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09/03/2018 | FRANCE | N°16/14269

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 09 mars 2018, 16/14269


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 09 MARS 2018



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/14269



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juin 2016 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2016000312





APPELANTE



SA BRED BANQUE POPULAIRE

RCS PARIS 552 091 795

Prise en la personne de son représentant lé

gal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]



Représentée par Me Sylvie CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0079

Ayant pour avocat plaidant Me Elodie BASALO...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 09 MARS 2018

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/14269

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juin 2016 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2016000312

APPELANTE

SA BRED BANQUE POPULAIRE

RCS PARIS 552 091 795

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Sylvie CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0079

Ayant pour avocat plaidant Me Elodie BASALO, avocat au barreau de PARIS, toque : J130

INTIMES

Monsieur [B] [Z]

Né le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 9]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Gilles GRINAL, avocat au barreau de PARIS, toque : R026

SCP BTSG prise en la personne de Maître [X] [E] es qualité de liquidateur de la SARL VICENTE

[Adresse 4]

[Localité 7]

Non constituée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre

M. Marc BAILLY, Conseiller

Madame Pascale GUESDON, Conseiller

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Josélita COQUIN

ARRET :

- Réputé contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise CHANDELON, présidente et par Madame Josélita COQUIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société à responsabilité limitée unipersonnelle VICENTE a souscrit auprès de la SA BRED BANQUE POPULAIRE, les 4 et 8 mai 2012, dans le temps de l'acquisition d'un fonds de commerce de prêt à porter, deux prêts professionnels : un prêt PSTR de 150 000 euros, et un prêt d'équipement de 40 000 euros, remboursables tous deux en quatre-vingt- quatre mois, et garantis par nantissement sur le fonds de commerce et par l'engagement de caution, daté du 28 mars 2012, de monsieur [B] [Z], gérant de la société VICENTE, à concurrence des sommes de 37 500 euros et 48 000 euros, ce pour une durée de cent huit mois.

Par acte sous seing privé en date du 19 février 2013, monsieur [Z] s'est porté caution du solde débiteur du compte courant de la société VICENTE, pour un montant de 96 000 euros, et ce pour une durée de 120 mois.

Par jugement en date du 8 juillet 2014, le Tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire en faveur de la société VICENTE, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 1er avril 2015.

Par déclaration en date du 29 juin 2016, la SA BRED BANQUE POPULAIRE a interjeté appel du jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 20 juin 2016 statuant tant sur les demandes de celle-ci concernant la société VICENTE ' créance de la banque ; autorisation de découvert et rupture de crédit alléguées par la société débitrice ' que sur la validité des engagements de caution de monsieur [Z].

Le tribunal sur le premier point a retenu l'existence d'une autorisation implicite de découvert, rapportée de manière brutale dès le lendemain, par le rejet de chèques pour un montant total de 26 000 euros, alors que dans le contexte de relations d'affaires précédemment cordiales et de ladite autorisation de découvert, ce rejet aurait du fait l'objet de discussions préalables, et alors que cinq jours auparavant la banque encourageait la société VICENTE dans son projet d'ouvrir un second établissement. Ainsi le tribunal a jugé que la banque en rompant sans préavis le crédit implicite accordé jusqu'ici à la société cliente, a commis une faute en conséquence de laquelle la société a été mise en difficulté, ce qui a amené la SA BRED BANQUE POPULAIRE à recourir à la caution monsieur [Z], lui causant un préjudice en réparation duquel il lui est alloué la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur le deuxième point, concernant la mise en oeuvre des engagements de caution de monsieur [Z], le tribunal,

* tenant compte d'un patrimoine immobilier d'une valeur nette de plus de 500 000 euros au moment des deux engagements de caution initiaux, rapporté à un montant total des trois cautionnements, de 181 500 euros, a considéré qu'il n'y avait pas disproportion,

* a estimé que contrairement à ce que soutient monsieur [Z], le troisième cautionnement, en date du 19 février 2013, n'a pas été souscrit dans une situation de violence économique et n'est donc pas frappé de nullité ;

Mais retenant un lien de causalité entre la rupture abusive et l'appel de la caution pour chacun de ses trois engagements, le tribunal a débouté la SA BRED BANQUE POPULAIRE de ses demandes à l'égard de monsieur [Z] en sa qualité de caution.

Enfin le tribunal a condamné la SA BRED BANQUE POPULAIRE aux dépens et à payer à monsieur [Z] la somme de en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au terme de la procédure d'appel clôturée le 9 janvier 2018 les moyens et prétentions des parties s'exposent de la manière suivante :

Par dernières conclusions notifiées par voie de RPVA le 18 décembre 2017 la SA BRED BANQUE POPUlAIRE, appelante, sollicite la réformation partielle du jugement dont appel.

La SA BRED BANQUE POPULAIRE en premier lieu conclut que la cour ne pourra que confirmer la fixation de la créance tel que l'a décidée le tribunal, le liquidateur judiciaire de la société VICENTE n'étant pas comparant en appel et ne faisant valoir aucune argumentation ni demande.

La banque estime que la décision déférée est incohérente, en ce que le tribunal a statué ultra petita en allouant la somme de 50 000 euros à monsieur [Z] en qualité de caution alors qu'il est débouté de toutes ses demandes formulées à l'encontre la banque.

Sur la prétendue faute de la banque la SA BRED BANQUE POPULAIRE conteste qu'il n'y ait jamais eu autorisation de découvert : le courrier sur lequel le tribunal s'appuie pour en retenir l'existence, en réalité n'a valeur que de mis en garde contre le risque découlant du dépassement de découvert. Il s'en est suivi une convention organisant la réduction progressive de ce découvert, ce qui a d'ailleurs a entraîné la prise de caution supplémentaire. Ce n'est pas le positionnement de la banque qui a entraîné les difficultés de la société.

Ainsi la SA BRED BANQUE POPULAIRE demande à la cour de :

' de dire la SA BRED BANQUE POPULAIRE recevable et bien fondée en son appel ;

' de dire que la SA BRED BANQUE POPULAIRE n'a jamais accordé à la SARL VICENTE d'autorisation de découvert à hauteur de 102 199,13 euros et n'a donc pas pu rompre brutalement ce concours qui n'a jamais existé ;

' de dire que les trois cautionnements souscrits par monsieur [B] [Z] ne sont pas manifestement disproportionnés à ses biens et revenus, au regard du bien immobilier d'une grande valeur nette dont il est propriétaire au jour de leur souscription ;

' de dire que l'engagement de caution de monsieur [B] [Z] n'a pas été souscrit dans une situation de violence économique, et qu'il est donc parfaitement valable;

' de dire, s'agissant des demandes de dommages et intérêts, que :

- ces demandes n'étant pas reprises dans le dispositif, la cour n'en est pas saisie ;

- la SARL VICENTE, qui est en liquidation judiciaire et dont le liquidateur judiciaire n'a

pas constitué avocat ni conclu, est irrecevable à formuler toute demande de dommages et

intérêts ;

- les préjudices invoqués n'étant ni causés par une quelconque faute de la SA BRED BANQUE POPULAIRE, ni démontrés, ils ne peuvent en aucun cas être indemnisés ;

' de dire que la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile est infondée et assurément disproportionnée par rapport aux frais qui ont dû être exposés ;

Et en conséquence il est demandé à la cour :

' de réformer partiellement le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 20 juin 2016 ;

' de débouter monsieur [B] [Z], pris en sa qualité de caution solidaire de la SARL VICENTE, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

* confirmant partiellement le jugement de première instance :

' de constater que la SA BRED BANQUE POPULAIRE est créancière de la SARL VICENTE ;

' de fixer la créance de la SA BRED BANQUE POPULAIRE au passif de la SARL VICENTE ainsi qu'il suit :

- à hauteur de la somme de 152 948,36 euros arrêtée au 8 juillet 2014, outre intérêts postérieurs au taux de 7 % (taux conventionnel majoré de 3 points) sur la somme de 135211,92 euros à titre privilégié,

- à hauteur de la somme de 40 786,25 euros arrêtée au 8 juillet 2014, outre intérêts postérieurs au taux de 7 % (taux conventionnel majoré de 3 points) sur la somme de 36056,53 euros à titre privilégié,

- à hauteur de la somme de 68 677,63 euros, arrêtée au 8 juillet 2014, outre intérêts postérieurs au taux légal, à titre chirographaire,

* réformant partiellement le jugement de première instance :

' de condamner monsieur [B] [Z], pris en sa qualité de caution solidaire de la SARL VICENTE, au paiement des sommes de :

- 37 500 euros outre intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2013, au titre du prêt d'un

montant de 150 000 euros,

- 40 786,25 euros arrêtée au 8 juillet 2014, outre intérêts postérieurs au taux de 7 % (taux

conventionnel majoré de 3 points) sur la somme de 36 056,53 euros au titre du prêt d'un montant de 40 000 euros,

- 68 677,63 euros arrêtée au 8 juillet 2014, outre intérêts postérieurs au taux légal, au titre du solde débiteur du compte courant n° [XXXXXXXXXX08],

' d'ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

' de condamner monsieur [B] [Z], pris en sa qualité de caution solidaire de la SARL VICENTE, au paiement d'une indemnité d'un montant de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' de condamner monsieur [B] [Z], pris en sa qualité de caution solidaire de la SARL VICENTE, en tous les dépens, dont distraction au profit de Me CHARDIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées par voie de RPVA le 19 décembre 2017 monsieur [Z], intimé,

notamment soutient que c'est bien parce qu'il y a eu découvert important au 12 février 2013 que la banque a recherché un cautionnement supplémentaire, ce qui caractérise un comportement fautif justifiant la demande de dommages-intérêts. Il est erroné de prétendre que le juge a statué ultra petita et que le jugement manque de cohérence, bien au contraire le premier juge a parfaitement saisi qu'il s'agit de deux questions bien distinctes, et a parfaitement fondé sa décision, la jurisprudence admettant l'existence d'un préjudice découlant de la liquidation judiciaire de la société dont on est la caution. En ce qui concerne la disproportion, au final l'engagement de caution de monsieur [Z] équivalait à 90 % de ses revenus. Il y a violence économique sur les conditions de l'obligation à caution.

Ainsi monsieur [Z] demande à la cour

' de confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 20 juin 2016,

* en ce qu'il a fixé la créance de la SA BRED BANQUE POPULAIRE au passif de la SARL VICENTE :

- à hauteur de la somme de 152 948,36 euros arrêtée au 8 juillet 2014, outre intérêts postérieurs au taux de 7 % (taux conventionnel majoré de 3 points) sur la somme de 135211,92 euros à titre privilégié,

- à hauteur de la somme de 40 786,25 euros arrêtée au 8 juillet 2014, outre intérêts postérieurs au taux de 7 % (taux conventionnel majoré de 3 points) sur la somme de 36056,53 euros à titre privilégié,

- à hauteur de la somme de 68 677,63 euros, arrêtée au 8 juillet 2014, outre intérêts postérieurs au taux légal, à titre chirographaire,

* en ce qu'il a dit que la SA BRED BANQUE POPULAIRE a engagé sa responsabilité du fait de la rupture abusive de crédit apporté à la SARL VICENTE,

* en ce qu'il a débouté la SA BRED BANQUE POPULAIRE de ses demandes au titre des

cautions,

* en ce qu'il a condamné la SA BRED BANQUE POPULAIRE à payer à monsieur [B] [Z] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,

* en ce qu'il a condamné la SA BRED BANQUE POPULAIRE à payer à monsieur [B] [Z] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

* en ce qu'il a condamné la SA BRED BANQUE POPULAIRE aux dépens,

et par conséquent, de débouter la SA BRED BANQUE POPULAIRE de l'ensemble de ses demandes de paiement,

' à titre reconventionnel,

de condamner la SA BRED BANQUE POPULAIRE à payer à monsieur [B] [Z] la somme de 200 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice personnel qu'il a subi ;

' en tout état de cause,

de condamner la SA BRED BANQUE POPULAIRE au paiement de la somme de 10 000 euros au profit de monsieur [B] [Z] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés selon l'article 699 du code de procédure civile.

Me [X] [E] de la SCP BTSG, mandataire liquidateur de la SARL VICENTE n'a pas constitué avocat.

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.

SUR CE

1- sur la rupture abusive de crédit

Considérant que pour conclure à une rupture de crédit fautive de la part de la banque, le tribunal s'est appuyé sur les termes d'un e-mail en date du 11 février 2013 émanant de la SA BRED BANQUE POPULAIRE, qu'il analyse comme une autorisation implicite de découvert, dont le montant, fait constant, ne sera jamais dépassé ;

Que le texte de ce mail est le suivant : 'le solde débiteur demain sera de 102 199,13 euros, la délégation risque ne paiera pas plus haut que ce montant';

Considérant que désireuse d'expliciter le contenu de ce message à la lumière de son contexte la banque justifie de ce que préalablement à ce mail du 11 février 2013, son concours a été sollicité dès le 9 octobre 2012, en raison de difficultés de trésorerie que le gérant présentait comme passagères ; que monsieur [Z] chiffrait lui-même le concours souhaité, à hauteur de 55 000 euros jusqu'à fin octobre 2012, puis de 25 000 euros jusqu'à fin novembre 2012, et enfin de 15 000 euros jusqu'au 15 janvier 2013 ;

Considérant que SA BRED BANQUE POPULAIRE justifie tout autant de la confirmation de son accord ' donnée le 4 décembre 2012 ' dans les conditions souhaitées, voire même de manière plus favorable, et au vu des termes de ce courrier, manifestement définies d'un commun accord avec la société VICENTE ; qu'il ressort de ce courrier que l'autorisation de découvert était d'un montant de 55 000 euros avec une date d'échéance au 31 janvier 2013 ce qui implique, en premier lieu qu'en cas de non respect il pouvait être mis fin à l'autorisation de découvert sans qu'un préavis donné par la banque ne soit exigé, et en second lieu que dans l'hypothèse d'une absence de réaction immédiate de la banque à la date d'échéance, il ne peut s'agir que d'une simple tolérance et non pas d'une autorisation tacite de découvert ;

Considérant que dans de telles circonstances et au contraire de ce qu'a retenu le tribunal le contenu de ce message, postérieur à cette date d'échéance du 31 janvier 2013, ne doit pas être compris comme une autorisation implicite du découvert accordé à la société VICENTE ;

Considérant que dans ces conditions, en rejetant à partir du lendemain du mail du11 février 2013, au delà du terme du découvert autorisé du 31 janvier 2013, des chèques non approvisionnés, la banque ne s'est pas rendue coupable de rupture abusive de crédit ;

Qu'il peut d'ailleurs être souligné qu'il n'y a pas eu cessation définitive de la relation commerciale puisque monsieur [Z] dans un courrier daté du 20 février 2013 évoque un découvert autorisé de 80 000 euros appelé à se réduire progressivement jusqu'à la somme de 10 000 euros au 30 septembre 2013 et que la SA BRED BANQUE POPULAIRE a adopté expressément ce plan (cf.courrier du 27 février 2013) en contrepartie exigeant légitimement un strict respect des échéances prévues ' ce qui d'ailleurs ne sera pas le cas ;

Considérant qu'en l'absence de rupture abusive la demande indemnitaire de monsieur [Z] ne saurait prospérer ;

Que le jugement doit être infirmé sur ce point ;

2- sur la mise en oeuvre des cautionnements

A- sur la signature du troisième engagement de caution dans une situation alléguée de violence économique

Considérant que monsieur [Z] seul gérant de cette société unipersonnelle était à l'origine exclusive des mouvements du compte et se trouve seul responsable de la situation délicate dans laquelle la société VICENTE a fini par se trouver; qu'en effet il reconnaît dans un e-mail du 17 février 2013 avoir financé avec le découvert de compte de la société VICENTE, les travaux dans un local commercial dont il convoitait le droit au bail en vue de l'ouverture d'une second magasin, avant même d'avoir acquis ce droit au bail ; que visiblement monsieur [Z] qui le 20 janvier 2013 écrivant à la banque se réjouissait des résultats bénéficiaires encourageants de la société VICENTE, a considéré comme acquis le principe du financement par la banque, laquelle il est vrai n'avait marqué aucune hostilité à ce projet, bien au contraire ; que cet enthousiasme débordant de monsieur [Z] explique comment, en quelques jours seulement, on est passé du simple au double, soit d'un solde débiteur inférieur à 55 000 euros, autorisé, à un solde débiteur de plus de 102 000 euros, situation alarmante qui n'a pas manqué d'attirer l'attention de la banque ; que conscient de son imprudence, dans de même message monsieur [Z] a expressément admis ses erreurs et fait des propositions de règlement dont un apport en capital social qui sera effectivement opéré ;

Considérant que le cautionnement consenti le 19 février 2013 est en suite directe de ces errements ; qu'aucun reproche ne peut être fait à la banque de vouloir s'entourer de garanties supplémentaires qui apparaissaient opportunes compte tenu du comportement déraisonnable voire irresponsable de monsieur [Z], qui aurait pu être lourd de conséquences comme il l'écrit dans un e-mail exposant sa crainte de 'tout perdre' à défaut de prendre et tenir ses engagements ; que la banque n'a été ni insuffisante dans sa surveillance ' l'augmentation du débit du solde dans des proportions inquiétantes ne lui a pas échappé ' ni excessive, en ce sens qu'aune pression n'a été exercée et aucune des pièces du dossier ne contient d'élément caractérisant une violence économique, contrairement à ce que soutient monsieur [Z] ;

Considérant qu'ainsi aucune nullité n'est encourue ; que le jugement déféré mérite confirmation sur ce point ;

B- sur la disproportion

Considérant qu'en droit (selon les dispositions de l'article L341-4, devenu L 332-1, du code de la consommation) un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus [.. à moins que le patrimoine de cette caution au moment où celle-ci est appelée ne lui permette de faire face à son obligation..] ;

Considérant que la charge de la preuve de la disproportion incombe à la caution et non pas à la banque ;

Considérant que l'endettement s'apprécie au jour de l'engagement de caution soit en l'espèce au 28 mars 2012, puis au 19 février 2013 ;

Considérant que monsieur [Z] à chaque fois a signé la déclaration de revenus et charges, que l'imprimé en question comporte des rubriques détaillées et ciblées et des questions précises et sans ambiguité, auxquelles il ne reste plus qu'à répondre dans les espaces prévus à cet effet ;

Que sa situation patrimoniale et financière n'a guère été modifiée dans l'intervalle; que ces fiches de recueil de renseignements (pièces n° 29 et 39 de la banque) font ressortir

' que monsieur [Z] est célibataire et vit maritalement,

' qu'il est propriétaire de son habitation principale [valeur déclarée en 2012 : 850 000 euros/ 760 000 euros nette pour tenir compte de l'emprunt en cours - déclaration de 2013],

' que ses revenus annuels sont compris entre 36 000 euros (2012) et 40 000 euros (2013),

' qu'il supporte des charges annuelles de 22 224 euros au titre d'emprunts en cours en 2012 ;

Considérant que monsieur [Z] n'a signalé aucune autre engagement de cautions, ni autres charges ; que la banque est en droit de légitimement se fier aux déclarations de monsieur [Z], présumé de bonne foi ;

Considérant qu'au vu de ce qui précède il n'y a aucune disproportion manifeste ni au 28 mars 2012, ni même au 19 février 2013 tenant compte de ses précédents engagements de caution, de son taux d'endettement au 19 février 2013 (55,56%) et de ce qu'il jouit d'un disponible de 1500 euros environ ; qu'en conséquence monsieur [Z] doit être débouté de sa demande tendant à voir dire que la banque ne peut se prévaloir de cet engagement de caution ;

Considérant que la créance de la banque a été valablement déclarée au passif de la société que la SA BRED BANQUE POPULAIRE en justifie en produisant les deux déclarations de créances adressées au mandataire liquidateur ;

Considérant que monsieur [Z] ne conteste pas le montant de la créance de la SA BRED BANQUE POPULAIRE à l'égard de la société VICENTE ;

Considérant que, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, monsieur [Z] doit être condamné en sa qualité de caution solidaire de la société VICENTE, à concurrence de la somme maximum représentant sa garantie ;

Sur les frais irrépétibles

Considérant que la partie qui échoue dans ses demandes ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que la demande formulée à ce titre par monsieur [Z] ne peut qu'être rejetée ;

Qu'en revanche compte tenu de la solution donnée au litige l'équité commande de faire droit à la demande, formulée sur le même fondement, de la société SA BNP PARIBAS et en la limitant toutefois à la somme de 1500 euros ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré abusive la rupture du crédit accordé par la SA BRED BANQUE POPULAIRE à la SARL VICENTE,

Statuant à nouveau de ce chef infirmé,

Déboute monsieur [B] [Z] de sa demande de dommages-intérêts ;

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SA BRED BANQUE POPULAIRE de ses demandes à l'encontre de monsieur [B] [Z] en sa qualité de caution des engagements de la SARL VICENTE,

Statuant à nouveau de ce chef infirmé,

Condamne monsieur [B] [Z], pris en sa qualité de caution solidaire de la SARL VICENTE, à payer à la SA BRED BANQUE POPULAIRE les sommes de :

- 37 500 euros outre intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2013, au titre du prêt d'un

montant de 150 000 euros,

- 40 786,25 euros arrêtée au 8 juillet 2014, outre intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2013 au titre du prêt d'un montant de 40 000 euros, dans la limite de 48 000 euros,

- 68 677,63 euros arrêtée au 8 juillet 2014, outre intérêts postérieurs au taux légal, à compter du 5 juin 2013 au titre du solde débiteur du compte courant n° [XXXXXXXXXX08], dans la limite de 96 000 euros,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SA BRED BANQUE POPULAIRE aux dépens et au titre des frais irrépétibles,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne monsieur [B] [Z] à payer à la SA BRED BANQUE POPULAIRE la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne monsieur [B] [Z], pris en sa qualité de caution solidaire de la SARL VICENTE, en tous les dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Sylvie CHARDIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 16/14269
Date de la décision : 09/03/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°16/14269 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-09;16.14269 ?
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