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28/03/2018 | FRANCE | N°16/11968

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 28 mars 2018, 16/11968


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 28 Mars 2018

(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/11968





Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Juillet 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° F15/03367





APPELANTE



Madame [R] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Yannis JOHN, avocat au barreau de

PARIS, toque : D1334





INTIMEE



SA ASTEELFLASH GROUP

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 484 537 881

représentée par Me Laurent LECANET, avocat au barreau de PARIS





COMPOSITION D...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 28 Mars 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/11968

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Juillet 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° F15/03367

APPELANTE

Madame [R] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Yannis JOHN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1334

INTIMEE

SA ASTEELFLASH GROUP

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 484 537 881

représentée par Me Laurent LECANET, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Christine LETHIEC, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, président

Monsieur Benoit HOLLEAUX, conseiller

Mme Christine LETHIEC, conseiller

Greffier : Mme Aurélie VARGAS, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Laurie TEIGELL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et prétentions des parties

Mme [R] [Z] a été engagée, le 22 juillet 2011, par la SA AsteelFlash GROUP, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, prenant effet le 1er novembre 2011, pour y exercer les fonctions de responsable juridique groupe, statut cadre, position II, coefficient 100, en contrepartie d'une rémunération mensuelle brute de 3 333.33 € pour un forfait annuel de 218 jours de travail.

L'entreprise qui employait, au jour de la rupture, plus de dix salariés, est assujettie à la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Par lettre recommandée adressée le 3 septembre 2013, le conseil de la salariée a informé l'employeur de persistance d'une situation de harcèlement moral, vécue par sa cliente depuis plusieurs mois, en dépit de signalements, et de l'altération de son état de santé.

Le 10 septembre 2013, Mme [R] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le 16 décembre 2013, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail en ces termes :

« ... J'ai le regret de vous informer par la présente , je prends acte de la rupture de mon contrat de travail.

A ce stade, je n'envisage en effet pas comment je pourrais poursuivre plus longtemps dans la société.

Comme vous le savez, j'ai à plusieurs reprises alerté sur les faits de harcèlement moral à mon égard. Devant votre inaction, j'ai été contrainte de saisir le conseil de prud'hommes d'une demande en résiliation judiciaire de mon contrat de travail. Votre seule action a été de me transférer de service et de changer mon hiérarchique direct.

Quant à la personne désignée en tant qu' auteur des faits à mon encontre, elle n'a de toute évidence pas été inquiétée.

Loin de me rassurer, je dois encore subir au quotidien son influence qui, même de manière indirecte, m'affecte dans mon travail et influe sur mon état de santé.

De plus, en guise de dégradation ultime de mes conditions de travail, j'ai eu à déplorer des interrogations de la part de mes collègues sur le point de savoir si j'étais à l'origine de la visite récente de l'inspecteur du travail au sein des locaux.

Il m'est pénible de supporter plus longtemps l'humiliation consistant au final, à me punir moi plutôt que la personne dénoncée, à subir des pressions et à passer aux yeux des collègues comme une simple accusatrice'

Considérez donc ce courrier comme marquant la fin de mon contrat de travail dont je vous considère comme responsable.

Par soucis de diminuer les désagréments éventuels liés à mon départ, je vous indique que la date à laquelle je cesserai de faire partie définitivement de vos effectifs sera le 20 décembre prochain.

Je vous remercie donc de tenir à ma disposition tous les documents liés à la rupture de mon contrat de travail à cette date, afin que je puisse les récupérer avant mon départ ».

Par jugement rendu le 21 juillet 2016, le conseil de prud'hommes de Bobigny, devant lequel Mme [R] [Z], au dernier état de ses demandes, a sollicité que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement d'indemnités à ce titre, a dit que la prise d'acte de la rupture devait s'analyser en une démission, débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes, débouté l'employeur de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution du préavis et d'indemnité pour frais irrépétibles, et condamné la salariée aux dépens.

Le 26 septembre 2016, Mme [R] [Z] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 30 août 2017, Mme [R] [Z] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de dire que la prise d'acte de la rupture est imputable aux manquements de l'employeur et qu'elle produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La salariée sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser les sommes suivantes:

- 9 999 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 999.90 € au titre des congés payés afférents

- 1 333 € au titre de l'indemnité légale de licenciement

- 60 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

- 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance du droit au DIF

- 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 25 avril 2017, la société AsteelFlash GROUP demande à la cour :

- à titre principal, de prononcer la caducité de la déclaration d'appel de Mme [R] [Z]

- à titre subsidiaire, de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle et de condamner Mme [R] [Z] à lui verser la somme de 9 999 € à titre de dommages et intérêts pour inexécution du préavis

- plus subsidiairement, de réduire notablement indemnisations demandées par la salariée

- en tout état de cause de condamner la salariée au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de Me Laurent Lecanet.

Par ordonnance rendue le 25 janvier 2017 par le président de chambre au visa de l'article 905 du code de procédure civile, la clôture a été prononcée avec effet au 13 décembre 2017 et l'affaire fixée à l'audience du 16 janvier 2018.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR QUOI LA COUR

Sur la caducité de la déclaration d'appel

La société AsteelFlash GROUP demande à la cour de prononcer la caducité de la déclaration d'appel de Mme [R] [Z], au motif que la société AsteelFlash GROUP n'ayant pas constitué avocat dans le délai d'un mois, il appartenait à la salariée d'une part de signifier sa déclaration d'appel par huissier de justice, d'autre part de signifier ses conclusions à la société intimée avant le 26 janvier 2017.

Mme [R] [Z], pour sa part, fait valoir que la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées à l'intimée le 26 décembre 2016.

Il a été rappelé supra qu'il a été fait application, par ordonnance rendue le 25 janvier 2017, des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, lesquelles excluent celles des articles 902 alinéa 2, 908 et suivants du même code, de sorte que la caducité de la déclaration d'appel ne peut être encourue.

Sur la rupture du contrat de travail

Selon les dispositions de l'article L. 1231-1 du code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié.

La prise d'acte permet au seul salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements de l'employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite des relations contractuelles.

Lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits imputables à son employeur, cette rupture produit, immédiatement, les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur, étant rappelé que la lettre par laquelle le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et cesse son travail, à raison de manquements de son employeur à ses obligations, ne fixe pas les termes du litige et ne lie pas les parties et le juge et qu'à l'appui de sa prise d'acte, le salarié peut se prévaloir d'autres faits au cours du débat probatoire.

Il convient d'analyser les griefs reprochés par la salariée à son employeur.

Mme [R] [Z] affirme qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique et elle reproche à l'entreprise d'avoir laissé perdurer cette situation, en manquant à son obligation de sécurité alors même qu'elle en était informée.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [R] [Z] affirme avoir été victime, au quotidien, du comportement agressif et d'humiliations de la part de son supérieur hiérarchique, M. [G] [M] et qu'elle a du faire face à une dépression liée à ses conditions de travail.

Les courriels des 2 et 4 juillet 2012 échangés entre les intéressés concernent le départ d'une stagiaire au motif, selon la salariée, que cette stagiaire ne supportait plus la pression mais à la demande de M. [G] [M] qui indique que l'intéressée n'échangeait qu'avec Mme [R] [Z] ; cette dernière précise que le motif de son départ est, en réalité, la disparité entre sa charge de travail et sa rémunération et les conditions de travail d'une autre stagiaire GMSCM.

Dans le courriel daté du 2 août 2012, M. [G] [M] a reproché à la salariée, concernant un dossier ITRON, de ne pas avoir informé les assureurs, en dépit de sa demande, tout en lui indiquant avoir, lui-même, fait le nécessaire alors que l'intéressée aurait dû avoir le réflexe naturel de le faire.

Le courriel de M. [F] [L] adressé le 18 septembre 2012 à l'ensemble de la direction dont Mme [R] [Z] et en copie à M. [G] [M], précise les modes de fonctionnement pour améliorer les modalités de travail avec ce dernier et notamment, anticiper ses demandes, arriver avec des propositions de solutions et améliorer l'écoute pour une meilleure compréhension.

Les termes de ces divers courriels ne traduisent aucune agressivité caractérisée de M. [G] [M] envers la salariée, ni propos déplacés.

Mme [R] [Z] reproche également à son supérieur hiérarchique de ne lui laisser aucune autonomie et de lui réclamer des justifications pour chaque tâche, lui ôtant, ainsi, toute autonomie alors qu'elle est cadre.

Par courriel en date du 11 mars 2013, Mme [R] [Z] indique à son supérieur hiérarchique :

« Par ailleurs, comme tenu de mes fonctions, je dois encore pouvoir bénéficier d'une certaine latitude et autonomie dans l'organisation de mon temps de travail et la gestion de mes priorités, dès lors que cela n'entraine pas de défaillances préjudiciables à l'entreprise. Un suivi pointilleux de mon travail, jours après jours, tâches après tâches, minutes après minutes, sans égard aux résultats et aux vrais priorités, outre son caractère étouffant et humiliant, viderait de sa substance les fonctions pour lesquelles j'ai été engagées.

Ceci dit, je suis bien évidemment soucieuse de répondre à vos attentes, avec les précisions qui précèdent'. Je profite de l'occasion pour vous demander de bien vouloir me préciser, à l'avenir les deadline pour les tâches que vous viendrez à me confier. Cela m'aidera dans l'établissement de mon planning prévisionnel et me permettra, le cas échéant, de vois rapidement avec vous aux fins d'arbitrage, les difficultés que certains délais pourraient posés ».

La salariée verse aux débats des échanges de courriels avec M. [G] [M] concernant la gestion de certains dossiers ainsi que l'organisation de son travail.

Dans un courriel adressé à la salariée le 7 mars 2013, M. [G] [M] s'exprime en ces termes :

«Comme nous venons d'en parler, juste un petit rappel pour constater que rien de ce que nous avons discuté la semaine dernière pour voir à l'amélioration de la gestion du temps n'a été mis en place cette semaine (et plus particulièrement te discipliner à savoir fermer la porte, ne pas prendre d'appel ou courriels pendant une période de temps déterminé de manière quotidienne pour te permettre de te consacrer aux dossiers prioritaires) '» .

Concernant le dossier «Roots leaks in Owego», M. [G] [M] indique à la salariée, le 18 mars 2013, qu'ayant lui même négocié le bail, il n'y a pas lieu de faire intervenir le courtier [V] et il s'interroge sur la nécessité d'une intervention des assureurs.

Dans un courriel du 20 mai 2013 relatif au dossier AFC, M. [G] [M] rappelle à Mme [R] [Z] qu'il attendait un résumé de sa part et non des avocats.

Les échanges de courriels entre les intéressés les 27 et 29 mai 2013 traitent des différents sujets devant être abordés lors de la réunion du 28 mai 2013 et des questions restées en suspens compte tenu de l'interruption de la réunion, et par courriel du 10 juin 2013 la salariée précise ne pas être en mesure d'effectuer les missions imparties compte tenu de sa surcharge de travail, mais elle n'invoque aucun harcèlement moral.

La salariée verse, également, aux débats les tableaux de suivi de travail pour les réunions bimensuelles des 13 et 29 mai 2013 ainsi que des exemples de planning hebdomadaire qui établissent un contrôle de ses missions et de la qualité de ses prestations.

Les éléments de ce dossier établissent que, dès le début de la collaboration, l'entreprise a mis en place des réunions bi-mensuelles afin de permettre de faire le point sur l'activité de Mme [R] [Z], que lors des réunions des 19 mars, 2 mai, 1er et 19 juin et 6 août 2012, l'employeur a relevé un problème d'organisation de la part de la salariée, en soulignant « une gestion du temps problématique ».

Cette situation est confirmée par l'évaluation de l'intéressée en date du 10 août 2012, relevant la nécessité pour Mme [R] [Z], «... de s'améliorer et de développer un meilleur sens opérationnel dans son activité» et ses difficultés suivantes :

« - Incapacité à définir les priorités,

- Incapable de gérer son propre agenda,

- Est facilement distraite,

- Incapacité à se concentrer ».

Lors de différentes réunions bi-mensuelles, la société AsteelFlash GROUP établit avoir adressé à la salariée les observations suivantes :

- le 20 août 2012, aucun suivi des licences SAP, un manque de maîtrise de deux dossiers importants et trois heures passées sur les dossiers prioritaires,

- le 2 octobre 2012, une absence de recherche sur un point de droit,

- le 7 janvier 2013, la nécessité de faire un suivi des contrats à chaque réunion,

- le 3 avril 2013, la nécessité de remettre la liste des nouveaux clients 2013 pour lesquels aucun contrat n'est signé et celle de réduire de 15cm la pile de classement, en l'absence de changement depuis le mois de février,

- le 17 avril 2013, la régularisation de trois contrats en 15 semaines alors que 34 devaient être régularisés cette année et l'existence de 87 clients sans statut, la situation du classement restant inchangée,

- le 13 mai 2013, la régularisation de trois contrats en quatre mois, 82 clients restant sans statut, une absence de mise à jour de la « check list corporate » depuis sept mois et un classement papier inchangé,

- le 29 mai 2013, la régularisation de quatre contrats en cinq mois avec toujours 82 clients sans statut et aucun avancement du classement,

- le 22 juillet 2013, la régularisation de cinq contrats et une situation identique quant aux 82 clients sans statut et au classement.

La dernière réunion bi-mensuelle du 5 septembre 2013 fait état de constatations similaires.

La cour déduit de l'ensemble de ces éléments que le suivi du travail de la salariée et les remarques de son supérieur hiérarchiques formulées en termes courtois sur des dossiers techniques précis visaient à faire progresser Mme [R] [Z], débutant dans sa carrière de juriste et rencontrant de réelles difficultés d'organisation dans son travail.

Mme [R] [Z] communique des attestations de salariés ayant travaillé au sein de l'entreprise pour stigmatiser le comportement de son supérieur hiérarchique, M. [G] [M].

Toutefois, tant le courriel de Mme [B] [I], travaillant toujours dans l'entreprise, adressé le 29 juin 2012 à M. [C] [R], PDG, pour se plaindre de l'attitude de M. [G] [M], notamment du manque de communication, que l'attestation de M. [S] [A], ayant quitté les fonctions occupées par la salariée en septembre 2011, ne sont précises et circonstanciées.

M. [U] [C], actuel directeur financier et délégué du personnel, atteste les faits suivants :

«  Mme [Z] m'a dévoilé à plusieurs reprises ces derniers mois' les difficultés qu'elle rencontrait avec les méthodes d'encadrement de son responsable hiérarchique M. [G] [M]. Les exemples communiqués par Mme [Z] faisaient apparaître selon moi un certain nombre de manquements dans un cadre professionnel qui avaient pour issue évidente la mise en échec du collaborateur. Je noterai entre autres :

- Manque de précision des demandes et consignes,

- absence de délai,

- absence d'explication du contexte et plus généralement absence de communication

d'éléments en possession du manager et nécessaire à la bonne exécution de la mission,

- non prise en compte des travaux pour évaluation de la charge globale de travail ( pas de priorisation),

- non prise en compte des difficultés rencontrées indépendantes de la volonté de la collaboratrice,

- changement de directives,

- absence de conseil et de méthode pour aborder les sujets, apports d'autant plus nécessaires pour une jeune collaboratrice.

Je tenais à témoigné pour avoir vécu moi-même de telles situations avec M. [G] [M] ou au travers de demandes de celui-ci transférées par mon supérieur hiérarchique, constatant l'impossibilité de demande d'information complémentaire par manque de dialogue et aboutissant aux réprimandes de M. [M] . Il est à noter que depuis l'arrivée de M. [M] en 2008 5 directeurs financiers, sous sa responsabilité se sont succédés' sans compter 3 responsables de la consolidation ».

L'intéressé établit un rapport le 26 aout 2013 qui relate les doléances de la salariée depuis le 7 décembre 2012 , en concluant : « ' [R] [Z] vit de plus en plus difficilement les relations avec son manager qui ne s'améliorent pas mais se détériorent. Elle se sent humiliée et étouffée ' la communication est rompue'. Exprime un état de stress avec chaque réunion'.

Suite à son état, j'ai demandé à [R] [Z] l'autorisation d'en alerter ma direction, ce qu'elle a accepté ».

Cependant, les déclarations de M. [U] [C] ne sont corroborées par aucune pièce du dossier, étant au surplus observé que tant lors de son évaluation du mois d'août 2012 que lors des réunions bi-mensuelles et dans ses courriels, Mme [R] [Z] ne s'est plainte, essentiellement, que du suivi pointilleux de M. [G] [M] de son planning prévisionnel.

Par ailleurs, il est constant qu'à partir du moment où la salariée a dénoncé des faits de harcèlement moral, par l'intermédiaire de son avocat, le 3 septembre 2013, et par Mme [H] [H], référente stress dans l'entreprise, le 26 août 2013, le comité exécutif de l'entreprise, représenté par M. [C] [R], a décidé de rattacher, temporairement, le service juridique à la direction des ressources humaines, Mme [R] [Z] étant placée sous la hiérarchie de M. [X] [N], directeur des ressources humaines et bénéficiant d'un bureau à proximité du service des ressources humaines, de sorte qu'à compter du 25 septembre 2013, la salariée n'avait plus de contact avec M. [G] [M].

Mme [R] [Z] ne peut donc reprocher à l'entreprise un quelconque manquement dans son obligation de sécurité, étant au surplus relevé que lorsqu'elle a été informée par la salariée de ses problèmes de rachialgies, au mois de juin 2012, elle a mis à la disposition de l'intéressée un matériel informatique plus léger. Par ailleurs, l'employeur a accepté de reporter l'entretien d'évaluation de la salariée, prévu le 13 septembre 2013, suite à sa demande du 11 septembre 2013.

En tout état de cause, la salariée qui verse une attestation de son psychiatre faisant état de ses problèmes psychologiques liés à son travail, n'établit pas que son état de santé a été généré par le comportement de son supérieur hiérarchique à son égard, alors même qu'elle n'a pas saisi la médecine du travail ni l'inspection du travail et qu'elle n'a été absente que cinq jours au cours de sa relation contractuelle de travail avec la société AsteelFlash GROUP. Au surplus la cour constate que dès le mois de janvier 2014, elle travaillait en qualité de responsable juridique auprès d'une autre entreprise ainsi que le confirme son profil « Linkedin ».

En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée, de sorte que la prise d'acte de la rupture de Mme [R] [Z] doit s'analyser en une démission et que l'intéressée doit être déboutée de ses demandes relatives aux indemnités de rupture et dommages et intérêts pour rupture abusive et perte de chance d'utiliser ses droits au DIF, conformément à ce qu'ont retenu les premiers juges dont la décision sera confirmée.

Sur la demande reconventionnelle de la société AsteelFlash GROUP

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme [R] [Z] qui n'est pas justifiée, s'analyse en une démission de sorte que la salariée est redevable, en application de l'article L. 1237-1 du code du travail, d'une indemnité de préavis au titre du préavis non exécuté, la salariée indiquant elle-même dans ses écritures qu'elle n'a pas exécuté le préavis, alors qu'elle n'a pas été dispensée de cette exécution par l'employeur.

Il en résulte que la société AsteelFlash GROUP est fondée à solliciter la condamnation de la salariée à lui verser la somme de 9 999 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis représentant trois mois de salaires.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de laisser à chaque partie la charge de ses frais non répétibles, Mme [R] [Z] dont l'argumentation est écartée, supportant la charge des dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Laurent Lecanet, avocat constitué pour la SA AsteelFlash GROUP.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la SA AsteelFlash GROUP de sa demande reconventionnelle en indemnisation pour non-exécution par Mme [R] [Z] de son préavis ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

CONDAMNE Mme [R] [Z] à verser à la SA AsteelFlash GROUP la somme de 9 999 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [R] [Z] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Laurent Lecanet.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 16/11968
Date de la décision : 28/03/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°16/11968 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-28;16.11968 ?
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