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13/03/2018 | FRANCE | N°15/01013

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 13 mars 2018, 15/01013


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 13 Mars 2018

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01013



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU RG n° 14/00046





APPELANTE :



Madame [G] [Z]

née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Christian LE GALL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0754 substitué par Me Sophie ROUVERET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0754





INTIMEE :



SARL COMETA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 13 Mars 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01013

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU RG n° 14/00046

APPELANTE :

Madame [G] [Z]

née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Christian LE GALL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0754 substitué par Me Sophie ROUVERET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0754

INTIMEE :

SARL COMETA HOLDING

Sise [Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par M. [B] [P] (Gérant) en vertu d'un pouvoir général, lui-même assisté de Me Sophie MAURA, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marianne FEBVRE-MOCAER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Bruno BLANC, président

Madame Marianne FEBVRE-MOCAER, conseillère

Monsieur Olivier MANSION, conseiller

Greffier : Mme Marine BRUNIE, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

- signé par Monsieur Bruno BLANC, Président, et par Mme Marine BRUNIE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [G] [Z], née en 1968, a été engagée le 19 juin 2006 en qualité d'agent administratif et comptable par la société Alu Concept suivant contrat à durée indéterminée à temps complet. Elle a signé avec la société Cometa Holding, société holding créée par M. [B] [P], gérant de la société Alu Concept, un nouveau contrat à durée indéterminée à effet du 1er janvier 2011 prévoyant une reprise de son ancienneté. Au dernier état de la relation de travail, Mme [Z] percevait une rémunération mensuelle brute de 3.471 €.

La société Cometa Holding employait habituellement moins de onze salariés. Compte tenu de son activité, la relation de travail état soumise à la convention collective nationale des sociétés financières.

A l'occasion d'une visite à son initiative le 18 septembre 2013, le médecin du travail a constaté que la salariée présentait un syndrome dépressif débutant et l'a adressée à son médecin traitant en préconisant un arrêt de travail prolongé de trente jours. Mme [Z] a donc été placée en arrêt maladie du 18 septembre au 23 octobre 2013.

Une rupture conventionnelle a été proposée par la société Cometa Holding le 24 octobre 2013, que la salariée a refusée.

Lors de l'examen médical de reprise du 25 octobre 2013, le médecin du travail a décidé de différer son avis et il a adressée de nouveau Mme [Z] à son médecin traitant en indiquant qu'une reprise d'activité n'était pas possible pour le moment. L'arrêt de travail a effectivement été prolongé jusqu'au 8 novembre 2013.

Mme [Z] a repris son activité le 12 novembre 2013, date à laquelle elle a adressé un courrier à son employeur faisant état de son arrêt de travail en raison d'un état dépressif lié à ses conditions de travail et aux questions répétées de l'employeur à partir de la mi-juillet, d'un sentiment de rétrogradation et d'humiliation suite à la modification de ses tâches lors de sa reprise, de questions relatives à sa vie privée, de l'absence de versement du complément de salaire par rapport aux indemnités journalières et d'une absence de remboursement de sa part de cotisation mutuelle.

Elle a transmis ce courrier en copie à l'inspection du travail, ce qui a provoqué l'envoi de la part de cette administration d'une demande d'explication auprès de l'employeur le 18 novembre suivant.

Le 15 novembre 2013, Mme [Z] a fait l'objet d'une déclaration d'inaptitude par le médecin du travail qui a recommandé 'un poste dans un autre contexte de travail'. Le même jour, son médecin traitant l'a de nouveau placée en arrêt de travail, prolongé jusqu'au 20 décembre 2013.

Le 6 décembre 2013, la salariée a été convoquée à un entretien préalable qui s'est tenu en présence d'un conseiller du salarié le 16 suivant.

Mme [Z] a été licenciée pour faute grave par une lettre en date du 20 décembre 2013 rédigée en ces termes :

« Nous travaillons ensemble depuis des années et vous aviez toute ma confiance et accès à tous les documents de l'entreprise au niveau comptable, bancaire et social.

En juin 2013, il m'a été rapporté par un salarié que vous étiez à l'origine d'une rumeur selon laquelle l'entreprise traversait d'importantes difficultés et risquait à tout moment de déposer le bilan (sic).

Ma stupéfaction a porté tant sur le fait que vous puissiez être à l'origine d'une telle rumeur que sur la rumeur elle-même.

J'ai cherché à obtenir des éclaircissements auprès de vous, à quatre ou cinq reprises, pour la bonne raison que je ne parvenais pas à y croire.

Vous avez nié les faits puis les avez minimisés et en tout cas refusé d'être confrontée à ceux qui vous attribuaient de tels propos tout en paraissant très mal à l'aide.

Vous vous êtes ensuite arrêtée pour maladie.

Je n'ai pas cherché à en savoir davantage mais confronté à vos arrêts maladie et percevant votre malaise, je vous ai proposé une rupture conventionnelle le 24 octobre 2013. Vous avez d'abord paru accepter cette solution et même en être soulagée, puis vous avez brusquement mis un terme à la négociation que nous avions engagée et vous vous êtes de nouveau arrêtée pour maladie.

Le 12 novembre 2013, vous m'avez adressé un courrier par lequel vous me reprochez des faits qui pourraient être assimilés à un harcèlement : Humiliation, rétrogradation, questions indiscrètes et répétées sur votre vie privée et des moqueries à l'origine selon vous de votre inaptitude à reprendre le travail, outre la privation de vos indemnités journalières et le non remboursement de vos cotisations mutuelle.

Vous avez adressé ce courrier en copie à la DIRECCTE qui m'a demandé des explications.

J'ai alors interrogé les salariés, des fournisseurs et des clients qui m'ont fait part de manière détaillée de votre comportement depuis de longs mois, comportement que je n'aurais jamais suspecté.

J'ai appris alors que vous aviez depuis plus de trois ans continuellement critiqué mes décisions pour l'entreprise mais aussi au niveau personnel.

Vous avez soutenu devant plusieurs interlocuteurs à de multiples reprises que nous étions au bord du dépôt de bilan et recommandé aux salariés de chercher du travail ailleurs ce que vous prétendiez faire vous-même.

Surtout, vous avez prétendu que cette soi-disant situation était liée au fait que j'avais pris l'habitude de prélever de manière inconsidérée des sommes importantes sur les comptes de l'entreprise que je mettais en péril.

Vous avez systématiquement critiqué ma gestion et divulgué, dans le détail auprès des salariés, des opérations que j'ai pu réaliser à titre personnel et professionnel.

Après avoir tenu des propos très alarmistes sur le devenir de la société, vous avez fini par confier à certains salariés que vous souhaitiez qu'elle coule et que vous nous souhaitiez à tous le pire. Ces propos qui mettent en cause mon intégralité et le devenir de l'entreprise ont perturbé le personnel qui ne pouvait pas travailler dans de bonnes conditions.

Le dénigrement systématique de l'entreprise en interne et externe et sur moi-même a eu un effet direct important sur le résultat de l'entreprise compte tenu de la démotivation compréhensible de certains salariés.

Ces faits remettent en cause la bonne marche de l'entreprise et sont préjudiciables à ses intérêts.»

Le 17 janvier 2014, Mme [Z] a contesté cette décision devant le conseil des prud'hommes de Longjumeau, sollicitant le paiement des indemnités de rupture, l'indemnisation du préjudice subi du fait de la perte de son emploi ainsi que de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct, outre un complément de salaire et le remboursement d'un trop perçu de cotisations mutuelle.

La cour est saisie de l'appel régulièrement interjeté le 27 janvier 2015 par Mme [Z] du jugement rendu le 16 décembre 2014, qui :

- a dit que son licenciement reposait sur une faute grave et que ses demandes n'étaient pas fondées,

- l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes,

- a débouté la société Cometa Holding de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a laissé les dépens à la charge de la salariée.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience de plaidoirie du 24 janvier 2018 par Mme [Z] qui demande à la cour de :

* Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Longjumeau le 16 décembre 2014,

* Dire et juger son licenciement pour faute grave infondé,

* Dire et juger son licenciement pour faute grave sans cause réelle ni sérieuse,

* En conséquence, condamner la société Cometa Holding au paiement des sommes suivantes :

- Indemnité de préavis : 6.942,00 €

- Congés payés sur préavis : 694,20 €

- Indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse 9.718,80 €

- Indemnité pour rupture abusive du contrat de travail : 41.652 €

- Complément de salaire à hauteur de 70% pour la période du 1er décembre au 23 décembre 2013 : 1.837,36 €

- Remboursement d'un trop perçu de cotisations mutuelle : 556,20 €

- Dommages et intérêts pour préjudice moral et exécution de mauvaise foi du contrat de travail article 1222-1 du Code du Travail : 10.000 €

- Article 700 du code de procédure civile : 2.500 €

* Condamner la société Cometa Holding aux entiers dépens y compris les frais

d'exécution,

* Ordonner la remise des bulletins de salaire, attestation Pôle Emploi, et certificat de travail conformes sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir,

* Intérêts au taux légal à compter de la saisine,

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par la société Cometa Holding aux fins de confirmation du jugement et, à titre reconventionnel, de condamnation de Mme [Z] au paiement d'une somme de 2.000 € pour frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.

A l'issue des plaidoirie, la cour a proposé aux parties de procéder par voie de médiation et leur a demandé de lui faire connaître leur accord éventuel au plus tard le 8 février 2013. Elles a avisées qu'à défaut l'affaire était mise en délibéré au 13 mars 2013 par mise à disposition au greffe.

Aucun accord en ce sens n'ayant été donné dans le délai imparti, la cour vide son délibéré.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.

SUR CE :

Sur le bien fondé et les conséquences du licenciement :

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige. Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif. Le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire être fondé sur des faits exacts, précis, objectifs et revêtant une certaine gravité.

En cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis. Elle justifie une mise à pied conservatoire.

Alors que la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'incombe pas particulièrement à l'une ou l'autre des parties, il revient en revanche à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il reproche au salarié

. S'il subsiste un doute concernant l'un des griefs invoqués par l'employeur ayant licencié un salarié pour faute grave, il profite au salarié.

Lorsque qu'une faute grave n'est pas caractérisée, le juge du fond peut apprécier si les faits initialement qualifiés de faute grave par l'employeur constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Pour contester son licenciement, Mme [Z] fait valoir en substance que :

- la procédure de licenciement pour faute grave a été initiée alors qu'elle venait d'être déclarée physiquement inapte par le médecin du travail le 15 novembre 2013, pour des faits dont l'employeur déclare avoir eu connaissance avant cet avis d'inaptitude,

- l'employeur était conscient d'être à l'origine de son inaptitude et il ne justifie pas de fait nouveau, d'une gravité suffisante, pouvant faire échec au licenciement pour inaptitude,

- les faits portés à la connaissance de l'employeur en juin 2013 sont prescrits et ne sont pas justifiés,

- les faits qu'elle a dénoncés elle-même le 12 novembre 2013 sont avérés et ils ne pouvaient justifier son licenciement,

- elle n'a pas émis de critique à l'encontre de M. [P] en public,

- les attestations produites par la société Cometa Holding, datées des 5 et 6 décembre 2013, ne sont pas de nature à justifier les faits qui lui sont reprochés, qu'elle conteste.

De son côté, l'employeur oppose pour l'essentiel que :

- en juin 2013, les déclarations d'un salarié rapportant une rumeur concernant des propos tenus par la salariée sur les difficultés des sociétés du groupe ne lui avaient pas paru alarmants,

- en revanche, à réception du courrier de la salariée et de l'administration du travail en novembre 2013, l'enquête qu'il avait menée auprès des salariés avait révélé l'existence d'une véritable entreprise de dénigrement de la part de Mme [Z] sur une période d'au moins deux ans, voire trois ans,

- les propos mensongers de la salariée sur les prétendues difficultés de l'entreprise, ses indiscrétions sur les dossiers dont elle avait la charge et ses déclarations mettant en cause la probité du gérant de la société constituent une violation de l'obligation de loyauté et présentaient un caractère de gravité au regard des fonctions de gestionnaire administrative et comptable exercées par Mme [Z], qui lui imposaient une particulière discrétion.

Pour justifier des griefs invoqués dans la lettre de licenciement, la société Cometa Holding produit diverses attestations dont la cour relève le caractère imprécis quant à la date des faits rapportés et le caractère partial, ayant été établies à la demande de l'employeur qui avait décidé d'enquêter contre la salariée après avoir reçu de sa part un courrier dans lequel elle dénonçait des faits susceptibles d'être qualifiés de harcèlement moral, parallèlement à une saisine de l'administration du travail.

La cour relève notamment que l'une de ces attestations - ni datée ni signée - est intitulée 'compte rendu par rapport à Mme [Z] demandé par Mr [P]', ce qui confirme que l'employeur avait décidé de recueillir des éléments à l'encontre de la salariée alors que celle-ci venait d'être déclarée inapte à exercer son emploi au sein de l'entreprise par le médecin du travail qui l'estimait cependant apte à le faire 'dans un autre contexte', ce qui lui a permis de se dispenser de toute recherche de reclassement dans le cadre d'un licenciement pour inaptitude physique et d'éviter de voir sa responsabilité mise en cause dans la dégradation de l'état de santé de la salariée.

Dans ce contexte, le licenciement pour faute grave notifié le 20 décembre 2013 à Mme [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera donc infirmé.

S'agissant du préjudice résultant de la perte de l'emploi, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l'âge de Mme [Z], de son ancienneté dans l'entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard tel que cela résulte des pièces communiquées et des explications fournies à la cour, société Cometa Holding sera condamnée à lui verser la somme de 39.000 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif sur le fondement de l'article L.1235-5 du code du travail, outre les indemnités de rupture ainsi qu'il est précisé au dispositif.

Sur l'exécution du contrat de travail :

Mme [Z] réclame le paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral distinct résultant d'un manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail.

Elle soutient avoir fait l'objet de pressions de sa part, qui l'ont conduite à un arrêt maladie pour un syndrome anxio-dépressif et à son inaptitude physique.

Force est de constater que le 12 novembre 2013, le médecin du travail a constaté que la salariée n'était plus en capacité d'exercer son emploi au sein de l'entreprise mais qu'elle pouvait le faire 'dans un autre contexte', ce qui est de nature à faire présumer l'existence d'un lien entre la dégradation de son état de santé et ses conditions de travail au sein de la société Cometa Holding.

Or les troubles de Mme [Z] - qui avait jusque là bénéficié de 'toute (la) confiance' du gérant de la société Cometa Holding - ont débuté en septembre 2013 après que ce dernier l'ait interrogée à 'quatre ou cinq reprises' sur une 'rumeur' la concernant et tenté de procéder à une 'confrontation' avec ses accusateurs, comme il l'indique dans la lettre de licenciement. Il est également établi que la salariée s'est vue proposer une rupture conventionnelle le 24 octobre 2013 alors qu'elle était en arrêt de travail pour cause de maladie et qu'à son retour dans l'entreprise le 12 novembre 2013, elle a trouvé son bureau vidé de ses armoires ainsi que des dossiers qu'elle avait en charge et ce, sans aucune explication de la part de M. [P] qui était absent pour la semaine et qui lui avait simplement laissé une note lui demandant d'effectuer des tâches d'exécution, à savoir procéder à la saisie des écritures comptables en retard. Enfin, plutôt que d'engager les démarches pour chercher à reclasser la salariée déclarée inapte par le médecin du travail, la société Cometa Holding a mené une enquête et engagé une procédure de licenciement pour faute grave privative de toute indemnité.

Au vu de ces éléments, il convient d'accueillir la demande indemnitaire présentée par la salariée et de lui allouer la somme de 5.000 € en réparation de son préjudice moral spécifique.

Par suite, le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur le maintien du salaire pendant l'arrêt maladie :

Mme [Z] réclame le paiement de la différence entre les indemnités journalières perçues et 70% du salaire auquel elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé, pour la période du 1er au 23 décembre 2013.

Cependant et comme l'oppose cependant à juste titre la société Cometa Holding, la salariée revendique le bénéfice de dispositions de l'article 31, III, de la convention collective visant un complément d'indemnisation au delà-du délai de deux mois prévu par l'article 31, II, alors que ces dispositions ne sont applicables qu' 'en cas de maladie de longue durée prise en charge par la sécurité sociale dans le cadre de l'article 322-3 3° du code de la sécurité sociale', ce dont elle ne justifie pas.

En conséquence, le jugement qui l'a déboutée de ses prétentions de ce chef sera confirmé.

Sur le remboursement de cotisations mutuelle :

Mme [Z] ne justifie pas du fondement de sa demande de remboursement d'une partie des cotisations salariales prélevées sur ses salaires de l'année 2013 au titre de la mutuelle complémentaire, du fait qu'elle vivait seule et non en couple - ce qu'elle n'établit pas, alors surtout que - comme le souligne à juste titre la société Cometa Holding - c'est elle-même qui établissait les bulletins de salaire jusqu'en août 2013.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce point également.

Sur les autres demandes :

Les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de la demande (soit à compter de la date de sa convocation devant le bureau de conciliation). Quant à elles, les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts à compter du présent arrêt.

Il sera fait droit à la demande de remise des documents sociaux, sans que l'astreinte soit nécessaire.

Il serait inéquitable que Mme [Z] supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la société Cometa Holding qui succombe doit en être déboutée.

En revanche, la salariée n'est pas légitime à demander de faire supporter à l'employeur - condamné aux entiers dépens - le coût des frais d'exécution éventuels de la présente décision. Conformément à l'article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001, ces frais restent en effet à la charge du créancier et le juge n'a pas le pouvoir de les faire assumer par le débiteur.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 16 décembre 2014 en ces dispositions relatives au maintien du salaire pendant l'arrêt maladie et au remboursement de cotisations salariales au titre de la mutuelle,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement notifié à Mme [Z] le 20 décembre 2013 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne en conséquence la société Cometa Holding à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :

- 6.942,00 € à titre d'indemnité de préavis, en brut,

- 694,20 € au titre des congés payés afférents, en brut,

- 9.718,80 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, en net,

- 39.000 € à titre d'indemnité pour rupture abusive, somme nette de tous prélèvements sociaux,

- 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct, somme nette de tous prélèvements sociaux,

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter du présent arrêt,

Dit que la société Cometa Holding devra transmettre à Mme [Z] dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision un certificat de travail et une attestation Assedic/Pôle emploi conformes ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif,

Rejette toute autre demande, plus ample ou contraire,

Condamne la société Cometa Holding aux entiers dépens de première instance et d'appel, et à payer à Mme [Z] la somme de 3.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 15/01013
Date de la décision : 13/03/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°15/01013 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-13;15.01013 ?
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