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20/03/2018 | FRANCE | N°14/08682

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 20 mars 2018, 14/08682


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 20 mars 2018

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/08682



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Mai 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 13/14370





APPELANT

Monsieur [K] [A]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 2]

compa

rant en personne,

assisté de Me Elise DANGLETERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0493, Me Peter ALEFELD, avocat au barreau de TOULOUSE





INTIMEE

SAS ASSISTANCE AERONAUTIQUE ET AERO...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 20 mars 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/08682

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Mai 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 13/14370

APPELANT

Monsieur [K] [A]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 2]

comparant en personne,

assisté de Me Elise DANGLETERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0493, Me Peter ALEFELD, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

SAS ASSISTANCE AERONAUTIQUE ET AEROSPATIALE

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 353 522 204

représentée par M. [S] [T] (Adjoint DRH) en vertu d'un pouvoir spécial

assisté de Me Nathalie DAUXERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : G35,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 décembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre

Madame Isabelle VENDRYES, conseiller

Madame Roselyne NEMOZ, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Christelle RIBEIRO, lors des débats

En présence de Monsieur PIETRI, avocat général

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Daniel FONTANAUD, président de chambre et par Sylvie FARHI greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [K] [A] a été engagé par la société ASSISTANCE AÉRONAUTIQUE ET AÉROSPATIALE (A.A.A) en qualité d'ajusteur cellule, niveau IV échelon 1 coefficient 255 selon contrat de mission à l'exportation du 18 juin 2009, son lieu d'affectation étant le site client AIRBUS en Allemagne, à HAMBOURG.

Par lettre du 14 mai 2013, la société A.A.A l'a informé du terme de la mission à l'exportation par le donneur d'ordre et a formulé des propositions de reclassement. Monsieur [A] ayant refusé ces propositions, la société A.A.A lui a notifié la rupture de son contrat de travail, par lettre du 1er juillet 2013 ainsi motivée : 'Nous vous avons convoqué à un entretien préalable le mardi 25 juin 2013 au cours duquel nous vous avons exposé les motifs qui nous ont conduits à envisager votre licenciement pour fin de mission à l'exportation.

Vous avez été recruté par l'entreprise au terme d'un contrat de mission à l'exportation en date du 18 juin 2009 en qualité d' « Ajusteur cellule '', dont le poste est basé à Hambourg.

En application des dispositions de votre contrat de travail de mission à l'exportation et de la fin du contrat de sous-traitance technique conclu avec la société cliente de A.A.A, AIRBUS et notamment de son article 12, la cessation des activités de cette mission emporte la rupture de votre contrat de travail en raison de la fin de la mission pour la réalisation de laquelle votre contrat de travail avait été conclu.

Compte tenu de la cessation de la mission pour laquelle vous avez été recruté, vous avez été reçu le 16 mai 2013 par votre supérieur hiérarchique. Au cours de cet entretien, ce dernier vous a fait part des emplois disponibles dans l'Entreprise et répondant à vos qualifications et expertises. Des propositions vous ont été notamment faites en contrat à durée indéterminée en France.

Par réponse écrite du 28 mai 2013, vous nous avez informés de votre souhait de ne pas donner suite à ces propositions et vous l'avez confirmé lors de nos entretiens ultérieurs. Nous sommes en conséquence contraints de vous notifier par la présente votre licenciement en raison de la fin de mission à l'exportation.'

Le 27 septembre 2013, monsieur [A] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris pour contester la rupture de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle des industries métallurgiques et le contrat de mission soumis à l'accord national du 23 septembre 2005 relatif aux contrats de mission à l'exportation. A la date de la rupture, monsieur [A] percevait un salaire brut moyen, incluant diverses majorations et primes, de 2.755 Euros.

Par jugement du 20 mai 2014, le Conseil de Prud'hommes a condamné la société A.A.A à payer à monsieur [A] les sommes suivantes :

- 764,65 Euros à titre de rappel de primes de jours fériés de 2010 à 2013 ;

- 153,42 Euros à titre de rappel de salaires ;

- 700 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile

Il a débouté monsieur [A] du surplus de ses demandes et la société A.A.A. de sa demande reconventionnelle.

Ce jugement a été notifié à monsieur [A] le 30 juin 2014 et il en a interjeté appel les 28 et 29 juillet.

Ces deux appels ont été joints par ordonnance du 28 novembre 2016.

Par conclusions visées par le greffe le 20 décembre 2017 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, monsieur [A] demande à la Cour de confirmer les condamnations prononcées, d'infirmer le jugement sur le surplus et de condamner la société A.A.A à lui payer les sommes suivantes :

- 8.112 Euros à titre d'indemnité forfaitaire de frais de séjour ;

- 307,18 Euros à titre de rappel d'indemnité de panier du 1er juillet 2010 au 3 septembre 2013 ;

- 6.000 Euros à titre de rappel de primes voyage détente

- 250 Euros à titre de rappel de primes voyage aller-retour de février 2011 ;

- 1.265,93 Euros à titre de rappel d'heures supplémentaires du 1er juillet 2010 au 3 septembre 2013 et les congés payés afférents ;

- 724,72 Euros à titre de rappel de jours fériés du 1er juillet 2010 au 3 septembre 2013 et les congés payés afférents ;

- 41.320 à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 116.100 Euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat ;

- 16.530 Euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- 187,57 Euros à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement ;

Monsieur [A] demande la remise de bulletins de paie conformes à l'arrêt sous astreinte et la condamnation de la société A.A.A à lui payer 5.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile.

Par conclusions visées par le greffe le 20 décembre 2017 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société ASSISTANCE AÉRONAUTIQUE ET AÉROSPATIALE (A.A.A) demande à la Cour de confirmer le jugement, à l'exception de la condamnation prononcée au titre de l'article 700, de débouter monsieur [A] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à lui payer 5.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile.

Le Ministère public a soutenu à l'audience ses observations écrites.

MOTIFS

Le jugement qui n'est critiqué par aucune des parties sur les condamnations prononcées au titre des rappels de salaires pour non respect des minima conventionnels et indemnités de jours fériés, sera confirmé sur ces deux points ;

Sur les indemnités de séjour ;

Le contrat de travail de monsieur [A] stipule, en son article 9, que l'indemnité de 104 Euros couvrant les frais de séjour est fixée par jour calendaire, et cette précision est reprise par les deux avenants signés en juin 2009 et avril 2010 qui mentionnent cette indemnité avec l'abréviation JC (pour jour calendaire, ce qui n'est pas contesté) ;

Les développements de la société A.A.A sur les dispositions de la convention et des accords collectifs aux termes desquels les indemnités de séjour ne sont versées que pendant les jours d'exécution de la mission, ou encore sur l'absence de contestation des représentants du personnel, sont sans portée dès lors que, d'une part, en application de l'article 2254-1 du code du travail, seules les dispositions plus favorables d'une convention ou d'un accord collectif s'appliquent aux contrats de travail et, d'autre part, que l'article 9 du contrat de travail est rédigé de façon claire et précise, en sorte qu'il ne peut donner lieu à interprétation ni à contestation de la part d'instances qui n'y étaient pas parties ;

Il convint en conséquence, infirmant le jugement de ce chef, de faire droit à la demande de monsieur [A] et de lui allouer à ce titre, une somme de 8.112 Euros, contestée sur le principe mais pas sur le montant ;

Sur les indemnités de panier

Ces indemnités sont prévues à l'article 18 de l'avenant 'Mensuels' de la convention collective, en faveur des salariés qui effectuent au moins 6 heures de travail entre 22 heures et 6 heures ou qui, après avoir travaillé 9 heures ou plus, prolongent d'au moins une heure ce travail après 22 heures ;

Le taux minimal de cette prime est fixé à l'annexe II de l'avenant et son montant successivement revalorisé par divers accords, le dernier du 25 mars 2013, en fixant le montant à 6,65634 Euros ;

La société A.A.A prétend que monsieur [A] opère une confusion entre ces primes de panier et les indemnités de panier qui lui ont été payées, en plus d'une prime d'équipe, toutes les fois qu'il a été amené à travailler en horaires décalés, lesquels ne couvrent pas le travail de nuit, et qu'il a été rémunéré de façon plus favorable que ce qui était prévu par la convention collective ;

Toutefois, il ressort des tableaux versés aux débats par la société A.A.A que le salarié, au titre des heures de nuit, bénéficiait d'une part d'une majoration de 50% laquelle, comme monsieur [A] le fait valoir, était prévue par la convention collective en son article 17, outre une prime de panier d'un montant de 2,74 Euros ; dès lors, il appartient à l'employeur de démontrer que cette prime de panier, régulièrement versée, répondait à des conditions différentes de celles prévues par la convention collective auxquelles monsieur [A] n'aurait pas eu droit ; A défaut, monsieur [A] est en droit de revendiquer la différence entre la prime de panier payée par la société A.A.A et son montant minimum tel que fixé par les accords précités soit, selon les pièces et tableaux produits, une somme de 307,18 Euros, le jugement étant infirmé sur ce point ;

Sur les primes de 'voyage détente'

En application du principe 'à travail égal, salaire égal', tel qu'il se déduit des dispositions par les articles L. 2261-22-II-4, L. 2771-1-8 et L. 3221-2 du code du travail, l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique ;

Pour l'attribution d'un avantage particulier, il appartient à l'employeur de démontrer que la différence de traitement entre des salariés placés dans une situation comparable au regard dudit avantage repose sur des raisons objectives ; une différence de statut juridique entre les salariés ne suffit pas, à elle seule, à exclure l'application du principe d'égalité de traitement ;

En l'espèce, il n'est pas contesté que les salariés en situation de détachement percevaient un forfait Voyage-Détente de 3.000 Euros tandis que les salariés en mission à l'exportation percevaient seulement un forfait de 2.000 Euros ;

C'est d'abord de façon inopérante que la société A.A.A fait valoir que le contrat de mission permet de réserver des opportunités d'embauche en France, la politique de recrutement de la société n'étant pas un critère pertinent pour justifier l'octroi d'avantages différents aux salariés exerçant les mêmes fonctions ;

S'agissant des contraintes familiales et personnelles, il n'est contesté ni qu'elles sont exactement les mêmes dans les deux situations, ni que les salariés en détachement, à l'instar des salariés en mission, ont accepté librement de partir à l'étranger ; le seul élément que fait valoir la société A.A.A à ce titre est que les salariés en détachement n'ont pu 'anticiper', lors de la signature de leur contrat initial, la 'contrainte d'un éloignement non souhaité ab initio', élément subjectif puisqu'il repose sur des présupposés psychologiques, alors que la société ne justifie ni d'ailleurs n'allègue que les salariés en détachement n'ont pas été en mesure d'organiser, bien avant leur départ, leur vie personnelle et familiale à l'étranger ;

Il convient en conséquence, d'infirmer le jugement sur ce point et de faire droit à la demande de monsieur [A] au titre du complément des primes de voyage, contesté sur le principe mais pas sur le montant ;

En revanche, monsieur [A] sera débouté de sa demande relative au remboursement d'une somme de 250 Euros correspondant à l'avance 'voyage retour' qui ne lui aurait pas été payée en févier 2011 ; sa revendication à ce titre ne repose que sur une attestation de l'expert comptable qu'il a missionné, sans production des bulletins de paie correspondants qui seuls permettent de vérifier que cette avance bimestrielle n'a pas été réglée ;

Sur le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires

Selon les dispositions de l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre ; le juge forme sa conviction au vu des éléments produits par les parties ;

Pour étayer sa demande, monsieur [A] verse aux débats un tableau intitulé 'compteur RQP AAA DEU ' qui recense le nombre de jours de récupération dont bénéficiaient chacun des salariés et l'attestation de madame [K], secrétaire, dont il n'est pas contesté qu'elle était en charge de ce tableau, sous le contrôle de monsieur [W], puis de monsieur [I], laquelle explique qu'y était inscrite une heure de repos compensateur pour une heure supplémentaire effectuée au-delà de la 40ème heure, sans aucune majoration ; la société qui prétend qu'il était tenu compte de ces majorations, fait valoir que madame [K] est également en conflit avec la société, mais ne verse aux débats aucune pièce pour la contredire, si ce n'est, de façon inopérante, par référence à l'attestation de monsieur [W], lequel se borne à déclarer que 'vu l'antériorité des faits, je ne me rappelle pas avec précision le fonctionnement précis de ce tableur' ;

La société, de son côté, ne produit aucun élément permettant d'établir que les majorations ont été appliquées ;

Le jugement sera donc infirmé en c qu'il a rejeté cette demande, étant précisé qu'au vu des pièces versées aux débats par monsieur [A] le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires non payées s'élève à 724,72 Euros (et non pas 1.265,93 Euros, l'expert comptable ayant corrigé cette erreur matérielle dans son attestation) ;

Sur le licenciement

Selon les dispositions de l'article 8 de l'accord du 23 septembre 2005 sur le contrat de mission à l'exportation conclu en application des dispositions de l'article 1223-5 du code du travail, la fin de la mission, pour la réalisation de laquelle le contrat de travail avait été conclu constitue, pour l'employeur, une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

L'article 5 de l'accord précise que la mission doit être définie dans le contrat de travail ;

La faculté, pour l'employeur, de conclure un contrat plus souple que celui de droit commun a pour corollaire le respect d'un formalisme quant à la définition de la mission ;

En l'espèce, et comme le fait valoir monsieur [A], son contrat ne comporte aucune indication précise sur ses missions, se bornant à mentionner, à l'article 2 intitulé Emploi : 'les tâches principales pour lesquelles le salarié est engagé sont : travaux d'ajustage éléments pièces avions A 380" ; toutefois, il pourra être occasionnellement demandé au salarié d'accomplir des tâches autres que celles stipulées au présent contrat, ces tâches restant dans le champ d'application des compétences du salarié, telles qu'il les a présentées à AAA dans son CV' ;

Monsieur [A] justifie d'ailleurs avoir travaillé, en qualité de mécanicien, pour d'autres donneurs d'ordre (LATECOERE, SONACRA, MECHACHROME) et sur d'autres avions que l'A 380 (A 350) ; il a en outre été affecté pendant trois semaines sur le chantier de [Localité 4] pendant le cours de ce contrat de mission ;

Enfin monsieur [A] verse aux débats l'organigramme de l'A 380 au 7 août 2013 qui fait apparaître qu'il a été remplacé sur son poste après le 30 août 2013, par un salarié en mission d'interim motivée par un 'accroissement temporaire d'activité suite à une hausse d'activité sur le chantier A380" ; et si la société explique que la société AAA GMBH, qui ne se confond pas avec elle, a poursuivi le chantier parce qu'elle avait remporté l'appel d'offres au détriment d'AAA, force est de constater qu'il s'agit d'une affirmation qui n'est étayée par aucune pièce, monsieur [A] démontrant au contraire que c'est la société A.A.A s'occupait de reclasser des salariés en leur proposant, pour des raisons financières, un contrat local avec sa filiale allemande;

Le licenciement motivé par la fin du contrat de sous-traitante technique avec Airbus et la cessation des activités de cette mission doit donc être déclaré sans cause réelle et sérieuse ;

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, de l'ancienneté de monsieur [A] lors de la rupture (4 ans), de sa rémunération et des conséquences du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces fournies, il lui sera alloué une somme de 17.000 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture ;

Sur l'indemnité spéciale de licenciement

Le solde du montant de l'indemnité spéciale de licenciement, compte tenu des rappels de salaires, doit être fixé à 187,57 Euros , le jugement étant reformé sur ce point ;

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Monsieur [A] expose que le 3 septembre 2013, les locaux de la société A.A.A ainsi que son domicile personnel et celui de très nombreux autres salariés ont été perquisitionnés par les contrôleurs du fisc allemand ; qu'en dépit de ses déclarations de revenus en France, il a fait l'objet d'un redressement fiscal par les autorités allemandes pour les années 2007, (date à laquelle il a commencé à travailler en interim pour le compte de la sociét AAA, ce qui n'est pas contesté) à 2011, assorti de diverses pénalités, pour un montant total de 101.000 Euros ;

Il prétend que le régime applicable à sa situation en Allemagne est celui du prélèvement à la source, que la société s'est pourtant abstenue de déclarer les revenus de ses salariés travaillant en Allemagne, alors même qu'elle connaissait parfaitement ses obligations fiscales par le biais de sa filiale allemande AAA GMBH ; qu'elle n'a jamais pris la peine de l'informer sur le régime fiscal qui lui serait applicable et qu'il a découvert de façon particulièrement brutale à l'occasion de la perquisition à son domicile ; il ajoute que s'il avait été informé en amont de sa situation fiscale par l'employeur, il n'aurait jamais accepté de partir travailler en Allemagne à de telles conditions ; qu'il avait été convenu avec l'employeur un revenu brut déduit des charges et impôts français, en sorte que toute charge supplémentaire qui n'a pas été mentionnée dans son contrat et dont il n'a jamais été tenu informé, doit nécessairement être prise en charge par l'employeur ;

Il fait valoir que la perquisition à domicile, la procédure pour fraude fiscale, la procédure administrative pour obtenir un sursis de paiement ont eu un impact psychologique important ; qu'il a dû engager des honoraires d'avocat allemand pénaliste et fiscaliste à hauteur de 5.000 Euros ;

La société A.A.A réplique que la demande de monsieur [A] vise en réalité à lui faire supporter les impôts dont il était personnellement tenu au regard de la législation allemande ; qu'en effet, à supposer qu'elle ait été tenue d'opérer un prélèvement à la source, ce qu'elle conteste, ce précompte aurait été déduit du salaire de monsieur [A] ; que celui-ci s'est abstenu de procéder aux vérifications nécessaires auprès de l'administration fiscale comme elle l'avait invité à le faire par une mention expresse de son contrat de travail, alors même qu'elle n'en avait pas l'obligation légale ; que monsieur [A] ne justifie pas avoir procédé à une déclaration de ses revenus en France, enfin qu'elle lui a adressé ainsi qu'aux autres salariés, un courrier en octobre 2013 pour lui offrir les services d'un conseiller fiscal ;

Le contrat de travail de monsieur [A] comporte un article 13 ainsi rédigé : 'Il est nécessaire que vous fassiez le point sur votre situation fiscale en France. Vous devez pour cela prendre contact avec votre centre des impôts afin de déterminer avec eux les modalités de votre imposition pour un détachement en Allemagne.

D'un commun accord, les parties conviennent que la société ne saurait être tenue pour responsable et aucune indemnité de quelque nature qu'elle soit ne saurait être réclamée par le salarié à la société du fait de la négligence du salarié dans le non respect des démarches et des déclarations qu'il doit effectuer auprès des autorités compétentes ' ;

Toutefois, l'employeur est tenu dans l'exécution du contrat de travail d'une obligation de bonne foi qui lui impose d'informer le salarié expatrié non seulement de sa situation au regard de la protection sociale, mais également au regard du régime fiscal applicable ;

Or la clause du contrat de travail ci-dessus reproduite ne donne précisément aucune information au salarié, puisqu'elle lui enjoint d'aller la recueillir auprès des services fiscaux français ;

En outre, alors que la société A.A.A reproche à monsieur [A] de ne pas s'être lui-même renseigné sur ses obligations fiscales, elle explique que les différentes hypothèses de prélèvement à la source tiennent notamment au statut de la société employeur selon qu'elle a un établissement stable en Allemagne ou un représentant permanent 'au sens du droit interne', éléments qui sont donc relatifs à la situation de l'entreprise au regard du droit allemand que le salarié n'est pas censé connaître ; elle prétend que monsieur [A] ne démontre pas qu'elle était tenue de prélever les revenus à la source, alors même que celui-ci répond, sans être contredit, que cette obligation résulte de l'article 38 du code général des impôts allemands et que selon l'article 42d du même code, ce prélèvement est de sa responsabilité ;

Certes, comme le fait valoir la société, le montant du prélèvement à la source reste à la charge du salarié et doit en conséquence venir en déduction de son salaire ; il reste que, eu égard au montant de l'imposition sur le revenu en Allemagne tel qu'il ressort des documents produits par monsieur [A], il était susceptible d'amputer la rémunération du salarié de telle sorte que, dans le respect de son obligation de bonne foi contractuelle, la société devait prendre en compte cette problématique fiscale lors de la négociation des diverses composantes de la rémunération du salarié;

Quant au courrier du 15 octobre 2013 qui a été adressé à monsieur [A] après les perquisitions et postérieurement à son licenciement, force est de constater qu'il donne à l'intéressé des informations sur ses obligations fiscales au regard du droit allemand, de la convention fiscale franco-allemande, les crédits d'impôt dont il est susceptible de bénéficier, sans expliquer la raison pour laquelle ces informations concises et précises n'ont pas été données au salarié avant son embauche ;

Il résulte de ce qui précède que la société A.A.A a commis un manquement caractérisé en s'abstenant de délivrer à monsieur [A] une information complète sur les conséquences fiscales du contrat de mission à l'exportation en Allemagne, en sorte que l'intéressé n'a pu négocier son salaire en connaissance de cause, qu'il a été soumis à une perquisition et à des procédures pénalisantes, et qu'il a dû payer des intérêts outre d'importantes pénalités ;

En revanche, monsieur [A], s'il a déclaré ses revenus en France à compter de l'année 2011, n'y a néanmoins payé aucun impôt ; compte tenu de ces éléments, il convient de fixer le montant des dommages et intérêts destinés à réparer son préjudice, tant matériel que moral, à la somme de 90.000 Euros ;

Sur le travail dissimulé

Aux termes des dispositions de l'article L 8221-5 du code du travail, dans sa version issue de la loi du 16 juin 2011, est réputé travail dissimulé le fait, notamment, pour tout employeur, de s'être soustrait intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur les salaires auprès des organismes de recouvrement ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales ;

En l'état des pièces du dossier qui ne révèlent que des poursuites dirigées contre monsieur [A] et non contre l'employeur, l'intention de dissimulation de la société A.A.A de ses obligations fiscales auprès de l'administration n'est pas établie ;

Monsieur [A] doit être débouté de la demande de dommages et intérêts qu'il a formée de ce chef ;

La société A.A.A devra remettre à monsieur [A] des bulletins de paie conformes à l'arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte ;

En application des dispositions de l'article L 1235-2 du code du travail, la société A.A.A devra rembourser les indemnités chômage réglées à monsieur [A] dans la limite de 6 mois ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement sur le rappel de salaires et le rappel de primes de jours fériés ;

L'infirme sur le surplus et statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;

Dit le licenciement de monsieur [A] sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société ASSISTANCE AÉRONAUTIQUE ET AÉROSPATIALE (A.A.A) à payer à monsieur [A] les sommes suivantes :

- 8.112 Euros à titre d'indemnité forfaitaire de frais de séjour ;

- 307,18 Euros à titre de rappel d'indemnité de panier du 1er juillet 2010 au 3 septembre 2013;

- 6.000 Euros à titre de rappel de primes voyage détente ;

- 724,72 Euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et 72,47 Euros au titre des congés payés afférents ;

- 17.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail

- 187,57 Euros à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement ;

Ordonne à la société A.A.A de remettre à monsieur [A] des bulletins de paie conformes au présent arrêt ;

Dit que la société A.A.A devra rembourser les indemnités chômage réglées à monsieur [A] dans la limite de 6 mois ;

Ajoutant au jugement ;

Condamne la société A.A.A à payer à monsieur [A] la somme de 90.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de son obligation d'information ;

Condamne la société A.A.A à payer à monsieur [A] une somme de 2.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;

Met les dépens à la charge de la société A.A.A.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 14/08682
Date de la décision : 20/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-20;14.08682 ?
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