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27/03/2018 | FRANCE | N°16/06481

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 27 mars 2018, 16/06481


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 27 Mars 2018



(n° , 07 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/06481



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/11863





APPELANTE

[Adresse 1] (CMPC)

[Adresse 2]

[Adresse 3]

représentée par Me Laurence JOLLES ZYGBAND, avocat au barr

eau de PARIS, toque : J009





INTIMEE

Madame [S] [H]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1] (92)

comparante en personne,

assistée de Me Virginie R...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 27 Mars 2018

(n° , 07 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/06481

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/11863

APPELANTE

[Adresse 1] (CMPC)

[Adresse 2]

[Adresse 3]

représentée par Me Laurence JOLLES ZYGBAND, avocat au barreau de PARIS, toque : J009

INTIMEE

Madame [S] [H]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1] (92)

comparante en personne,

assistée de Me Virginie RIBEIRO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1066

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Février 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambreMadame Roselyne NEMOZ, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Valérie LETOURNEUR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [S] [H] a été engagée par l'association [Adresse 1] (CMPC) à compter du 23 janvier 2012, en qualité d'adjointe de direction, statut cadre, moyennant une rémunération brute mensuelle de 2.783,50 Euros incluant 2 heures supplémentaires par mois.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle du personnel de services interentreprises de la médecine du travail.

Le 14 janvier 2014, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude temporaire pour 'souffrance au travail manifeste'. Madame [H] a été en arrêt maladie à compter de cette date.

Elle a été convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 24 juin 2014, auquel elle ne s'est pas présentée, et licenciée pour faute grave par lettre du 1er juillet 2014.

A la date de cette rupture, l'association CMPC employait habituellement moins de 11 salariés.

Le 17 septembre 2014, madame [H] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris pour contester son licenciement et en paiement de diverses sommes.

Par jugement du 2 décembre 2015, le Conseil de prud'hommes de PARIS a dit le licenciement abusif et condamné l'association [Adresse 1] à payer à madame [H] avec intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation :

-13.339,90 Euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et les congés payés afférents;

-2.158,88 Euros à titre d'indemnité de licenciement ;

Le CMPC a également été condamné à payer à madame [H] 30.000 Euros à titre de dommages et intérêts toutes causes confondues.

Les parties ont été déboutées du surplus de leurs demandes.

Le [Adresse 1] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions visées au greffe le 7 février 2018 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, le [Adresse 1] demande à la cour d'infirmer le jugement, d'ordonner le sursis à statuer sur les demandes de Madame [H] jusqu'à l'issue de la procédure pénale diligentée par le CMPC dans le cadre de sa plainte ;

A titre subsidiaire, d'ordonner le rejet des débats les pièces 19 et 33 produites aux débats par Madame [H], de dire son licenciement pour faute grave justifié, de la débouter de l'intégralité de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 3.000,00 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 7 février 2018 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Madame [H] demande à la cour de débouter le CMPC de sa demande de sursis à statuer ; de confirmer le jugement, sauf sur le montant des dommages et intérêts et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700; de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner, en conséquence, le CMPC à lui payer les sommes suivantes avec intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation :

-13.399,99 à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents,

-2.158,88 Euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

Elle demande également à la cour de condamner le CMPC à lui payer

-53.560,00 Euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

-35.734,00 Euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

-26.800,00 Euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brusque et vexatoire,

-3.000,00 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure prud'homale,

-3.000,00 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure en appel.

MOTIFS

Sur le sursis à statuer

Les premiers juges ont fait usage, à juste titre, de leur pourvoir discrétionnaire en rejetant la demande de sursis à statuer, fondée sur le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile faisant suite au dépôt d'une plainte déposée le 30 juillet 2014 ;

Sur la rupture du contrat de travail

La faute grave est celle qui résulte de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations du contrat ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. Le licenciement doit être fondé sur des éléments objectifs, vérifiables et imputables au salarié;

Il appartient à l'employeur seul, lorsqu'il invoque la faute grave, d'en apporter la preuve et lorsqu'un doute subsiste, il profite au salarié ;

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige est ainsi motivée ;

'Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour faute grave pour le motif suivant : fausse attestation contre le CMPC, ses dirigeants et ses salariés, faisant suite à des manquements graves et répétés à votre obligation de loyauté caractérisant une intention de nuire très préjudiciable à l'association.

Depuis votre départ en arrêt maladie, le 14 janvier dernier, vous avez systématiquement adopté un comportement inexplicable et très préjudiciable au bon fonctionnement du Centre, refusant tout d'abord, en dépit des demandes qui vous ont été faites, de communiquer les codes d'accès informatiques pourtant indispensables à son fonctionnement, avec pour conséquence des difficultés et une gêne importante au moment de l'envoi annuel des appels de cotisations, notamment.

Quelques jours plus tard, fin janvier, vous avez également pris l'initiative de remettre votre badge d'accès au parking privé du CMPC, dont vous n'étiez pourtant pas censée disposer, à un individu le chargeant de récupérer votre scooter.

Ledit individu, inconnu du CMPC, est ensuite venu dans nos locaux où il s'est montré agressif et menaçant à l'égard des personnes présentes, allant même jusqu'à empoigner l'une d'entre elles.

Plusieurs salariés, ainsi que l'un de nos prestataires présent ce jour-là, ont du s'interposer pour la protéger. Tous ont été choqués par le comportement de votre intermédiaire et ont été obligés d'appeler les services de police qui se sont rendues sur place.

Vous avez également, à plusieurs reprises, dans vos écrits mis en cause mis en cause personnellement les dirigeants du CMPC, les accusant d'incompétence, d'erreur de management, voire de harcèlement, n'hésitant pas au passage à faire état d'éléments se rapportant à leur vie privée.

Nous vous avons alertée à plusieurs reprises et en dernier lieu par un courir officiel adressé par notre Conseil au vôtre le 27 mars 2014 sur ce comportement systématiquement hostile aux intérêts du CMPC, nous interrogeant sur votre changement d'attitude depuis le 10 janvier précédent.

Ce courrier n'ayant donné lieu à aucune réaction de votre part, nous pensions que vous aviez finalement pris conscience des conséquences très préjudiciables pour le CMPC de votre comportement et que vous cesseriez enfin vos agissements contraires à ses intérêts.

Mais force est de constater que vous aviez déjà franchi un pas supplémentaire dans vos manoeuvres visant à porter préjudice au CMPC.

En effet, la CPAM des Hauts-de-Seine, chargée d'instruire le dossier en reconnaissance d'accident du travail de Madame [F], ancienne directrice de notre Centre, nous a informés par courrier réceptionné le 2 juin dernier de sa décision de prise en charge du sinistre déclaré par l'intéressé, nous communiquant officiellement les pièces sur lesquelles elle s'était fondée pour prendre sa décision.

Parmi ces pièces figure un témoignage de votre part du 14 février 2014 qui comporte :

-des déclarations mensongères tant sur le déroulement de la journée du 10 janvier 2014 que sur le comportement de la direction du CMPC,

-de fausses allégations et insinuations particulièrement graves à l'encontre de la plupart des salariés.

Nous nous réservons de donner les suites judiciaires à cette fausse attestation, inspirée par la mauvaise foi et l'intention de nuire.

Cette intention de nuire est également confirmée par le fait que vous avez délibérément encouragé l'une de nos anciennes salariées, Madame [C], à compléter son témoignage contre le CMPC, ainsi que le rapporte Monsieur [Y], agent enquêteur assermenté par la CPAM, dans son procès-verbal de constatation établi le 27 février 2014.

Ces agissements, dont nous venons récemment d'avoir connaissance, établissement indiscutablement la persistance d'un comportement nuisible au CMPC et à ses salariés dont les premiers signes étaient apparus dès janvier.

Vos agissements sont d'autant plus répréhensibles et graves qu'ils concernent une association de santé au travail dont les dirigeants et ses salariés, notamment ses médecins du travail et ses IRP, mènent au quotidien des actions de prévention et de sensibilisation en matière de santé au travail et de risques déontologiques et éthiques très strictes.

Vos agissements sont également susceptibles d'altérer durablement notre réputation auprès des organismes publics et notre relation de confiance avec nos entreprises adhérentes et d'entraîner la remise en cause de l'existence même de notre association.

La gravité de ces agissements qui pourraient être qualifiés de faute lourde, rendent naturellement impossible toute poursuite de la relation contractuelle, y compris pendant la période de préavis.'

Sur la non communication des codes informatiques, c'est par de justes motifs, adoptés par la cour, que le Conseil de Prud'hommes a considéré que ce grief était sans fondement ; madame [H] expose, sans être contredite, que le code d'accès à la session GEMETWIN était un code personnel et que la société de maintenance informatique avait la possibilité d'instaurer de nouvelles sessions nominatives; force est de constater au demeurant que les difficultés d'accès et la gêne importante lors des appels de cotisations ne sont justifiées par aucune pièce, l'employeur se bornant à faire référence au courrier de son propre avocat ;

La démonstration d'une responsabilité de madame [H] concernant la reprise de son scooter dans les locaux du centre suite à son arrêt maladie n'est pas non plus démontrée ; l'association CMPC prétend que la personne venue le récupérer aurait eu un comportement agressif, en se fondant sur un mail adressé par la secrétaire médicale, madame [O] au commissariat de police, dans lequel celle-ci dénonce les comportements d'un tiers semblant 'en état d'ébriété et avec l'haleine avinée' venu récupérer le scooter et celui du brigadier [I], qu'elle soupçonnait être un imposteur et dont elle souhaitait 'vérifier l'existence' ; sa version est contredite par l'attestation de monsieur [V] chargé de récupérer le scooter, confirmée par madame [H] dans une main courante déposée précisément auprès du brigadier [I], lequel a donc légitimement demandé au centre de permettre la récupération du scooter par monsieur [V] ; l'agressivité que madame [O] impute tant à ce dernier qu'au brigadier [I] ne résulte que de ses seules affirmations, l'association CMPC s'abstenant de produire le témoignage des autres 'salariés et prestataires' qui, selon la lettre de licenciement, auraient été contraints de s'interposer et été particulièrement 'choqués' par le comportement de monsieur [V] ;

Concernant l'accusation de faux témoignages, madame [H] ainsi que madame [C], infirmière , toutes deux visées par la plainte de l'association CMPC à propos de leurs déclarations auprès de la CPAM lors de l'enquête sur les circonstances de l'inaptitude de madame [F], ont affirmé avoir entendu des cris dans le bureau de madame [F] où se trouvait la Présidente de l'association tandis que d'autres salariés, selon les attestations produites par l'association CMPC, n'ont pas entendu d'éclats de voix ; il reste qu'à l'heure actuelle, près de quatre ans après le dépôt de plainte, en dépit des attestations et plan des locaux remis par l'association, il n'y a toujours pas eu de suite ; au vu des pièces produites, madame [F] a bien fait l'objet d'un arrêt de travail le 13 janvier 2014pour un syndrome anxio dépressif pour troubles graves sur le lieu de travail, selon elle à la suite d'une 'vive altercation verbale ' avec la présidente ;

La preuve de la faute grave reposant sur le seul employeur, force est de constater, au vu des déclarations contradictoires de part et d'autre sur le degré sonore des propos échangés entre madame [F] et la présidente, que l'accusation de faux témoignage n'est aucunement établie ;

Enfin, il ressort du procès-verbal de la CPAM que madame [C] a déclaré à l'enquêteur que lors de l'entretien, le ton était monté allant jusqu'au cris, et ce pendant 4 heures et si elle a ensuite remis une seconde attestation 'complétée à la demande de madame [H] et de madame [F]', cela n'implique aucunement que celles-ci ont été les instigatrices de ses déclarations orales, ce que madame [C] conteste d'ailleurs formellement en indiquant, dans l'attestation produite par madame [H] avoir témoigné en son âme et conscience et sans l'influence d'aucun tiers ;

Il convient, au vu de ce qui précède, de confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

La circonstance que madame [H] se trouvait en arrêt maladie à la date de la rupture n'est pas de nature à la priver de l'indemnité compensatrice de préavis à laquelle elle a droit dès lors que le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse ; toutefois, au vu des bulletins de paie versés aux débats par madame [H] son salaire brut mensuel moyen incluant primes et 13ème mois était de 3.966 Euros à la date de la rupture, si bien que le montant de l'indemnité compensatrice de préavis doit être ramené à la somme de 11.900 Euros plus les congés payés afférents et celui de l'indemnité de licenciement à 1.917 Euros ;

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, de l'ancienneté de madame [H](deux ans et demi) et de son âge (55 ans)lors de la notification du licenciement, de sa rémunération, de sa capacité à trouver un nouvel emploi et des conséquences du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces fournies, le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail sera ramené à 20.000 Euros ;

Sur le caractère brutal et vexatoire de la rupture

Le fait que la faute grave, privative de préavis, ne soit pas retenue ne suffit pas à établir le caractère brutal et vexatoire de la rupture ; madame [H] n'invoquant aucun autre élément pour justifier sa demande de dommages et intérêts à ce titre, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'en a déboutée ;

Sur le préjudice moral et le manquement à l'obligation de sécurité

Madame [H] prétend que, pendant la relation de travail, l'association CMPC a manqué à son obligation de loyauté, et qu'elle a été victime d'une surcharge de travail, de critiques injustifiées, d'ordres et de contre ordres, ayant eu un impact sur son état de santé ; qu'en plus de ses fonctions d'adjointe de direction, elle a dû exercer celles de responsable RH, et contrainte d'assurer l'intérim de madame [Z], en arrêt maladie pour épuisement professionnel et ce pendant plus de 10 mois ;

L'association réplique que madame [H] a elle-même, dans un courriel du 21 octobre 2012, indiqué qu'il était prématuré d'embaucher une assistante et qu'elle n'avait émis aucun voeu en ce sens; que la charge de travail avait fait l'objet d'un audit sur la période d'avril à septembre 2013, faisant apparaître une charge de travail estimée au maximum à 78% concernant madame [H] avec donc une marge de manoeuvre de 22% ; et si madame [H] prétend que ce document ne lui a jamais été transmis et que se tâches ont été sous estimées, il reste que, au vu des pièces relatives à cet audit, elle a bien participé aux réunions de travail, que ses tâches ont été listées, qu'elle a pu s'en expliquer et qu'elle a d'ailleurs validé la réalisation des diagrammes sur le contenu des postes ; que la charge de travail, eu égard à la structuration de contenu de poste et tâches futures, selon ses souhaits, incluant les ressources humaines, l'administration courante, la communication et les liaisons externes, a été estimée à 95% ;

La surcharge de travail alléguée n'est donc pas établie ;

Il reste qu'en application des dispositions des articles L 4121-1 et suivant du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés et, à ce titre, mettre en place des actions de prévention des risques, d'information et de formation, ainsi qu'une organisation et des moyens adaptés ; cette obligation couvre les problèmes de stress au travail et de harcèlement moral, l'employeur, en vertu des dispositions de l'ANI sur le stress au travail du 2 juillet 2008, ainsi que l'ANI du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail, étant invité à non seulement à identifier, mais également prévenir et gérer les agissements susceptibles de causer de tels risques ;

L'association CMPC fait valoir que, selon le document unique d'évaluation des risques, les deux postes du Pole administratif se situaient en-dessous du seuil d'acceptabilité ; il n'empêche que s'agissant des risques psycho sociaux, notamment 'stress, fatigue et anxiété' la fréquence d'exposition est classée, pour tous les facteurs sauf celui relatif aux conflits avec les adhérents, au niveau 3, soit une exposition régulière et un risque émergent ;

Or l'association CMPC n'explique pas quelle mesure elle a prise, au vu des mentions portées sur le document d'évaluation des risques, pour préserver la salariée des risques de stress qui avaient ainsi été identifiés ;

Les pièces produites de part et d'autre révèlent qu'il y avait une ambiance délétère au sein du service, des licenciements (quatre sur 9 salariés), des arrêts maladie liés aux conditions de travail, un manque de transparence ainsi que cela ressort des différents emails produits, des critiques émises sur tel ou tel salarié, y compris d'ailleurs émanant de madame [H] ; les suites de l'incident du 10 janvier 2014, telles qu'elles sont relatées par madame [C], sont révélatrices de ce climat de suspicion, de constitution de clans ; l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail le 14 janvier, l'arrêt maladie qui s'en est suivi en sont directement la conséquence ; madame [H] a donc subi un préjudice moral lié à cette carence de l'association CMPC relative à la prévention et à la gestion des risques psycho sociaux, en réparation duquel il convient de lui allouer une somme de 10.000 Euros à titre de dommages et intérêts ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à sursis à statuer, dit le licenciement de madame [H] sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire ;

L'infirme sur le surplus et statuant à nouveau ;

Condamne l'association [Adresse 1] (CMPC) à payer à madame [H], avec intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2014 :

- 11.900 Euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1.190 Euros pour les congés payés afférents

- 1.917 Euros à titre d'indemnité de licenciement ;

Condamne l'association CMPC à payer à madame [H] :

- 20.000 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture abusive du contrat de travail ;

- 10.000 Euros en réparation du préjudice causé par la violation de l'obligation de sécurité ;

- 3.000 Euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;

Met les dépens à la charge de l'association CMPC.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 16/06481
Date de la décision : 27/03/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°16/06481 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-27;16.06481 ?
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