RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 08 Mars 2018
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/12858
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F13/16767
APPELANTE
SAS PFIZER
[Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 433 .62 3.5 50
comparante en personne, assistée de Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
substitué par Me Philippe CAZELLO, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [H] [L]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1]
représenté par Me Candice VIER CAZIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1837
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Octobre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe MICHEL, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, présidente
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, conseiller
Monsieur Philippe MICHEL, conseiller
Greffier : Mme Claudia CHRISTOPHE, lors des débats
Mme Anna TCHADJA-ADJE, lors de la mise à disposition
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, prorogé ce jour.
- signé par Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, et par Madame Anna TCHADJA ADJE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
FAITS ET PROCÉDURE
Engagé par la SA Pfizer à compter du 3 septembre 2001, par contrat de travail à durée indéterminée, M. [H] [L] a été nommé Manager des Responsables Relations Régionales, niveau 8 A de la convention collective nationale de la pharmacie, moyennant une rémunération brute mensuelle de base de 6 601 €, outre primes et avantages en vigueur au sein de l'entreprise, par avenant du 10 septembre 2012.
Sa dernière rémunération mensuelle brute s'élevait à 9 438,01 € selon la moyenne des trois derniers mois.
La SA Pfizer emploie plus de onze salariés.
Dans le cadre de la procédure interne de gestion des notes de frais (la "Policy Pfizer"), le département d'Audit Interne du Groupe a procédé à un audit des frais professionnels de M. [L] en tirant au sort des notes de frais sur la période de juin 2011 à mai 2013 afin d'examiner leur conformité aux procédures internes et à la réglementation en vigueur.
Par lettre du 17 juillet 2013, la SA Pfizer a convoqué M. [L] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 23 août 2013 au motif que les conclusions de l'audit rendues le 12 juillet 2013 aux termes d'investigations complémentaires avaient mis en évidence des irrégularités manifestes dans les notes de frais du salarié, sur les périodes de novembre 2011 puis de novembre 2012 à juin 2013.
À la suite de cet entretien, la SA Pfizer a diligenté un audit complémentaire des notes de frais de M [L] sur une période de six mois supplémentaires, à savoir de mai à novembre 2012.
Estimant que les résultats de cet audit complémentaire transmis le 3 septembre 2013 avaient une fois encore mis en évidence l'établissement de notes de frais frauduleuses, avec un caractère répétitif et manifestement intentionné, la SA Pfizer a convoqué M. [L] à un entretien préalable à un éventuel licenciement initialement fixé au 16 septembre 2013 et reporté au 18 septembre 2013, par lettres des 4 et 9 septembre 2013.
Elle a notifié à M. [L] son licenciement pour cause réelle et sérieuse, par lettre du 23 septembre 2013.
Contestant le bien fondé de son licenciement, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 21 novembre 2013 afin d'obtenir la condamnation de la SA Pfizer à lui payer les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal :
- 15 000 € à titre d'indemnité de déménagement (complément) ;
- 169 560 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 5 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La cour est saisie de l'appel interjeté par la SA Pfizer à l'encontre du jugement rendu le 24 juin 2016, par le Conseil de prud'hommes de Paris qui a :
- Dit le licenciement de M. [L] sans cause réelle et sérieuse ;
-Condamné la Société à verser à M. [L] la somme de 100 000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamné la Société à verser à M. [L] la somme de 600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté M. [L] du surplus de ses demandes ;
- Débouté la Société de ses demandes reconventionnelles.
Par ordonnance rendue au visa de l'article 905 du code de procédure civile, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 27 octobre 2017 pour une date des plaidoiries au même jour.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées par le RPVA le 12 octobre 2017, la SA Pfizer demande à la cour de :
- Dire que le licenciement de M. [L] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de M. [L].
En tout état de cause,
- Condamner M. [L] à rembourser à la société la somme de 15 000 € indûment perçue au titre de l'allocation de déménagement, outre la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées par le RPVA le 24 octobre 2017, M. [L] demande à la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Réformer le jugement sur l'indemnité octroyée et statuant à nouveau :
- Condamner la SA Pfizer à lui verser les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes avec capitalisation de
ces intérêts :
Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
226 512 € ;
Indemnité de mobilité géographique : 15 000 € ;
- Condamner la SA Pfizer à lui verser la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
La lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi rédigée :
'Monsieur,
Conformément aux règles internes à l'entreprise, un audit a été diligente du 10 au 28 juin 2013 par le département Global Audit et a porté sur la revue des (i) transactions FCPA et notes de frais pour la période de juin 2011 à mai 2013, ainsi que sur les (ii) processus financiers (comptabilité générale, achats et service clients) pour la période de juin 2012 à mai 2013.
Selon le processus (habituel) parfaitement connu des salariés de l'entreprise, les auditeurs ont tiré au sort un certain nombre de notes de frais afin d'examiner leur conformité avec les procédures internes et la réglementation en vigueur au sein de l'entreprise.
C'est dans ce contexte, que trois de vos notes de frais ont été tirées au sort le 5 juin 2013.
Deux d'entre elles, concernaient la période de novembre 2012 à juin 2013, et une concernait le mois de novembre 2011. Vous en avez été informé par courriel le jour même.
Compte tenu des écarts constatés avec nos procédures internes lors de l'examen de ces trois notes de frais, vous avez été contacté par le département Local Audit par courriel et à plusieurs reprises par téléphone, les 10 et 11 juin 2013, afin d'obtenir des explications de votre part.
Devant votre incapacité à fournir des explications claires et cohérentes sur ces notes de frais litigieuses, l'auditeur du département Global Audit a ainsi repris ces éléments dans son rapport et relevé les différents écarts qu'il avait pu constater dans l'établissement de vos notes de frais.
Face à ces différents écarts avec les procédures internes, dont vous avez pourtant une parfaite connaissance, le département Direction Juridique & Compliance a demandé au département Global Audit de diligenter un audit sur un plus grand nombre de vos notes de frais.
C'est ainsi que 26 de vos notes de frais (y inclus les 3 notes de frais tirées au sort) ont été auditées sur la période de novembre 2012 à juin 2013 et une sur celle de novembre 2011.
Le 12 juillet 2013, les conclusions de l'audit diligenté ont été rendues et ont mis en exergue que:
11 notes de frais avaient été établies en violation tant des règles de procédure d'utilisation de l'outil PT&E (notre outil en ligne de réservation de voyage) que des règles internes de remboursement des frais professionnels ; et 42 notes de frais concernaient des demandes de remboursement de frais non légitimes et/ou non justifiés.
Devant le nombre et la répétition des manquements constatés et confirmés concernant rétablissement de vos notes de frais, nous vous avons convoqué, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 17 juillet 2013, à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.
Au cours de cet entretien, qui s'est tenu le 23 août 2013, en présence de Monsieur [E] [F], votre Manager, et de Madame [L] [H], Responsable des Ressources Humaines, et pour lequel vous étiez assisté par Monsieur [A] [K], Représentant du Personnel au sein de l'entreprise, nous vous avons fait part des motifs pour lesquels nous envisagions une sanction et avons entendu vos explications.
Toutefois, et en dépit de notre souhait d'échanger avec vous et de comprendre les raisons qui avaient motivé les multiples écarts auxquels vous vous êtes livrés, nous avons été obligés de constater une absence d'explications concrètes, cohérentes et probantes.
Conformément aux procédures internes en présence de manquements de ce type par un salarié de l'entreprise, Madame [X] [E], Directrice du département Juridique & Compliance, vous a convoqué à un entretien 'Compliance' qui s'est tenu le 23 août 2013. Au cours de cet entretien, vous avez reconnu :
avoir agi en violation des procédures internes sur lesquels vous êtes pourtant formé annuellement ; et
avoir agi sciemment afin d'obtenir le remboursement de notes de frais qui ne vous auraient jamais été remboursées si vous ne les aviez pas falsifiées.
C'est dans ce contexte et devant l'ampleur des manquements constatés dans l'établissement de vos notes de frais mettant nécessairement à mal la confiance que nous placions en vous, que nous avons décidé, pour approfondir l'analyse et l'instruction de votre dossier, de faire procéder à un audit complémentaire de vos notes de frais sur une période de six mois supplémentaires, à savoir d'avril à novembre 2012.
Or, les résultats de cet audit complémentaire ont, une nouvelle fois, mis en évidence l'établissement par vos soins de notes de frais frauduleuses, et ce, avec un caractère répétitif et manifestement intentionnel.
Afin de pouvoir vous entendre et de pouvoir vous expliquer sur ces nouvelles irrégularités mis à jour par le complément d'audit concernant la période d'avril à novembre 2012, vous avez été convoqué, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 9 septembre 2013, à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.
L'entretien s'est tenu le 18 septembre 2013, en présence, là encore, de Monsieur [E] [F], Madame [L] [H] et de Monsieur [A] [K] qui, une nouvelle fois, vous a assisté.
En sus, cet entretien fut également l'occasion de pouvoir échanger, une nouvelle fois, sur vos notes de frais frauduleuses concernant la période de novembre 2012 à juin 2013 et le mois de novembre 2011, afin de pouvoir :
obtenir des explications complémentaires de votre part sur les réponses que vous nous aviez apportées concernant les manquements révélés par les conclusions de l'audit du 12 juillet 2013;
obtenir, une nouvelle fois, confirmation de votre part du fait notamment que vous reconnaissiez avoir demandé le remboursement dans une note de frais professionnelle, présentée le 17 mars 2013, des dépenses personnelles consistant, en l'occurrence, dans l'achat de fromage et de pain pour votre consommation personnelle ; et
vous informer de l'ensemble des vérifications auxquelles il avait été procédé depuis le 23 août 2013.
Toutefois, les explications initiales et complémentaires que vous nous avez apportées dans le cadre de chacun de ces deux entretiens préalables ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation des faits, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute reposant sur une cause réelle et sérieuse pour les motifs exposés ci-après :
Il ressort tant des conclusions de l'audit principal que complémentaire concernant notamment l'analyse de vos notes de frais que de vos explications (i) qu'outre le fait que vous n'avez pas respecté les procédures en vigueur dans l'entreprise, (ii) vous avez falsifié vos notes de frais, (iii) de façon répétée et (iv) sciemment de manière à obtenir le remboursement de produits dont la nature exclut évidemment toute utilisation professionnelle.
Comme cela vous a été exposé en détails dans le cadre des deux entretiens préalables, vous trouverez notamment ci-après les principales anomalies relevées tant à l'occasion de l'audit que du complément d'audit :
Vous avez dissimulé sous un même intitulé plusieurs frais engagés chez des fournisseurs différents et à des dates différentes.
Vous avez intégré, sous des rubriques professionnelles des dépenses personnelles de manière à laisser penser à votre Manager qu'il s'agissait de dépenses professionnelles et ainsi en obtenir le remboursement, A titre d'exemples :
o Le 7 novembre 2012, vous avez effectué une demande de remboursement de frais de repas {"Diner" - Restaurant pizzeria « Il Bambino ») pour un montant total de 38,60 euros. Or, le montant payé au titre de ce repas s'élevait en réalité à 8,80 euros. Vous avez toutefois additionné et associé à cette demande de remboursement de note de frais comportant comme descriptif le terme « Dîner, un ticket concernant l'achat, le jour même, du film «'Joyeux Noël'» pour un montant de 19,80 euros - le regroupement des deux montants s'élevant au total à 38,60 euros.
o Le 31 octobre 2012, vous avez demandé le remboursement de frais de repas ("Repas" - « La denrée ») pour un montant de 27,80 euros. Or, cette demande de remboursement de frais dissimulait en réalité l'achat d'un coffret de macarons « Ladurée ». Frauduleusement, vous avez ainsi sciemment falsifié l'orthographe de la marque de distribution des macarons pour en obtenir le remboursement par votre Manager qui ne pouvait mettre en doute la légitimité de votre demande - ne pouvant se douter que vous alliez volontairement jusqu'à falsifier le nom commercial de la marque pour obtenir le remboursement de dépenses non professionnelles ;
Concernant d'ailleurs les achats personnels de coffrets chez des fournisseurs de renom tels que « Ladurée », « La Maison du chocolat » ou encore « Mariage Frères », nous avons pu constater que vous les avez systématiquement intentionnellement dissimulés :
soit en falsifiant l'orthographe du nom de la marque de renom afin précisément d'obtenir le remboursement de votre note de frais que vous n'auriez jamais obtenu si vous n'aviez pas procédé à de tels agissements frauduleux et profondément malhonnêtes ;
soit en additionnant le prix du coffret à une dépense de repas en indiquant uniquement le nom du restaurateur sur votre demande de remboursement de note de frais. Ainsi, vous n'avez pas hésité à indiquer manuscritement sur certains de vos tickets le nom d'un de vos collaborateurs en mentionnant « Repas » alors même qu'il s'agissait pour vous de dissimuler, derrière une boisson prise avec un collaborateur, un achat personnel. Ainsi, à titre d'exemple, vous avez pris, le 10 novembre 2011, un thé et un coca-cola au Mercure de Bordeaux pour un montant de 5,70€; ticket sur lequel vous avez indiqué manuscritement le nom d'une des collaboratrices de votre équipe, Madame [I] [D], Toutefois, vous avez agrafé à ce justificatif l'achat, à Orly, de boites de macarons de la marque « Ladurée » pour un montant de 34,70 euros, et lors de rétablissement de votre note de frais, pour précisément obtenir le remboursement de l'ensemble de ces frais, vous avez mentionné : «'le 10 novembre 2011 - Un repas - déjeuner +- duo avec ES - Mercure - Bordeaux ~ 49,50 € ». Au-delà de cette fraude pour vous faire rembourser l'achat du coffret de macarons « Ladurée » qui répondait à une dépense personnelle et non professionnelle, vous avez interdit à votre collaboratrice, au forfait, de se faire rembourser son propre repas pour cette journée !
o Le 8 novembre 2012, vous avez également effectué une demande de remboursement de frais de repas avec comme descriptif « Déjeuner C. de Rauglaudre » - « [Établissement 1] » pour un montant de 40,07 euros, Or, là encore, cette demande dissimulait l'achat personnel, le même jour, du «'Géoguide de Venise'» d'une valeur de 13,10 euros. Une nouvelle fois, par une man'uvre frauduleuse, cet achat qui répondait uniquement à un besoin personnel et non professionnel était associé à la facture de restaurant « [Établissement 1] » à Nantes d'un montant de 26,97 euros ;
o Le même jour, vous avez également fait l'acquisition du "Géoguide de New York", de produits dé consommation et de journaux pour un montant total de 24,25 euros. Or, vous n'avez pas hésité à en demander le remboursement en les faisant passer sous une facture de restauration du « Bar 2.21 ». Ainsi, votre demande de remboursement mentionnait : "Diner" - « Bar 2.21 » pour un montant de 30,45 euros alors qu'en réalité montant de votre dîner était de 6,20 euros;
o Le 20 juin 2012, vous avez: également demandé le remboursement d'une dépense avec comme descriptif « Diner Equipe Congrès de Nice » - « Loti Balico » pour un montant de 406,20 euros. Or, là encore, cette demande dissimulait l'achat personnel, le même jour, d'un magnum de Champagne d'une valeur de 125 euros dans une cave à vin à [Localité 2] dans le Puy de Dôme. Vous nous avez expliqué qu'il s'agissait d'un achat en vue du congrès de [Localité 3] avec votre équipe, Une nouvelle fois, par une man'uvre frauduleuse! cet achat qui répondait uniquement à un besoin personnel et non professionnel était associé à la facture de restaurant « [Établissement 2]» à [Localité 3] d'un montant de 281,20 euros. Or, dans le compte rendu d'entretien fait par [A] [K], vous indiquez une nouvelle version, différente de celle communiquée lors de l'entretien du 18 septembre : « correspond à une dépense réunion équipe à l'occasion du congrès de médecine et santé au travail du 6 au 8 juin 2012. J'ai fait l'avance sur une bouteille personnelle et me suis remboursé celle-ci lors de cet achat du 19 juin. »
Face à l'évidence, vous avez à l'occasion des entretiens soit effectivement reconnu que le remboursement de ces frais correspondait en réalité à des frais personnels, soit vous n'avez tout simplement pas été en mesure de nous justifier les nombreux écarts, et même parfois, tenté de nous donner des explications qui se sont révélées être mensongères.
En effet, et là encore à titre d'exemple :
Dans le cadre de l'entretien préalable du 23 août 2013, pour justifier rétablissement d'une demande de remboursement de note de frais concernant un déjeuner pour deux personnes au « Bistrot du Boucher » le 30 octobre 2012, vous nous avez très spontanément indiqué le nom d'un de vos collègues, Monsieur [M] [W], Manager régional. Toutefois, après vérifications, nous avons été contraint de constater qu'il ne pouvait aucunement s'agir de Monsieur [M] [W] dans la mesure où ce dernier était précisément en congés à cette date et ne se trouvait à [Localité 4].
De même, pour justifier l'achat de deux places de théâtre (à deux dates différentes), vous nous avez indiqué qu'il s'agissait de soirées avec votre équipe. Toutefois, là encore après vérifications, il est apparu que vos Managers de l'époque, Messieurs [T] [T] et [P] [A], n'ont jamais autorisé une telle sortie. Or, comme vous le savez, conformément aux procédures internes, il s'agit d'un préalable obligatoire avant l'organisation de toute soirée avec son équipe. Par ailleurs, il est également apparu qu'aucun des collaborateurs de votre équipe ne s'est fait rembourser une place de théâtre. Enfin, un de vos collaborateurs interrogé sur le déroulement de cette soirée, nous a expressément précisé : « Bien évidemment, je ne me suis pas fait rembourser cette dépense ». Or, i! est particulièrement étonnant qu'une sortie au théâtre soit très clairement identifiée comme personnelle par certains de vos collaborateurs, qui vous accompagnaient, mais pas par vous.
Dans le cadre de l'entretien préalable du 18 septembre 2013, vous nous avez cette fois-ci confirmé que la dépense de fromage et de pain que vous aviez effectuée le 13 mars 2013 pour un montant de 56,45 euros(2 factures espacées de 10 minutes, l'une pour un montant de 28,80 euros et l'autre pour un montant de 27,65 euros), et dont vous aviez demandé le remboursement le 17 mars 2013, répondait pour partie à une consommation personnelle. Concernant l'autre partie, vous nous avez expliqué que vous aviez pris le ticket chez le fromager afin de vous faire rembourser un montant équivalent à un dîner pris la veille et pour lequel vous aviez oublié le justificatif, et ce, contrairement à ce que vous nous aviez expliqué lors de l'entretien du 23 août 2013.
Pour justifier plusieurs achats personnels de livres, films et revues, vous nous avez expliqué lors de l'entretien du 23 août 2013 que ces achats n'avaient en réalité jamais été effectués, mais que vous aviez dû retourner dans « la boutique » demander un ticket car vous aviez oublié de prendre votre facture d'achat d'alimentation pour vos repas. Or, devant a priori l'impossibilité pour le vendeur de vous fournir un duplicata, vous lui auriez alors demandé une facture d'un montant à peu près équivalent (ce qu'il aurait cette fois-ci été en mesure de faire) que vous avez alors inséré comme justificatif. Au-delà de cette explication pour le moins peu convaincante, nous avons cependant relevé que vous aviez toutefois pris soin d'agrafer l'ensemble des factures concernant ces achats personnels derrière une facture de bar-restaurant et d'indiquer manuscritement le total sur le premier ticket !
Lors de l'entretien du 18 septembre 2013, pour expliquer l'amalgame de tickets sous un seul et même fournisseur avec comme descriptif frais de « Repas », vous nous avez indiqué faire des regroupements de tickets par date. Toutefois, comme nous vous l'avons souligné, la plupart des tickets associés - pour des montants ne pouvant pas attirer en soit l'attention sur votre demande de remboursement - visaient des dates et des fournisseurs différents. Malheureusement, vous n'avez pas été en mesure de nous apporter une autre explication.
Concernant vos demandes de remboursement de repas pour deux personnes, sans indication du nom de votre invité, vous nous avez indiqué ne plus vous souvenir du nom des personnes qui vous ont accompagnées. Pourtant, comme nous vous l'avons rappelé, il est obligatoire, aux termes tant des procédures internes que de la loi FCPA, d'indiquer le nom de vos invités. Ainsi, en sus du fait de ne pas avoir pu nous apporter des précisions sur le caractère professionnel de vos demandes de remboursements de frais de repas, vous avez par votre comportement contrevenu à la fois aux procédures internes à l'entreprise et aux obligations légales.
Nos procédures et réglementations internes font pourtant l'objet tant d'une communication régulière que de formations P2L (« Power to learn ») par le biais de notre outil de formation «'e-learning'». A cet égard, notre désappointement face à vos man'uvres frauduleuses est d'autant plus grand que nous avons obtenu la confirmation que vous aviez bien suivi ces formations. En outre, en votre qualité de Manager, vous ne pouviez de toute manière ignorer les règles en la matière.
En dépit de vos contradictions et explications peu probantes, nous avons souhaité à la suite du second entretien et compte tenu des relations professionnelles qui nous lient, vous accorder du temps pour vous permettre de justifier notamment du nom des personnes vous ayant accompagné lors de repas pour lesquels vous aviez demandé le remboursement, ou encore d'une dépense de 450 euros liée a priori à un duo avec une de vos collaboratrices, Madame [O] [B] pendant une réunion régionale alors qu'une réunion duo pendant une réunion régionale est matériellement impossible !
Malheureusement, une fois encore, vous n'avez pas été en mesure de nous apporter la moindre justification dans les délais impartis.
Il est bien certain que l'ensemble de ces agissements frauduleux et que ce comportement est incompatible avec (i) vos fonctions de Manager Régional et (ii) vos responsabilités vis-à-vis tant de l'entreprise que de l'équipe dont vous avez la charge. Indépendamment du détournement des fonds de la société qu'il constitue, il altère également profondément la confiance que nous pouvions avoir en vous et nous interdit de continuer à vous confier des missions qui exigent une telle confiance. Il est par ailleurs totalement contraire à l'exemplarité dont doit faire preuve un Manager auprès de ses équipes.
Nous vous informons que le détournement de fond correspond à un montant total de 1499,43 euros.
En sus, un tel comportement et de tels agissements témoignent de votre manque total de loyauté vis-à-vis de votre employeur Pfizer France et de votre manque de transparence dans vos déclarations de demande de remboursement de frais.
Par ailleurs, à aucun moment nous n'avez fait preuve de quelconque regrets d'avoir procédé à de tels agissements et n'avez jamais proposé un remboursement des sommes indûment perçues.
L'ensemble de ces faits nous contraint donc à mettre fin à notre collaboration professionnelle.
Votre préavis, d'une durée de trois mois, débutera le jour de la première présentation du présent courrier par les services postaux à votre domicile. Au terme de cette période, votre contrat de travail sera définitivement rompu.
Toutefois, nous vous dispensons de l'exécution de ce préavis à compter du 1er octobre prochain, qui vous sera néanmoins payé. En conséquence, vous percevrez au mois le mois l'indemnité compensatrice correspondante.
Sur la prescription
Selon l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Sur le fondement de ce texte, M. [L] soutient que les griefs antérieurs au 17 mai 2013 sont prescrits au motif que toutes les notes de frais ont été établies et adressées mois par mois à son supérieur hiérarchique, qui représente l'employeur au sens de la jurisprudence, qu'elles ont été validées par ce dernier, puis ont été transmises avec leurs justificatifs au service des notes de frais qui est chargé de procéder à un deuxième niveau de contrôle, de sorte que l'employeur avait une parfaite connaissance des faits à la date de la validation et de remboursement de chaque note de frais.
La SA Pfizer réplique que les faits ne sont pas prescrits en ce que le délai de prescription, qui a été interrompu par la convocation à l'entretien préalable du 17 juillet 2013, ne court qu'à compter du jour où l'employeur une connaissance exacte de la réalité, de la nature et surtout l'ampleur des faits, soit dans le cas présent à compter du rapport d'audit du 12 juillet 2013.
Elle rappelle que, selon une jurisprudence constante, la procédure disciplinaire peut s'étendre à des faits datant de plus de deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ultérieurement, ce qui est le cas en l'espèce puisque, selon elle, les notes de frais antérieures à mai 2013 et celles postérieures procèdent d'un comportement identique de la part de M. [L].
Cela étant, il ressort du document relatif à la gestion des notes de frais au sein de la SA Pfizer, publié le 1er avril 2012 sous le titre Local Standard Operating Procedure France - Gestion des notes de frais ' salariés itinérants WWB, que la société a mis en place une procédure de traitement des notes de frais de ses collaborateurs en trois étapes : 1) la validation par le manager, 2) la vérification par le service notes de frais à Dublin (EFFS Expenses) et 3) la vérification par le GRCC.
La validation par le manager est décrite comme suit :
«'5. Responsabilités
5.1 Responsabilité de chaque collaborateur
Le collaborateur a l'obligation de soumettre ses notes de frais à l'approbation de son manager via l'outil Concur et transmettre des justificatifs originaux au service notes de frais à Dublin (EFFS Expenses).
Les notes de frais se doit avant tout d'être justifiée dans sa nature et son montant. En soumettant sa note de frais à approbation, le collaborateur engage sa responsabilité personnelle. Il doit évidemment le faire avec honnêteté. C'est d'autant plus important que le manager n'a pas les justificatifs lors de la validation de la note de frais.
5. 2 Responsabilité du manager validateur
La validation d'une note de frais est un bon à payer donné à EFFS Expenses. Elle doit être donnée dans les cinq jours qui suivent la demande effectuée par le collaborateur (').
En validant une note de frais le manager engage sa propre responsabilité. De ce fait il doit être être en mesure de justifier l'ensemble des dépenses qu'il aura validées en demandant à son collaborateur les justificatifs appropriés si nécessaire.
(')
La vérification par le service notes de frais à Dublin (EFFS Expenses) s'effectue dans les conditions suivantes :
«'5.4 Vérification par le service Notes de frais à Dublin
La validation électronique sans possibilité de vérifier les justificatifs papiers ne permet plus au manager de vérifier la réalité de chaque dépense. Cette phase de vérification est faite par le service note de frais à Dublin. Le manager conserve toutefois la possibilité de demander à son collaborateur des justificatifs papiers s'il l'estime nécessaire...'»
La vérification par le service GRCC est plus approfondie et porte principalement sur la conformité des justificatifs transmis par le collaborateur.
«'5.5 Vérification des notes de frais par le GRCC
Le CCR, dans le cadre de son activité au sein du GRCC, est amené à conduire des audits approfondis de notes de frais afin de valider notamment les justificatifs transmis.'»
Il résulte de ces dispositions que ces trois étapes se complètent et qu'après la validation par le manager qui repose sur un système de confiance car purement déclaratif de la part du collaborateur en raison de la dématérialisation de la note de frais qui ne permet pas d'y joindre les justificatifs, seule la seconde vérification par un audit du GRCC permet une vision fidèle de la réalité et de la conformité de la dépense au moyen d'une analyse approfondie des pièces justificatives elles-mêmes.
Il s'ensuit que l'employeur n'a pu avoir une connaissance exacte de la véracité des notes de frais présentées par M. [L] qu'à l'issue de ces trois étapes, donc le rapport d'audit du 12 juillet 2013 et que, par voie de conséquence, aucun des faits exposés dans la lettre de licenciement n'était prescrit à la date de l'engagement des poursuites disciplinaires, c'est-à-dire celle de l'envoi de la lettre de convocation au premier entretien préalable le 17 juillet 2013.
Sur le motif du licenciement
Pour infirmation du jugement entrepris, la SA Pfizer fait valoir que les manquements de M. [L] constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement en raison, d'une part, du non-respect de la procédure de remboursement des frais dont le salarié avait parfaitement connaissance (remboursement de dépenses non prises en charge par la société, absence de conformité aux règles de procédures applicables au sein de l'entreprise, absence de respect du formalisme des notes de frais à plusieurs reprises), et d'autre part, du caractère manifestement frauduleux des demandes de remboursement qui reposaient sur la falsification des notes de frais pour la prise en charge de dépenses personnelles et des justifications mensongères.
Elle invoque également la gravité des agissements de M. [L] au regard de sa position hiérarchique.
Pour confirmation du jugement entrepris, M. [L] soutient, en premier lieu, que le contexte laisse apparaître que le motif réel de son licenciement est d'ordre économique. Il rappelle, en effet, que la société a mis en place le 24 mai 2012 un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) identifiant les emplois menacés, et prévoyant une réorganisation de son service, que le lendemain de la rupture de son contrat de travail, un plan social a été mis en oeuvre qui aurait entraîné pour la société un coût de 213'140,76 € en ce qui le concerne, compte tenu de son âge et de son ancienneté et qu'il n'a jamais été remplacé sur son poste après son départ. Il en déduit que le motif du licenciement n'est pas celui annoncé et que l'employeur s'est placé sur le terrain disciplinaire pour éviter le coût d'une rupture pour motif économique.
Il fait valoir, en second lieu, que les griefs exposés dans la lettre de licenciement sont faux et en outre imprécis en ce que le montant des dépenses incriminées sont amalgamés avec d'autres frais, et même parfois erronés.
Il prétend également que la SA Pfizer a fait preuve de sa mauvaise foi en lui reprochant des dépenses qui n'ont rien de personnelles, comme par exemple un abonnement Air France rendu nécessaire par ses nombres déplacement professionnels, la prise en charge de billets de théâtre qui avait été autorisée puisqu'il avait joint les factures à ses notes de frais approuvées par son supérieur hiérarchique, une croisière en mer d'Iroise qui a été expressément autorisée par l'employeur comme cela est démontré par un mail du 27 mars 2012. Il relève qu'il lui est fait grief de l'achat d'un billet de train première classe pour un trajet prétendument inférieur à deux heures alors qu'il s'agissait non de deux trajets distincts mais d'un seul trajet Nantes-Caen avec une correspondance au Mans.
Il plaide, en outre, le caractère mensonger de la lettre de licenciement qui indique qu'à aucun moment il n'a proposé un remboursement des sommes indûment perçues alors qu'il a participé aux différents audits, s'est expliqué sur de possibles erreurs ou négligences dues à sa vie nomade et qu'il avait réitéré sa proposition de rembourser les frais contestés par l'employeur sans un mail du 23 septembre 2013.
Il soulève le caractère non contradictoire de l'audit et donne des explications sur l'ensemble des prétendus dépassements de dépenses qui lui sont reprochés.
Il en conclut que, compte-tenu de l'imprécision des griefs, de la modicité des sommes en question et de sa proposition à rembourser, son licenciement est une sanction particulièrement disproportionnée au regard de son ancienneté importante de douze ans et de l'absence de précédent disciplinaire.
Cela étant, il doit être relevé que la lettre de licenciement décrit précisément la nature des agissements reprochés à M. [L] dans le traitement de ses notes de frais de novembre 2011, puis de novembre 2012 à juin 2013 et reprend le détail de certaines de ces notes de frais uniquement à titre d'exemples.
La cour ne peut donc limiter son examen aux quelques exemples donnés dans la lettre, comme le soutient M. [L] qui prétend que certains des griefs contenus dans les conclusions de la SA Pfizer ne figurent pas dans la lettre de licenciement et dépassent les limites du débat, mais doit porter son appréciation sur l'ensemble des notes de frais de la période concernée, soit novembre 2011 puis d'avril 2012 à juin 2013 sur lesquelles M. [L] a été en mesure de s'expliquer.
Comme justement relevé par M. [L], le dépassement des plafonds autorisés de dépense(en outre pour des sommes très modiques), la présentation par le salarié d'une note unique d'hôtel regroupant les différents postes de dépenses (hébergement, parking, repas) au lieu d'une note par poste de dépenses, l'achat de billets de train en première classe au-delà des modalités mises en place par l'entreprise (à le considérer comme établi) ne peuvent être reprochés au salarié en ce que de telles anomalies étaient facilement détectables par un simple contrôle formel de la part du supérieur hiérarchique, y compris en l'absence de justificatifs, ainsi que par le service EFSS et qu'en conséquence la validation des notes de frais vaut approbation de celles-ci. Le même raisonnement s'applique pour la croisière en mer d'Iroise au vu du mail du 27 mars 2012 produit par M. [L] qui démontre que cette dépense a été annoncée à sa hiérarchie.
Il en est toutefois différemment d'autres notes de frais qui, au vu des justificatifs fournis à leur appui, révèlent des manipulations de la part de M. [L] qui ont consisté soit à modifier le libellé de la dépense et à changer le nom du commerçant concerné, soit à regrouper plusieurs dépenses de différentes natures sous un même intitulé, pour dissimuler l'objet exact des dépenses et se faire rembourser des frais personnels par l'employeur.
Ainsi, en ce qui concerne les faux libellés :
- les 12 septembre 2012, 31 octobre 2012, 13 février 2013 et 26 février 2013, M. [L] a mentionné un repas pris au restaurant La Denrée, pour des montants respectifs de 37,60 €, 27, 80 €, 35 € et 16 € alors qu'il s'agissait ce jours là de l'achat de macarons auprès de pâtisseries Ladurée,
- le 8 mars 2013, M. [L] a inscrit des frais de repas au restaurant [Établissement 3] et au restaurant Lardée pour des montants respectifs de 30 € et de 16,40 € alors qu'il s'agissait d'achats de macarons Ladurée,
- Le 29 novembre 2011, M. [L] a mentionné un repas pris au restaurant [Établissement 4] pour un montant de 27 € alors que la dépense correspondait à l'achat d'un bouquet de fleurs auprès du fleuriste [Établissement 5],
- Les 21 septembre et 7 décembre 2012, il a mentionné des repas pris au restaurant [Établissement 6] pour des montants respectifs de 21,35 € et de 24,45 € alors qu'il s'agissait d'achats de friandises, d'un livre et de magazines auprès de kiosques Relay,
- Le 15 mars 2013, il a procédé également à une demande de remboursement de note de frais correspondant à un repas chez [Établissement 6] pour 21,35 €, alors qu'il s'agissait en réalité de l'achat de confiseries et d'un roman auprès d'un kiosque Relay à l'aéroport [Établissement 7].
En ce qui concerne l'amalgame de différentes dépenses sous une même rubrique :
- le 7 novembre 2012, M. [L] a mentionné un repas pris dans un restaurant Il Bambino à hauteur de 28,60 € alors que selon les justificatifs, la dépense réelle consistait en un repas à 8,80 € et l'achat d'un film à hauteur de 19,80 €.
- le 25 février 2013, il a mentionné un repas pris au restaurant Santa Rita d'un montant de 36,03 € alors que la fiche du restaurant indique un total de 10,50 €, la différence s'expliquant par l'ajout d'autres dépenses, notamment des achats auprès d'une pâtisserie Ladurée pour un montant de 19,30 €,
- le 20 juin 2012, il a demandé le remboursement d'un dîner en équipe au restaurant pour un total de 406,20 € qui correspond à une dépense de restaurant de 281,20 € et à l'achat d'un magnum de champagne rosé de 125 €. Les explications données par M. [L] selon lesquelles ces deux dépenses concernent un même dîner entre collaborateurs ne justifient pas la discordance entre le libellé de la note de frais et la nature exacte des dépenses,
- Le 20 février 2013, il a inscrit dans le logiciel, sous la catégorie "Repas", la mention Prestataire Zain pour un montant de 29,15 € alors qu'il s'agissait d'un repas pris chez Zain, à hauteur de 10 € et l'achat d'une bande dessinée et d'une bouteille de Badoit pour 19,15 €,
- le 7 décembre 2012, il a sollicité le remboursement d'une note de frais de déjeuner chez Le Péruse à hauteur de 33,45 €, ce qui correspondait en réalité à une facture de restaurant de 12,80 €, et à l'achat d'une bande dessinée pour la somme de 17,45 € et de deux cafés pour 3,20 €.
Ces mêmes comportements se retrouvent dans les dépenses du 4 juin 2012 (remboursement d'une Dîner MST Congrès Clermont pour un montant total de 48,53 € correspondant à une note de restaurant de 28,17 € et à des achats dans une boucherie pour 20,36 €), le 5 juin 2012 (Dîner" pour un montant de 46,41 € correspondant à une addition de 28,41 € et à l'achat de fromages pour un montant de 18 € au sein de la "Fromagerie chez Pierre"), le 5 juillet 2012 (Dîner chez "VAE" à hauteur de 25,90 € correspondant à une facture d'un Dîner chez "VAE" d'un montant de 7,10 € et à une facture pour l'achat de chewing-gums et magazines de presse à hauteur de 18,80 €).
M. [L] ne peut utilement prétendre que de telles notes de frais ont été acceptées en toute connaissance de cause par l'employeur.
En effet, comme rappelé dans les développements ci-dessus relatifs à la prescription, la validation des notes de frais par son N+1 se fait sans production des justificatifs et la procédure de vérification n'est complète que par l'examen des justificatifs dans le cadre de l'audit effectué périodiquement par l'employeur.
L'utilisation de mêmes procédés sur une longue période de temps excluent des erreurs fortuites de la part de M. [L] et révèlent au contraire la mise en oeuvre délibérée par le salarié d'un système destiné à obtenir le remboursement de sommes non prises en charge par l'employeur.
La modicité des sommes en jeu n'atténue pas l'atteinte causée par de tels agissements à la nécessaire confiance que l'employeur doit avoir en ses salariés et à l'obligation de loyauté inhérente au contrat de travail, surtout au regard de la rémunération élevée de M. [L] et de sa position hiérarchique dans l'entreprise qui le soumettait à un devoir d'exemplarité.
Ainsi, indépendamment des quelques erreurs de calcul de la SA Pfizer dans l'estimation des sommes détournées, les faits reprochés à M. [L] sont avérés et rendaient impossible la poursuite des relations contractuelles de travail.
Dans ces conditions, la concordance de temps entre, d'une part, l'audit entrepris par la SA Pfizer et l'engagement de poursuites disciplinaires et, d'autre part, la mise en 'uvre de mesures économiques au sein de la société ne peut conduire à considérer que la réelle cause du licenciement de M. [L] par la SA Pfizer est d'ordre économique.
En conséquence, le licenciement de M. [L] par la SA Pfizer repose bien sur une cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point, et M. [L] devra être débouté de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail.
Sur le remboursement des frais de déménagement
M. [L] rappelle qu'en vertu des accords passés, notamment le PSE adaptation, la SA Pfizer s'engageait, entre autres, à verser aux salariés une indemnité de mobilité géographique d'un montant de 30 000 € dans le cadre d'un avenant pour prise de poste itinérant d'un secteur ou d'une région nécessitant le déménagement du collaborateur et que Madame [L] [H], Responsable Ressources Humaines lui a confirmé dans un e-mail du 3 juillet 2013 que ce dispositif lui était applicable, et qu'il recevrait en conséquence une première somme de 15 000 € en mars 2013 et un second versement de 15 000 € au moment du déménagement effectif sur production d'un justificatif.
Il fait alors valoir qu'il a déménagé en mai 2013 de Perignat (63) pour habiter sur le lieu géographique qui lui était attribué, soit à [Localité 5], comme mentionné sur ses bulletins de paie et les documents qui lui sont adressés par la SA Pfizer dont la lettre de convocation à l'entretien préalable du 4 septembre 2013, qu'il a bien perçu la première partie de cette prime d'un montant net de 15 000 € avec son bulletin de paie d'avril 2013 mais que la SA Pfizer ne lui a jamais réglé le solde sans explication valable.
La SA Pfizer réplique que M. [L] ne lui a jamais fourni les justificatifs de déménagement sollicités, notamment de quittances de loyer ou de dépenses inhérentes à son logement.
Cela étant, M. [L] produit sa déclaration de revenus 2013 mentionnant de façon pré-établie une adresse [Localité 5], ainsi qu'un devis et une fiche d'intervention de la société Orange pour l'installation d'une ligne téléphonique fixe à son nom à cette même adresse dans la ville de [Localité 5]. Sa présence à l'entretien préalable démontre qu'il a bien reçu la lettre de convocation qui lui a été envoyée par la SA Pfizer à [Localité 5].
Le déménagement de M. [L] est donc justifié et la SA Pfizer sera en conséquence condamnée à verser à celui-ci la somme de 15 000 € en complément de l'indemnité prévue par le PSE.
Le jugement entrepris sera également infirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande à ce titre.
Sur les intérêts
Par application de l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil , la somme ci-dessus portera intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de la SA Pfizer à l'audience de conciliation du conseil de prud'hommes valant mise en demeure, soit le 23 novembre 2013.
En application de l'article 1154 ancien devenu 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux mêmes des intérêts.
Sur les frais non compris dans les dépens
Chaque partie étant admise en un chef de prétention en appel, il ne sera pas prononcé à l'encontre de l'une ou de l'autre de condamnation au titre des frais exposés par la partie adverse qui ne sont pas compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
DÉCLARE recevable l'appel de la SA Pfizer ,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
DIT que le licenciement de M. [L] par la SA Pfizer notifié par lettre du 23 septembre 2013 repose sur une cause réelle et sérieuse ;
DÉBOUTE M. [L] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la SA Pfizer à verser à M. [L] la somme de 15 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2013, à titre de complément d'indemnité de déménagement,
DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux mêmes des intérêts,
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
LAISSE à chaque partie la charge de ses propres dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE