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19/03/2018 | FRANCE | N°16/09096

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 19 mars 2018, 16/09096


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 19 MARS 2018



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/09096



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mars 2016 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 14/13575





APPELANTE



MONSIEUR LE DIRECTEUR CHARGE DE LA DIRECTION DES RÉSIDENTS A L'ETRANGER ET DES SERVICES GÉNÉR

AUX 'DRESG'

ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

agissant sous l'autorité de Monsieur le Directeur Général des Finances Publiques, [Adresse 2]



Représentée par Me P...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 19 MARS 2018

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/09096

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mars 2016 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 14/13575

APPELANTE

MONSIEUR LE DIRECTEUR CHARGE DE LA DIRECTION DES RÉSIDENTS A L'ETRANGER ET DES SERVICES GÉNÉRAUX 'DRESG'

ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

agissant sous l'autorité de Monsieur le Directeur Général des Finances Publiques, [Adresse 2]

Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocate au barreau de PARIS, toque : L0046

INTIMÉE

Madame [O] [E] épouse [H]

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 4]/SUISSE

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocate au barreau de PARIS, toque : K0111

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Pierre GASTAUD, avocat au barreau de NICE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Mme Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Mme Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,

Greffière, lors des débats : Mme Clémentine GLEMET

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

À la suite d'un contrôle effectué sur pièces à la fin de l'année 2010, l'administration fiscale prise en la personne de monsieur le directeur de la DRESG et en la personne du comptable des finances publiques (recette des impôts des non-résidents), a considéré devoir requalifier en donation l`acte dressé le 22 décembre 2004 par devant le notaire anglais, qui a consisté en la remise à Mme [O] [E] épouse [N] [H] (Mme [E]) par son époux des titres détenus dans la société Genwest qu'elle a le même jour, en totalité, transmis à deux trusts préalablement constitués.

Par observations du 16 février 2011, Mme [E] a contesté les redressements proposés dans leur totalité.

Par courrier en date du 28 septembre 2012, 1'administration fiscale a maintenu ses propositions de rectification sur le fondement des articles 750 ter du code général des impôts et L.64 du livre des procédures fiscales.

Mme [E] a sollicité l`avis du comité de l'abus de droit fiscal qui a estimé le 23 juin 2013 que la procédure mise en oeuvre par l'administration fiscale était fondée.

Le 28 novembre 2013, Mme [E] s'est vue notifier par l'administration fiscale un AMR pour la somme de 53 528 983 euros toutes causes confondues, à raison de :

* 25 219 780 euros en principal,

* 8 133 379 euros au titre des intérêts de retard ,

* 20 175 824 euros au titre de la majoration de 80 % .

Le 30 janvier 2014 Mme [E] a formé une réclamation contentieuse que l'administration fiscale a rejetée par une première décision en date du 13 août 2014, puis par une seconde décision après rectification de la désignation de la juridiction compétente en matière de recours, en date du 18 novembre 2014.

Par acte des 15 octobre 2014 et 23 décembre 2014, Mme [E] a fait assigner

l'administration fiscale en décharge totale des sommes mises à sa charge par AMR du 26 novembre 2013 à hauteur de 53 528 983 euros.

* * *

Vu le jugement prononcé le 24 mars 2016 par le tribunal de grande instance de Bobigny qui a :

- donné acte à Mme [E] que ses demandes du chef de la décision de rejet du 13 août 2014 sont devenues sans objet,

- déclaré Mme [E] recevable et bien fondée en son action,

- déclare l' administration fiscale mal fondée en sa décision de rejet,

- prononcé la décharge totale des sommes mises à la charge de Mme [E] par AMR du 26 novembre 2013, d'un montant toutes causes confondues de 53 528 983 euros,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné l'administration fiscale aux seuls dépens lui incombant en application des articles L 207 et R 207-1 du livre des procédures fiscales,

- déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Vu l'appel le 19 avril 2016 du directeur chargé de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux (DRESG),

Vu les dernières conclusions signifiées le 27 décembre 2017 par le directeur chargé de la DRESG,

Vu les dernières conclusions signifiées le 16 septembre 2016 par Mme [E],

Le directeur chargé de la DRESG demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

- infirmer la décision entreprise,

- dire irrecevable la demande en restitution de Mme [E] et décider que celle-ci sera rétablie aux droits de mutation à titre gratuit, aux intérêts de retard et à la majoration égale à 80 % desdits droits, mis à sa charge le 15 novembre 2013 au titre de 2004, et dont le dégrèvement a été indûment prononcé,

- rejeter la demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens en application de l'article 696 dudit code,

- juger que les frais d'avocats entraînés par la constitution de la SCP Grappotte-Benetreau et de la Selarl Gastaud-Lellouche-Hanoune-Monnot et de la C/M/S Bureau Francis Lefebvre resteront à la charge de Mme [E],

- condamner l'intimée aux entiers dépens, dont distraction de ceux d'appel au profit de la SCP Naboudet-Hatet, avocats à la Cour,

Mme [E] demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

Vu l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789,

Vu l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

Vu l'article 894 du code civil,

Vu l'article 750 ter du Code Général des Impôts dans sa rédaction applicable au litige,

Vu, ensemble, les articles L 64 du livre des procédures fiscales, et les articles 1729 et 1729 b du code général des impôts, dans leur rédaction applicable au litige :

- confirmer le jugement dont appel et en conséquence :

- prononcer la décharge totale des sommes mises à la charge de Mme [O] [E] par avis de mis en recouvrement du 26 novembre 2013, au titre d'un rappel des droits de donation de l'année 2004, rappel d'un montant toutes causes confondues de 53 528 983 euros, soit :

* 25 219 780 euros en principal,

* 8 133 379 euros d'intérêts de retard,

* 20 175 824 euros représentant la majoration à 80 % ,

- très subsidiairement, prononcer en tout état de cause la décharge de la majoration de 80 % appliquée à la demanderesse à titre de pénalité sur le fondement des dispositions des articles L64 du Livre des procédures fiscales et 1729 du Code général des impôts,

- condamner le directeur de la DRESG à payer la somme de 20 000 euros à Mme [O] [E] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en application de l'article 696 dudit code,

SUR CE,

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 750 ter du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige que :

' Sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit :

1° Les biens meubles et immeubles situés en France ou hors de France, et notamment les fonds publics, parts d'intérêts, créances et généralement toutes les valeurs mobilières françaises ou étrangères de quelque nature qu'elles soient, lorsque le donateur ou le défunt a son domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B ;

2° Les biens meubles et immeubles, que ces derniers soient possédés directement ou indirectement, situés en France, et notamment les fonds publics français, parts d'intérêts, créances et valeurs mobilières françaises, lorsque le donateur ou le défunt n'a pas son domicile fiscal en France au sens de l'article précité'(...) ;

Considérant que l'administration fiscale expose que lorsque les contractants recourent à un acte simple, mensonger ou ambigu qui laisse dans l'ombre leurs intentions réelles de donateur et de donataire, ils s'exposent au risque de l'insécurité juridique; que la procédure de l'abus de droit fiscal prévue à l'article L64 du livre des procédures fiscales permet à l'administration fiscale de restituer leur véritable caractère à certaines opérations aboutissant sous le couvert de contrats ou d'actes juridiques à faire échec à la loi fiscale ; que l'administration fiscale poursuit en exposant que M. [N] [H] a constitué les société suivantes :

- le 9 décembre 2003 à [Localité 2] la SAS unipersonnelle française Maisons [H] dont il détient 100 % du capital social avec apport le 8 septembre 2004 des actions de la société [H] et Cie,

- le 31 mars 2004 la Sarl de droit luxembourgeois Winvest dont le capital était détenu par la société de droit luxembourgeois Genwest détenue à 100 % par M. [N] [H], avec apport le 13 décembre 2004 des actions de la SAS Maisons [H] (augmentation de capital),

- le 31 mars 2004 la Sarl de droit luxembourgeois Genwest qui a reçu le 13 décembre 2004 les titres Winvest et Maisons [H] détenus par M. [N] [H] ; que M. [N] [H], associé unique de la société Genwest et détenteur de l'intégralité de ses parts soit 5 331 799 actions les a transmises à son épouse le 22 décembre 2004 qui les a placées dans deux trusts situés aux Bermudes « The Boston Trust Company Ltd » , trustee du General Trust et « The Boston Trust Company » ; que les sociétés Maison [H] et Winvest et Genwest ont été dissoutes en avril, novembre et décembre 2007 ;

Considérant que, selon l'administration fiscale, l'opération ainsi décrite constitue un montage artificiel à visée exclusivement fiscale ayant permis à M. [N] [H] de transformer 100 % du capital d'une société par actions unipersonnelle française, la SAS Maisons [H], en capital d'une société luxembourgeoise ; qu'en l'absence de ce montage la donation consentie à Mme [E] aurait porté sur des participations dans la société [H] & Cie et aurait été soumise aux droits de mutation à titre gratuit ;

Mais considérant que M. [N] [H], le donateur selon les termes de l'article 750 ter du code général des impôts, de double nationalité française et britannique, n'a pas son domicile fiscal en France au sens de l'article 4B du même code ; que les valeurs mobilières données à son épouse dans l'acte dressé le 22 décembre 2004 par un notaire anglais constituent des titres de la société de droit luxembourgeois Genwest et ne sont pas des titres « des valeurs mobilières françaises » selon les termes de l'article 750 ter du CGI précité ; que seule la démonstration d'un montage artificiel à visée exclusivement fiscal et le recours à l'abus de droit peuvent permettre à l'administration de réclamer des droits de mutation à titre gratuit ;

Considérant que l'acte du 22 décembre 2004 a été suivi le même jour par le placement des titres de la société Genwest dans deux trusts préalablement constitués situés aux Bermudes ; qu'il s'en déduit que Mme [E] a été bénéficiaire de la donation à charge pour elle de s'en dessaisir au profit des trusts, la mutation à titre gratuit se trouvant réalisée au profit des bénéficiaires du trust au jour du décès du constituant emportant clôture du trust ; que l'acte du 22 décembre 2004 ne peut être qualifié de donation, la charge l'accompagnant étant exclusive d'intention libérale ; que par ailleurs la constitution du trusts a répondu à une finalité de transmission d'un patrimoine aux enfants du constituant dans des conditions fiscalement favorables ; que le montage ainsi opéré par M. [N] [H] ne peut pas être considéré comme ayant une visée « exclusivement fiscale » puisqu'il s'inscrit dans projet de dévolution successorale ;

Considérant dans ces conditions que l'administration fiscale est mal fondée à soutenir que suite à l'acte du 22 décembre 2004 Mme [E] serait redevable de droits de mutation à titre gratuit en application de l'article 750 ter du code général des impôts ; que le jugement déféré doit être confirmé ;

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement déféré ;

REJETTE toutes autres demandes y comprises celles présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE le directeur chargé de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 16/09096
Date de la décision : 19/03/2018

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°16/09096 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-19;16.09096 ?
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