Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRET DU 09 MARS 2018
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/14304
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juin 2016 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 13/09614
APPELANT
Monsieur [G] [L] [F]
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1] (SENEGAL)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté et Ayant pour avocat plaidant Me Alexandra SIX de la SELAS SELAS SIX - DEBACKER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E0006
Substituée par Maître Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148
INTIMEE
AXA BANQUE
RCS Créteil 542 016 993
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Thierry SERRA de l'AARPI SERRA ABOUZEID ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280
Ayant pour avocat plaidant Maître Maud BOUHEY, avocat au barreau de PARIS, toque: D2038
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l' article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Janvier 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Pascale GUESDON, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre
M. Marc BAILLY, Conseiller
Madame Pascale GUESDON, Conseillère
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Mme Josélita COQUIN
ARRÊT :
- Contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Françoise CHANDELON, présidente et par Madame Josélita COQUIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par déclaration en date du 29 juin 2016 monsieur [G] [L] [F] a interjeté appel du jugement du Tribunal de grande instance de Créteil en date du 6 juin 2016 qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.
Monsieur [L] [F] alléguait d'une erreur dans le calcul du TEG du prêt immobilier qui lui a été consenti par la SA AXA BANQUE, suivant offre acceptée le 23 août 2010, pour un montant de 250 000 euros, sur une durée de 240 mois, au taux effectif global stipulé de 4,45 %. Il était question de l'omission de certaines composantes de la base de calcul du TEG et de l'application fautive de l'année lombarde pour le calcul des intérêts. Le tribunal a relevé que l'écart entre le TEG stipulé et le TEG estimé par le demandeur est inférieur à une décimale et donc n'est pas à considérer comme erroné.
Au terme de la procédure d'appel clôturée le 19 décembre 2017 les moyens et prétentions des parties s'exposent de la manière suivante :
Par dernières conclusions notifiées par voie de RPVA le 30 octobre 2017, monsieur [L] [F], appelant
sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions. Il considère comme parfaitement recevable son action en nullité de la stipulation d'intérêts, ce qui justifie la condamnation de la société AXA BANQUE à lui payer la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile, l'irrecevabilité ayant été soulevée tardivement par son adversaire à des fins dilatoires. A l'appui de sa demande de nullité il fait notamment valoir que les intérêts conventionnels du contrat de prêt conclu le 23 août 2010 sont calculés sur 360 jours, et que le taux effectif global contenu dans le contrat de prêt conclu le 23 août 2010 est erroné à plusieurs titres, notamment en ce qu'il ne prend pas en compte correctement le montant de l'assurance du prêt.
En conséquence monsieur [L] [F] demande à la cour, aux termes du dispositif de ses conclusions :
- de déclarer nulles la stipulation du taux effectif global et la stipulation du taux d'intérêts conventionnels, mentionnées dans le contrat de prêt du 23 août 2010, de substituer le taux d'intérêt légal de l'année 2010 à l'intérêt conventionnel depuis le début du prêt et pour les échéances à venir, et ce jusqu'à la fin du prêt,
- de condamner la société AXA BANQUE à transmettre un nouveau tableau d'amortissement à l'emprunteur et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement (sic) à intervenir,
- de condamner la société AXA BANQUE à restituer à monsieur [L] [F] le trop-perçu au titre des intérêts, soit la somme de 37 378,69 euros arrêtée au 31 août 2016, somme à parfaire à la date de l'arrêt à intervenir, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation d'origine,
- de condamner la société AXA BANQUE à payer à monsieur [L] [F] la somme de 6000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- de débouter la société AXA BANQUE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- de condamner la société AXA BANQUE aux entiers dépens de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile dont distraction au profit de Me Alexandra SIX, avocat aux offres de droit.
Par dernières conclusions notifiées par voie de RPVA le 6 décembre 2017, l'intimé sollicite la confirmation du jugement et demande à la cour,
' de dire irrecevable la demande de nullité de la stipulation du taux effectif global et de la stipulation d'intérêts,
' à titre 'infiniment subsidiaire', de prononcer en application du principe supérieur de proportionnalité, une déchéance très limitée, qui ne pourrait être supérieure à la somme de 2 850 euros et allouer à monsieur [L] [F] des dommages et intérêts limités à la somme de 4 euros,
' de condamner monsieur [L] [F] à payer à la Société AXA BANQUE une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Thierry SERRA, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.
SUR CE
Considérant que monsieur [L] [F] fonde ses demandes sur la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêts ;
Considérant que la société AXA BANQUE tout en admettant que son argumentation touche aussi au fond conclut à l'irrecevabilité d'une telle prétention au regard des dispositions de l'article L312-33 du code de la consommation, qui ne sanctionne que par une déchéance du droit aux intérêts, dans une proportion fixée par le juge, l'irrégularité du taux effectif global figurant dans l'offre de prêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article L312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction alors en vigueur, le prêteur qui ne respecte pas l'une des obligations prévues à l'article L312-8, lequel renvoie, concernant le taux effectif global, aux prescriptions de l'article L313-1 du même code en définissant le contenu, pourra être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge ;
Considérant qu'en effet, en vertu des prévisions impératives de l'article L312-8 du code de la consommation, les manquements aux obligations prévues par cet article sont sanctionnés par l'article L312-33 du code de la consommation, exclusivement applicables en raison du caractère d'ordre public des dites règles spécifiques édictées pour la protection du consommateur et qui l'emportent donc sur celles, plus générales posées par l'article 1907 du code civil, lequel sanctionne par la nullité l'absence de prescription d'un taux d'intérêt et, par extension d'un taux effectif global, dont l'irrégularité éventuelle est assimilée à une absence ;
Considérant qu'il en résulte qu'en droit la seule sanction d'un taux effectif global erroné n'est pas la nullité de la clause de stipulation d'intérêts mais la déchéance du droit aux intérêts ' qui n'est pas demandée par monsieur [L] [F] sollicitant expressément et uniquement la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels ' et cela sans qu'il y ait lieu de distinguer entre irrégularité de l'offre de prêt qui serait sanctionnée par l'article L312-33 du code de la consommation et l'irrégularité de l'acte de prêt qui relèverait de l'article 1907 du code civil, le prêt étant constitué du seul fait de l'acceptation de l'offre;
Considérant que l'emprunteur ne saurait, sauf à vider de toute substance les dispositions d'ordre public des articles L312-1 et suivants du code de la consommation, disposer d'une option entre nullité ou déchéance ;
Qu'une telle option, outre qu'elle priverait le juge de la possibilité de prévoir une sanction proportionnée à la gravité de l'erreur, ce en contradiction avec les récentes directives européennes à la lumière desquelles les textes nationaux doivent s'appliquer ' celle n° 2008/48 transposée en droit français par la loi du 1er juillet 2010 telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'union qui précise, dans sa décision du 9 novembre 2016, qu'une déchéance totale des intérêts ne peut intervenir que pour sanctionner l'irrégularité d'un professionnel ayant privé le consommateur d'apprécier la portée de son engagement, et celle n° 2014/17 transposée en droit français par ordonnance du 25 mars 2016 pour harmoniser les crédits accordés aux consommateurs relatifs à des biens immobiliers à usage résidentiel et notamment son article 38 selon lequel toute sanction doit être effective, proportionnée et dissuasive ' ne participerait pas à l'unique objectif recherché par le législateur, à savoir donner au TEG une fonction comparative ;
Considérant ainsi qu'il convient de déclarer irrecevable la demande de monsieur [L] [F] aux fins de nullité de la stipulation d'intérêts ;
Qu'il découle de cette solution qu'aucune demande indemnitaire ne saurait prospérer sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile et que monsieur [L] [F] doit être débouté de ses prétentions de ce chef ;
Sur les dépens et frais irrépétibles
Considérant que monsieur [L] [F] partie perdante doit être condamné aux dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société AXA BANQUE FINANCE la charge de ses frais irrépétibles à nouveau engagés en cause d'appel, qu'il sera fait doit à sa demande formulée sur ce fondement, tout en la modérant et en lui allouant à ce titre la somme de 2 000 euros ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirmant le jugement déféré en ce qu'il a statué sur le fond,
Déclare irrecevable l'action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels formulée par monsieur [L] [F] concernant le prêt à lui consenti par la société AXA BANQUE le 23 août 2010,
Confirme le jugement déféré en ce qui concerne les dépens
Y ajoutant,
Déboute monsieur [G] [L] [F] de sa demande de dommages et intérêts formulée sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile,
Condamne monsieur [G] [L] [F] aux dépens d'appel,
Condamne monsieur [G] [L] [F] à payer à la société AXA BANQUE la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles à hauteur d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT