur des éléments objectifs, vérifiables et imputables au salarié ;

Il appartient à l'employeur seul, lorsqu'il invoque la faute grave, d'en apporter la preuve et lorsqu'un doute subsiste, il profite au salarié ;

Il ressort des diverses attestations produites de part et d'autre et il n'est pas contesté que, contrairement à ce qui est indiqué dans la lettre de licenciement, ce n'est pas monsieur [H] qui était de fermeture le 24 novembre, mais sa collègue madame [R] ; que monsieur [U], son supérieur hiérarchique lui a demandé de venir aider celle-ci à effectuer la fermeture et vider les rayons qu'une société extérieure devait venir nettoyer pendant la nuit ; monsieur [H] devait terminer son travail à 18 heures et, après être rentré chez lui, est revenu à 20 heures 09 ; il a quitté les lieux à 20 heures 51 ;

Les diverses irrégularités, telles que décrites dans la lettre de licenciement, ont été constatées par le formateur produit frais, monsieur [T] le lundi matin à 8 heures 45 .

Monsieur [H] prétend n'avoir filmé que les plats cuisinés et les salades, sans toucher au boudin ni aux rillettes qui auraient dû être rangés dans la chambre froide par madame [R] ; celle-ci indique dans son attestation, qu'elle ne s'était occupée que des fromages sans prendre part au rangement des produits dans les rayons traiteur et charcuterie ; dès lors que monsieur [H] avait accepté de venir aider sa collègue, il devait s'assurer que le filmage et le rangement des produits dans le rayon traiteur était correct ; ce manquement à des règles sanitaires élémentaires, au sujet duquel il avait déjà été sanctionné par un avertissement, est donc constitutif d'une faute justifiant le licenciement ;

Néanmoins, il appartenait à la société, dès lors qu'elle avait demandé à monsieur [H] de revenir après ses heures de travail, de lui donner de consignes précises sur le travail à effectuer, et de définir avec lui le temps de travail supplémentaire nécessaire et la responsabilité des deux salariés quant à leur tâches respectives concernant le vidage des rayons ; le comportement de monsieur [H] doit être apprécié dans ce contexte et s'il présente un caractère fautif certain, il ne justifiait pas, du fait des circonstances ci-dessus décrites, la rupture immédiate du contrat de travail ;

Le salaire brut mensuel moyen de monsieur [H] perçu au cours des 12 derniers mois précédant la rupture, incluant la prime annuelle payée en décembre 2011, était de 1.590,20 Euros comme il le fait valoir ;

La faute grave n'ayant pas été retenue, le jugement doit être confirmé sur le rappel de salaires pendant la mise à pied ;

En application de la convention collective applicable, monsieur [H] a droit à une indemnité compensatrice de préavis représentant deux mois de salaires, soit 3.180,40 Euros et les congés payés afférents ;

Pour déterminer le montant de l'indemnité de licenciement, l'ancienneté du salarié s'apprécie à la date d'expiration du préavis, qu'il ait ou non été exécuté, si bien qu'il convient de faire droit à la demande de monsieur [H] sur la base d'une ancienneté de 3 ans, 10 mois et 18 jours ;

Sur la prime annuelle de fin d'année

Selon les dispositions de l'article 3-7 de la convention collective applicable, les salariés ont droit au paiement d'une prime annuelle, égale à 100% du salaire forfaitaire mensuel, dès lors qu'ils sont titulaires d'un contrat de travail en vigueur au moment de son versement ;

En l'espèce, il n'est pas contesté que cette prime était versée au 31 décembre de chaque année; dès lors que le contrat de travail de monsieur [H] été rompu le 11 décembre 2012, et quel que soit le motif de la rupture, monsieur [H] n'avait pas droit au versement de cette prime, le jugement étant infirmé de ce chef ;

Sur le maintien du salaire pendant l'arrêt de travail

L'article L.1226-1 du code du travail prévoit une indemnité complémentaire à l'allocation journalière en cas d'absence pour maladie ou accident pour les salariés ayant plus d'un an d'ancienneté dans l'entreprise, à condition, notamment, d'avoir justifié dans les 48 heures de cette incapacité ; la société ETAMPES DIS prétend que cette dernière condition n'est pas remplie;

Au vu des pièces produites, monsieur [H] a été en arrêt de travail suite à un accident du travail le 1er novembre 2011, qui a été déclaré comme tel par l'employeur à la caisse primaire, laquelle a versé des indemnités journalières pour accident du travail pendant la période du 1er novembre 2011 au 3 janvier 2012. Monsieur [H] a donc nécessairement informé l'employeur de cet accident, lequel s'abstient de verser aux débats la déclaration d'accident du travail ;

Par ailleurs, le droit à l'allocation prévue par l'article L 1226-1 n'est pas subordonné au paiement des indemnités journalières, si bien que l'argumentation de la société selon laquelle monsieur [H] ne lui aurait pas transmis ses relevés IJJS est inopérante ;

Enfin la société ETAMPES DIS ne conteste pas que la journée du 1er novembre n'a pas été réglée, le fait que la journée du 1er janvier 2012 ait été intégralement payée à l'intéressée qui n'y aurait pas eu droit n'étant pas de nature à faire échec à son droit à être payé pour le travail effectif réalisé ;

Il convient, en conséquence, de faire droit à la demande de monsieur [H] sur la maintien du salaire, formée à hauteur d'appel ;

Sur la portabilité de la mutuelle

L'ANI du 11 janvier 2008 (étendu par l'arrêté du 23 juillet 2008, puis modifié par avenant du 18 mai 2009, lui-même étendu par arrêté du 7 octobre 2009) a établi un mécanisme de portabilité des garanties des couvertures santé et prévoyance afin de garantir le maintien de l'accès à certains droits liés au contrat de travail en cas de rupture de celui-ci ;

Le dispositif de portabilité était expressément rappelé dans la lettre de licenciement, ainsi que la nécessité pour l'intéressé d'adresser à la société le montant de la cotisation salariale correspondante, versement que monsieur [H] ne justifie pas avoir effectué ;

C'est donc à juste titre que la société ETAMPES DIS a demandé à la mutuelle de résilier la garantie; le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté monsieur [H] de ce chef de demande

Sur le rappel de salaire au titre des minima conventionnels

Il convient de faire droit à la demande de monsieur [H] à ce titre, laquelle correspond à la différence entre le salaire qui lui a effectivement été payé et celui résultant de minima conventionnels à compter du mois de mai 2012, la société ETAMPES DIS n'émettant d'ailleurs aucune contestation sur ce point ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu'il a écarté la faute grave, sur le rappel de salaires au titre de la mise à pied, les sommes allouées au titre de l'article 700 et en ce qu'il a débouté monsieur [H] de sa demande de dommages et intérêts du fait de la non application du dispositif de portabilité,

L'infirme sur le surplus et statuant à nouveau ;

Dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société ETAMPES DIS Enseigne E.LECLERC à payer à monsieur [H] sur la base de son salaire brut mensuel moyen de 1.595,20 Euros, les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2013 :

- 3.190,40 à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 319,04 Euros pour les congés payés afférents ;

- 1.238,94 Euros à titre d'indemnité de licenciement ;

Ajoutant au jugement ;

Condamne la société ETAMPES DIS à payer à monsieur [H], avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2016 :

- 634,17 Euros à titre de complément de salaires pendant l'arrêt de travail et la journée du 1er novembre et 63,41 Euros pour les congés payés afférents

- 28,72 Euros à titre de rappel de salaires pour le mois de mai et juin 2012 et 2,87 Euros pour les congés payés afférents ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions prescrites par l'article 1343-2 du code civil;

Laisse à chacune des parties a charge de ses dépens

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 14/02458
Date de la décision : 03/04/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°14/02458 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-03;14.02458 ?
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