Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 19 MARS 2018
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 17/17866
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013000842
APPELANTE
SARL LOV'AIR AVIATION
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 492 649 827
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Ayant pour avocat plaidant Me Cyrille ANDRE, avocate au barreau de PARIS, toque : R090
INTIMÉES
SA LIXXBAIL
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant Me Quentin SIGRIST de la Selarl SIGRIST & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque: L098
SA NATIXIS LEASE
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 3]
N° SIRET : 379 155 369
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Stéphane BONIN de la SCP BONIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : B0574
Ayant pour avocat plaidant Me FIRINO MARTELL, avocate au barreau de PARIS, pour la SCP BONIN & ASSOCIES, toque : B0574
SA BERLYS AVIATION
ayant son siège social [Adresse 4]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Serge CONTI de la SELARL CONTI & SCEG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0253
PARTIE INTERVENANTE
Maître [B] [V], es qualité de Liquidateur Judiciaire de la SA PAMIX
demeurant [Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 5]
Intervenante forcée, régulièrement assignée, non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 Janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, PrésidentMme Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Mme Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffière, lors des débats : Mme Clémentine GLEMET
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Vu le jugement prononcé le 6 juillet 2015 par le tribunal de commerce de Paris qui a :
- mis hors de cause la sociétés Lixxbail et la société Natixis Bail, venant aux droits de GCE Bail,
- dit la société Lov'air Aviation recevable en son action au fond à l'encontre des autres défenderesses, mais mal fondée,
- débouté la société Lov'air Aviation de toutes ses demandes,
- condamné la société Lov'air Aviation à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
* 25 360,60 euros à la société Berly's Aviation,
* 8 000 euros à la société Lixxbail,
* 2 000 euros à la société Natixis Bail,
- rejeté toutes autres demandes,
- dit ne pas y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la société Lov'air Aviation aux dépens;
Vu l'appel relevé par la société Lov'air Aviation le 4 août 2015 ;
Vu l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 14 novembre 2016 déboutant la société Lov'air Aviation de sa demande visant à enjoindre à la société Berly's Aviation de produire l'original de l'attestation de réception de l'appareil Falcon,
Vu les dernières conclusions notifiées le 5 janvier 2018 par la société Lov'air Aviation qui demande à la cour, au visa des articles 1134, 1382, 1603 et suivants, 1610, 1615 et 1382 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à la réforme du Code civil de 2016, des dispositions du Règlement (CE) n° 1592/2002 du 15 juillet 2002, des dispositions du Règlement (CE) n° 2042/2003 du 20 novembre 2003, de :
1) confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a rejeté la fin de non- recevoir soulevée en défense,
2) l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau :
- à titre principal :
la juger recevable et bien fondée en ses demandes,
constater que la documentation technique et historique de l'aéronef de type Falcon 20F ' 5 BR numéro de série 341, immatriculé F-GYSL ne lui a pas été transmise,
constater la délivrance non conforme de l'objet de la vente intervenue le 7 mai 2007,
En conséquence :
prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente du 7 mai 2007 conclu entre la société Pamix et elle,
juger qu'elle est fondée à invoquer une action directe à l'égard des sociétés Lixxbail et Berly's Aviation,
condamner in solidum les sociétés Pamix, Lixxbail et Berly's Aviation à lui verser la somme de 4 906 600 euros au titre de la restitution du prix de cession de l'aéronef immatriculé F-GYSL,
condamner in solidum les sociétés Pamix, Lixxbail et Berly's Aviation à lui verser la somme de 11 200 000 euros au titre de dommages et intérêts consécutif au préjudice d'exploitation,
condamner in solidum les sociétés Pamix, Lixxbail et Berly's Aviation à lui verser la somme de 1 753 787,30 euros au titre de dommages et intérêts consécutif aux travaux qu'elle a réalisés à perte,
- à titre subsidiaire :
juger qu'elle est recevable et bien fondée à agir sur le fondement de l'article 1382 du Code civil à l'égard des sociétés Lixxbail et Berly's Aviation, en réparation du préjudice que lui cause les manquements de chacune d'elles à leurs obligations contractuelles,
juger qu'elle est également recevable et bien fondée à agir en responsabilité contractuelle à l'égard de la société Pamix à raison de la délivrance non-conforme du bien vendu,
En conséquence :
prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente du 7 mai 2007 conclu entre la société Pamix et elle,
condamner in solidum les sociétés Pamix, Lixxbail et Berly's Aviation à lui verser la somme de 4 906 600 euros au titre de la restitution du prix de cession de l'aéronef immatriculé F-GYSL,
condamner in solidum les sociétés Pamix, Lixxbail et Berly's Aviation à lui verser la somme de 11 200 000 euros au titre de dommages et intérêts consécutif au préjudice d'exploitation,
condamner in solidum les sociétés Pamix, Lixxbail et Berly's Aviation à lui verser la somme de 1 753 787,30 euros au titre de dommages et intérêts consécutif aux travaux à perte réalisés par la société Lov'Air,
- en tout état de cause :
déclarer la décision à intervenir opposable à la société GCE Bail,
rejeter la demande reconventionnelle de la société Berly's Aviation,
condamner in solidum les sociétés Pamix, Lixxbail et Berly's Aviation aux dépens et à lui verser la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 11 janvier 2018 par la société Berly's Aviation qui demande à la cour, au visa des articles L 6121-1 et L 6121-2 du code des transports, des articles 9, 15, 31 et 32-1 du code de procédure civile et de l'article 1382 du code civil,
1) Sur la demande principale :
- in limine litis :
au principal, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a refusé de constater l'irrecevabilité de l'action principale et, statuant à nouveau, déclarer irrecevable pour défaut de qualité à agir l'action engagée par la Société Lov'Air à son égard par application des articles L6121-1 et L.6121-2 du code des transports et de l'article 31 du code de procédure civile,
subsidiairement, ordonner le sursis à statuer sur la demande principale en application l'article 378 du code de procédure civile, d'une part jusqu'au respect de l'engagement souscrit par la Société Lov'Air et acté par le tribunal de commerce de Paris dans son jugement avant-dire droit du 17 décembre 2013 de verser aux débats la totalité des pièces, documents, réponses, actes de procédures qui composent, en l'état, l'incident engagé par la société Lov'Air à l'encontre de maître [C] [M], avocat genevois et plus généralement la copie des procédures judiciaires qui ont pu être engagées à l'encontre de cet avocat, séquestre du prix de cession de la machine F-GYSL, d'autre part jusqu'à ce qu'il soit déféré aux deux sommation et itérative sommation de communiquer notifiées à la Société Lov'Air les 24 décembre 2013 et 16 janvier 2014 de verser aux débats diverses pièces et documents,
- sur le fond :
confirmer la décision des premiers juges en ce qu'ils ont constaté l'absence de démonstration par Lov'air Aviation de l'absence de remise par la société Pamix et de plus fort par la société Berly's de toute la documentation technique attachée à la machine F-GYSL, et, y ajoutant,
juger que l'attestation de réception de l'appareil en date du 15 octobre 2007 visant la reconnaissance par l'acheteur d'avoir pu inspecter notamment « tous » les documents et
livres de bord de l'appareil, dûment signée par M. [N] [O], agissant pour ordre de M. [Z], gérant de Love'air Aviation, apporte l'indiscutable la preuve de l'exécution par la société Pamix de son obligation de délivrance à l'égard de Lov'Air, mais tout autant l'indiscutable preuve de l'exécution par elle de son obligation de délivrance à l'égard de Pamix,
juger que l'attestation de réception de l'appareil en date du 15 octobre 2007 ne saurait donner lieu à la moindre interprétation de ses termes pour ne procéder que de la stricte exécution et reprise du projet d'attestation contenu sous l'Annexe 4 du contrat de vente
Pamix/Lov'air du 7 mai 2007 dont les termes induisaient nécessairement la remise de la
machine et de toute sa documentation technique dans les termes de ladite annexe IV dûment
signée par la société Pamix et M. [Z], fût-ce par son mandataire,
juger et tirer les conséquences de l'absence de mise en jeu de la responsabilité de M. [N] [O] et tout autant de l'absence de sa mise en cause dans la présente procédure,
juger que, tant elle-même que la société Pamix sont fondées à invoquer à l'égard de Lov'air la théorie du mandat apparent au terme duquel le mandant (Lov'Air) pouvait être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, même en l'absence d'une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers (Pamix) à l'étendue des pouvoirs du mandataire (M. [O]) était légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ses pouvoirs,
juger que la qualité de mandataire de M. [O] de la société Lov'air notamment pendant toute l'époque de la négociation de la machine, ce qui est un fait constant, sa détention du tampon humide de la société Lov'Air permettaient à la société Pamix et en tout cas à elle-même de penser que M. [O] disposait de tous les pouvoirs pour engager Lov'air et ainsi réceptionner sans réserve la machine F-GYSL.
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Société Lov'air de toutes ses demandes pour absence de preuve de tout manquement ou faute à la charge de la société Berly's,
2) Sur la demande reconventionnelle :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Lov'Air lui à payer la somme de 25 360,60 euros au titre des honoraires de diligence échus à la date du mois de mai 2014,
- et y ajoutant, condamner la société Lov'Air à lui payer une somme de 21 000,00 euros HT sauf à parfaire au titre des horaires de diligences échus depuis le mois de juin 2014,
- le réformer pour le surplus et y ajoutant:
condamner Lov'Air à lui une somme de 30 000,00 euros à titre de dommage et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
condamner Lov'air en outre, sur le fondement cumulé de l'article 700 du code
de procédure civile, de l'article 1382 ancien du code civil et de l'article 10 ' 3° de loi du 31 décembre 1971 modifiée par article 72 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 afférent à
l'honoraire de résultat des avocats, à lui payer une somme de 80 000 euros au titre de l'honoraire de résultat conventionnel.
condamner Lov'Air aux dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 3 janvier 2018 par la société Lixxbail qui demande à la cour de :
1) réformer le jugement rendu le 6 juillet 2015 par le tribunal de commerce de Paris uniquement en ce qu'il a déclaré l'action de la société Lov'air recevable, à l'égard de la société Lixxbail et, statuant à nouveau, vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile, de :
- constater que le moyen tiré du défaut de livraison de la documentation technique et administrative soutenu par société Lov'air Aviation est constitutif d'un manquement à l'obligation de délivrance, et non d'un défaut de conformité de l'aéronef, ne lui permettant d'assigner que son vendeur direct,
- constater que la société Lov'air Aviation n'est pas propriétaire de l'aéronef, et qu'elle n'a pas la qualité de sous acquéreur,
- constater que le mandat d'ester en justice accordé par la société GCE Bail à la société
Lov'air dans le cadre du contrat de crédit-bail, ne concerne pas les vendeurs successifs.
- en conséquence, déclarer irrecevables les demandes formulées par la société Lov'air à son encontre,
2) à défaut, au fond, vu les articles 1134, 1610 et suivants du code civil :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- la mettre hors de cause,
- débouter la société Lov'air de toutes ses demandes,
- condamner la société Lov'air à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 17 décembre 2015 par la société Natixis lease, venant aux droits de la société GCE Bail, suite à la transmission universelle de son patrimoine en date du 11 décembre 2012, qui demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel :
en ce qu'elle a été mise hors de cause,
en ce que la société Lov'air a été condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Lov'air lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux dépens ;
Vu l'assignation en intervention forcée délivrée le 4 août 2017 par la société Lov'air Aviation à l'encontre de Me [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Pamix, lequel n'a pas constitué avocat.
SUR CE,
Il ressort des pièces versées aux débats que :
- le 11 mai 2004, la société Berly's Aéro, ayant son siège social au Luxembourg, a vendu à la société Lixxbail deux aéronefs, dont celui immatriculé GYSL de marque Dassault, type Falcon 20 moyennant le prix de 4 467 153,28 euros HT,
- la société Lixxbail a ensuite conclu avec la société Berly's Aviation un contrat de crédit-bail, daté du 10 mai 2004, portant sur la location de ces deux aéronefs, pour une durée de 48 mois,
- l'aéronef GYSL a été racheté par la société Berly's Aviation avant le terme du contrat de crédit-bail dans le cadre d'une levée d'option,
- le 27 avril 2007, la société Lov'air Aviation a fait expertiser l'aéronef sur l'aéroport [Établissement 1],
- le 7 mai 2007, la société Berly's Aviation a cédé cet aéronef à la société Pamix, société de droit luxembourgeois, moyennant le prix de 3 950 000 euros,
- par contrat du même jour signé à [Localité 6], la société Pamix a vendu l'aéronef à la société Lov'air Aviation, moyennant le prix de 3 950 000 euros HT, porté à 4 100 000 euros HT par avenant du 5 juin 2007, les parties ayant désigné en qualité de séquestre Me [M], qui a accepté, avec mission notamment de se faire remettre l'original du certification d'acceptation de l'aéronef par l'acheteur et, à réception de ce document, de transférer le prix au profit du vendeur,
- la société Lov'air Aviation s'est adressée à la société GCE Bail pour financer son acquisition et, par contrat de crédit-bail du 10 septembre 2007, GCE Bail devenue propriétaire de l'aéronef le lui a donné en location pour une durée de 60 mois, au vu d'un procès-verbal de réception du matériel signé par la locataire le 10 octobre 2007,
- une attestation de réception de l'aéronef a été signé le 15 octobre 2007 par M. [N] [O] au nom de la société Lov'air Aviation,
- la société GCE Bail a procédé au règlement du prix entre les mains de Me [M],
- ce contrat de crédit-bail, après avoir fait l'objet de plusieurs avenants en janvier et avril 2008 pour financer des travaux d'aménagement de l'aéronef, est arrivé à échéance le 9 octobre 2012 et la société Lov'air Aviation ayant levé l'option d'achat, la société Natixis lease, venant aux droits de GCE Bail lui a transmis la propriété de l'aéronef,
- le 9 octobre 2012, la société Natixis lease, aux droits de GCE Bail, a demandé la radiation de l'aéronef du registre d'immatriculation au motif qu'il avait été vendu.
Le 12 octobre 2012, la société Lov'air Aviation a assigné devant le tribunal de commerce de Paris les sociétés Pamix, Berly's Aviation, Lixxbail et Natixis lease venant aux droits de GCE Bail,en résolution de vente et dommages-intérêts, prétendant qu'en dépit du défaut de livraison de la documentation technique afférente à l'aéronef, le séquestre s'était libéré du prix au profit de la société Pamix, qui l'avait réparti entre elle et la société Berly's, et qu'elle ne serait toujours pas en possession de cette documentation; le tribunal, par le jugement déféré, l'a déclaré recevable mais mal fondée en ses demandes et l'en a déboutée.
La société Lov'air Aviation, appelante, allègue que la documentation technique et historique de l'aéronef ne lui a pas été transmise ; elle en déduit une délivrance non conforme de l'objet de la vente conclue le 7 mai 2007 avec la société Pamix, qui doit entraîner la résolution judiciaire de la vente.
A titre principal, elle soutient bénéficier, en sa qualité de sous-acquéreur, d'une action directe à l'encontre des sociétés Berly's Aviation et Lixxbail ; subsidiairement, elle déclare agir sur le fondement de l'article 1382 du code civil à l'égard des sociétés Berly's Aviation et Lixxbail en réparation du préjudice résultant des manquements de chacune à leurs obligations contractuelles et agir en responsabilité contractuelle à l'égard de la société Pamix en raison de la délivrance non conforme.
Aucune demande n'étant formée contre la société Natixis lease, venant aux droits de GCE Bail, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause.
1) Sur la recevabilité des demandes de la société Lov'air Aviation :
La société Berly's Aviation soulève l'irrecevabilité des demandes de la société Lov'air Aviation pour défaut de qualité à agir; elle fait valoir en ce sens que sur le dernier état du registre français d'immatriculation des aéronefs émanant de la DGCA le propriétaire de l'aéronef est la société GCE Bail, aucun locataire n'y apparaissant et que, faute d'inscription à ce registre, la cession de propriété de l'aéronef à la société Lov'air Aviation ne lui est pas opposable.
La société Lixxbail conclut à l'irrecevabilité des demandes formées contre elle aux motifs :
- que l'absence de délivrance des documents techniques et administratifs n'est pas constitutive d'un défaut de conformité mais, le cas échéant, d'un manquement à l'obligation de délivrance pour lequel l'acquéreur ne dispose de recours qu'à l'encontre de son propre vendeur,
- que la société Lov'air Aviation ne dispose pas de la qualité de sous-acquéreur, n'ayant toujours pas au 30 mars 2017 accompli les formalités de mutation de la vente auprès de la DGAC et qu'elle ne justifie pas s'être trouvée dans l'impossibilité de procéder à la publication de la mutation,
- que la société Lov'air Aviation ne peut agir en vertu du mandat donné par son crédit-bailleur, GCE bail devenu Natixis lease, ce crédit-bail ayant pris fin,
- qu'en tout état de cause, le mandat donné par le crédit-bailleur ne permettait à la société Lov'air Aviation que d'exercer ses droits et actions au titre des garanties dues par 'le constructeur, le fournisseur et l'installateur du bien loué' et non contre les vendeurs successifs.
La société Lov'air Aviation réplique qu'elle a la qualité de sous- acquéreur de l'aéronef pour les trois raisons suivantes :
- l'article L 6111-1 du code des transports dispose qu'un aéronef ne peut circuler que s'il est immatriculé, que l'immatriculation d'un aéronef est fonction de sa navigabilité, qu'il résulte de l'extrait du registre des immatriculations des aéronefs au 30 mars 2017 que l'aéronef a fait l'objet d'une radiation le 11 décembre 2013, radiation inéluctable puisque la navigabilité de l'appareil n'est plus assurée faute de documentation technique et historique et qu'il est désormais impossible de pouvoir à nouveau le faire immatriculer .
- en l'état, l'aéronef, qui se trouve hors d'état de navigabilité, est un bien meuble qui échappe aux dispositions de l'article L 6121-2 du code des transports,
- elle est recevable à agir au titre du mandat d'ester inclus dans le contrat de crédit-bail qu'elle a conclu avec GCE Bail, son assignation ayant été délivrée le 27 mars 2012, soit avant la levée d'option qui a pris effet le 11 décembre 2012, et elle se trouve subrogée dans les droits que le crédit-bailleur tient du vendeur, notamment le droit d'agir dont celui-ci disposait à l'égard de son propre vendeur,
- en tout état de cause, la société Berly's Aviation ne peut sérieusement soutenir qu'elle est un tiers à la vente, les négociations ayant été conduites par M. [N] [O] pour son compte à elle et les cessions de la société Berly's Aviation à la société Pamix puis de la société Pamix à elle-même s'étant faites simultanément .
Ceci étant exposé, il convient de rappeler les dispositions de l'article L 6121-2 du code des transports qui précisent :
'L'aéronef constitue un bien meuble pour l'application des règles fixées par le code civil.
Toutefois, la cession de propriété est constatée par un écrit et ne produit d'effet à l'égard des tiers que par son inscription au registre français d'immatriculation'.
L'article L 6121-1 du code des transports dispose quant à lui : 'L'inscription au registre français d'immatriculation vaut titre de propriété. Le registre est public et toute personne peut en obtenir copie conforme .'
Or, l' état du registre français des immatriculations levé au 7 mai 2014 montre qu'à cette date GCE bail, devenu Natixix lease, est toujours inscrite comme dernier propriétaire de l'aéronef; celui levé le 5 janvier 2018 révèle qu'après GCE Bail aucun droit n'a été inscrit sur l'aéronef .
La radiation demandée le 9 octobre 2012 par GCE Bail n'est intervenue que le 11 décembre 2013, ce qui laissait plus d'une année à la société Lov'air Aviation pour inscrire le transfert de propriété de l'aéronef à son nom; c'est en vain que l'appelante se réfère à l'article D 121-3 al.2 du code de l'aviation civile qui prévoit que l'immatriculation est subordonnée à la délivrance d'un certificat de navigabilité; en effet, à la date du transfert de propriété à son profit, l'aéronef était immatriculé et disposait d'un certificat de navigabilité valable jusqu'au 26 septembre 2009, comme indiqué dans le rapport [G]; elle ne justifie en rien de l'impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée pour procéder à l'inscription de la mutation au registre français des immatriculations.
C'est encore en vain que la société Love'air Aviation invoque la quasi simultanéité des cessions, la société Berly's Aviation demeurant tiers à la vente consentie par la société Pamix.
Par conséquent, l'appelante qui ne peut se prévaloir de la qualité de sous-acquéreur à l'encontre des sociétés Berly's Aviation et Lixxbail, auxquels la vente est inopposable, est irrecevable en ses demandes sur un fondement contractuel contre celles-ci.
Elle reste cependant recevable à agir sur un fondement contractuel à l'encontre de son vendeur, la société Pamix, et sur un fondement délictuel à l'encontre des sociétés Berly's Aviation et Lixxbail ;
2) Au fond
Il n'y a pas lieu de surseoir à statuer jusqu'à la production des pièces demandées par la société Berly's, la cour disposant des éléments suffisants pour statuer .
L'attestation de réception de l'appareil, signée le 15 octobre 2007, par M. [N] [O] pour le compte de la société Lov'air Aviation, mentionne que 'l'acheteur reconnaît avoir inspecté l'avion, tous les documents et livres de bord de l'appareil à son entière satisfaction' et encore 'il reconnaît que l'avion est conforme aux spécifications techniques annexées au contrat du 07 mai 2007".
Pour contester la valeur probante de cette attestation quant à la remise de la documentation technique de l'aéronef, la société Lov'air Aviation soutient que :
- le terme aéronef n'y est jamais employé alors que dans le contrat de vente, ce terme est défini comme étant : l'aéronef, la documentation de bord et les documents techniques et de maintenance couvrant l'historique de la cellule APU et des moteurs depuis la sortie d'usine de l'appareil,
- la désignation de la machine dans l'attestation ne saurait donc inclure la documentation qui en est l'accessoire,
- l'attestation ne vise que les documents et livrets de bord, et non pas la documentation qui reste à terre, seule en cause en l'espèce,
- le procès-verbal de réception du 10 octobre 2017 est une clause de style dont la porté doit être appréciée au regard des modalités de livraison insérées dans le contrat de vente, lesquelles prévoyaient que la livraison devait intervenir sous réserve de l'obtention du financement par l'acquéreur, et on ne peut en déduire la remise de la documentation technique,
- l'attestation caractérise le délit de faux et usage de faux en ce qu'elle a été signée par M. [N] [I] auquel aucun pouvoir n'a été donné pour ce faire.
L'appelante ajoute qu'elle n'a jamais reçu 'physiquement' la documentation technique et fait valoir en ce sens que :
- par courriel du 6 novembre 2007, M. [N] [O] a demandé à la société Berly's Aviation de faire le nécessaire auprès de Ameridair, gestionnaire de l'appareil pour Berly's, afin que la documentation technique soit restituée à Lov'air dans les meilleurs délais,
- M. [N] [O] atteste maintenant que pendant la période de juillet à décembre 2007, l'intégralité de la documentation se trouvait dans des malles entreposées chez Uni Air, qui déclare ne l'avoir jamais vu,
- l'attestation rédigée par M. [O], qui avait un intérêt personnel et financier à l'interposition de la société Pamix dans la vente, n'offre pas la moindre garantie d'objectivité et n'a donc pas de valeur probante,
- M. [B], qui a succédé à M. [O] dans la gestion et le suivi technique, atteste avoir constaté, avec les services techniques d'Uni Air, que l'essentiel de la documentation technique n'avait pas été fourni par le précédent gestionnaire, M. [N], gérant d'Ameridair et représentant de Berly's,
- les vols purement techniques réalisés par l'avion postérieurement à l'expiration de son certificat de navigation ne démontrent pas d'avantage que Lov'air aurait disposé de la documentation technique,
- la société Uni Air est désignée à tort par la société Berly'Aviation comme détentrice de la documentation manquante alors que cette société a confirmé à plusieurs reprises qu'elle ne la détenait pas,
- la société CS Aviation, à laquelle elle a fait appel pour assurer la gestion du maintien de la navigabilité a réalisé une enquête et confirmé qu'aucun des intervenants techniques n'avait jamais détenu la documentation,
- l'évaluation réalisée le 27 avril 2007, avant la vente, ne prouve pas que Lov'air aurait disposé de la documentation technique.
Mais il apparaît que M. [O] est intervenu pour le compte de la société Lov'air Aviation afin de négocier l'acquisition de l'aéronef par celle-ci et qu'il disposait du cachet humide de la société Lov'air, éléments laissant croire légitimement à ses interlocuteurs qu'il était le mandataire de cette société.
Le procès-verbal de réception du matériel du 10 octobre 2007, sur lequel M. [O] a apposé sa signature et le cachet humide de la société Lov air'Aviation pour le compte de celle-ci, a été régulièrement établi au regard des stipulations du contrat de crédit-bail.
L'attestation de réception de l'appareil du 15 octobre 2007, sur laquelle M. [O] a apposé sa signature et le cachet humide de la société Lov'air Aviation pour le compte de celle-ci, reprend les termes exacts du modèle d'attestation de réception figurant en annexe IV du contrat de vente Pamix/Lov'air Aviation.
La société Lov'air Aviation ne démontre en aucune façon que M. [O] aurait excédé ses pouvoirs en signant ces deux documents ou agi dans son seul intérêt personnel.
Il n'est pas contesté, s'agissant de la documentation technique et administrative d'un aéronef, qu'une partie reste à terre entre les mains de la société chargée de l'entretien de l'appareil.
Par attestation délivrée le 29 septembre 2014, M. [O] relate notamment les faits suivants :
- début 2007, le gérant de Lov'air aviation, lui a demandé de voir avec les représentants de Berlys'aéro, auprès desquels il avait déjà acquis un appareil précédemment par son intermédiaire, s'il pouvait acquérir l'appareil immatriculé F-GYSL qu'il souhaitait faire relooker par un décorateur et le revendre très cher compte tenu du fait qu'il avait appartenu à [H] [D],
- il a obtenu du vendeur l'autorisation de procéder, avant la vente, à des travaux de révision générale, a négocié avec Uni Air les conditions relatives à ces travaux et signé un devis les 12 ou 13 juillet 2007 pour lancer la grande visite de l'aéronef,
- le technicien d'Uni Air, qui suivait l'entretien de l'appareil depuis plusieurs années, disposait d'une pièce dans laquelle étaient remisés du matériel sensible et toute la documentation technique de l'appareil dans des cantines en fer,
- en avançant dans la révision de l'appareil, des problèmes de corrosion et d'autres problèmes mécaniques sont apparus pour lesquels il a fallu consulter la documentation technique.
Il précise : 'c'est pour cette raison que je puis affirmer solennellement et certifier que durant la période écoulée de juillet 2007 jusqu'à ce que je sois remplacé par M. [B], le 7 décembre 2007, l'intégralité de la documentation, c'est à dire tout l'historique, les livrets, les carnets, les manuels, les certificats, les documents administratifs etc, enfin tout ce qui est attaché à un appareil était présent dans ces malles entreposées dans cette pièce chez Uni Air'.
M. [O] explique encore que s'il a réclamé la documentation technique par courriel du 6 novembre à Berly'aéro, c'est parce que celle-ci qui devait payer la pose de deux instruments de bord à Uni Air ne l'avait pas fait, que Uni Air avait, d'une part fait une tentative de saisie entre les mains de Me [M], d'autre part menacé de démonter le matériel tout en refusant la remise de la documentation technique et des certificats techniques relatifs à ces instruments de bord, et exerçait un droit de rétention sur la totalité de la documentation technique de l'appareil; il précise que Uni Air ayant été réglé dans les jours qui ont suivi par Berly's aéro, l'ensemble de la documentation technique de l'appareil a ainsi été restituée.
La société Lov'air Aviation n'a déposé aucune plainte pénale contre M. [O] pour faux et usage de faux, ni pour fausse attestation ou faux témoignage ; les dires de celui-si sont d'ailleurs confortés en partie par une lettre du 16 juillet 2007 dans laquelle la société Uni Air a informé M. [O] qu'elle prenait en charge l'appareil pour commencer les travaux de la visite C et par les devis établis par la société Uni Air les 27 juillet 2007, 29 octobre 2007 et 9 novembre 2007.
Dans une attestation délivrée le 28 novembre 2014, M. [B], qui a succédé à M. [O] dans la gestion de l'appareil, réfute les propos contenus dans l'attestation de M. [O] et déclare : 'je me réserve la faculté de poursuivre contre ce témoignage qui me met à tort en cause sur des éléments mensongers' ; il convient de constater qu'aucune plainte n'a été déposée par lui contre M. [O].
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que lors de la livraison de l'appareil, qui était soumise à l'obtention du financement pour l'acheteur - devenu effectif par le contrat de crédit-bail du 10 septembre 2017 - et lors de l'établissement des procès-verbaux de réception des 10 et 15 octobre 2007, la documentation technique et administrative qui se trouvait dans les locaux de Uni Air a bien été délivrée à la société Lov' air Aviation ; les circonstances postérieures alléguées par la société Lov'air Aviation ne sont pas de nature à remettre en question la bonne exécution de l'obligation de délivrance.
Aucune faute contractuelle n'est démontrée à l'encontre de la société Pamix et aucune faute quasi-délictuelle ne l'est à l'encontre des sociétés Berly's Aviation et Lixxbail ; en conséquence, toutes les demandes de la société Lov'air Aviation seront rejetées.
3) Sur la demande de dommages-intérêts de la société Berly's Aviation :
La société Berly's Aviation qui ne justifie pas de l'existence d'un préjudice au soutien de cette prétention sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
4) Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
La société Lov'air Aviation, qui succombe en ses prétentions, doit supporter les dépens .
Vu l'article 700 du code de procédure civile, l'appelante sera déboutée de ce chef de demande et condamnée à payer les sommes supplémentaires TTC de :
- 20 000 euros à la société Berly's Aviation, la demande au titre de l'honoraire de résultat étant rejetée,
- 5 000 euros à la société Lixxbail,
- 2 000 euros à la société Natixis lease .
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME le jugement seulement en ce qu'il a déclaré recevables toutes les demandes de la société Lov'air Aviation,
Statuant à nouveau,
DÉCLARE irrecevables les demandes de la société Lov'air Aviation contre les sociétés Berly's Aviation et Lixxbail sur un fondement contractuel,
CONFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions,
DÉBOUTE la société Lov'air Aviation de toutes ses demandes,
DÉBOUTE la société Berly's Aviation de sa demande de dommages-intérêts,
AJOUTANT au jugement, vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lov'air Aviation à payer les sommes TTC de :
- 20 000 euros à la société Berly's Aviation,
- 5 000 euros à la société Lixxbail,
- 2 000 euros à la société Natixis lease,
CONDAMNE la société Lov'air Aviation aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS