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07/03/2018 | FRANCE | N°16/11098

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 07 mars 2018, 16/11098


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 07 Mars 2018

(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/11098





Décision déférée à la Cour : sur renvoi après cassation du 12 juillet 2016 par la chambre sociale de la Cour de cassation, sur pourvoi d'un arrêt rendu le 9 décembre 2014 par la Cour d'appel de PARIS, sur appel d'un jugement rendu le 08 Décembre 2011 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départ

age de PARIS section RG n° 10/02178





APPELANTE



SA CEGID venant aux droits de la société VCS TIMELESS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représent...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 07 Mars 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/11098

Décision déférée à la Cour : sur renvoi après cassation du 12 juillet 2016 par la chambre sociale de la Cour de cassation, sur pourvoi d'un arrêt rendu le 9 décembre 2014 par la Cour d'appel de PARIS, sur appel d'un jugement rendu le 08 Décembre 2011 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section RG n° 10/02178

APPELANTE

SA CEGID venant aux droits de la société VCS TIMELESS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Joseph AGUERA, avocat au barreau de LYON

INTIME

Monsieur [Y] [O]

[Adresse 2]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 3]

représenté par Me Patrick CHADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0105

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Décembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Catherine SOMMÉ, Président de chambre

Mme Laure TOUTENU, Vice-présidente placée

M. Benoît HOLLEAUX, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Aurélie VARGAS, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, Président et par Madame Laurie TEIGELL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [Y] [O] a été engagé par la SA TIMELESS en qualité de commercial par contrat à durée déterminée pour la période du 7 janvier au 31 mars 1997, renouvelé du 1er avril au 30 juin 1997, puis comme ingénieur commercial, statut cadre, suivant contrat à durée indéterminée du 1er juillet 1997. Le 19 juin 2002, il a été élu membre suppléant de la délégation unique du personnel.

Le 23 janvier 2003, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de diverses demandes salariales et indemnitaires.

Le 17 mars 2003, la société TIMELESS a convoqué M. [O] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique, fixé au 24 mars suivant, et le 1er avril 2003 elle a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de le licencier. Par décision du 22 avril 2003, l'inspecteur du travail a autorisé du salarié et celui-ci a été licencié pour motif économique par lettre du 28 avril 2003.

Le 11 juin 2003, le salarié a formé un recours devant le tribunal administratif de Paris contre la décision d'autorisation de son licenciement.

Par jugement du 12 janvier 2004, le conseil de prud'hommes a débouté M. [O] de ses demandes salariales et sursis à statuer sur la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive.

Sur appel de M. [O], par arrêt rendu le 19 janvier 2006, la cour d'appe1 de Paris a débouté ce dernier de sa demande en requalification de son contrat de travail en contrat de VRP, a sursis à statuer sur sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, avant dire droit sur la demande en paiement des commissions, a ordonné une expertise sur le calcul des commissions.

Par arrêt en date du 7 février 2008, la cour d`appel de Paris a condamné la société TIMELESS à payer à M. [O] la somme de 100 091,08 € à titre de rappel de commissions et de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2004 et capitalisation, a maintenu le sursis à statuer sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail, a débouté M. [O] de ses autres demandes et renvoyé l'affaire au 18 décembre 2008. A cette date, la cour a de nouveau maintenu le sursis à statuer et renvoyé l'affaire au 10 décembre 2009.

Le 18 juin 2008, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M. [O]. La société TIMELESS a interjeté appel de cette décision.

A compter du 7 mai 2009, la SA CEGID est venue aux droits de la société TIMELESS.

Par arrêt rendu le 20 mai 2009, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement du 18 juin 2008 du tribunal administratif.

Par arrêt du 4 février 2010, la cour d'appel de Paris a renvoyé la cause et les parties devant le conseil de prud'hommes pour qu'il soit statué en premier ressort sur la demande de M. [O] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement rendu le 8 décembre 2011, le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en formation de départage, a :

- fixé le salaire mensuel moyen de M. [O] à la somme de 23 743,67 €,

- condamné la S.A. CEGID à payer à M. [O], en deniers ou quittances valables, les sommes suivantes :

° 1 268 461,90 € en réparation du préjudice subi,

° 145 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2004,

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- condamné M. [O] à payer, en deniers ou quittances valables, à la S.A. CEGID, la somme de 11 213,17 € au titre de la régularisation des charges sociales,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la S.A. CEGID à payer à M. [O] la somme de l 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la S.A. CEGID aux dépens.

Sur appel interjeté par la société CEGID, par arrêt rendu le 9 décembre 2014, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, y ajoutant a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties du surplus de leurs demandes et laissé les dépens à la charge de la société CEGID.

Statuant sur le pourvoi formé par la société CEGID, par arrêt rendu le 12 juillet 2016, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 décembre 2014, seulement en ce qu'il fixe à la somme de 1 268 461,90 € l'indemnité due à M. [O] sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail, et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Par déclaration du 20 juillet 2016, la société CEGID a saisi cette cour, désignée comme cour de renvoi, dans le délai de quatre mois prévu par l'article 1034 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable au litige.

Aux termes de ses conclusions visées par le greffier et soutenues oralement le 6 décembre 2017, la société CEGID demande à la cour de :

- dire que le salaire de référence à prendre en considération pour la détermination du préjudice de M. [O] s'élève la somme de 188 537 €

- s'agissant de la détermination du préjudice indemnisable, réformer le jugement entrepris et, déboutant M. [O] de l'ensemble de ses prétentions, le condamner à restituer les sommes qu'il a perçues du fait de l'exécution provisoire,

- subsidiairement, surseoir à statuer et avant dire droit :

° transmettre l'entier dossier au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris,

° ordonner une mesure d'expertise en confiant à l'expert désigné les plus amples pouvoirs, dont notamment celui de s'assurer auprès des services compétents de la préfecture de la qualité de la personne titulaire de la carte professionnelle d'agent immobilier au vu de laquelle la société MC immobilier a exercé et exerce son activité, et de se faire communiquer les comptes de la société, ainsi que tout acte de vente ou d'achat, dont notamment les plus anciens cités dans l'article Internet, en questionnant les entreprises ou commerçants cités (vente [L] [N]) pour déterminer la réalité de l'activité professionnelle de M. [O], sa chronologie temporelle et les revenus qu'il en a directement ou indirectement tirés, et de déterminer, au vu de ses constatations, le préjudice indemnisable sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail,

° réformant sur ce point le jugement entrepris, limiter l'indemnisation due sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail à l'équivalent de 6 mois de salaires,

° confirmant le jugement entrepris sur ce point, ordonner à M. [O] de restituer la somme de 11 213,17 €,

- condamner M. [O] au paiement de la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, sauf à les réserver en cas d'instauration d'une mesure d'expertise.

Reprenant oralement ses conclusions visées par le greffier, M. [O] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a fixé son préjudice à la somme de 1 268 461,90 € et statuant à nouveau sur ce point :

- condamner la société CEGID à lui payer la somme de 1 232 727 € en réparation du préjudice subi en application de l'article L. 2422-4 du code du travail, avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2004,

- condamner la société CEGID à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'indemnité due sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail

Pour infirmation du jugement déféré, la société CEGID soutient que :

- rien ne justifie qu'une limite d'indemnisation existe lorsqu'un employeur a procédé à un licenciement sans solliciter d'autorisation ou sans l'obtenir, alors qu'elle n'existe pas en présence d'un employeur qui a licencié le salarié après avoir obtenu une autorisation par la suite annulée ;

- l'application de l'article L. 2422-4 du code du travail à laquelle a procédé le premier juge porte atteinte à l'article 1 § 1 du protocole additionnel de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 6 de cette même convention, au regard d'une part de la disproportion entre les conséquences d'une annulation rétroactive de licenciement et une indemnité basée sur un calcul théorique des salaires qui auraient du être perçus qui porte atteinte aux biens de l'entreprise, d'autre part de la position de net désavantage dans laquelle se trouve l'entreprise au cours du procès pour apporter la preuve des revenus de son adversaire qui relèvent de sa vie privée ou du secret des affaires de ses employeurs apparents ou dissimulés ;

- la base de calcul utilisée par M. [O] pour calculer son préjudice est erroné puisqu'il a inclus dans son salaire moyen sur les douze derniers mois le rappel de commissions auquel la société CEGID a été condamnée après expertise, soit après le départ du salarié de l'entreprise, de sorte que le montant des salaires perçus par le salarié dans les douze mois précédant son licenciement s'élève à la somme de 188 537 € qui est le salaire de référence ;

- pour évaluer le préjudice indemnisable de l'intéressé, doivent être déduits non seulement les indemnités de chômage qu'il a perçues, soit 251 133 €, ainsi que l'a retenu le conseil de prud'hommes, mais également les bénéfices réalisés par la SARL MC Immobilier créée le 10 janvier 2005, dont le capital était détenu à l'origine par Mmes [X] et [C], respectivement soeur et mère de M. [O], qui s'est vu céder à son profit, en décembre 2006, 90 % des parts de la société et dont il est devenu le gérant en mars 2009, soit quelques mois après le jugement du tribunal administratif de Paris annulant l'autorisation de licenciement, moyennant une rémunération mensuelle de 3 500 € ; en effet l'activité de la société MC Immobilier, qui est en réalité celle de M. [O], s'inscrit dans une nébuleuse de structures (société [Q] [O] Conseils créée le 30 janvier 2003, dont la gérante est l'épouse de M. [O], lequel a possédé des parts jusqu'au 26 décembre 2009, société Gestion du Marais, dont M. [O] détenait 50 % des parts et dont il est le gérant depuis janvier 2013, à la suite de sa soeur Mme [X]), dont la composition du capital, la gérance et l'activité ont évolué de manière parallèle au contentieux administratif et sans qu'aucun compte ne soit déposé ; la société CEGID en déduit qu'en utilisant le nom de sa soeur, qui était absente du territoire français depuis 2003, M. [O] s'est livré à l'activité d'agent immobilier dont les revenus doivent venir en déduction du préjudice allégué ;

- la situation exposée supra doit être portée à la connaissance du procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale et il y a lieu d'ordonner une expertise pour déterminer la réalité de l'activité de M. [O].

M. [O] fait valoir que :

- son salaire moyen a été fixé à juste titre par le conseil de prud'hommes à 284 924 €, soit 23 743,67 € par mois après réintégration du rappel de commissions qui lui a été alloué au titre de sa rémunération variable ;

- la demande d'expertise de la société CEGID n'est pas justifiée dès lors qu'il a justifié de ses revenus perçus tant en qualité de chômeur que de salarié de la société MC Immobilier dont sa soeur était gérante ;

- il a été engagé par la société MC Immobilier en janvier 2006, puis actionnaire de celle-ci en novembre 2006 et ensuite gérant à compter de mars 2009 ; les bénéfices de la société MC Immobilier ne peuvent s'ajouter à ses revenus en raison de la séparation des patrimoines de celle-ci et de ses associés, étant relevé que le report à nouveau des bénéfices de la société est une règle de bonne gestion et que ses revenus ont peu évolué après 2009 bien qu'il soit devenu gérant ;

- la somme de 251 133 € déduite par les premiers juges correspond non seulement aux allocations de chômage qu'il a perçues mais également aux salaires qui lui ont été versés par la société MC Immobilier du 1er janvier 2006 au mois d'août 2008 ;

- sa soeur, Mme [X], a quitté l'Ile Maurice pour rentrer en France début décembre 2004 ; elle a créé la société MC Immobilier, société immobilière pouvant avoir une activité tant en France qu'à l'étranger, elle a obtenu sa carte professionnelle en mars 2005 puis a proposé à M. [O] de travailler dans la société pour développer les transactions sur fonds de commerce, domaine qu'il connaît bien ; il est devenu gérant de la société MC Immobilier en mars 2009, soit neuf mois après le jugement du tribunal administratif de Paris et sans attendre l'issue du recours formé contre ledit jugement par la société CEGID ;

- la demande renouvelée de transmission du dossier au procureur de la République de Paris est particulièrement infondée, étant observé que la société CEGID est maîtresse de son procès et qu'elle a à sa disposition les pièces qu'elle conteste depuis plusieurs années ;

- il a communiqué dès la première instance les bilans de la société MC Immobilier, ses bulletins de paie et avis d'imposition pour les années concernées ;

- la société [Q] [O] Conseils dont son épouse est gérante et dont il a été associé jusqu'en 2006, n'a distribué aucun dividende à ses associés ; la société Gestion du Marais a été créée en 2012, soit postérieurement à la période sur laquelle porte sa demande d'indemnisation ; il n'a aucune part dans la société Garage des Chapeaux créée en 1969 par son père et dont ce dernier est gérant depuis plus de 20 ans.

*

L'article L. 2422-4 du code travail dispose :

« Lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration.

Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire ».

En application de ces dispositions, le salarié qui a été licencié en vertu d'une autorisation administrative ultérieurement annulée et qui ne demande pas ou plus sa réintégration a droit à l'indemnisation de son préjudice depuis le licenciement et jusqu'à l'expiration du délai de deux mois qui suit la notification de la décision annulant l'autorisation de licenciement.

Il est constant par ailleurs que le salarié protégé licencié sans autorisation administrative a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection, dans la limite de deux ans, durée minimale légale du mandat des représentants du personnel, augmentée de six mois.

Dans cette seconde hypothèse, les sommes perçues à titre de rémunération ne sont pas déduites de l'indemnité, à l'inverse de ce que prévoit l'article L. 2422-4 susvisé en cas d'annulation de l'autorisation de licenciement.

Contrairement à ce que soutient la société CEGID, la période d'indemnisation à prendre en compte pour le salarié protégé licencié sans autorisation administrative, qui résulte d'une règle prétorienne, ne peut servir de référence pour celle prévue par l'article L. 2422-4 en cas l'annulation de l'autorisation de licenciement, dès lors que les dispositions de ce texte prévoient expressément que la période à retenir pour le calcul de l'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi par le salarié protégé au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de la décision s'il n'a pas demandé sa réintégration.

Par ailleurs l'application des dispositions de l'article L. 2422-4 ne génère pas de disproportion susceptible de caractériser pour l'employeur une atteinte à un bien au sens de l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, puisque doivent être déduits des salaires auxquels le salarié pouvait prétendre tous revenus perçus dans le cadre d'une activité professionnelle ou en remplacement de celle-ci. Il n'est pas davantage porté atteinte au droit à un procès équitable et à l'égalité des armes, garanti par l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans le cadre du débat probatoire visant à déterminer les revenus perçus par le salarié pendant la période de référence.

En l'espèce le préjudice de M. [O], qui n'a pas demandé sa réintégration, correspond à la perte de revenus qu'il a subie au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois suivant la notification de la décision du tribunal administratif de Paris du 18 juin 2008, soit du 1er mai 2003 au 19 août 2008.

Contrairement à ce que soutient la société CEGID, le droit à commissions de M. [O] est né durant la période des douze mois précédant la rupture, de sorte que les premiers juges ont à bon droit réintégré dans l'assiette de calcul du salaire de référence de l'intéressé la somme de 100 091,08 € représentant le rappel de commissions et de congés payés afférents du pour les années 2002-2003, alloué à l'intéressé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 février 2008 sur la base du rapport d'expertise judiciaire. Cette somme de 100 091,08 € s'ajoute donc à celle de 188 537 € représentant le salaire versé à M. [O] durant les douze derniers mois, ce qui donne un total de 288 628,08 €, dont il y a lieu de déduire la somme de 3 704 € correspondant aux commissions relatives aux factures émises après le licenciement du salarié, ainsi que l'a retenu à juste titre le conseil de prud'hommes, dont la décision doit donc être confirmée en ce qu'elle a fixé le salaire de référence de l'intéressé sur les douze derniers mois à 284 924,08 €, soit un revenu mensuel de 23 743,67 €.

La perte de salaire de M. [O] sur la période considérée, soit 64 mois, s'élève par conséquent à 1 519 594 €.

Doivent être déduits de cette somme les revenus perçus par M. [O] tirés de son activité professionnelle ou les revenus de remplacement.

En l'espèce M. [O] produit ses avis d'impôt sur le revenu pour les années 2003 à 2009 inclus, étant précisé que l'avis portant sur l'année 2008 n'est pas contredit par le relevé d'assurance retraite du salarié, les relevés Assedic mentionnant les sommes à déclarer pour les années 2004 et 2005, ses bulletins de paie en qualité de directeur d'agence de la SARL MC Immobilier pour un salaire brut de 3 000 € à compter de janvier 2006 jusqu'en décembre 2008, la déclaration unique d'embauche du salarié par ladite société le 2 janvier 2006, date correspondant à l'ancienneté indiquée sur les bulletins de paie, dont il résulte qu'il a perçu des indemnités de chômage et salaires à hauteur de 251 133 €, ce qui représente une somme exprimée en brut de 286 867 €, qui doit être prise en considération pour le calcul de l'indemnisation à laquelle peut prétendre le salarié, soit une perte de revenus s'élevant à 1 232 727 €.

La société CEGID affirme que M. [O] s'est livré à une activité d'agent immobilier dès son licenciement, en produisant un article Internet, paru en juillet 2010, consacré à l'activité d'agent immobilier de M. [O] dans le quartier du Marais. Cependant outre que cet article précise : « ça ne fait que trois ans que [Y] est dans l'immobilier », il ressort des factures et copies de chèques versées aux débats par M. [O] que les transactions dont il est fait état au début de son activité au sein de la société MC Immobilier ont été conclues avec la société [L] [N] le 31 mars 2006, la société Agnès B le 27 décembre 2006 et la société La Chaise Longue le 10 octobre 2007. Par ailleurs il est justifié que Mme [I] [X], soeur de M. [O], qui a créé en 2005 la société MC Immobilier, ayant pour objet l'activité d'agent immobilier tant en France qu'à l'étranger, était bien détentrice de la carte professionnelle d'agent immobilier, peu important son lieu de résidence.

Par ailleurs M. [O] verse aux débats les bilans des sociétés MC Immobilier, desquels il résulte que celle-ci a généré des bénéfices, lesquels ne peuvent cependant être pris en considération, les patrimoines de la société et de ses associés, au nombre desquels M. [O] à compter du 10 novembre 2006, étant distincts, et qu'aucun dividende n'a été distribué aux associés. De même il ressort de l'attestation établie le 11 septembre 2013 par M. [Z] [P], expert-comptable, que la société [Q] [O] Conseils ([O]), dont la gérante est l'épouse de M. [O], lui-même étant associé de cette société jusqu'en décembre 2006, n'a procédé à aucune distribution de dividende depuis la date de sa création jusqu'à la date de l'attestation de l'expert-comptable. Enfin les situations financières et comptables des sociétés Gestion du Marais et Garage des Chapeaux n'ont pas à être prises en considération, la première société, dont M. [O] est associé, ayant été créée en 2012 soit postérieurement à la période de référence pour le calcul de l'indemnité due à l'intéressé, et ce dernier ne disposant d'aucune part dans la seconde société.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments, d'une part que les suspicions quant à l'opacité invoquée de la situation financière de M. [O] sur la période de référence ne sont pas étayées, de sorte qu'il n'y a lieu, ni à transmettre le dossier au procureur de la République de Paris en application de l'article 40 du code de procédure pénale, ni à ordonner une mesure d'expertise, d'autre part qu'aucun autre revenu n'est à déduire de ceux déjà déduits du salaire de référence de M. [O] pour le calcul de l'indemnité à laquelle il peut prétendre, qui s'élève par conséquent à la somme de 1 232 727 €.

Infirmant le jugement déféré, la société CEGID sera donc condamnée à payer à M. [O] la somme de 1 232 727 € en application de l'article L. 2422-4 du code travail, avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2004.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Il résulte des articles 624, 625, 632 et 638 du code de procédure civile que la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation, les parties étant remises de ce chef dans l'état où elles se trouvaient avant la décision censurée et ayant la faculté d'invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs prétentions, l'affaire étant à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.

En l'espèce il est constant que le dispositif de l'arrêt de cassation partielle du 12 juillet 2016 casse et annule l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 décembre 2014, seulement en ce qu'il fixe à la somme de 1 268 461,90 € l'indemnité due à M. [O] sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail.

Il en résulte que le chef de dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 décembre 2014 ayant confirmé le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société CEGID à payer à M. [O] la somme de 145 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif n'est pas atteint par la cassation, de sorte qu'il est définitif.

La demande de la société CEGID tendant à l'infirmation du jugement déféré quant au montant des dommages et intérêts alloués à M. [O] sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail à six mois de salaires est donc irrecevable.

Sur les autres demandes

La société CEGID demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire.

Cependant le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution partielle des sommes versées en exécution du jugement, étant rappelé que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution.

La société CEGID qui succombe à titre principal supportera les dépens. Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 8 décembre 2011, seulement en ce qu'il a fixé à 1 268 461,90 € l'indemnité due à M. [Y] [O] en application de l'article L. 2422-4 du code du travail ;

CONDAMNE la SA CEGID à payer à M. [Y] [O] la somme de 1 232 727 € en application de l'article L. 2422-4 du code travail, avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2004 ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA CEGID aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 16/11098
Date de la décision : 07/03/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°16/11098 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-07;16.11098 ?
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