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20/03/2018 | FRANCE | N°15/08694

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 20 mars 2018, 15/08694


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 20 Mars 2018

(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/08694



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Juillet 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL







APPELANT



Monsieur [A] [V]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me France LENAIN,

avocat au barreau de PARIS, toque: R121





INTIME



Monsieur [P] [T]

Demeurant [Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par Me Pauline MORDACQ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0380





IN...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 20 Mars 2018

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/08694

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Juillet 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL

APPELANT

Monsieur [A] [V]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me France LENAIN, avocat au barreau de PARIS, toque: R121

INTIME

Monsieur [P] [T]

Demeurant [Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par Me Pauline MORDACQ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0380

INTIMEE

SA TRANSAT FRANCE

Sise [Adresse 3]

[Adresse 4]

N° SIRET : 347 941 940

représentée par Me Pauline MORDACQ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0380

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Bruno BLANC, Président

Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère

Madame Marianne FEBVRE-MOCAER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, prorogé ce jour

- signé par M. Bruno BLANC, président et par Mme Marine BRUNIE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

EXPOSE DU MOTIFS

La SA TRANSAT FRANCE a une activité d'agence de voyages. L'entreprise est soumise à la convention collective du personnel des agences de voyages et de tourisme ; elle comprend plus de 10 salariés. La moyenne mensuelle des salaires de [A] [V] s'établit à 12.413,95 €.

[A] [V], né en [Date naissance 1], a été engagé par la SAS VACANCES AIR TRANSAT FRANCE devenue la SA TRANSAT FRANCE par contrat à durée indéterminée à effet du 17.05.2004, en qualité de délégué commercial qualification agent de maîtrise niveau 4 à temps complet.

Des avenants ont a été signés entre les parties relatifs aux commissionnements pour les saisons 2003/2004 et la saison 2004/2005 ; puis pour la saison suivante, l'attribution de primes a été définie en fonction des ventes 'Groupes' ; à partir de la saison 2006/2007 des objectifs individuels et collectifs ont été prévus. Par avenants, les conditions d'attribution de la rémunération variable ont été précisées pour l'exercice 2010/2011 puis de même le 16.02.2012 pour la saison 2011/2012.

Un avertissement a été notifié au salarié le 02.12.2009 à la suite d'une altercation survenue le 19 novembre précédent avec A. [T], son responsable hiérarchique, et V. [X], commercial Groupes.

Par courriel du 19.09.2012, [A] [V] a fait part à son employeur de sa volonté de négocier son départ.

[A] [V] a été mis en arrêt de travail à compter du 24.09.2012, cet arrêt a fait l'objet de prolongations successives jsuqu'à la rupture du contrat de travail.

Par courrier du 26.10.2012, [A] [V] a dénoncé un harcèlement moral et un manquement à l'obligation de sécurité de résultat.

La SA TRANSAT FRANCE a répondu le 07.11.2012 en proposant qu'une enquête soit diligentée par deux personnes représentant le personnel, le CHSCT devant y être associé; elle a avisé l'inspection du travail de cette situation. [A] [V] a refusé de revenir dans l'entreprise pour s'expliquer compte tenu de son état de santé, et également de choisir un représentant dans le cadre de cette enquête. L'employeur a alors décidé le 05.12.2012 de procéder à l'enquête, tout en contestant les soupçons de partialité émis par son salarié et en sollicitant l'avis de l'inspection du travail.

Le 18.12.2012, le médecin du travail a entendu alerter l'employeur sur la dégradation de l'état de santé de [A] [V] en lui rappelant ses obligations en termes de sécurité de résultat.

Le 29.01.2013 la SA TRANSAT FRANCE a fait savoir au salarié que l'enquête, dont le rapport avait été établi le 28.01.2013, n'avait pas permis de démontrer ses allégations de harcèlement ; le CHSCT a rédigé pour sa part un compte rendu d'enquête concluant dans le même sens. [A] [V] a contesté ces résultats le 15.02.2013, son employeur confirmant leur validité dans une lettre du 27.02.2013, ce qui a à nouveau été contesté par le salarié le 21.03.2013 sans que l'employeur modifie son avis.

L'inspecteur du travail s'est déplacé sur le site le 18.02.2013 ; dans un courrier du 21 février suivant, il a imposé à l'employeur de prendre toutes les mesures de prévention nécessaires pour préserver la santé du salarié à son retour.

Le conseil des prud'hommes de Créteil a été saisi par [A] [V] le 21.02.2013 en résiliation judiciaire du contrat de travail, indemnisation des préjudices subis et pour diverses demandes liées à l'exécution du contrat de travail.

Une visite de pré-reprise a été organisée le 08.07.2015 avec le médecin du travail qui a envisagé une étude de poste et des conditions de travail ; cette visite a été réalisée le 18.08.2015. Le 01.09.2015, le médecin du travail s'est prévalu des dispositions de l'article R4624-31 du code du travail pour déclarer le salarié inapte à son poste.

La SA TRANSAT FRANCE a sollicité l'avis du médecin du travail sur un poste d'attaché commercial pour la compagnie aérienne AIR TRANSAT les 03, le 07 et le 17.09.2015 ; celui ci a confirmé son précédent avis le 16 septembre en déclarant :

'Malheureusement je ne peux que vous reconfirmer que les capacités restantes de M. [V] ne lui permettent pas d'être reclassé ou de suivre de formations pour être reclassé au sein de votre établissement ou groupe, l'état médical constaté ne permettant pas de préciser les capacités restantes, inexistantes le jour de dernier examen médical'.

La SA TRANSAT FRANCE a fait une proposition de reclassement au salarié le 17.09.2015 sur le poste d'attaché commercial statut agent de maîtrise au sein de AIR TRANSAT.

[A] [V] a été convoqué par lettre du 08.10.2015 à un entretien préalable fixé le 20.10.2015 ; la SA TRANSAT FRANCE lui a demandé le 23.10.2015 ses observations sur les motifs envisagés pour son licenciement, le salarié a contesté le 30 octobre le reclassement proposé, puis il a été licencié par son employeur le 06.11.2015 pour inaptitude et impossibilité de reclassement dans les termes suivants:

'Nous vous avons convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, le mardi 20 octobre 2015 à llhOO au sein de nos locaux à Ivry-sur-Seîne, auquel vous ne vous êtes pas présenté.

Le 23 octobre 2015, nous vous avons donc adressé un courrier afin de vous laisser la possibilité de nous faire part de vos observations par écrit quant à la mesure envisagée à votre encontre.

Aucune décision quant à votre licenciement pour inaptitude n'avait été prise Jusqu'au Jour d'aujourd'hui. Nous vous avons uniquement exposé les motifs qui nous conduisaient à envisager une telle mesure à votre égard, en vous laissant la possibilité de nous faire part de vos observations, ce que vous avez fait par courrier du 30 octobre 2015.

Ainsi que nous l'avons rappelé dans notre courrier du 23 octobre 201S, vous avez été embauché en en qualité de Délégué Commercial suivant contrat à durée indéterminée du 17 mai 2004. A ce titre, vous aviez pour mission principale la vente des produits de l'entreprise auprès d'une clientèle directe au sein de la direction Groupes.

Vous êtes en arrêt de travail depuis le 24 septembre 2012. Vous avez par ailleurs été mis en Invalidité de catégorie 2, par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, depuis le 24/09/2015.

Il a été organisé une visite médicale de reprise, le mardi 1er septembre 2015. A l'issue de cette visite, le médecin du travail vous a déclaré inapte au poste que vous occupiez précédemment, conformément à l'article R. 4624-31 du Code du travail, dans les termes suivants:

« Inapte au poste précédemment occupé. Le maintien du salarié au poste entraîne un danger immédiat pour sa santé. Une seule visite a été effectuée, conformément à l'article R4624-31 du Code du Travail.

Etude de poste et des conditions de travail effectuée le 18.08.2015.

Cet avis n'est assorti d'aucune proposition de reclassement au sein de l'établissement ou du groupe, l'état médical constaté ne permet pas de préciser les capacités restantes, inexistantes ce jour. »

Bien que cet avis n'était assorti d'aucune proposition de reclassement au sein de l'établissement ou du groupe, nous avons alors recherché toutes les possibilités de reclassement qui pouvaient être compatibles avec vos compétences et les recommandations du Médecin du Travail, le cas échéant, après muutations ou transformation des postes, aménagement du temps du travail.

Comme déjà évoqué, nous avons sollicité les préconisations et contre-indications détaillées du Médecin du Travail, et avons soumis à son avis le poste d'attaché commercial pour la compagnie aérienne Air Transat dans le cadre d'une affectation définitive et ce avant de vous soumettre cette proposition.

Le médecin du travail ne nous ayant pas répondu, nous avons été contraints de vous proposer le 17 septembre 2015, ce poste qui nous apparaissait être le plus adapté et le plus proche possible de l'emploi que vous occupiez avant votre arrêt maladie.

Nous ne pouvions pas nous contenter d'attendre une réponse du médecin du travail et nous appuyer sur son inertie pour ne pas tenter de vous reclasser; d'autant que le médecin du travail alors en poste était sur le point de quitter ses fonctions et que nous craignions de n'obtenir aucune réponse de sa part.

C'est pour cette raison que nous avons pris la décision de vous communiquer cette proposition de poste que nous avions sélectionné en tenant compte de votre situation. Par conséquent, cette proposition ne vous a pas été adressée de façon précipitée, comme vous ie mentionnez, et constituait belle et bien une proposition sérieuse et loyale qui a été le fruit d'une réflexion au regard des postes disponibles et de votre situation.

En tout état de cause et si vous aviez accepté cette proposition sans que le médecin du travail nous confirme votre aptitude à ce poste, une nouvelle visite aurait été organisée avec le médecin du travail avant que vous ne repreniez une activité afin qu'if puisse apprécier la compatibilité du poste proposé avec votre état de santé et vos capacités au jour de cette visite.

A aucun moment, le médecin du travail ne nous a indiqué que « [...] ladite « offre» contrevenait à ses recommandations [...] » et ce comme vous l'affirmer dans votre dernière correspondance. En effet et comme déjà mentionné, lorsque le médecin du travail nous a finalement répondu, il nous a indiqué que :

« Malheureusement, je ne peux que vous reconfirmer que les capacités de M. [V] ne lui permettent pas d'être reclassé ou de suivre de formation pour être reclassé au sein de votre établissement ou groupe / l'état médical constaté ne permettant pas de préciser les capacités restantes, inexistantes le jour de dernier examen médical ».

Vous nous avez notifié votre refus d'être reclassé sur ce poste d'attaché commercial par courrier du 23 septembre 2015 et avez réitéré votre décision dans votre courrier que nous avons reçu le 16 octobre dernier ainsi que dans votre courrier du 30 octobre 2015.

Nous n'avons pas pu trouver d'autres postes disponibles permettant votre reclassement qui soient compatibles avec les restrictions du Médecin du Travail et qui correspondent à vos compétences.

En conséquence, votre reclassement au sein de l'entreprise et du groupe s'avère impossible et nous sommes au regret de vous informer que nous nous voyons contraints de procéder à votrelicenciement pour inaptitude à la suite de l'avis d'Inaptitude dressé par le médecin du travail le 1er septembre 2015. Votre contrat de travail sera donc rompu à la date d'envoi de la présente lettre, sans indemnité de préavis.'

[A] [V] a contesté son licenciement le 19.11.2015.

La Cour est saisie de l'appel régulièrement interjeté le 08.09.2015 par [A] [V] du jugement rendu le 07.07.2015 par le conseil de prud'hommes Créteil section Encadrement, qui a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Une pension d'invalidité catégorie 2 a été attribuée par la CPAM 75 au salarié le 04.01.2016.

Vu les conclusions visées à l'audience en date du 16.01.2018 au soutien de ses observations orales par lesquelles [A] [V] demande à la cour de :

A titre principal,

- Dire et juger que [A] [V] a été victime de harcèlement moral de la part de [P] [T] sans intervention de TRANSAT FRANCE SA qui a couvert ses agissements;

- Dire et juger que TRANSAT FRANCE SA a manqué à son obligation de sécurité et de résultat;

- Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur;

- Dire et juger que ladite résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul, ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse ;

Subsidiairement,

- Dire et juger que le licenciement notifié le 6 novembre 2015 est nul, ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence, condamner la société TRANSAT FRANCE SA à payer à [A]

[V] :

- Dommages-intérêts pour licenciement nul, ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse: 297.934,80 euros ;

- Indemnité compensatrice de préavis : 37.241.85 euros et congés payés sur préavis : 3.724,18 euros;

- Dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat : euros (6 mois) : 74.483,70 euros ;

- remise des documents sociaux sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter des 15 jours suivant le prononcé du jugement à intervenir ;

- Article 700 du CPC : 5.000,00 euros ;

Condamner également [P] [T] à payer à [A] [V] :

- Dommages et intérêts pour harcèlement moral (6 mois), le cas échéant in solidum avec la société TRANSAT FRANCE SA : 74.483,70 euros ;

- Article 700 du CPC : 5.000,00 euros ;

En tout état de cause, ordonner :

- La capitalisation des intérêts sur les sommes susmentionnées sur le fondement de l'article 1154 du Code civil ;

- La condamnation aux entiers dépens.

Vu les conclusions visées à l'audience au soutien de ses observations orales par lesquelles la SA TRANSAT FRANCE demande à la cour de :

Dire et juger que la société TRANSAT FRANCE venant aux droits de la société VACANCES TRANSAT et [P] [T] n'ont commis aucun fait de harcèlement moral,

Dire et juger que la société TRANSAT FRANCE venant aux droits de la société VACANCES TRANSAT et [P] [T] n'ont pas commis d'atteinte à l'obligation de santé et de résultat de [A] [V],

En conséquence

Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Débouter [A] [V] de sa demande de résiliation judiciaire aux torts de la société TRANSAT FRANCE venant aux droits de la société VACANCES TRANSAT,

Débouter [A] [V] de sa demande indemnitaire au titre de la nullité de son licenciement,

Subsidiairement,

Débouter [A] [V] de sa demande au titre du caractère nul et ou sans cause du licenciement prononcé le 6 novembre 2015 ;

Débouter [A] [V] de toute demande indemnitaire à l'encontre de [P] [T] et à l'encontre de la société TRANSAT FRANCE venant aux droits de la société VACANCES TRANSAT,

Débouter [A] [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

En tout état de cause

CONDAMNER [A] [V] à payer à la société TRANSAT FRANCE et [P] [T] chacun la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le harcèlement moral :

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il appartient au juge de se prononcer sur l'ensemble des éléments retenus afin de dire s'ils laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les

éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral.

A l'appui de sa demande [A] [V] fait valoir qu'il a donné toute satisfaction à son employeur et a été promu Responsable des ventes collectivités en 2006 en bénéficiant d'une augmentation mais que les relations de travail avec son supérieur hiérarchique, [P] [T], se sont dégradées à partir de 2007, [A] [V] ayant pour compagne une collègue, C. [P], Directrice technique. Il invoque les agissements répétés de son supérieur :

- la modification de ses fonctions et l'amoindrissement de ses prérogatives :

Il constate avoir été promu Responsable des commerciaux à compter de novembre 2006 et produit à cet effet l'avenant signé pour l'exercice 2006/2007 définissant "l'objectif de ventes Groupes Collectivités réalisées par l'équipe des commerciaux rattachés à Mr [A] [V]" se traduisant pour lui par l'attribution d'une prime de 1,5 € par passager parti sur les ventes réalisées par cette équipe ; cependant ces modalités n'ont pas été reconduites à la période suivante, l'avenant ne prévoyant que des objectifs individuels sans commission sur l'activité des commerciaux, ni par la suite ; il conteste avoir exercé ces responsabilités "à l'essai" ; il affirme que cette situation a été orchestrée par son supérieur, [P] [T], qui lui a retiré progressivement ses missions pour les confier à sa propre belle soeur, C. [M], ce qui n'est attesté que par C [P] sa compagne, ce qui ne garantit pas l'authenticité de ces déclarations ; il affirme que P. [D], président directeur général, lui a imposé la signature de l'avenant 2007/2008 qui a modifié son statut ; il relève en effet que son supérieur dans un courriel du 30.05.2012 déclare que : "merci de noter qu'aucun commercial doit signer ses contrats (apparemment le seul qui le fait est [A]...) donc dorénavant plus aucun contrat signé par [A] tout doit passer par [Q]... impératif", cette dernière étant responsable technique au sein de l'équipe de commerciaux ; le 12.07.2011, son supérieur, par une note manuscrite signée, a autorisé [A] [V] à conserver le secteur du département 92 si l'objectif fixé était atteint, néanmoins dans un courriel du 17.10.2011, il attribue 6 villes de ce département à un autre salarié et par la suite, le 02.01.2012, il attribue à ce collègue, Y. [E], également 8 autres villes du département.

[A] [V] mentionne également des objectifs et territoires volontairement flous provoquant l'empiètement d'autres commerciaux comme Y. [E] ET V. [X]. Il relève que ses avenants à partir de l'exercice 2004/2005 ne font plus état des secteurs de prospection ; il justifie de ce que son secteur pouvait être utilisé par ses collègues intervenant directement auprès de ses clients qui s'en étonnent (S. [F]) ou bien qu'il a été contraint de faire une mise au point avec Y [E] qui avait adressé de la publicité à un de ses clients 09.11.2011, ce salarié continuant cependant à ne pas respecter la répartition convenue ce qui a provoqué une nouvelle mise au point houleuse de la part de [A] [V] le 22.12.2011.

C [O] atteste de ce que [P] [T] dénigrait son subordonné après leur déménagement à Ivry ; [A] [V] constate que son collègue E. [C] s'est autorisé des commentaires désobligeants sur lui le 08.02.2011 et qu'il en a été de même de J.C. [T], ce dont une de ses clientes s'est étonnée le 03.07.2012 ainsi que du climat régnant dans le service ; deux clients attestent du comportement verbalement agressif de [P] [T] vis à vis de [A] [V], R. [G] et F. [J].

[A] [V] invoque un climat de suspicion mis en place par son supérieur à son égard ; L. [S] évoque dans son attestation les interventions intempestives de [P] [T] lors des réunions de travail qu'il avait avec lui, qu'il qualifie de manque de respect vis à vis de lui même en sa qualité de client mais aussi vis à vis du salarié, tout en faisant état de "l'animosité et de la sécheresse de ton de cette personne remettant sans arrêt en doute la parole et les propos de Monsieur [V]".

C [O] atteste également de l'isolement du salarié : "[A] était à l'écart sans que je sache pourquoi... j'ai vu [P] ne pas répondre à [A] ou bien systématiquement tourner les talons..." ; le salarié a demandé à être seul dans un bureau et un tout petit local lui a été assigné en août 2012, sans lumière du jour, qu'il a refusé.

[A] [V] précise que sa compagne C. [P] sera licenciée pour motif économique le 14.06.2014, et que ce licenciement sera jugé sans cause réelle et sérieuse par le conseil des prud'hommes de Créteil le 23.12.2016 par une décision défintive.

Dans ce contexte en septembre 2012 il fait part à son supérieur de son intention de démissionner ainsi qu'au Directeur général adjoint, P. [R].

Par ailleurs, [A] [V] justifie de la dégradation de son état de santé et le médecin du travail, qui l'a encontré à plusieurs reprises et a constaté cette situation, a décidé d'alerter l'employeur de sa situation le 18.12.2012 en estimant qu'il était nécessaire pour le salarié d'éviter tout contact avec l'entreprise, tout en mettant en garde l'entreprise sur l'organisation du travail mise en place par l'encadrement. Son médecin traitant a également constaté cette situation à partir de septembre 2012 ; le salarié a été suivi par une psychologue du travail depuis cette date ; [A] [V] a été placé en arrêt maladie à partir du 24.09.2012 sans pouvoir reprendre son activité au sein de la SA TRANSAT FRANCE, et le 01.09.2015, le médecin du travail le déclarera inapte en une seule visite en raison d'un danger immédiat. Enfin l'inspection du travail a relevé le 21.02.2013 l'état de souffrance objective du salarié en dépit du résultat de l'enquête menée en interne.

Ces éléments laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral subi par [A] [V] dans l'entreprise.

En réponse, la SA TRANSAT FRANCE conteste la portée de l'attestation délivrée par la compagne du salarié qui serait dénuée de toute objectivité, de même que celle de C [O] qui aurait fait l'objet d'un licenciement ; elle dénie également l'intérêt des autres attestations produites par le salarié et en communique d'autres dont il ressort que selon P. [U] et A. [A], [A] [V] avait un complexe de supériorité ; selon V. [X], son supérieur serait incapable de harcèlement moral ; selon A.D. [L], son collègue ne communiquait plus et ne tolérait plus de démarches même involontaire sur ses clients ce que confirme Y. [E]. Elle déclare que l'appelant avait accepté l'organisation mise en place par [P] [T] qui lui avait permis de réaliser un chiffre d'affaires très important. A.D. [L] déclare que selon [P] [T], [A] [V] était indispensable à l'entreprise et qu'il ne souhaitait pas le perdre.

L'employeur conteste que [A] [V] ait eu en 2006/2007 une responsabilité spécifique vis à vis de ses collègues commerciaux qui étaient dirigés directement par [P] [T], il s'agissait d'une démarche purement incitative, et le salarié n'ayant pas été en mesure de motiver davantage ses collègues, un avenant est revenu sur ces prérogatives que le salarié a signé sans réserve ; le rapport d'audit interne de juin 2012 rappelle que les contrats groupe BTB/ BTC devaient recevoir la signature du Directeur groupe. Il déclare que les territoires n'étaient pas contractualisés et que la répartition des clients se faisait en fonction des intérêts de l'entreprise ; ce système a permis au salarié d'obtenir régulièrement des primes d'objectifs qui sont mentionnées sur les bulletins de salaire ; ce dernier a accepté les modifications de répartition ainsi qu'il ressort des courriels échangés, et le salarié ne pouvait pas mettre à profit le potentiel de développement du département 92 à lui tout seul ; un nouveau commercial, Y. [E], a donc été recruté en septembre 2011 pour renforcer l'équipe commerciale sur le 92 ; cependant son supérieur a accepté de lui maintenir l'ensemble du département le 12.07.2011 s'il justifiait pouvoir réaliser des ventes suffisantes. [P] [T] a décidé de faire transiter les fiches Province par son intermédiaire à partir de 2011, puis elles ont été distribuées par d'autres canaux, ce qui relevait de son pouvoir de direction. De simples erreurs ont été commises par les collègues de [A] [V], en ce qui concerne les secteurs attribués, et celui ci réagissait violemment s'ils n'étaient pas respectés. Des plaintes ayant été formées par certains clients envers [A] [V], c'est à bon droit que son supérieur les a attribués à un autre commercial (P. [Y]). L'employeur constate que le salarié ne démontre aucun traitement défavorable. Il déclare que [P] [T] était apprécié de son équipe et produit des attestations en sa faveur, Y. [E] déclare que son manager l'a convoqué avec [A] [V] pour aplanir les difficultés entre eux ; ce dernier s'est volontairement marginalisé et n'adressait pas la parole à ses collègues.

La SA TRANSAT FRANCE constate que le salarié ne s'est pas plaint de [P] [T] jusqu'au 26.10.2012 ; la société a immédiatement décidé de mettre en place une enquête devant les accusations de harcèlement moral et [A] [V] a refusé d'être auditionné ; les deux rapports rédigés ne traduisent pas l'existence d'un harcèlement moral, les auditions faisant apparaître le comportement particulier du salarié qui réagissait de manière agressive, alors que leur supérieur ne le dénigrait pas. [A] [V] ne démontre pas que sa santé se soit dégradée en raison du contexte professionnel ; le médecin du travail ne s'est pas rendu dans les locaux et le médecin traitant ou la psychologue ne peuvent pas constater le lien entre l'état de son patient et ses conditions de travail ; l'inaptitude médicale est de nature non professionnelle.

Il ressort de ces éléments qu'il est exact qu'un rapport d'enquête interne a été rédigé par P. [R], Directeur général adjoint, et C. [Z], DRH, soit deux membres de la Direction de l'entreprise, à la suite d'une enquête menée conjointement avec le CHSCT de l'UES TRANSAT FRANCE, auprès de l'ensemble de l'équipe de commerciaux ; ce premier rapport a constaté en novembre 2012 que le salarié, à cette époque, s'isolait, et pouvait adopter un comportement agressif, certains de ses collègues exprimant de la peur devant cette attitude, et que, si des conflits de délimitation de territoires surgissaient, le salarié réagissait de manière virulente, qu'en outre il a exercé un rôle de supervision sur l'ensemble de l'équipe pendant un temps "sans qu'elle lui soit rattachée formellement", que la division du département 92 a été décidée par le Directeur général adjoint pour faire augmenter les ventes, le salarié conservant ses propres clients.

De son côté la commission d'enquête a rédigé en commun un rapport avec les deux représentants du CHSCT, a constaté l'absence du salarié qui n'est pas venu s'expliquer, son supérieur venant pour sa part répondre aux questions posées ; mais la commissionnements a relevé aussi que le salarié avait une personnalité ombrageuse, que ses collègues se sont plaints qu'il ne leur adressait pas la parole, alors que [P] [T], selon eux, adoptait un comportement strictement professionnel et a recueilli des plaintes de salariés en raison de menaces proférées par C. [V].

Il rentrait dans le pouvoir de l'employeur de répartir entre ses commerciaux les différents secteurs ; il n'est pas justifié du développement effectif de la clientèle de C. [V] fin 2011 sur son secteur géographique qui recouvrait le département 92, ce qui avait été la condition posée par son supérieur pour lui conserver ce secteur en entier ; néanmoins son contrat de travail stipulait que le poste de travail comprenait "une zone géographique de travail prédéterminée par avenant ... et modifiable par la Direction Générale" alors que la zone attribuée au salarié n'a pas été mentionnée dans les différents avenants à partir de fin 2007 ; cette situation a donné lieu à des litiges, le salarié démontrant par là même que les répartitions étaient floues ou du moins qu'elles n'avaient pas fait l'objet d'avenants signés ; la SA TRANSAT FRANCE n'a pas respecté son engagement de juillet 2011 de maintenir au salarié le département 92 s'il réalisait un nombre de ventes supérieures puisqu'il a recruté un nouveau commercial dès le mois de septembre 2011 pour oeuvrer sur une partie de ce département ; si [A] [V] a donné son accord formel pour un nouveau périmètre d'activité en janvier 2012 par courriel, il n'en reste pas moins que les dispositions contractuelles n'avaient pas été respectées et qu'il a pu reprocher cette situation à son supérieur.

Il est exact que les collègues de [A] [V] ont fait des erreurs relatives aux différents secteurs attribués, et il justifie d'erreurs répétés en ce qui concerne Y. [E] ; ces erreurs révèlent que le système mis en place par [P] [T], alors que les secteurs n'étaient pas déterminés dans les avenants annuels et étaient modifiés, pouvait donner lieu à des conflits entre commerciaux, motivés par l'attribution de commissions.

En outre, [A] [V] s'était vu confier, par avenant, une mission spécifique pendant une saison à l'égard de ses collègues commerciaux, qui n'a pas été reconduite fin 2007 sans qu'il en fasse état jusqu'à la saisine prud'homale ; les bulletins de salaire de la période ne sont pas produits, ni d'autres documents néanmoins la réalité de cette situation n'est pas contestée par l'employeur qui n'a pas formalisé là encore la modification des attributions qui avaient été effectivement confiées au salarié, ce dont il a pu se plaindre par la suite.

Il n'est pas justifié de l'agressivité de [A] [V] jusqu'à l'année 2012, sauf ponctuellement en décembre 2009, alors qu'il était dans l'entreprise depuis 2004 ; il ne s'agissait donc pas d'un comportement habituel chez lui. En revanche le ton employé par son supérieur hiérarchique dans les échanges de courriels produits pouvait être très sec et parfois non dénués d'une certaine brutalité ou même de condescendance.

En ce qui concerne l'enquête menée en interne dans l'entreprise, il convient d'observer que [A] [V] a pu décliner l'invitation à se présenter dès lors qu'il était en arrêt maladie et qu'il n'était pas en mesure, psychologiquement, de revenir sur site, sur lequel il était très isolé. Cette enquête a donc été menée sans qu'il soit en mesure d'être confronté aux affirmations de son supérieur, ou même de s'expliquer avec ses collègues, ce qui en limite la portée ; le rapport rédigé en commun avec le CHSCT établit la réalité du conflit ayant existé entre [A] [V] et l'équipe de commerciaux, et plus particulièrement son responsable, [P] [T], sans cependant donner la cause exacte de cette dégradation rapide alors que le salarié avait une ancienneté importante dans l'entreprise et montrait une efficacité reconnue ; l'inspection du travail pour sa part a constaté que la souffrance au travail du salarié était "bien réelle" dans son courrier du 21.02.2013 en dépit des conclusions de l'enquête ; il a demandé à l'employeur de s'attacher à demander au supérieurs hiérarchiques de [A] [V] de n'avoir "aucun comportement déplacé à son égard (insultes, brimades physiques...)". La CPAM du 94 a considéré le 06.03.2016 que le point de départ de l'affection subie par le salarié était le 24.09.2012, date de l'arrêt de travail initial.

Il résulte des éléments du dossier que le médecin du travail s'est bien déplacé pour une étude de poste et des conditions de travail le 18.08.2014 ainsi qu'il ressort de l'avis d'inaptitude ; il était donc en mesure de délivrer l'avis du 01.09.2015 constatant un danger immédiat pour le salarié. La longue interruption du salarié pour maladie et les traitements suivis attestent de l'importance des troubles subis, le médecin du travail ayant mentionné le 16.09.2015 l'absence de capacités professionnelles restantes.

Par suite, dans ce contexte, et eu égard notamment au ton employé par le supérieur hiérarchique du salarié, les mesures prises par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction n'ont pas été étrangères à tout harcèlement.

En conséquence, au vu de l'ensemble de ces éléments pris dans leur ensemble, il convient de dire que [A] [V] a subi un harcèlement moral auquel a participé son supérieur hiérarchique sans que la responsabilité exclusive puisse en incomber à ce dernier, les méthodes de management utilisées dans l'entreprise y ayant contribué à titre principal. [P] [T] sera donc mis hors de cause.

La SA TRANSAT FRANCE sera condamnée à verser au salarié en réparation du préjudice subi la somme de 15.000 €.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité de résultat :

L'employeur prend, en application de l'article 4121-1 du code du travail, les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : des actions de prévention des risques professionnels ; des actions d'information et de formation ; la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement de circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

En conséquence la responsabilité de l'employeur est engagée sauf à prouver : la faute exclusive de la victime ou l'existence de circonstances relevant de la force majeure, imprévisibles, irrésistibles et extérieures. Il suffit que l'employeur manque à l'une de ses obligations en matière de sécurité pour qu'il engage sa responsabilité civile même s'il n'en est résulté ni accident du travail ni maladie professionnelle. Pour satisfaire à son obligation de résultat l'employeur doit vérifier : les risques présentés par l'environnement de travail, les contraintes et dangers liés aux postes de travail, les effets de l'organisation du travail, la santé des salariés, les relations du travail. La simple constatation du manquement à l'obligation de sécurité suffit à engager la responsabilité de l'employeur. Mais encore faut-il que la victime apporte la preuve de l'existence de deux éléments : la conscience du danger qu'avait ou aurait dû avoir l'employeur (ou son préposé substitué) auquel il exposait ses salariés ; l'absence de mesures de prévention et de protection.

[A] [V] indique n'avoir pas fait l'objet d'une visite médicale d'embauche ni par la suite ; un accord sur la prévention des risques psychosociaux a été négocié tardivement en 2013, alors que le médecin du travail avait explicitement alerté l'employeur contre les risques présentés par le salarié le 18.12.2012 ; il n'a pas fait l'objet d'évaluations annuelles. Il observe que l'enquête interne a été menée par la Direction, certes en présence de deux représentants du personnel, mais en dehors de sa présence, et que les conclusions ne lui ont été communiquées que dans le cadre de la procédure prud'homale dont il conteste la pertinence ; l'inspecteur du travail n'avait pas été rendu destinataire de ce rapport et il ne s'est rendu dans l'entrepris qu'a posteriori.

La SA TRANSAT FRANCE conteste la validité des certificats médicaux présentés le salarié et notamment par la psychologue, qui ne font que rappeler les dires du patient ; son inaptitude sera qualifiée de droit commun par la CPAM sans qu'il le conteste ; les troubles psychologiques relèvent de sa personnalité et son sans lien avec son milieu professionnel.

Or il ressort des éléments précédemment analysés que les méthodes de gestion employées par la hiérarchie de [A] [V] ont été mises en cause par le médecin du travail dans son courrier du 18.12.2012 ; ce dernier relève à juste titre qu'il n'a pas fait l'objet d'un suivi médical régulier par le médecin du travail comme l'employeur en avait l'obligation, qu'il n'a pas bénéficié d'une évaluation annuelle qui lui auraient permis de formaliser ses inquiétudes ; les procédures relatives à la prévention des risques psychosociaux ont été mises en place postérieurement à la dégradation de son état de santé.

De ce fait, le manquement de l'employeur est suffisamment démontré ; la SA TRANSAT FRANCE sera condamnée à verser la somme de 5.000 € en réparation du préjudice subi.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail et ses conséquences :

La demande de résiliation judiciaire étant antérieure au licenciement, son bien fondé doit être vérifié dans un premier temps et, seulement si elle s'avère infondée, le licenciement sera examiné.

En cas d'inexécution de ses obligations contractuelles par l'employeur, le salarié peut saisir le conseil des prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur sur le fondement de l'article 1184 C.Civ.

Lorsque les manquements sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Lorsqu'en revanche, les manquements invoqués par le salarié ne sont pas établis ou ne présentent pas un caractère de gravité suffisant, le juge doit purement et simplement débouter le salarié de sa demande.

A l'appui de sa demande, [A] [V] se prévaut du harcèlement moral et du manquement à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur qui sont démontrés et qui constituent des manquements graves, ce qui justifie la résiliation de son contrat de travail aux torts de celui ci.

Par suite la rupture du contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement nul en présence d'un harcèlement moral et le jugement en cause infirmé.

En conséquence, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l'âge de [A] [V], de son ancienneté dans l'entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies à la cour, la SA TRANSAT FRANCE sera condamnée à verser au salarié à titre de dommages intérêts la somme de 150.000 € outre les indemnités de rupture comprenant l'indemnité compensatrice de préavis. Cette somme à caractère indemnitaire est nette de tous prélèvements sociaux.

Lorsque le licenciement illégitime est indemnisé en application des articles L1235-2/3/11 du code du travail, la juridiction ordonne d'office, même en l'absence de Pôle emploi à l'audience et sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-5, le remboursement par l'employeur, de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois ; en l'espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner l'employeur à rembourser les indemnités à concurrence d'un mois.

Le jugement rendu sera infirmé .

Sur les autres demandes :

Il est fait droit à la demande de documents sociaux conformes sans que l'astreinte soit nécessaire.

La capitalisation des intérêts est de droit conformément à l'article 1343-2 nouveau du code civil (ancien 1154 du code civil).

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 07.07.2015 par le conseil de prud'hommes Créteil section Encadrement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes fondées à l'encontre de [P] [T] et l'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Met [P] [T] hors de cause ;

Dit que [A] [V] a subi un harcèlement moral de la part de la SA TRANSAT FRANCE et qu'il démontre un manquement à l'obligation de sécurité de résultat de sa part;

En conséquence dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement nul ;

Par suite, condamne la SA TRANSAT FRANCE à payer à [A] [V] les sommes de :

15.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

5.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat ;

150.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

37.241.85 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 3.724,18 € à titre de congés payés sur préavis ;

Dit que ces sommes à caractère indemnitaires porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt et ce, avec capitalisation ;

Rejette les autres demandes ;

Ordonne, dans les limites de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la SA TRANSAT FRANCE à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à [A] [V] à concurrence d'un mois de salaire ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA TRANSAT FRANCE à payer à [A] [V] la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Condamne la SA TRANSAT FRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIER LEPRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 15/08694
Date de la décision : 20/03/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°15/08694 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-20;15.08694 ?
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