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22/03/2018 | FRANCE | N°16/21138

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 22 mars 2018, 16/21138


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 3



ARRÊT DU 22 MARS 2018



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/21138



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2016 -Tribunal d'Instance de PARIS 12ème - RG n° 11-16-0035





APPELANTE



Madame [W] [O]

Née le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 1]

[Adresse 1]


[Adresse 1]



Représentée par Me Florian TOSONI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1192







INTIME



Monsieur [E] [P]

Né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]


...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3

ARRÊT DU 22 MARS 2018

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/21138

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2016 -Tribunal d'Instance de PARIS 12ème - RG n° 11-16-0035

APPELANTE

Madame [W] [O]

Née le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Florian TOSONI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1192

INTIME

Monsieur [E] [P]

Né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Sylvie LANGLAIS, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 7

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Daniel FARINA, Président

M. Philippe JAVELAS, Conseiller

Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Daniel FARINA dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Sophie LARDOUX

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Daniel FARINA, président et par Mme Sophie LARDOUX, greffière lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant contrat du 18 décembre 1976 M [E] [P] a donné à bail à Mme [W] [O] à effet du 1er octobre 1976, un appartement de l'immeuble sis au [Adresse 1] .

Par acte d'huissier du 17 mars 2015 il a fait délivrer à Mme [W] [O] un congé pour le 30 Septembre 2015.

Le 13 janvier 2016 M [E] [P] a assigné devant le Tribunal d'Instance de Paris 12 ème Mme [W] [O] aux fins de validation du congé et d'expulsion des locaux loués .

Par jugement du 16 Septembre 2016 le tribunal d'instance a :

- déclaré M [E] [P] recevable en ses demandes,

- déclaré le congé délivré le 17 mars 2015 valide,

- constaté que le bail conclu entre M [E] [P] et Mme [W] [O] portant sur les locaux concernés a pris fin le 23 juin 2016 minuit,

- dit qu'a défaut par Mme [W] [O] d'avoir libéré les lieux deux mois après la signification du commandement de quitter les lieux prévu par l'article l.4l2-l du code des

procédures civiles d'exécution, M [E] [P] pourra procéder à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique si besoin est et au transport des meubles laissés dans les lieux dans tel garde-meubles qu'il plaira au bailleur,

- condamné Mme [W] [O] à payer à M [E] [P] une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant des loyers et des charges qui auraient été dus en cas de non résiliation du bail a compter du 24 juin 2016 jusqu'au départ effectif des lieux,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné Mme [W] [O] aux dépens et à payer à M [E] [P] la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit y avoir lieu à exécution provisoire.

Mme [W] [O] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions du 4 janvier 2018 elle demande à la cour de :

- au visa des articles 123 et 126 du code de procédure civile, 71 de la loi « Quilliot » de 1982, 51 de la loi « Mehaignerie » du 23 décembre 1986, 15 de la loi du 6 juillet 1989, dans ses rédactions antérieures et postérieures à la loi A l u r, 82 de la loi Macron d'août 2015,

- dire Mme [W] [O] recevable et bien fondée en ses demandes,

- rejeter corrélativement l'ensemble des demandes de M [E] [P],

- par conséquent,

- infirmer le jugement déféré,

- statuant à nouveau

- déclarer irrecevable M [E] [P] en ses demandes, l'action ayant été introduite alors que le délai de préavis n'était pas expiré et que l'affaire était plaidée en première instance avant l''expiration de ce même délai,

- dire que le congé délivré le 17 mars 2015 à Mme [O] pour le 30 septembre 2015 est nul parce que la date de fin du bail est erronée et parce que le caractère réel et sérieux de la reprise n'est pas justifié lors de la délivrance du congé, le tout causant un grief à Mme [O], étant observé que, sur ce dernier point, l'article 15 issu de la loi Alur est immédiatement applicable aux contrats en cours ;

- rejeter par conséquent toutes les demandes consécutives de M [E] [P] et notamment celle visant à ce que l'expulsion de Mme [O] soit ordonnée

sous astreinte,

- subsidiairement,

- surseoir à ladite expulsion et accorder à Mme [O] les plus larges délais de grâce pour quitter les lieux,

- en tout état de cause,

- condamner M [E] [P] aux dépens et à payer à Mme [W] [O] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Par conclusions du 4 janvier 2018, M. [E] [P] demande à la cour de :

- au visa des articles 15 de la loi du 6 juillet 1989, 114 et 126 du code de procédure civile,

- déclarer Mme [W] [O] mal fondée en son appel,

- confirmer le jugement déféré,

- y ajoutant,

- condamner Mme [W] [O] aux dépens et à payer :

- une indemnité de 1 000 euros pour procédure abusive,

- et une indemnité de procédure de 3 000 euros .

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exception d'irrecevabilité pour défaut d'intérêt à agir

Attendu que Mme [W] [O] soulève l'irrecevabilité de l'action en validation de congé engagée par M. [E] [P] ;

Qu'au soutien de cette exception elle fait valoir essentiellement que :

- alors que le contrat de bail venait à expiration le 23 juin 2016 M [E] [P] l'a assignée en validation de congé le 13 janvier 2016,

- à cette date comme d'ailleurs au 23 juin 2016, date de l'audience devant le tribunal d'instance, le congé n'avait pas encore pris effet ;

- en conséquence M [E] [P] n'avait pas alors d'intérêt à agir en validation de congé ;

- la date du 23 juin 2016, correspondant à la fin du bail, et en elle même non contestée, est déterminée à partir des données suivantes :

- le bail du 18 septembre 1976 était tacitement reconductible par période d'une année,

- la loi Quilliot du 22 juin 1982, en son article 4 a exigé la mise en conformité des contrats de location en cours,

- elle prévoyait à défaut de régularisation par les parties un délai à l'issue duquel lesdits contrats étaient réputés conclus pour une durée de 3 années à compter d'une certaine date ;

- en application de l'article 51 de la Loi Méhaignerie du 23 décembre 1986, s'agissant de contrats à durée indéterminée, le renouvellement des contrats de locations non mis en conformité avec la Loi Quilliot s'est opéré à compter du 24 juin 1983,

- un contrat tacitement reconduit tous les ans, sans avoir été mis en conformité avec la loi Quilliot du 22 juin 1982, doit être requalifié en contrat à durée indéterminée ;

- en conséquence et par application de l'article 51 de la loi du 23 décembre 1986 susvisée, un renouvellement tous les trois ans à compter du 24 juin 1983 a conduit en l'espèce à un dernier terme au 23 juin 2016 à minuit ;

- ainsi que l'énonce le jugement déféré, cette question fait l'objet d'un consensus entre les parties ;

- le bail venait donc à expiration le 23 Juin 2016 à minuit,

- ayant délivré une assignation le 13 Janvier 2016, alors que le bail se terminait le 23 juin 2016, M [E] [P] était irrecevable à agir au 13 Janvier 2016, de même il était irrecevable à agir à l'audience du matin du 23 Juin 2016 alors qu'il reconnaissait à ce moment-là la fin du bail au 23 Juin à minuit ;

- l'action de M [E] [P] doit donc être déclarée irrecevable pour défaut d'intérêt à agir.

- pour déclarer recevable l'action de M [E] [P] le premier juge a considéré à tort que si le bailleur avait commis, s'agissant de la date de la fin du contrat, une erreur de droit liée à la méconnaissance de la loi du 22 juin 1982 cette erreur ne suffisait pas à le constituer de mauvaise foi,

- pour conclure à la recevabilité de l'action M [E] [P] fait valoir que le fait qu'il ait délivré le congé, pour une date prématurée a pour seule conséquence de reporter les effets du congé au 23 juin 2016, date d'échéance du contrat ;

- or ce report n'empêche pas l'irrecevabilité de l'action dès lors qu'à la date de délivrance de l'assignation le bail n'était pas arrivé à expiration et qu'en conséquence M. [E] [P] n'avait pas alors d'intérêt né et actuel à agir en validation du congé ;

- l'intérêt à agir s'apprécie en effet à la date de la délivrance de l'assignation ;

- l'irrégularité pour défaut d'intérêt à agir ressort du moment où l'action est engagée et non de l'examen du bien fondé de l'action ;

- en conséquence cette irrégularité ne peut être régularisée ;

Attendu que M. [E] [P] réplique que :

- le congé donné pour une date erronée n'est pas nul, mais il voit ses effets reportés à la date d'expiration du bail ;

- l'assignation délivrée le 13 janvier 2016 a pour objet la demande de validation du congé délivré suivant acte du 17 mars 2015 pour le 30 septembre 2015,

- l'intérêt à agir s'appréciant au jour de l'introduction de l'instance, au 13 janvier 2016 le bailleur avait intérêt à agir dès lors que l'assignation en validation de congé avait été délivrée à la fois après le congé et après la date du congé dont il se prévalait ;

- l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action ;

- le fait que le tribunal ait été amené à faire application des dispositions de l'article 51 de la loi du 23 décembre 1986 et à juger que le bail est à durée déterminée et vient à échéance le 23 juin 2016, n'enlève rien à la régularité de la procédure ;

- quand bien même la date des effets du congé serait erronée, M [E] [P] a assigné postérieurement à la date du congé et postérieurement à la date du 30 septembre 2015 date d'effet du congé mentionnée dans celui-ci ;

- l'erreur portant sur la date du congé ne suffit pas à considérer que M [E] [P] n'avait pas un intérêt né et actuel à agir au moment où il a délivré l'assignation ;

- le premier juge n'a fait état d'une erreur de droit qu'en réponse au moyen soulevé par Mme [W] [O] portant sur la nullité du congé pour avoir été donné pour le 30 septembre 2015 au lieu du 23 juin 2016,

- cette motivation du jugement déféré ne concerne donc pas la question de la recevabilité de l'action pour défaut d'intérêt à agir ;

- en outre Mme [W] [O] ne peut, au stade de l'appel, opposer une fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir ;

- en effet, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non recevoir est susceptible d'être régularisée l'irrecevabilité est écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ;

- l'action en validation du congé délivré le 17 mars 2016 quand bien même ses effets se verraient reportés au 23 juin 2016 est recevable ;

Sur ce,

Attendu qu'aux termes de l'article 31 du code de procédure civile 'L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt légitime' ;

Attendu que l'intérêt à agir n'est pas subordonné la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ;

Qu'en conséquence dès lors que l'assignation est délivrée postérieurement à la date d'effet du congé mentionnée dans l'acte de délivrance du congé, et dont le bailleur se prévalait alors, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir, soulevée contre le bailleur, doit être rejetée (Cass 3ème civ 29 septembre 2010) ;

Attendu en l'espèce que M [E] [P] a délivré congé à Mme [W] [O] le 17 mars 2015 pour le 30 septembre 2015, étant observé que le contrat de bail a pris effet un 1er octobre ;

Qu 'en première instance les parties se sont accordées à dire qu'en réalité par application de l'article 51 de la loi du 23 décembre 1986 le bail s'est renouvelé à compter du 24 juin 1983 par période de trois ans, ce qui a conduit à un dernier terme au 23 juin 2016 ;

Qu'il résulte des énonciations du jugement déféré que s'agissant d'un contrat conclu en 1976 une discussion est intervenue entre les parties relativement aux modifications législatives qui, intervenues depuis la date d'effet du bail ont eu une influence sur la date d'effet du congé ;

Attendu que l'intérêt à agir de M [E] [P] n'était pas quant à lui subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de son action en validation de congé et en particulier à la preuve de l'exactitude de la date d'effet du congé mentionnée dans celui-ci ;

Que l'assignation du 13 janvier 2016 a été délivrée postérieurement au 30 septembre 2015, date d'effet du congé mentionnée dans l'acte de congé, et dont M [E] [P] se prévalait initialement ;

Que le fait que le congé ait été délivré prématurément entraîne le report des effets du congé à la date effective de congé;

Que cette circonstance est sans incidence sur l'intérêt à agir du bailleur dés lors que l'assignation a été délivrée après le 30 septembre 2015 date d'effet du congé dont il se prévalait initialement ;

Qu'il s'en déduit que M [E] [P] disposait à la date de l'assignation d'un intérêt né et actuel à agir en validation de congé ; que la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir doit être rejetée ;

Sur la demande en validation du congé

Sur la demande d'annulation du congé au motif pris de l'indication d'une fin de bail erronée

Attendu que Mme [W] [O] demande à la cour de dire que le congé délivré le 17 mars 2015 pour le 30 septembre 2015 est nul parce que la date de fin du bail qui y est mentionnée est erronée ;

Attendu qu'en réponse M [E] [P] soutient que le congé donné prématurément n'est pas nul mais voit ses effets reportés à la date du congé ;

Sur ce

Attendu qu'il est constant qu'alors que les parties s'accordent à fixer au 24 juin 2016 la date de fin du bail, le congé mentionne qu'il prend effet au 30 septembre 2015 ;

Attendu cependant que le congé donné pour une date prématurée n'est pas nul mais prend effet à la date pour laquelle il aurait dû être donné ( Cass Civ 3ème 17 mai 2005 ; 12 octobre 2011 ) ;

Attendu qu'ainsi en l'espèce, le congé donné pour le 30 septembre 2015 n'est pas nul ; qu' il voit ses effets reportés au 24 juin 2016, date pour laquelle il aurait dû être donné ;

Que le moyen de nullité du congé tiré de l'indication d'une date d'échéance erronée n'est pas fondé ;

Sur la demande d'annulation du congé pour non respect des dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989

Attend qu'au soutien de son appel Mme [W] [O] fait valoir essentiellement que :

- l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version applicable depuis l'entrée en vigueur de la loi Alur du 24 mars 2014 impose au bailleur de justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise du logement,

- l'application à l'espèce du texte dans cette nouvelle version est admise par M. [E] [P] ;

- or le congé qu'il a délivré reproduit le texte antérieur à cette loi, en sorte que le caractère réel et sérieux du congé n'était pas justifié au moment de la délivrance du congé.

- en conséquence le congé doit être déclaré nul ;

- il appartenait à M [E] [P] de justifier du sérieux de la reprise au moment de la délivrance du congé, ce qui n'a pas été fait, l'huissier s'étant référé à la loi ancienne, et ayant seulement indiqué que le local était repris pour que le fils de M. [P] y loge.

- cette seule indication est insuffisante au sens de la Loi Alur, pour justifier efficacement du caractère réel et sérieux de la reprise.

- M [E] [P] devait ainsi indiquer les raisons pour lesquelles son fils voulait occuper le logement, en invoquant par exemple de mauvaises conditions de logement ou encore un loyer prohibitif ;

- or ce n'était pas le cas, et cela ne figure pas dans le congé ;

- le fils du bailleur habite à [Localité 3], ses quittances de loyer ayant été communiquées ;

- le congé pour reprise tel qu'il a été signifié le 17 mars 2015 vient donc en fraude des droits de Mme [O] puisqu'il n'existe aucune raison, ni au moment de la délivrance du congé, ni même après, pour que M. [E] [P] récupère le logement ;

- la famille [P], propriétaire multiple a souhaité récupérer un local loué depuis longtemps et dont le loyer ne la satisfait pas ;

- contrairement à ce qu'a décidé le premier juge le régime des nullités de forme ne s'applique pas à l'absence de justification de motif réel et sérieux de reprise.

- l'irrégularité soulevée porte en effet sur aspect substantiel de l'acte,

- il fallait en conséquence appliquer le régime des nullités de fond.

- à supposer que le régime des nullités de forme s'applique au présent litige, la reproduction d'une version obsolète de l'article 15 susvisé cause un grief certain au locataire, en tant que tel ;

- indépendamment de ce grief, il existe en l'espèce un grief, dès lors que ni Mme [W] [O] ni le juge ne sont en mesure de procéder à un contrôle sur la reprise ;

- en outre pour valider le congé le premier juge a pris à tort en considération des éléments extérieurs au congé,

- or la pertinence de la justification du congé doit s'analyser au jour du congé et selon les énonciations contenues dans ledit congé,

Attendu que M. [E] [P] réplique que :

- le premier juge a considéré à juste titre au visa de l'article 114 alinéa 2 du Code de procédure civile, que la reproduction erronée dans le congé du 17 mars 2015, des dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 au regard des modifications apportées par la loi du 24 mars 2014 constitue un vice de forme qui n'entraîne la nullité qu'en cas de grief.

- il appartient à Mme [W] [O] de démontrer l'existence d'un grief,

- ni la reproduction dans le congé de l'ancienne version de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ni le fait qu'au moment de la délivrance du congé le bailleur n'ait pas justifié du caractère réel et sérieux du congé, ne font en eux mêmes cette preuve ;

- les conditions légales du congé pour reprise sont en l'espèce réunies, et elles étaient énoncées au congé : il y était en effet précisé que M. [E] [P] entendait effectuer la reprise de son appartement pour le faire habiter par son fils Monsieur [Y] [P], né le [Date naissance 3] 1989 à [Localité 4].

- le caractère réel et sérieux du congé est établi dès lors que M [E] [P] justifie du lien de parenté et du fait que son fils est lui-même locataire d'un appartement situé dans le 12 ème arrondissement.

- le bailleur n'avait pas d'autres obligations, le 17 mars 2015, à la délivrance du congé, que celle d'indiquer le lien de filiation avec le bénéficiaire du congé, son fils, M [Y] [P].

- le tribunal a estimé qu'il était suffisamment justifié du caractère sérieux du congé par la

volonté du bailleur de loger son enfant à moindre coût que la location qu'il supporte actuellement ;

Sur ce

Attendu qu'en cause d'appel les parties s'accordent à considérer que les dispositions de l'article 15 de la Loi du 6 juillet 1989 dans sa version issue de la loi du 24 mars 1989 s'appliquent au présent litige ;

Attendu que selon les dispositions de ce texte : « Lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié notamment par sa décision de reprendre le logement ;

A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise, qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.

Lorsqu'il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. » ;

Attendu qu'il est constant en l'espèce que le congé délivré par M [E] [P] reprend le texte de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 24 mars 2014 ;

Mais attendu selon les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile, ' Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas de d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public' ;

Qu'il en résulte que la nullité d'un acte de procédure ne peut être prononcée que si celui qui l'invoque justifie d'un grief que lui cause l'irrégularité (C.Cass 15 mai 2008 ) ;

Qu'il en résulte que le fait d'avoir indiqué, dans le congé du 15 mars 2015, l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2014 n'entraîne de nullité qu'à charge pour Mme [W] [O] de démontrer l'existence d'un grief que lui causerait l'irrégularité relevée ;

Qu'il en est de même du défaut d'indication dans le congé des raisons précises invoquées pour justifier du caractère réel et sérieux du motif du congé ;

Attendu que si elle affirme que l'irrégularité relevée lui a nécessairement causé un grief, Mme [W] [O] ne fournit aucun élément spécifique à l'espèce de nature à démontrer l'existence d'un grief précis lié à la reproduction des anciennes dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ;

Attendu concernant le motif du congé, que l'acte du 17 mars 2015 mentionne que M. [E] [P] ' veut effectuer la reprise de son appartement pour le faire habiter par son fils Monsieur [Y] [P], né le [Date naissance 3] 1989 à [Localité 4]' ;

Attendu que Mme [W] [O] ne démontre pas que l'absence d'indication, dans le congé, des raisons de nature à justifier du caractère réel et sérieux du motif lui ait par elle même causé un grief ;

Attendu que dans le cadre de l'instance qu'il a engagée, M [E] [P] expose que le congé pour reprise était donné pour permettre la reprise du logement par son fils [Y], au motif que celui-ci était lui-même locataire d'un appartement à [Localité 3] partagé avec son frère, et pour lequel est acquitté un loyer de 836,94 euros ;

Qu'il justifie par la production d'une copie du livret de famille de la réalité du lien de parenté entre le bénéficiaire de la reprise et lui ; qu'il justifie aussi par la production d'un avis d'échéance de loyer que son fils [Y] est locataire d'un logement situé à [Localité 5] 12ème pour lequel il verse un loyer de 837, 94 euros ;

Que sa volonté de loger son fils à un coût moindre que celui-ci supporté actuellement constitue un motif réel sérieux de congé ;

Que la demande d'annulation du congé n'est donc pas fondée ;

Attendu que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a validé le congé avec effet à la fin du bail soit le 23 juin 2016 à minuit, et qu'il a fixé l'indemnité mensuelle d'occupation au montant du loyer et des charges qui auraient été dûs si le bail s'était poursuivi et ce à compter du 24 juin 2016 ;

Sur la demande de délais

Attendu qu'au soutien de sa demande de délais Mme [W] [O] expose essentiellement que :

- elle connaît de ennuis de santé ; ses revenus sont limités,

- en raison de son âge les bailleurs sont réticents à lui consentir une location alors qu'elle ne dispose d'aucune caution ou garant.

- elle tente de réhabiliter une vieille maison de famille en Province,

- elle a besoin de temps supplémentaire et d'une trésorerie suffisante pour rendre habitable et salubre cette maison ;

- elle n'a pas à sa disposition une seconde maison en guise de domicile.

- dans de telles conditions, il lui est difficile de quitter les lieux ;

- elle habite les lieux depuis des décennies, et elle a toujours réglé son loyer de manière diligente, de même qu'elle a toujours exécuté toutes ses obligations ;

Attendu que pour s'opposer à la demande M. [E] [P] expose que :

- Mme [W] [O] a déjà bénéficié de larges délais ;

- elle s'abstient de justifier de sa propre situation notamment sur le plan financier, alors même que, retraitée de l'Education nationale, elle perçoit une retraite, et possède une résidence secondaire ;

- elle évoque des travaux de réfection dans une maison familiale située à [Localité 6], dans son assignation devant le Premier Président, alors même que ce logement est situé à [Localité 1] ainsi qu'il résulte de son courrier.

- les délais qu'elle sollicitait le 24 septembre 2015 pour intégrer sa maison sont amplement dépassés,

- aucun élément n'est produit quant à la nécessité et/ou la réalité de ces travaux ;

- en tout état de cause elle a la capacité financière de se reloger.

Sur ce

Attendu que les articles L.412-3 à L.412-6 du livre des procédures civiles d'exécution relatifs au sursis à la procédure d'expulsion, prévoient dans certaines conditions, l'octroi au locataire de délais de grâce supérieurs à trois mois mais inférieurs à 3 ans après qu'une décision judiciaire définitive ayant ordonné l'expulsion a été rendue ;

Attendu qu'en application de ces textes, il doit être tenu compte, pour l'octroi de délais, notamment des situations respectives du propriétaire et de l'occupant ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement ;

Attendu en l'espèce que le congé ayant été délivré il a y trois ans Mme [W] [O] a bénéficié d'un long délai de fait ; qu'elle ne justifie pas de démarches qu'elle aurait entreprises en vue d'un relogement ; qu'alors que le jugement déféré avait relevé qu'elle ne fournissait aucun document concernant ses revenus et sa situation de patrimoine, aucun justificatif n'est produit à ce sujet en cause d'appel ;

Attendu que compte tenu de ce qui précède la demande de délai ne peut aboutir ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Attendu qu'au soutien de sa demande M [E] [P] expose qu' il subit un réel préjudice dès lors qu'il ne peut actuellement disposer de son bien pour le mettre à disposition de son fils M [Y] [P], actuellement logé dans des conditions inadaptées ;

Sur ce

Attendu qu'en l'absence de preuve d'une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit de Mme [W] [O] de se défendre en justice la demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive n'est pas fondée ; qu'elle ne peut aboutir ;

Sur les autres demandes

Attendu que l'équité commande d'allouer à M [E] [P] une indemnité de procédure d'appel de 1 500 euros, de confirmer les dispositions du jugement déféré relatives aux frais non répétibles  et de rejeter la demande d'indemnité de procédure formée par Mme [O] ;

Attendu qu'en application de l'article 696 du code de procédure civile les dépens seront mis à la charge de Mme [W] [O] qui au sens de ce texte succombe en l'essentiel de ses prétentions ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement,

Confirme le jugement déféré

Y ajoutant

Condamne Mme [W] [O] à payer à M. [E] [P] une indemnité de procédure d'appel de 1 500 euros.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent dispositif.

Condamne Mme [W] [O] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 16/21138
Date de la décision : 22/03/2018

Références :

Cour d'appel de Paris G3, arrêt n°16/21138 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-22;16.21138 ?
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