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30/03/2018 | FRANCE | N°13/07168

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 30 mars 2018, 13/07168


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 30 Mars 2018



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/07168



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juin 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 11-01859





APPELANTE

EPIC [Établissement 1]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

représentée par Me Oma

r YAHIA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0068





INTIMEE

CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS (BOBIGNY)

[Adresse 4]

[Adresse 5]

[Adresse 6]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, t...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 30 Mars 2018

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/07168

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juin 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 11-01859

APPELANTE

EPIC [Établissement 1]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

représentée par Me Omar YAHIA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0068

INTIMEE

CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS (BOBIGNY)

[Adresse 4]

[Adresse 5]

[Adresse 6]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 7]

[Adresse 8]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre

Mme Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseillère

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Fatoumata BA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par le [Établissement 1] à l'encontre d'un jugement du 20 juin 2013 du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 août 2010, le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile de France a avisé le [Établissement 1], de l'organisation et du déroulement d'un contrôle externe de la tarification à l'activité (T2A), 'sur site, entre août 2010 et mars 2011".

Le 31 août 2010, le pôle contrôle de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis a avisé l'établissement que le contrôle aurait lieu à partir du 25 octobre 2010 à 9h.

Du 25 octobre 2010 au 17 novembre 2010, cinq médecins conseils, les Docteurs [F], [X], [Q], [P] et [A], ont donc procédé à un contrôle sur pièces et sur place des données informatiques de l'activité du [Établissement 1] au titre de l'année civile 2009, dans le cadre de la tarification à l'activité.

A l'issue de ce contrôle, qui a porté sur un total de 261 dossiers médicaux, les médecins contrôleurs ont relevé des manquements aux règles de facturation et de codage dans 193 dossiers relevant du régime général :

' Sur 55 dossiers : « GHS (groupe homogène de séjour) : manquement aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l'article L.162-22-6. Relève de la facturation d'un SE»

' Sur 48 dossiers : « GHS - manquement aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l'article L.162-22-6. Prise en charge de moins d'une journée : conditions de facturation énoncées dans l'arrêté du 19 février 2009 non remplies : article 6-I-9° » ;

' Sur 73 dossiers : « GHS - erreur de codage. DP : non-respect des règles de codage du guide méthodologique de production des résumés de sortie » ;

' Sur 14 dossiers : « GHS - erreur de codage. DAS : non-respect des règles de codage du guide méthodologique de production des résumés de sortie » ;

' Sur 3 dossiers : « GHS - manquement aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l'article L.162-22-6 - Non présentation d'un élément du dossier médical justifiant la prestation ».

Le 19 novembre 2010, les médecins-conseils ont transmis un rapport sur ces manquements au [Établissement 1], auquel la directrice a répondu dans une lettre du

8 décembre 2010, avec les observations circonstanciées du Docteur [N] [J], responsable du département d'information médicale (DIM), et des cliniciens , responsables des activités visées par le contrôle, les Docteurs [D], [H], [W], [C] et [B].

Le Docteur [E] [L], membre de l'unité de coordination régionale du contrôle externe (UCR), a le 20 janvier 2011, renvoyé le rapport définitif, avec les observations suivantes:

'Vous trouverez ci-joint le rapport définitif dans lequel 219 séjours présentent une anomalie de facturation.

J'adresse par courrier séparé à votre médecin du DIM le détail des avis de l'UCR et des réponses de l'ATIH concernant les thématiques en litige.

Dans ses commentaires le médecin DIM met l'accent sur l'utilisation importante du code Z 088 par les médecins-conseils. L'UCR n'a pas justifié cette position des médecins-conseils en se référant à la réponse ATIH de la foire aux questions (26 129). Cependant, avec la version 11 des GHM (V 11), l'utilisation d'un code Z en DP pour le deuxième RUM, à la place de la répétition du DP du premier RUM est sans incidence sur le groupage des séjours, puisque l'algorithme privilégie le DP du premier RUM. Les changements de DP effectués par l'UCR ont été sans incidence sur le groupage des séjours.

Après validation, l'UCR est revenu au codage initial de l'établissement pour seulement deux séjours de l'activité 0 jour et 6 séjours d'hospitalisation complète.

Le pourcentage d'anomalies de facturation reste donc très élevé.

Par ailleurs, la V11 a augmenté le nombre de codes complications (multiplié par deux) en particulier pour tenir compte des situations de précarité des patients, notamment de certains établissements publics.

Nous allons donc procéder au calcul des indus, tel que prévu par les textes'

Il doit être précisé qu'un RUM est un résumé d'unité médicale et un DP un diagnostic principal.

A la suite de l'envoi de ce rapport définitif, le 20 avril 2011 la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, caisse pivot, a notifié un indu d'un montant de 232.564,11€, en son nom propre et au nom et pour le compte de quatre autres caisses, en donnant un délai d'un mois à l'établissement pour s'acquitter de cet indu.

La caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis a envoyé au comptable de la trésorerie générale du [Établissement 1] une mise en demeure datée du

4 juillet 2011 d'avoir à régler la somme en principal, assortie de la majoration automatique, d'un montant de 255.820,52€.

Le 28 juillet 2011, le [Établissement 1] a saisi la commission de recours amiable de la caisse. En l'absence de réponse de cette commission, il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, en demandant notamment qu'une expertise soit ordonnée.

Par jugement du 20 juin 2013 le tribunal a :

- débouté le [Établissement 1] de sa demande d'expertise,

- déclaré régulière la procédure de contrôle et de recouvrement,

- déclaré la notification de l'indu du 20 avril 2011 et la mise en demeure du 4 juillet 2011 régulières,

- déclaré l'action en répétition de l'indu bien fondée,

- dit que la majoration de 10% de l'indu est régulière,

- déclaré bien fondée la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis tendant au recouvrement de la créance de 232.564,11€ majorée de 10%, soit d'un montant total de 255.820,52€ pour la période du 1er mars au 31 décembre 2009,

- débouté le [Établissement 1] de toutes ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision .

Le centre hospitalier Delafontaine a fait appel de ce jugement et a fait soutenir oralement à l'audience par son avocat des conclusions écrites dans lesquelles il demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau, de :

- A titre principal, annuler la notification de payer du 20 avril 2011 et la mise en demeure du 4 juillet 2011 qui font suite à un contrôle entaché d'un défaut d'impartialité,

- A titre subsidiaire, annuler la notification de payer du 20 avril 2011 et la mise en demeure du 4 juillet 2011 irrégulières en raison de l'incompétence de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis pour procéder au recouvrement pour d'autres caisses,

- A titre encore plus subsidiaire, annuler la notification de payer du 20 avril 2011 et la mise en demeure du 4 juillet 2011 au motif que l'indu fait suite à un contrôle mené par des praticiens-conseils non qualifiés, sans contrôle de la pertinence des soins, sur la base de référentiels dépourvus de valeur réglementaire, dans l'ignorance totale des données de santé issues du dossier patient informatisé, et au vu des éléments produits; constater que le [Établissement 1] apporte des justifications aux facturations litigieuses;

- En tout état de cause, condamner la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint-Denis à payer au [Établissement 1] la somme de 4.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le centre hospitalier Delafontaine soutient que ses demandes relatives à l'annulation du contrôle sont parfaitement recevables, que devant le tribunal des affaires de sécurité sociale la demande tendant à l'annulation de la demande en répétition de l'indu et plus particulièrement de la mise en demeure avait déjà été présentée, que la demande d'annulation du contrôle est un moyen nouveau et non une prétention nouvelle et est donc recevable, qu'en outre le [Établissement 1] avait déjà invoqué les irrégularités du contrôle devant les premiers juges.

Sur les irrégularités du contrôle, il rappelle que, aux termes de l'article R.162-42-8 du code de la sécurité sociale, les membres de la commission de contrôle ne peuvent pas siéger lorsqu'ils ont un intérêt personnel ou direct à l'affaire qui est examinée et soutient qu'en conséquent, le fait que M. [P] [Y], soit membre titulaire de la commission de contrôle chargée de la programmation de contrôle visant des établissements de santé situés dans le ressort de la caisse qu'il a dirigée rend les délibérations de celle-ci nulles.

Il fait valoir que le rapport envoyé le 19 novembre 2010 n'est pas daté et ne mentionne pas le point de départ du délai de 15 jours pour que l'hôpital présente ses observations, qu'ainsi il doit être annulé.

Il rappelle que l'Etat et l'assurance maladie se sont engagés aux termes de la 'charte des engagements de l'assurance maladie, de l'Etat et des établissements contrôlés pour les contrôles contentieux de la tarification à l'activité des établissements de santé' à ce que les contrôles soient réalisés avec compétence, rigueur et professionnalisme respectant les principes d'objectivité, de neutralité et d'impartialité; il soutient que cela n'a pas été le cas en l'espèce puisque les praticiens-conseils ne sont pas objectifs, ni même neutres, dès lors qu'ils sont placés dans un rapport de subordination vis-à-vis de la CNAMTS et qu'ils ont un dispositif d'intéressement basé sur un taux de performance locale mesuré à partir d'indicateurs parmi lesquels les taux de séjour contrôlés.

Sur la nullité de la notification d'indu et de la mise en demeure, il soutient que :

- la notification d'indu serait nulle d'une part parce qu'adressée au comptable et non au directeur de l'établissement et d'autre part parce que mentionnant seulement l'obligation de payer dans le délai d'un mois et non la possibilité de faire des observations,

- la notification d'indu et la mise en demeure seraient nulles parce qu'adressées au trésorier de l'hôpital et non au directeur et qu'elles ne seraient pas signées du directeur de la caisse primaire d'assurance maladie,

- la mise en demeure serait nulle parce que les deux conditions cumulatives de non paiement de l'indu et de rejet des observations ne seraient pas remplies, aucune observation n'ayant été présentée.

Il prétend que 'l'indépendance juridique et le principe d'autonomie budgétaire et financière des caisses primaires d'assurance maladie qui disposent chacune de la personnalité morale font obstacle à ce qu'une caisse 'pivot', dont le rôle ne concerne que le versement des prestations d'hospitalisation à un établissement de santé pour le compte d'autre caisses, assure une mission identique en matière de demande de répétition de prestations indues', qu'ainsi la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis ne pouvait notifier l'indu pour l'ensemble des caisses concernées.

Sur le fond, il soutient que les hospitalisations étaient toutes parfaitement justifiées, que ses médecins sont des spécialistes contrairement aux médecins conseils qui sont incompétents et se contentent de suivre des référentiels abstraits.

La caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis a fait soutenir oralement à l'audience par son avocat des conclusions écrites dans lesquelles elle demande à la cour de:

- déclarer irrecevables les demandes d'annulation des procédures de recouvrement et de contrôle,

- si ces demandes étaient recevables, constater que les procédures de contrôle et de recouvrement ont été parfaitement régulières et confirmer le jugement déféré,

- condamner le [Établissement 1] au paiement de 4.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que c'est pour la première fois en appel que le [Établissement 1] demande l'annulation du contrôle et que cette demande qui n'avait pas été présentée avant toute défense au fond devant la cour est une exception de procédure et est donc irrecevable.

Elle soutient que les représentants des caisses sont membres de la commission de contrôle de l'ARS et que le directeur général de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis n'a pas d'intérêt personnel à donner un avis favorable à un contrôle.

Elle soutient que si l'ARS n'avait pas indiqué la date précise du contrôle dans son premier courrier, le [Établissement 1] avait été avisé ultérieurement de la date précise dans un temps largement suffisant.

Elle prétend avoir respecté les obligations relatives à la notification du rapport de contrôle telles que prévues par l'article R162-42-10 du code de la sécurité sociale.

Elle fait valoir qu'elle a parfaitement respecté les textes tant en ce qui concerne l'envoi de la notification d'indu que la mise en demeure, que dans la mesure où l'établissement n'avait pas présenté d'observations suite à la notification d'indu, la seule absence de paiement permettait de délivrer la mise en demeure.

Elle prétend que le [Établissement 1] n'apporte pas la preuve que ce ne serait pas le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis qui aurait signé la notification d'indu et la mise en demeure et que celui-ci n'a pas de délégation à produire.

Elle soutient que les articles L133-4 et R133-9-1 du code de la sécurité sociale indiquent que la notification d'indu et la mise en demeure doivent être adressées à l'établissement sans mentionner un destinataire précis et que le destinataire pouvait être le trésorier.

Sur le fond, elle fait valoir que le [Établissement 1] a abandonné les demandes d'expertise et ne conteste plus la majoration de l'indu de 10%, qu'il n'apporte pas d'éléments sérieux permettant de contester l'indu sur le fond et notamment sur la nécessité de procéder à une hospitalisation.

MOTIFS :

Sur la régularité des procédures de contrôle et de recouvrement :

- Sur la recevabilité de la demande d'annulation des ces procédures

Si l'article 74 du code de procédure civile stipule que les exceptions de procédure doivent être soulevées avant toute défense au fond, cet article ne concerne que les exceptions relatives à la procédure judiciaire.

Une demande relative à la nullité de la procédure administrative préalable constitue un moyen nouveau tendant aux mêmes fins que la demande principale.

En l'espèce, la demande du [Établissement 1] relative à l'annulation de la procédure de contrôle et de recouvrement est donc recevable.

- Sur la régularité de la procédure de contrôle

Sur la publication de l'arrêté de nomination des membres de la commission de contrôle postérieurement à la décision d'inclure le [Établissement 1] dans la liste des établissements contrôlés.

Les agences régionales de santé sont des établissements publics de l'Etat à caractère administratif (art. L.1432-1 du code de la santé publique) et l'article L.162-22-18 du code de la sécurité sociale a créé une commission administrative à caractère consultatif, appelée « commission de contrôle », composée à part égale de représentants de l'ARS et de représentants de l'assurance maladie, c'est à dire des caisses primaires d'assurance maladie.

Cette commission a notamment pour objet d'une part de déterminer quels établissements feront l'objet d'un contrôle et d'autre part de déterminer le montant des sanctions.

Dans la mesure où l'arrêté avait été pris, sa non publication au jour où elle a rendu ce qui n'est qu'un avis, sur les établissements hospitaliers à contrôler, l'inobservation des dispositions des articles 162-42-8 et 162-42-9 du code de la sécurité sociale relatives à la mise en place de la commission de contrôle et à la programmation des contrôles de la facturation des frais d'hospitalisation par les établissements de santé n'est pas de nature à elle seule à rendre nul le contrôle effectué, dans la mesure où les prescriptions de l'article L162-42-10 qui garantissent le caractère contradictoire du contrôle ont été respectées, et dans la mesure où, en l'espèce, à la date où le [Établissement 1] a été informé de la date du contrôle et de la composition du collège de médecins contrôleurs, la composition de la commission avait été publiée.

Le [Établissement 1] expose que par courrier du 6 août 2010, le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France a notifié au [Établissement 1] l'organisation et le déroulement d'un contrôle externe de la tarification à l'activité sur pièces et sur place.

Sur la présence du directeur général de la CPAM de Seine-Saint-Denis dans la commission de contrôle de l'ARS

Aux termes de l'article R162-42-8 du code de la sécurité sociale applicable entre avril 2010 et avril 2017, la commission de contrôle de l'ARS était composée de deux collèges :
- Cinq représentants de l'agence régionale de santé, désignés par son directeur général ;
- Cinq représentants des caisses locales d'assurance maladie et du service médical, désignés par le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie.

Ce même article précise in fine que les membres de la commission de contrôle ne peuvent pas siéger lorsqu'ils ont un intérêt personnel ou direct à l'affaire qui est examinée.

En l'espèce, le [Établissement 1] soutient que Monsieur [Y], directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, aurait eu un intérêt personnel ou direct à la programmation d'un contrôle visant le centre hospitalier de Saint-Denis.

Or, plusieurs caisses étaient concernées par ce contrôle et tous les patients hospitalisés au [Établissement 1] ne relevaient pas de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis.

De plus, les représentants des caisses, en ce compris les directeurs, n'ont pas d'intérêt personnel à donner un avis favorable au contrôle, sauf à démontrer un lien particulier avec l'établissement ;

On ne saurait admettre qu'aucun représentant d'une caisse ayant eu à rembourser des soins dans un établissement hospitalier ne puisse siéger à la commission pour donner ce qui n'est qu'un avis, sur un contrôle dans le dit établissement.

La présence de Monsieur [Y] dans une commission qui donne un avis qui de surcroit ne lie pas l'ARS, ne saurait donc entraîner l'annulation de la décision de contrôler le [Établissement 1].

Sur la prétendue absence de notification de la date du contrôle dans la lettre de l'ARS

Aux termes de l'article R162-42-10 du code de la sécurité sociale, l'agence régionale de santé informe l'établissement de santé de l'engagement du contrôle réalisé en application de l'article L 162-22-18-10. Elle précise les activités, prestations ou ensemble de séjours ainsi que la période sur lesquels porte le contrôle, le nom et la qualité des personnes chargées du contrôle et la date à laquelle il commence.

Le [Établissement 1] soutient que l'ARS l'a avisé le 6 août 2010 qu'elle allait procéder à contrôle qui aurait lieu entre août 2010 et mars 2011 et qu'en l'absence de mention de la date exacte, le contrôle serait nul.

Il ne conteste cependant pas qu'elle a été ensuite informée par un courrier du 31 août 2010 de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis de la date précise du début du contrôle, soit le 25 octobre 2010.

Dés lors, dans la mesure où le [Établissement 1] a été informé, dans un premier temps qu'il allait faire l'objet d'un contrôle et de la période de celui-ci, et dans un deuxième temps, dans un délai parfaitement utile (presque deux mois avant), de la date précise du contrôle, il est mal fondé à soutenir que le contrôle serait entaché de nullité faute d'information sur la date de celui-ci.

Sur l'absence de date sur le rapport de contrôle

L'article R162-42-10 dans sa version applicable au moment du contrôle précisait que, à l'issue du contrôle, les personnes chargées de ce contrôle communiquent à l'établissement de santé par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, un rapport qu'elles datent et signent, mentionnant la période, l'objet, la durée et les résultats du contrôle et, le cas échéant, la méconnaissance par l'établissement de santé des obligations définies à l'alinéa précédent. A compter de la réception de ce rapport, l'établissement dispose d'un délai de quinze jours pour faire connaître, le cas échéant ses observations.

En l'espèce le rapport de contrôle a été signé de tous les médecins ayant participé au contrôle. Il mentionne la période, l'objet, la durée et les résultats du contrôle. Il n'a toutefois pas été daté.

Cependant, la lettre d'envoi est bien datée et le rapport a été envoyé avec accusé de réception;

En conséquence, l'absence de date sur le rapport lui-même, qui n'est sanctionnée par aucune nullité, ne peut suffire à entraîner la nullité du rapport, dés lors qu'il est établi que l'établissement a bien disposé de 15 jours après sa réception pour présenter des observations.

Sur l'absence de mention du point de départ pour présenter des observation du rapport de contrôle

La lettre du 19 novembre 2010 accompagnant le rapport, reçue le 23 novembre par l'établissement hospitalier, mentionnait : 'je vous prie de nous renvoyer deux exemplaires du rapport signé avec vos observations dans un délai de 15 jours.... Passé ce délai le rapport sera transmis à l'UCR sans vos commentaires'.

Il convient de rappeler que l'article R162-42-10 dans sa version applicable au moment du contrôle précisait clairement que 'A compter de la réception de ce rapport', l'établissement disposait d'un délai de quinze jours pour faire connaître, le cas échéant, ses observations.

Cependant, la caisse n'avait pas d'obligation de préciser le point de départ du délai.

En outre, il se déduit de l'envoi du rapport avec un moyen permettant d'en préciser la date de réception, que ce ne peut être que celle-ci qui fait courir le délai.

On peut relever enfin que l'hôpital, qui a envoyé ses observations par une lettre datée du 8 décembre 2010, soit le quinzième jour après la date de réception du rapport, n'a subi aucun préjudice résultant de l'absence de précision du point de départ du délai.

Sur l'absence d'objectivité des médecins contrôleurs

L'intéressement des médecins contrôleurs, qui participent à l'objectif de réduction des dépenses de santé, n'est pas en soi de nature à remettre en cause leur impartialité, leur éthique et leur déontologie.

Par ailleurs, le [Établissement 1] n'apporte aucun élément concret prouvant l'absence d'objectivité, de neutralité, et d'impartialité des médecins contrôleurs, qui ont fourni dans leur rapport des arguments étayés, fondés notamment sur des référentiels, qui, tout imparfaits qu'il soient, sont une garantie d'un traitement uniforme.

Il résulte donc de l'ensemble de ces éléments que la procédure de contrôle n'encourt pas la nullité.

Sur la régularité de la procédure de recouvrement

Sur la nullité de la notification d'indu et de la mise en demeure adressées au comptable du trésor de l'établissement

Aux termes de l'article L133-4 du code de la sécurité sociale, l'organisme de prise en charge recouvre l'indu 'auprès de l'établissement' responsable du non respect des règles.

La caisse soutient qu'aucune disposition du code de la sécurité sociale n'impose que la notification d'indu soit adressée au directeur de l'établissement et que la notification ou la mise en demeure qui sont adressées au trésorier, le sont 'à l'établissement'.

Il est cependant incontestable que le trésorier n'a aucun pouvoir de représenter l'établissement et que seul le directeur du centre hospitalier peut être considérée comme ayant cette qualité.

En conséquence, une notification adressée 'à l'établissement' doit l'être à son représentant légal, peu important le silence des textes. D'autant qu'il convient de rappeler qu'au stade de la notification d'un indu de l'article L133-4, la possibilité de présenter des observations ne relève pas de la compétence du trésorier.

Les deux notifications d'indu du 20 avril 2011 et 4 juillet 2011 adressées à l'agent comptable du trésor, n'ont donc pas valablement été délivrées au [Établissement 1] et la nullité de la procédure postérieure au contrôle doit être constatée.

Sur la demande de la CPAM sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS :

La Cour

Infirme le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 20 juin 2013

Et statuant à nouveau,

Constate la nullité de la notification d'indu datée du 20 avril 2011 et de la mise en demeure datée du 4 juillet 2011.

Déboute la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis de toutes ses demandes.

Déboute le [Établissement 1] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 13/07168
Date de la décision : 30/03/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L4, arrêt n°13/07168 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-30;13.07168 ?
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