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27/03/2018 | FRANCE | N°17/18710

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 27 mars 2018, 17/18710


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 27 MARS 2018



(n° 052/2018, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/18710



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 05 Octobre 2017 -Président du TGI de Paris - RG n° 17/08818





APPELANTE



SA MANITOU BF

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTES sous l

e numéro 857 802 5088

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée et assistée de Me Michel ABE...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT DU 27 MARS 2018

(n° 052/2018, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/18710

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 05 Octobre 2017 -Président du TGI de Paris - RG n° 17/08818

APPELANTE

SA MANITOU BF

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTES sous le numéro 857 802 5088

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et assistée de Me Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, toque : J049

INTIMÉE

Société J.C. BRAMFORD EXCAVATORS LIMITED

société de droit anglais

Immatriculée au registre des sociétés d'Angleterre et du Pays de Galle sous le numéro 561597

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

ROYAUME UNI

Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée de Me Marina COUSTÉ de SIMMONS & SIMMONS, avocat au barreau de PARIS, toque : J091

COMPOSITION DE LA COUR :

Après le rapport oral dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile et en application des dispositions des articles 786 et 907 du même code, l'affaire a été débattue le 13 février 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle DOUILLET, conseillère et Monsieur David PEYRON, président, chargé d'instruire l'affaire,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur David PEYRON, président,

Madame Isabelle DOUILLET, conseillère,

Monsieur François THOMAS, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRET :

Contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur David PEYRON, président et par Mme Karine ABELKALON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La cour rappelle que la société de droit anglais JC BAMFORD EXCAVATORS Limited (ci-après JCB ou JC BAMFORD), spécialisée dans la conception et la fabrication d'engins de type pelles mécaniques, tracteurs ou chargeurs compacts, utilisés pour les travaux publics ou agricoles, revendique être titulaire :

du brevet européen n° 1 532 065, ayant pour objet un système de commande pour appareil de manipulation de charge, déposé le 2 juillet 2003, sous priorité britannique GB 02 16 204 du 12 juillet 2002 et ayant le 11 octobre 2007 fait l'objet d'une décision de délivrance publiée le 7 novembre 2007 ;

du brevet européen n° 2 263 965, qui protège un procédé pour la commande d'une machine de travail, déposé le 17 mai 2010 sous priorité britannique du 19 juin 2009 et ayant fait l'objet d'une publication de délivrance le 8 février 2012 ;

Qu'estimant que la société MANITOU, qui exerce une activité de fabrication et de vente de machines industrielles, de travaux publics et de levage agricoles, avait reproduit les revendications de ces brevets, et après avoir, les 26 et 27 avril 2017, mandaté deux conseils en propriété industrielle pour faire réaliser des tests sur une machine MANITOU MT 1840 suspectée de contrefaçon, la société JC BAMFORD EXCAVATORS Limited a assigné, le 5 mai 2017, la société MANITOU en contrefaçon des revendications 1 à 12 de la partie française de son brevet européen n° 1 532 065 et des revendications 1 à 4, 6 à 10 et 13 de la partie française de son brevet européen n° 2 263 965 ;

Que sur requête du 1er juin 2017, elle a, le 2 juin 2017, obtenu une ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal de grande instance de Paris qui a autorisé l'exécution d'opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société MANITOU, lesquelles ont été exécutées du 16 au 17 juin 2017 ;

Que par assignation en date du 23 juin 2017, la société MANITOU a sollicité la rétractation de cette ordonnance et, à titre subsidiaire, sa rétractation partielle ;

Que le 10 octobre 2017, la société MANITOU a interjeté appel de l'ordonnance de référé rétractation rendue le 5 octobre 2017 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

dit que les demandes reconventionnelles de la société JC BAMFORD EXCAVATORS Limited seront examinées dans le cadre d'un incident élevé devant le juge de la mise en état dans la procédure RG 17/06462 qui sera examinée à l'audience du juge de la mise en état du 26 octobre 2017 à 15h00,

rejeté la demande tendant à écarter des pièces de la société JC BAMFORD EXCAVATORS Limited,

Débouté la société MANITOU de ses demandes en rétractation totale ou partielle de l'ordonnance sur requête rendue le 2 juin 2017,

Condamné la société MANITOU à verser à la société JC BAMFORD EXCAVATORS Limited la somme de 6000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société MANITOU aux dépens de l'instance,

Rappelé que la présente ordonnance est exécutoire de droit à titre provisoire ;

Que pour statuer ainsi, le président du tribunal de grande instance de Paris a notamment considéré :

Sur les pièces à écarter : pièces 2.8 et 4.4 de JCBAMFORD

- que ces deux pièces, qui n'étaient pas visées au pied de la requête, ayant été régulièrement communiquées conformément au principe de la contradiction dans le cadre du référé-rétractation, il n'est pas justifié de les écarter des débats.

Sur la rétractation de l'intégralité de la requête :

que la société JC BAMFORD a produit un extrait du Registre des sociétés d'Angleterre et Pays de Galles permettant de donner des précisions suffisantes sur la qualité à agir du requérant et qu'il n'est pas démontré l'existence d'un grief pour le saisi de sorte que le moyen de nullité de la requête est écarté ;

que la requête en saisie contrefaçon était fondée sur deux titres valides de la société JC BAMFORD : le brevet EP'065 et le brevet EP'965 ;

que le brevet EP'065 n'a jamais cessé d'être opposable à la société MANITOU ; que ce brevet a en effet été délivré par l'OEB le 7 novembre 2007 ; que le 23 janvier 2012, la Division de l'Opposition a rejeté les prétentions de la société JC BAMFORD et maintenu le Brevet tel qu'accordé ; que le 30 mars 2017, sur appel de la société MANITOU, la Chambre de Recours de l'OEB a maintenu le brevet sous une forme amendée ; que d'ailleurs cette forme amendée a été produite devant le juge des requêtes le 1er juin 2017 qui était donc informé de l'état de la procédure d'opposition devant l'OEB initiée par la société MANITOU ; qu'en outre, la société JC BAMFORD justifie avoir porté à la connaissance de la société MANITOU ladite forme amendée du brevet EP'065 dès le 5 mai 2017, soit avant la date de publication de la décision, et ce, dans une procédure où la société MANITOU est l'opposant et donc parfaitement informée de cette procédure ; que peu importe que le 4 août 2017, soit ultérieurement à la requête objet de la rétractation, la société MANITOU ait déposé une requête en révision devant la Grande Chambre, cette requête n'ayant pas d'effet suspensif ;

que le brevet EP'965 était valide au jour de la requête ; que s'il est vrai que le bordereau des annuités produit devant le juge des requêtes ne mentionnait que la dernière annuité payée au 1er juin 2016, néanmoins, au jour du référé rétractation, il a été justifié du paiement de l'annuité de 2017 échue au 1er juin 2017 ;

que le caractère déloyal de la présentation de la requête n'est pas démontré dès lors, d'une part, que le juge a été suffisamment informé du contentieux existant entre les parties par le requérant, lequel a notamment produit l'assignation au fond du 17 mai 2017 ainsi qu'une traduction de la version amendée par la Chambre de recours, et d'autre part, que les conseils en propriété industrielle, du fait de leur statut déontologique, même si ce sont les conseils habituels du saisissant, sont autorisés à assister aux opérations de saisie-contrefaçon, dès lors que c'est l'huissier instrumentaire qui doit diriger les opérations ;

Sur la rétractation partielle:

que l'ordonnance était justifiée dans son intégralité et n'était pas entachée d'une atteinte au principe de proportionnalité;

qu'en effet, s'il est vrai que dans le rapport amiable produit à l'appui de la requête les tests n'ont porté que sur la machine MT 1840 de la société MANITOU, néanmoins, lors de la présentation de la requête il a été argumenté le fait que, toutes les machines citées dans l'ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon correspondaient à des machines vendues par la société MANITOU et sur lesquelles le système de commande pour appareil de manipulation de charge et le procédé de commande d'une machine de travail protégés par les deux brevets fondant la requête étaient susceptibles de s'adapter ;

Que dans ses dernières conclusions en date du 20 décembre 2017, la SA Manitou a demandé à la cour de :

INFIRMER L'ORDONNANCE EN CE QU'ELLE A :

Rejeté la demande de la société MANITOU tendant à écarter les pièces communiquées par la société JC. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED à l'appui de ses conclusions du 8 août 2017 n'ayant pas été visées au pied de sa requête aux fins de saisie-contrefaçon du 1er juin 2017,

Débouté la société MANITOU de ses demandes en rétractation totale ou partielle de l'ordonnance sur requête rendue le 2 juin 2017,

Débouté la société MANITOU de ses demandes en nullité de la requête du 1er juin 2017 et des opérations subséquentes,

Débouté la société MANITOU de ses demandes en restitution des éléments saisis en son exécution, en destruction du procès-verbal de saisie-contrefaçon des 16-17 juin 2017 et des éléments saisis, en interdiction de leur usage ou communication pour toute procédure en France ou à l'étranger, et de sa demande au titre de l'article 700 CPC et des dépens

Condamné la société MANITOU à verser à la société JC. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED la somme de 6000 euros en application de l'article 700 CPC et aux dépens,

ET STATUANT A NOUVEAU :

Dire et juger que la requête à fin de saisie-contrefaçon du 1er juin 2017 est nulle,

Dire et juger que les pièces communiquées par JC. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED mais non visées au pied de sa requête aux fins de saisie-contrefaçon du 1er juin 2017, notamment les pièces 4.2 et 5.15, ne peuvent régulariser une requête initialement irrégulière,

Rétracter dans son intégralité l'ordonnance de saisie-contrefaçon du 2 juin 2017 à l'encontre de la société MANITOU.

SUBSIDAIREMENT,

Rétracter partiellement l'ordonnance de saisie-contrefaçon du 2 juin 2017 à l'encontre de la société MANITOU en la limitant comme suit :

Au 1er paragraphe : « Autorisons la société J.C. BAMFORD Excavators Limited à faire procéder par tous huissiers de son choix, dans les locaux de la société MANITOU, société anonyme immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nantes sous le n° B 857 802 508 :

- Situés [Adresse 3]

- Ainsi qu'en tout autre local dépendant de ladite société (locaux industriels, bureaux, dépôts ou autres) situé dans la commune d'ANCENIS

à la saisie par voie de description détaillée, notamment à l'aide de dessins, de photocopies, de photographies et/ou de vidéogrammes, des machines MANITOU, en particulier de l'une ou plusieurs des machines destinées au domaine de l'agriculture, de la construction ou de l'industrie, en particulier les machines référencées MLT 737-130 PS+, MLT 625 75 H, MLT 629, MLT 629 20", MLT 629 20" C, MLT 629 24", MLT 1040, MLT 1040-145 PS, MLT 1040-145 PS L, MLT 630-105, MLT 630-105 V, MLT 630-105 V CP, MLT 635-140 V+, MLT 733-105, MLT 735, MLT 741, MLT 741-140 V+, MLT 840, MLT 840 115 PS, MLT 840-145 PS, MLT 940-140 V+, MLT 635-130 PS+, MLT 845, MLT 845 100 H, MLT 845 120, MLT 960, MT 420, MT 625, MT 625 Easy, MT 732, MT 732 Easy, MT 835, MT 835 Easy, MT 932, MT 932 Easy, MT 1030 Easy, MT 1135, MT 1135 Easy, MT 1335, MT 1335 Easy, MT 1435, MT 1435 Easy, MT 1440, MT 1440 Easy, MT 1840, MT 1840 Easy, MHT 860, MHT 780, MHT 790, MHT-X 790, MHT 1490, MHT 10130, MHT 10230, ainsi que leurs modèles dérivés ou éventuellement munis d'options, en ce qu'elles reproduisent l'enseignement des revendications visées dans la requête du brevet européen des brevets européens n° EP 1 532 065 et EP 2 263 965 dans la cause.

Et au 4ème paragraphe : « Autorisons l'huissier instrumentaire à se faire assister par deux experts autres que les subordonnés de la requérante, notamment par tous conseils en propriété industrielle du cabinet Beau de Loménie, [Adresse 4]), notamment autres que Monsieur [J] [E] et Monsieur [Y] [C], dont il enregistrera les explications sur les points qui échappent à sa compétence, en distinguant nettement dans son procès-verbal les énonciations résultant de ses constatations personnelles de celles émanant du ou des experts qui l'assisteront ».

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

Prononcer, par voie de conséquence de la rétractation à venir :

l'annulation des opérations subséquentes,

la restitution immédiate des éléments saisis en son exécution, qu'ils soient en possession de l'huissier instrumentaire, de la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED, de ses conseils ou de toute autre personne à qui ces éléments ont été communiqués,

la destruction immédiate par la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED du procès-verbal de saisie-contrefaçon des 16-17 juin 2017 et de l'ensemble des copies des éléments saisis, à ses frais, qui devra en justifier sans délai à la société MANITOU par constat d'huissier,

l'interdiction faite à la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED d'utiliser ou de communiquer, quelle que soit la procédure en France ou à l'étranger, le procès-verbal de saisie-contrefaçon des 16-17 juin 2017, ainsi que l'ensemble des éléments saisis,

Débouter la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED à verser à la société MANITOU la somme de 55.000 € au titre de l'article 700 CPC,

Condamner la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED en tous les dépens de l'instance, dont les frais de signification et de traduction de l'assignation en référé-rétractation ;

Que dans ses dernières conclusions en date du 20 novembre 2017, la société JC BAMFORD EXCAVATORS Limited demande à la cour de :

CONFIRMER en tous ses points l'Ordonnance de Référé-Rétractation rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris le 5 octobre 2017, à savoir en ce qu'elle a :

Rejeté la demande de la société MANITOU tendant à écarter les pièces 2.8 et 4.4 de la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS Limited produites dans le cadre du référé-rétractation et non visées au pied de la requête ;

Débouté la société MANITOU de ses demandes de rétractation totale ou partielle de l'ordonnance sur requête rendue le 2 juin 2017 ;

Débouté la société MANITOU de sa demande en nullité de la requête du 1 er juin 2017 et des opérations subséquentes ;

Débouté la société MANITOU de ses demandes en restitution des éléments saisis en son exécution, en destruction du procès-verbal de saisie-contrefaçon des 16 et 17 juin 2017 et des éléments saisis, en interdiction de leur usage ou communication pour toute procédure en France ou à l'étranger et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société MANITOU à verser à la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS Limited la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

En conséquence, de :

DIRE que sont recevables les pièces 2.8 et 4.4 de la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS Limited produites dans le cadre du référé-rétractation et non visées au pied de la requête ;

DIRE que l'ordonnance du 2 juin 2017 ayant autorisé les opérations de saisie-contrefaçon est régulière ;

REJETER l'ensemble des prétentions en appel de la société MANITOU ;

Et, statuant à nouveau, de :

CONDAMNER également la société MANITOU à verser à la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS Limited la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile correspondant aux frais engagés par la société en appel ;

CONDAMNER également la société MANITOU aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Teytaud, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Que l'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2018 ;

SUR CE

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;

Considérant, en ce qui concerne les moyens de rétractation totale ou partielle autres que celui, ci-après examiné, tiré du fait d'avoir requis la désignation de deux experts en violation du principe d'impartialité, que l'argumentation développée par la société MANITOU est identique à celle présentée en première instance ; que la cour confirmera l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté ces moyens pour les justes motifs qu'elle contient ;

Considérant que pour rejeter le moyen tiré de la violation du principe d'impartialité résultant de ce que les conseils en propriété industrielle cités dans la requête avaient préalablement établi un rapport pour le compte de la société JC BRAMFORD, le premier juge a estimé que le caractère déloyal de la requête n'était pas démontré dès lors que les conseils en propriété industrielle, du fait de leur statut déontologique, même si ce sont les conseils habituels du saisissant, sont autorisés à assister aux opérations de saisie-contrefaçon ; qu'il a ajouté qu'alors que c'est l'huissier instrumentaire qui doit diriger les opérations, une éventuelle irrégularité sur ce point pourrait être soulevée devant le juge du fond et éventuellement justifier une annulation des opérations de saisie ;

Considérant que pour demander l'infirmation de l'ordonnance du 5 octobre 2017 et la rétractation de celle du 2 juin 2017, la société MANITOU soutient qu'en établissant un rapport d'essai privé conjointement avec les salariés de JCB, les experts ont pris parti pour JCB avant la saisie, ce qui ne permet plus de garantir que les experts exécuteront la saisie-contrefaçon avec toute l'impartialité requise pour préserver le droit à un procès équitable ;

Que la société JCB sollicite la confirmation de l'ordonnance pour les motifs qu'elle contient ; qu'elle ajoute que les conseils ayant assisté l'huissier ne sont pas ses conseils habituels ; que le fait que ces conseils auraient rédigé le rapport des tests peu de temps avant la saisie, en présence de deux salariés de JCB, sur le site de JCB et avec des instruments de mesures fournis par JCB, ne serait pas de nature à remettre en cause leur l'impartialité ; qu'elle avait bien présenté les tests dans sa requête en les produisant comme pièce n° 12 et le juge des requêtes avait alors pu autoriser nommément, en parfaite connaissance de cause, la présence des deux CPI dans son ordonnance ; que même à supposer que leur intervention durant la saisie-contrefaçon ait été partiale, cette question ne saurait justifier une rétractation de l'ordonnance rendue mais seulement l'annulation de l'ordonnance rendue, ce qu'elle conteste ;

Considérant, ceci étant exposé, que toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, à une mesure de saisie contrefaçon ; que le droit à un procès équitable posé par l'article 6 de la Convention Européenne des droits de l'homme exige que l'expert qui assiste l'huissier soit indépendant des parties ; que le juge de la rétractation a le pouvoir de vérifier que les mesures ordonnées sont légalement justifiées au regard de la requête et des informations que le défendeur peut lui apporter ;

Considérant, en l'espèce, qu'il ressort des pièces produites et qu'il n'est pas contesté que la société JCB, qui avait pris en location pour les besoins de la cause un véhicule Manitou MT1840, a mandaté [J] [E] et [Y] [C], conseils en propriété industrielle du cabinet Beau de Loménie, pour procéder à des tests ; que ceux-ci ont été réalisés les 26 et 27 avril 2017, sur le site de la société JCB, au [Adresse 5], en présence de deux salariés de cette société, [E] [V] et [N] [I], tous deux ingénieurs de développement, lesquels ont fourni, monté sur le véhicule et démonté les instruments de mesure utilisés pour les tests ;

Que les deux experts ont déposé leur rapport le 4 mai 2017 ; que celui-ci comprend une première partie sur la description du véhicule analysé, une deuxième partie sur les instruments de mesure, une troisième partie sur la description des tests, comprenant une vérification de conformité, un test dans des conditions normales d'utilisation, charge 2015 kg, un test dans des conditions normales d'utilisation, charge 1015 kg, un test sur des mesures transitoires, puis des mesures correctrices, puis de la valve progressive pour terminer enfin par la désactivation de la coupure des mouvements hydrauliques aggravants ;

Considérant que cette mission d'expertise privée a d'abord été utilisée à l'appui de l'assignation en contrefaçon délivrée le 5 mai 2017 par la société JCB à la société MANTOU ; que celle-ci, après une description des brevets revendiqués, écrit notamment qu'afin de confirmer l'existence d'actes de contrefaçon sur le sol français, les sociétés JCB ont loué un engin MANITOU MT 1840... plusieurs séries de tests et de mesures ont alors été poursuivis sur cet engin... les tests ont été réalisés les 26 et 27 avril 2017, en présence de deux conseils en propriété industrielle par messieurs [E] [V] et [N] [I], salariés de la société JC BAMFORD... ;

Considérant que ce rapport a aussi été produit au soutien de la requête à fin de saisie contrefaçon du 1er juin 2017 ; que celle-ci, après avoir décrit les brevets revendiqués, expose que nonobstant ses droits privatifs, elle [JCB] a appris que la société de droit français MANITOU fabriquait et commercialisait en France plusieurs modèles reproduisant l'enseignement de ses deux brevets, comme les modèles de la gamme MT 1840 ; que la société JC BAMFORD a fait procéder à des tests à [Localité 1], sur un modèle MT 1840, afin de démontrer la contrefaçon de ses deux brevets ; que ces tests confirmant la contrefaçon de ses brevets, la société JC BAMFORD a alors assigné la société MANITOU en contrefaçon... par acte en date du 5 mai 2017... Que les atteintes ainsi portées à ses droits constituent des actes de contrefaçon... que dès lors, elle est recevable et fondée à faire procéder aux opérations de saisie-contrefaçon ci-dessous exposées ; que cette requête requiert ensuite l'autorisation de faire procéder à une saisie-contrefaçon, portant aussi bien sur le modèle MT 1840 que d'autres modèles de la société MANITOU, par tous huissiers de son choix, précisant : Autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister par un ou plusieurs experts autres que les subordonnés de la requérante, notamment par tous conseils en propriété industrielle du cabinet Beau de Loménie (...), notamment Monsieur [J] [E] et monsieur [Y] [C], dont il enregistrera les explications sur les points qui échappent à sa compétence, en distinguant nettement dans son procès-verbal les énonciations résultant de ses constatations personnelles de celles émanant du ou des experts qui l'assisteront ;

Considérant que par ordonnance du 2 juin 2017, la présidente de la 3ème chambre du tribunal de grande instance de Paris a, visant la requête et les pièces à l'appui, autorisé cette saisie-contrefaçon, portant tant sur le modèle MT 1840 que d'autres modèles de la société MANITOU, autorisant particulièrement l'huissier instrumentaire à se faire assister par deux experts autres que les subordonnés de la requérante, notamment par tous conseils en propriété industrielle du cabinet Beau de Loménie (...), notamment Monsieur [J] [E] et monsieur [Y] [C], dont il enregistrera les explications sur les points qui échappent à sa compétence, en distinguant nettement dans son procès-verbal les énonciations résultant de ses constatations personnelles de celles émanant du ou des experts qui l'assisteront ;

Considérant qu'il sera précisé qu'en exécution de cette ordonnance, un huissier de justice a procédé par procès-verbal du 16 juin 2017 à 9:30 au 17 juin 2017 à 2:15 à une saisie contrefaçon dans les locaux de la société MANITOU à [Localité 2], accompagné notamment de [Y] [C] et [J] [E], conseils en propriété industrielle du cabinet Beau de Loménie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que [Y] [C] et [J] [E] ont été désignés à deux reprises dans un même litige en contrefaçon opposant la société JC BAMFORD à la société MANITOU ; d'abord le 26 avril 2017 à la demande de la société JC BAMFORD pour procéder à des tests sur un véhicule Manitou MT 1840, déposant le 4 mai 2017 un rapport d'expertise privée décrivant les caractéristiques du matériel examiné ; ensuite par ordonnance du 2 juin 2017, les désignant comme experts judiciaires pour assister l'huissier instrumentaire au cours d'opérations de saisie-contrefaçon portant aussi bien sur le modèle MT 1840, déjà examiné au cours de l'expertise privée, que d'autres modèles de la société MANITOU ; qu'à l'évidence, et indépendamment de leur statut qui leur impose des obligations déontologiques, des conseils en propriété industrielle ne peuvent, sans qu'il soit nécessairement porté atteinte au principe d'impartialité exigé par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et'des'libertés fondamentales, être désignés comme experts par l'autorité judiciaire alors qu'ils étaient antérieurement intervenus comme experts pour le compte de l'une des parties dans la même affaire, en l'espèce relative à des faits de contrefaçon de brevet portant notamment sur le véhicule MT 1840 ; que cette désignation étant irrégulière, l'ordonnance du 2 juin 2017 sera rétractée et celle du 5 octobre 2017 infirmée ;

Que par voie de conséquence, la cour ordonnera :

l'annulation du procès-verbal de saisie contrefaçon du 16 juin 2017 à 9:30 au 17 juin 2017 à 2:15,

la restitution immédiate des éléments saisis en son exécution, qu'ils soient en possession de l'huissier instrumentaire, de la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED, de ses conseils ou de toute autre personne à qui ces éléments ont été communiqués,

la destruction immédiate par la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED du procès-verbal de saisie-contrefaçon des 16-17 juin 2017 et de l'ensemble des copies des éléments saisis, à ses frais,

l'interdiction à la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED d'utiliser ou de communiquer, quelle que soit la procédure en France ou à l'étranger, le procès-verbal de saisie-contrefaçon des 16-17 juin 2017, ainsi que l'ensemble des éléments saisis ;

Que la société JC BRAMFORD qui succombe supportera les dépens et sera condamnée ainsi qu'il est dit au dispositif au titre des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme l'ordonnance du 5 octobre 2017,

Statuant à nouveau,

Rétracte l'ordonnance du 2 juin 2017,

Ordonne :

l'annulation du procès-verbal de saisie contrefaçon du 16 juin 2017 à 9:30 au 17 juin 2017 à 2:15,

la restitution immédiate des éléments saisis en son exécution, qu'ils soient en possession de l'huissier instrumentaire, de la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED, de ses conseils ou de toute autre personne à qui ces éléments ont été communiqués,

la destruction immédiate par la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED du procès-verbal de saisie-contrefaçon des 16-17 juin 2017 et de l'ensemble des copies des éléments saisis, à ses frais,

l'interdiction à la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED d'utiliser ou de communiquer, quelle que soit la procédure en France ou à l'étranger, le procès-verbal de saisie-contrefaçon des 16-17 juin 2017, ainsi que l'ensemble des éléments saisis,

Condamne la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED aux entiers dépens,

La condamne à payer à la société MANITOU une somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE PRÉSIDENTLE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/18710
Date de la décision : 27/03/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°17/18710 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-27;17.18710 ?
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