Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRÊT DU 21 MARS 2018
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/10360
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mai 2015 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2014060492
APPELANTES
-SAS PRIMONIAL, anciennement dénommée Patrimoine Management & Associés
Ayant son siège social : [Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 484 304 696 (PARIS)
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
-SASU STAMINA ASSET MANAGEMENT, anciennement dénommée PRIMONIAL ASSET MANAGEMENT
Ayant son siège social : [Adresse 2]
[Localité 1]
N° SIRET : 491 164 612 (PARIS)
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentées par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
Ayant pour avocat plaidant : par Me Valentin GERVAIS, de l'AARPI LAWINS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, toque : P0246, substituant Me Laurence CECHMAN de L'AARPI EVERLAW, avocat au barreau de PARIS, toque : B131
INTIMÉE
SAS SOCIETE DE GESTION DES FONDS D'INVESTISSEMENT DE BRETAGNE, dont le nom commercial est NESTADIO CAPITAL et FONDS D'INVESTISSEMENT DE BRETAGNE
Ayant son siège social : Nestadio
[Localité 2]
N° SIRET : 478 704 257 (LORIENT)
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
Ayant pour avocat plaidant : Me Diane FERREIRA, substituant Me Antoine CHEVALIER, de la SCP CHEVALIER MERLY et Associés, avocats au barreau de RENNES
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Irène LUC, Présidente de chambre
Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, rédacteur
Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Dominique MOUTHON VIDILLES dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Cécile PENG, greffier présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 30 septembre 2007, la société Patrimoine Management et Associés (PMA) devenue Primonial, et sa filiale, la société Patrimoine Management et Associés Gestion (PMA Gestion) devenue Stamina Asset Management, ont conclu avec la société de gestion des fonds d'investissement de Bretagne-Nestadio Capital (Nestadio), agréée par l'AMF, un contrat de distribution en vue de commercialiser et de développer le placement des parts des Fonds communs de placement (FCP) Nestadio Croissance V et VI.
Ce contrat conclu pour une durée de deux ans, renouvelable tacitement pour des périodes successives de deux ans, sauf dénonciation à l'issue de chaque période moyennant un préavis de trois mois, prévoyait notamment que ' Nonobstant la résiliation, le non renouvellement ou l'expiration de la présente convention, les dispositions de l'article 4 relatives à la rémunération de PMA suivront jusqu'à épuisement complet des encours résultant de l'exécution des présentes, telles que l'existence de ces encours sera établie par les attestations des dépositaires, postérieurement à la résiliation, au non renouvellement ou à l'expiration de la présente convention, sous réserve que soit assuré le suivi de la relation avec le client.'
Par avenant du 30 septembre 2008, le contrat de distribution a été étendu aux parts des FCP Nestadio Croissance VII et VIII.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juin 2009, la société Primonial a notifié à la société Nestadio la résiliation du contrat avec prise d'effet au 30 septembre 2009, lui rappelant qu'elle continuerait à percevoir sa rémunération ' jusqu'à épuisement des encours établis par les attestations dépositaires '.
Se plaignant de l'absence de versement de rétrocessions de commissions à partir du deuxième trimestre 2011, la société PMA a mis en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 octobre 2012, la société Nestadio Capital de lui verser la somme de 72.395 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 octobre 2012, la société Nestadio Capital a répondu que la société Primonial ne prouvait pas avoir exécuté les obligations auxquelles elle restait tenue à l'égard des souscripteurs en contrepartie des rétrocessions réclamées.
Par exploit du 22 mai 2014, les sociétés Primonial et Stamina Asset Management ont assigné en référé la société Nestadio Capital devant le tribunal de commerce de Paris sollicitant du juge des référés sa condamnation à leur verser la somme provisionnelle de 313.067 euros au titre des encours de commissions. Par ordonnance du 16 octobre 2014, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé l'affaire au fond.
Par jugement du 11 mai 2015, le tribunal de commerce de Paris a :
- déclaré irrecevable l'action de la société Stamina Asset Management,
- débouté la société Primonial de l'ensemble de ses demandes,
- condamné solidairement la société Primonial et la société Stamina Asset Management à payer la somme de 5.000 euros à la société Nestadio Capital au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant au surplus,
- condamné solidairement la société Primonial et la société Stamina Asset Management aux dépends de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,84 eurs dont 17,42 euros de TVA.
LA COUR
Vu la déclaration d'appel et les dernières conclusions déposées et notifiées le 6 novembre 2015, par lesquelles les sociétés Primonial et Stamina Asset Management invitent la cour, au visa des articles 31 du code de procédure civile et 1134, 1315 et 1142 et suivants du code civil, à :
- infirmer dans l'ensemble de ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Paris du 11 mai 2015,
statuant à nouveau:
- condamner la société Nestadio Capital à payer aux appelantes la somme de 416.554,56 euros au titre des encours de commissions,
- condamner la société Nestadio Capital à payer aux appelantes la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Nestadio Captal aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP AFG, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions déposés et notifiées le 7 septembre 2015, par lesquelles la société Nestadio Capital, intimée, demande à la cour, au visa des articles 31 du code de procédure civile et 1134 du code civil, de :
- dire que la société Stamina Asset Management ne démontre pas son intérêt à agir
en conséquence,
- dire que les demandes de celle-ci sont irrecevables,
à titre principal
- dire que la société Primonial ne justifie pas avoir accompli son obligation d'information contractuelle et légale,
en conséquence,
- débouter la société Primonial de toutes ses demandes, fins et conclusions,
en tout état de cause
- condamner les demanderesses aux entiers dépens de l'instance et à verser à la société Nestadio Capital la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE
La société Primonial et la société Stamina Asset Management sollicitent la condamnation de la société Nestadio à leur verser la somme de 416.554,56 euros, actualisée au 1er trimestre 2015 (page 4 des dernières écritures) ou au 30 septembre 2015 (page 22 des dernières écritures), au titre de commissions correspondant à 1,30 % des encours des Fonds qu'elles ont commercialisés, et qui leurs seraient dues, postérieurement à la résiliation du contrat de distribution intervenue à l'initiative de la société Primonial par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juin 2009 à effet au 30 septembre 2009, soit à compter du 3ème trimestre 2011 jusqu'à la fin mars 2015 ou au 30 septembre 2015.
Sur l'exception d'irrecevabilité pour défaut d'intérêt à agir de la société Stamina Asset Management
La société Nestadio Capital soutient que la société Stamina Asset Management ne dispose pas d'aucun intérêt à agir en paiement d'une éventuelle rémunération dont elle n'était pas créancière en vertu de dispositions contractuelles explicites.
La société Stamina Asset Management réplique qu'elle a un intérêt à agir en tant que créancière, avec la société Primonial, de la rémunération due par la société Nestadio Capital pour la distribution des fonds, objet du contrat de distribution. Elle considère qu'il ressort clairement des termes du contrat de distribution qu'elle était mandatée, au même titre que la société Primonial, pour distribuer les fonds listés en annexe du contrat, en contrepartie de la rémunération prévue à l'article 5. Elle ajoute que in fine, elle était également bénéficiaire des commissions versées et qu'il ne peut en être autrement puisqu'elle a été spécifiquement mandatée pour établir des mandats de démarchage et qu'il ne peut s'agir d'un contrat à titre gratuit.
Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt au succès ou au rejet d'une prétention. L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action et l'appréciation de la preuve des faits nécessaires au succès d'une prétention relève de l'examen de l'affaire au fond.
En l'espèce, il n'est pas discuté qu'aux termes du contrat de distribution auquel est intervenue la société PMA Gestion devenue Stamina Asset Management, la société Nestadio Capital l'a mandatée, ainsi que la société PMA devenue Primonial, pour le placement des parts de fonds, sa mission rappelée dans le préambule du contrat consistant à prendre en charge la réalisation de l'ensemble des prestations administratives se rapportant à l'enregistrement des démarcheurs auprès de la Banque de France et à émettre des cartes de démarchages et de mandats.
Pour autant, et étant rappelé qu'aux termes de l'article 1986 du code civil, le mandat est gratuit sauf convention contraire, aucune des dispositions contractuelles ne prévoit de rémunération au profit de la société PMA Gestion devenue Stamina Asset Management. En effet, tant l'article 5.1 qui définit la ' Rémunération pour la distribution des Fonds ' que l'article 4 ' Durée-Résiliation ' qui traite du maintien de cette rémunération après la résiliation du contrat de distribution, ouvrent un droit au versement d'une rémunération, sous forme d'une commission, à la seule société PMA. Par ailleurs, la société Stamina Asset Management ne démontre pas qu'in fine, elle soit, comme elle l'affirme, bénéficiaire de tout ou partie de cette rémunération, ce qui, au demeurant, ne pourrait résulter que d'accords passés avec la société PMA auxquels la société Nestadio est étrangère. Par suite, n'étant contractuellement bénéficiaire, ni directement ni indirectement, d'aucune rémunération de la part de la société Nestadio, la société Stamina Asset Management ne justifie d'aucun intérêt à agir à l'encontre de cette dernière en paiement d'une commission prévue au seul bénéfice de la société PMA. Ses demandes à l'encontre de la société Nestadio sont donc irrecevables et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la demande en paiement d'une somme de 416.554,56 euros au titre des commissions sur encours
Pour solliciter l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement au motif qu'elle ne rapportait pas la preuve de l'accomplissement de sa propre obligation contractuelle de suivi de la relation avec la clientèle qui était la contrepartie du maintien de sa rémunération après résiliation, la société Primonial soutient, en substance, que les premiers juges ont manifestement méconnu les termes du contrat de distribution en inversant la charge de la preuve de l'inexécution opposée par la société Nestadio. Elle ajoute qu'ils ont procédé à une interprétation dévoyée du contenu du ' suivi de la relation client ' qu'elle devait assurer et qu'en tout état de cause, la société Nestadio ne rapporte pas la preuve d'une quelconque inexécution de ses obligations, qu'elles soient contractuelles, légales ou réglementaires.
La société Nestadio réplique essentiellement que la rémunération post-souscription rémunère une obligation de conseil et d'information dont la société Primonial est débitrice envers les souscripteurs selon les termes du contrat et que le paiement des commissions n'est dû que si, et seulement si, elle a accompli son obligation de suivi envers le souscripteur. Elle considère que la société Primonial est dans l'incapacité de fournir le moindre commencement de preuve à ce sujet de sorte qu'elle ne peut prétendre à percevoir la moindre commission.
Le contrat étant résilié, il y a lieu de se référer à l'article 4 du contrat qui dispose que '...la rémunération de PMA (Primonial) survivra à la résiliation du contrat jusqu'à épuisement complet des encours, tels qu'attestés par les dépositaires ', ajoutant ' sous réserve que soit assuré le suivi de la relation avec le client '.
Cet article institue donc une rétrocession de commissions par la société Nestadio au profit de la société Primonial, après résiliation du contrat de distribution et pendant la durée de vie des produits financiers souscrits par les clients par l'intermédiaire de celle-ci, en contrepartie du maintien de leur suivi. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que le maintien du ' suivi de la relation avec le client ' était la contrepartie du maintien de la rémunération au profit de la société Primonial. La cour ajoute qu'à défaut, l'obligation à paiement de la société Nestadio, après la résiliation du contrat, serait alors dépourvue de cause.
Conformément à l'article 1315 ancien du code civil qui dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, il appartient à la société Primonial qui sollicite le paiement de commissions qui lui seraient dues après la résiliation du contrat, de rapporter la preuve que les conditions de sa rémunération sont réunies, c'est-à-dire non pas seulement l'existence des encours, établie par les attestations des dépositaires, mais également le respect de sa propre obligation contractuelle de suivi de la relation avec le client.
Or, bien qu'il s'agisse de la preuve de faits positifs, la société Primonial ne produit aucune pièce aux débats démontrant qu'elle ait assuré le suivi de sa relation avec le client ayant souscrit des parts des Fonds par son intermédiaire. Par suite, elle ne démontre pas que les conditions de sa rémunération postérieurement à la résiliation du contrat de distribution soient réunies. En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement et de ses demandes de condamnation complémentaires.
Sur les autres demandes
La société Primonial et la société Stamina Asset Management qui succombent en appel, en supporteront la charge des dépens et devront verser à la société Nestadio Capital la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, elles-mêmes étant déboutées des demandes formées à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;
y ajoutant,
CONDAMNE la société Primonial et la société Stamina Asset Management aux dépens de l'appel ;
CONDAMNE la société Primonial et la société Stamina Asset Management à verser à la société de gestion des fonds d'investissement de Bretagne la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
Cécile PENG Irène LUC