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05/03/2018 | FRANCE | N°16/25129

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 05 mars 2018, 16/25129


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3



ARRET DU 05 MARS 2018



(n°2018/43- 24 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/25129



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Octobre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/12841



APPELANTE



Société MACIF agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège





[Adresse 1]

[Adresse 2]



Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de Me Mathilde CH...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRET DU 05 MARS 2018

(n°2018/43- 24 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/25129

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Octobre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/12841

APPELANTE

Société MACIF agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de Me Mathilde CHAUVIN DE LA ROCHE avocat plaidant -Selarl PYKIEWICZ-CHAUVIN- DE LA ROCHE-HOUFANI avocat au barreau de Paris toque: L89

INTIMES

Monsieur [L] [E]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représenté et assisté de Me Vanessa BRANDONE de la SELARL JCVBRL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0306

Madame [Y] [I]

[Adresse 5]

[Adresse 4]

Représentée et assistée de Me Vanessa BRANDONE de la SELARL JCVBRL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0306

SA GMF ASSURANCES

[Adresse 6]

[Adresse 7]

N° SIRET : 323 56 2 6 78

Représentée et assistée Me Philippe RAVAYROL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0155

Association LE BUREAU CENTRAL FRANCAIS agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Adresse 9]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée de Me Céline DELAGNEAU avocat plaidant, de la SCP COMOLET MANDIN avocat au barreau de PARIS, toque P435

SAS EURODOMMAGES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés

en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Adresse 11]

[Adresse 12]

N° SIRET : B 4 02 596 142

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque L0044

Société SWICA ORGANISATION DE SANTE société de droit suisse, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 13]

[Adresse 14] (SUISSE)

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assistée de Me Frédéric NOETINGER-BERLIOZ avocat plaidant, SCP MERMET ET ASSOCIES avocats au barreau de THONON- LES- BAINS

Société CAISSE SUISSE DE COMPENSATION société de droit suisse, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 15]

[Adresse 16]

[Adresse 17]2 (SUISSE)

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assistée de Me Frédéric NOETINGER-BERLIOZ avocat plaidant, SCP MERMET ET ASSOCIES avocats au barreau de THONON- LES- BAINS

Société OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE INVALIDITE société de droit suisse, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 15]

[Adresse 16]

[Adresse 17] (SUISSE)

Représenté par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assisté de Me Frédéric NOETINGER-BERLIOZ avocat plaidant, SCP MERMET ET ASSOCIES avocats au barreau de THONON- LES- BAINS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre

Mme Clarisse GRILLON, Conseillère, entendue en son rapport,

Mme Sophie REY, Conseillère,

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Zahra BENTOUILA

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Thierry RALINCOURT, président et par Mme Zahra BENTOUILA, greffier présent lors du prononcé.

********

Le 7 juin 2013, [L] [E], né le [Date naissance 1] 1980 et alors âgé de 32 ans, qui pilotait sa motocyclette de marque Yamaha, assurée auprès de la société EURODOMMAGES, intervenant pour le compte de la société ENTERPRISE INSURANCE COMPANY PLC sise à Gibraltar, a été victime d'un accident corporel de la circulation (accident du travail) impliquant les trois véhicules suivants :

- un véhicule de marque BMW conduit par [E] [R], assuré auprès de la société GMF ASSURANCES (ci-après la GMF),

- un véhicule de marque BMW conduit par [H] [W], assuré auprès de la société AXA WINTERTHUR SUISSE représentée par le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS (ci-après le BCF),

- un véhicule de marque Mercedes conduit par [Z] [P], assuré auprès de la société MACIF (ci-après la MACIF).

L'accident a fait un seul blessé, [L] [E], qui a souffert d'une fracture du bassin, d'une fracture ouverte du fémur droit avec lésion de l'artère fémorale profonde, d'une fracture du poignet gauche et d'une plaie intra-articulaire du genou droit.

Par jugement du 25 octobre 2016 (instance n°14-12841), le tribunal de grande instance de Paris a :

- donné acte à la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION et à l'OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE INVALIDITE de leur intervention volontaire,

- dit que les véhicules assurés par la société GMF, la société MACIF et le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS sont impliqués dans la survenance de l'accident du 7 juin 2013,

- dit que le droit à indemnisation d'[L] [E] est entier,

- dit que la GMF, la MACIF et le BCF doivent indemniser l'entier préjudice d'[L] [E] et éventuellement de [Y] [I],

- condamné in solidum la GMF, la MACIF et le BCF à payer à la société EURODOMMAGES, intervenant pour le compte de la société ENTERPRISE INSURANCE COMPANY PLC, la somme de 3.044,18 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jugement,

- sursis à statuer sur la liquidation du préjudice d'[L] [E] et de [Y] [I],

- rejeté la demande de provision de la société SWICA ORGANISATION DE SANTE,

- avant dire droit, ordonné une expertise médicale confiée au Docteur [I] [V],

- condamné in solidum la GMF, la MACIF et le BCF à payer à [L] [E] une provision de 30.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel, outre une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la GMF, la MACIF et le BCF aux entiers dépens.

Le Docteur [V] a clos son rapport le 31 septembre 2017.

Sur appel interjeté par déclaration du 14 décembre 2016, et selon dernières conclusions notifiées le 17 novembre 2017, il est demandé à la Cour par la société MACIF de :

$gt; à titre principal :

- juger que le véhicule conduit par son assurée ([Z] [P]) n'est pas impliqué dans l'accident du 7 juin 2013, en l'absence de contact tant de la victime que de sa motocyclette avec ledit véhicule, et en l'absence de preuve, dont la charge pèse sur [L] [E] et [Y] [I], de l'intervention dudit véhicule dans la survenance de l'accident à quelque titre que ce soit,

- juger en tout état de cause qu'[L] [E] a commis des fautes de conduite concernant la vitesse inadaptée et un manque de prudence et d'attention, directement à l'origine de ses dommages et de nature à exclure son droit à indemnisation,

- en conséquence, infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions concernant la MACIF, et statuant à nouveau, débouter [L] [E], [Y] [I], la société EURODOMMAGES, les sociétés SWICA, CAISSE SUISSE DE COMPENSATION et l'OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE INVALIDITE, et toute autre partie, de l'ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre, et la mettre hors de cause,

- condamner in solidum tous succombants à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et, y ajoutant, la somme de 5.000 euros sur le même fondement en cause d'appel,

$gt; à titre subsidiaire :

- juger que les fautes de conduite commises par [L] [E] sont de nature à réduire de 75 % son droit à indemnisation et, partant, celui de [Y] [I], de la société EURODOMMAGES et des tiers payeurs,

- limiter en conséquence la condamnation de la MACIF à l'indemnisation de 25 % des préjudices subis par [L] [E] et [Y] [I], la société SWICA, la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION et l'OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE INVALIDITE, dans le respect des dispositions légales régissant le recours des organismes sociaux,

- réduire la réclamation présentée par la société EURODOMMAGES au titre du préjudice matériel causé à la motocyclette d'[L] [E] à hauteur de 25 % du préjudice subi,

- juger que le véhicule conduit par [H] [W] et assuré par la société AXA WINTERTHUR SUISSE représentée par le BCF est impliqué dans l'accident du 7 juin 2013 et débouter en conséquence le BCF de ses demandes,

- débouter [L] [E] et [Y] [I] de leurs demandes tendant à voir à évoquer la liquidation de leurs préjudices,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise médicale confiée au Docteur [V], rejeté la demande de provision de la société SWICA, alloué à [L] [E] une indemnité provisionnelle d'un montant de 30.000 euros et rejeté la demande de provision de [Y] [I],

- réduire le montant de l'indemnité allouée en première instance à [L] [E] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 1.000 euros,

- débouter la société EURODOMMAGES, la société SWICA, la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION et l'OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE INVALIDITE de leurs demandes accessoires, au titre de l'article 700 et des dépens,

$gt; à titre plus subsidiaire :

- réduire dans de notables proportions la réclamation présentée à titre principal par la société SWICA à titre de provision à valoir sur sa créance à titre subrogatoire, provision qui en tout état de cause ne saurait excéder 75 % de ladite créance,

- réduire à la somme de 3.750 euros le montant de la provision à allouer à [Y] [I],

- réserver et à défaut réduire le montant des demandes présentées à l'encontre de la MACIF sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

$gt; à titre infiniment subsidiaire, en cas d'évocation :

* concernant le préjudice d'[L] [E] :

- faire application du barème de capitalisation BCRIV 2017,

- surseoir à statuer sur les postes de pertes de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent, et partant sur les demandes des tiers payeurs, dont la société SWICA, dans l'attente de connaître la créance définitive de l'OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE INVALIDITE,

- surseoir à statuer sur les postes de perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle, et partant sur les demandes de la société SWICA, de la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION et de l'OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE INVALIDITE, dans l'attente de connaître l'évolution de la situation professionnelle d'[L] [E] après sa reconversion,

- débouter [L] [E] de sa réclamation au titre d'une perte de gains professionnels actuels,

- répartir au marc l'euro l'indemnité compensatrice de la perte de gains professionnels actuels entre la société SWICA, la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION et l'OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE INVALIDITE,

- réduire l'évaluation des autres postes de préjudices dans les proportions suivantes :

frais divers : 2.238,82 euros,

tierce personne temporaire : 20.216 euros,

véhicule adapté : 33.024 euros,

tierce personne définitive : 24.526,32 euros,

déficit fonctionnel temporaire : 16.853,75 euros,

souffrances endurées : 30.000 euros,

préjudice esthétique temporaire : 3.000 euros,

déficit fonctionnel permanent : 99.000 euros,

préjudice esthétique définitif : 6.000 euros,

préjudice d'agrément : 15.000 euros,

préjudice sexuel : 6.000 euros

- imputer sur les postes de préjudices extra-patrimoniaux l'indemnité pour atteinte à l'intégrité physique réglée par la société SWICA ASSURANCES à hauteur de la contre-valeur en euros de la somme de 47.250 CHF

* concernant le préjudice de [Y] [I] :

- donner acte à la MACIF de ce qu'elle ne conteste pas l'évaluation du préjudice matériel invoqué,

- surseoir à statuer sur l'indemnisation de son préjudice moral dans l'attente de la liquidation du préjudice de la victime directe,

- réduire en tout état de cause l'évaluation des autres préjudices dans les proportions suivantes :

préjudice sexuel : 6.000 euros,

préjudice moral : 8.000 euros.

Selon dernières conclusions d'appel incident notifiées le 17 novembre 2017, il est demandé à la Cour par [L] [E] et [Y] [E] de, essentiellement :

$gt; à titre principal, confirmer les dispositions du jugement rendu le 25 octobre 2016 sur les points suivants et après évocation de la liquidation des préjudices :

- dire que le droit à indemnisation d'[L] [E] est entier et que les véhicules assurés par la GMF, la MACIF et le BCF sont impliqués dans la survenance de l'accident du 7 juin 2013,

- dire que leurs assureurs seront condamnés à verser à [L] [E], en réparation de son entier préjudice, les sommes suivantes :

1.037,97 euros au titre des dépenses de santé actuelles sauf à parfaire,

3.260,82 euros au titre des frais divers sauf à parfaire,

31.9768 euros au titre de la tierce personne temporaire,

3.624,62 euros au titre des pertes de gains professionnels actuelles avant imputation de créance,

44.736,23 euros au titre des frais de véhicule adapté,

42.882,31 euros au titre des frais de tierce personne future,

464.253,11 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs avant imputation de créance,

121.445,58 euros au titre de l'incidence professionnelle,

20.224,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

40.000 euros au titre des souffrances endurées,

7.500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

108.900 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

15.000 euros au titre du préjudice esthétique définitif,

25.000 euros au titre du préjudice d'agrément,

25.000 euros au titre du préjudice sexuel,

- surseoir à statuer sur l'indemnisation des dépenses de santé futures,

- dire que la GMF, la MACIF et le BCF seront condamnés à verser à [Y] [I], en réparation de son entier préjudice, les sommes suivantes :

6.726,99 euros au titre de son préjudice matériel,

25.000 euros au titre de son préjudice sexuel par ricochet,

15.000 euros au titre de son préjudice moral,

- condamner in solidum la GMF, la MACIF et le BCF à verser à [L] [E] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 au titre des frais de première instance,

$gt; à titre subsidiaire :

- surseoir à statuer sur la liquidation de leurs préjudices,

- désigner le Docteur [V] afin de procéder à une expertise médicale, et ce au contradictoire de l'ensemble des parties mises en cause.

- condamner in solidum la GMF, la MACIF et le BCF à verser à [L] [E] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 au titre des frais de première instance,

- condamner in solidum la GMF, la MACIF et le BCF à verser à [L] [E] une indemnité provisionnelle de 100.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice, et à [Y] [I] une indemnité provisionnelle de 15.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral et matériel,

$gt; à titre infiniment subsidiaire :

- condamner in solidum les assureurs des véhicules impliqués à verser à [L] [E] une indemnité provisionnelle de 100.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice et à [Y] [I] une indemnité provisionnelle de 15.000 euros à valoir sur son préjudice moral et son préjudice matériel,

- confirmer la condamnation in solidum les assureurs des véhicules impliqués à verser à [L] [E] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

$gt; à titre très infiniment subsidiaire :

- condamner la société EURODOMMAGES à lui payer une provision de 100.000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices,

- condamner la société EURODOMMAGES à payer à [Y] [I] une provision de 15.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral et de son préjudice matériel,

- condamner la société EURODOMMAGES à verser à [L] [E] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 au titre des frais de première instance,

$gt; en tout état de cause :

- débouter la MACIF de ses demandes,

- condamner in solidum les parties succombantes à payer à [L] [E] et [Y] [I], chacun, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, et dire qu'en cas d'exécution forcée, les sommes retenues par l'huissier seront supportées par le débiteur par application des articles A 444-31 et suivants du code du commerce, en sus de l'application de l'article 700 précité,

- déclarer l'arrêt à intervenir commun à la société SWICA et la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION et opposable à la société EURODOMMAGES.

Selon dernières conclusions d'appel incident notifiées le 9 mai 2017, il est demandé à la Cour par la société GMF ASSURANCES de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 octobre 2016 et, statuant à nouveau, juger qu'[L] [E] a commis une faute de nature à exclure son droit à indemnisation, et qu'elle ne saurait dès lors être tenue d'indemniser son entier préjudice ni celui de la société EURODOMMAGES ès qualités de subrogée dans les droits et actions de la victime,

- juger que [Y] [I], du fait de l'exclusion du droit à indemnisation de la victime directe, n'a pas vocation à être indemnisée de son préjudice par ricochet,

- en conséquence, débouter [L] [E], [Y] [I], les organismes sociaux et la société EURODOMMAGES de leurs demandes à son encontre,

- subsidiairement, juger que le droit à indemnisation d'[L] [E], qui a incontestablement commis une faute civile, ne saurait excéder 25 %, et plus subsidiairement, qu'[L] [E] et [Y] [I] n'apportent pas les éléments propres à justifier le quantum de la provision qu'ils sollicitent respectivement, et en conséquence, limiter le quantum des provisions allouées conformément à la jurisprudence habituelle,

- en tout état de cause, condamner in solidum [L] [E] et [Y] [I] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon dernières conclusions d'appel incident notifiées le 20 novembre 2017, il est demandé à la Cour par le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS de :

- infirmer le jugement rendu le 25 octobre 2016 en ce qu'il a retenu l'implication du véhicule conduit par son assuré, [H] [W], dans le dommage corporel subi par [L] [E] le 7 juin 2013 et est entré en voie de condamnation à son encontre, et statuant à nouveau, juger que le véhicule de son assuré n'est pas impliqué dans le dommage corporel subi par la victime et le mettre hors de cause,

- à titre subsidiaire, infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le droit à indemnisation d'[L] [E] était entier et, statuant à nouveau, juger que ce dernier a commis des fautes de conduite de nature à exclure son droit à indemnisation et celui de sa compagne,

- débouter [L] [E] et [Y] [I] de l'intégralité de leurs demandes, et le cas échéant, réduire le droit à indemnisation d'[L] [E] à de plus justes proportions et appliquer la réduction du droit à indemnisation à la provision déjà allouée par le tribunal,

- débouter [L] [E] et [Y] [I] de leurs demandes d'évocation des préjudices,

- limiter à la somme de 30.000 euros le montant de la provision complémentaire qui pourrait être allouée à [L] [E] (avant application de la limitation de son droit à indemnisation) et confirmer le jugement en ce qu'il a débouté [Y] [I] de sa demande provisionnelle,

- condamner la société GMF ASSURANCES à le relever et garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

- débouter la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION, l'OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE INVALIDITE la société EURODOMMAGES de leurs demandes à son encontre au titre des frais irrépétibles.

Selon dernières conclusions notifiées le 11 mai 2017, il est demandé à la Cour par la société EURODOMMAGES, représentant en France de la société ENTERPRISE INSURANCE COMPANY PLC, placée en liquidation judiciaire par jugement du 26 octobre 2016 ayant désigné [B] [C] en qualité de liquidateur, de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, débouter toutes parties de toutes demandes dirigées à son encontre comme étant mal fondées,

- condamner tout succombant à lui payer une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Selon dernières conclusions d'appel incident notifiées le 26 octobre 2017, il est demandé à la Cour par la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION (CSC) et l'OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE INVALIDITE (OCAI), pris en la personne de son représentant, la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION, de :

- juger irrecevable, en application du principe jurisprudentiel de l'estoppel selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, le moyen au soutien de l'appel, et en tant que de besoin l'appel inscrit par la MACIF à l'encontre du jugement rendu le 25 octobre 2016, tendant à voir juger que le véhicule de son assurée n'est pas impliqué dans l'accident, et en conséquence, débouter la MACIF de l'intégralité de ses demandes de ce chef,

- subsidiairement, vu notamment l'aveu judiciaire de la MACIF en première instance selon conclusions du 6 octobre 2015 et les articles 1 et suivants de la loi du 5 juillet 1985, juger le véhicule conduit par [Z] [P] impliqué dans l'accident,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé qu'[L] [E] n'a commis aucune faute de nature à limiter ou à exclure son droit à indemnisation, et en conséquence, juger son droit à indemnisation total,

- juger que le BCF, la société GMF et la MACIF devront réparer in solidum l'intégralité des conséquences dommageables induites par l'accident,

- confirmer la désignation de l'expert judiciaire aux fins d'expertise médico-légale et la demande de provision allouée à [L] [E] dans son quantum,

- dire n'y avoir lieu à évoquer la liquidation du préjudice d'[L] [E], cette demande étant irrecevable et en tous les cas infondée, et subsidiairement, si la Cour estimait devoir évoquer la liquidation de son préjudice, surseoir à statuer sur la liquidation des préjudices patrimoniaux dans l'attente du caractère définitif de la créance de l'organisme social, après purge du recours de la victime actuellement pendant devant le Tribunal administratif fédéral à l'encontre de la décision de l'Office de l'assurance invalidité pour les résidents à l'étranger en date du 8 juillet 2016, et le cas échéant après nouvelle instruction du cas d'[L] [E] par les services suisses de l'Office en cas d'annulation de sa décision du 8 juillet 2016,

- en cas d'évocation par la Cour de la liquidation du préjudice de la victime, fixer en droit commun les préjudices comme suit, en respectant les imputations des créances des organismes sociaux suisses :

$gt; préjudices patrimoniaux temporaires :

* dépenses de santé actuelles :

- revenant à la victime: 1.037,97 euros

- revenant à la société SWICA ASSURANCES : 120.249,15 CHF

- revenant à la CSC - OCAI : 170,10 CHF

* pertes de gains professionnels actuels :

- revenant à la SWICA : 176.544 CHF

- revenant à la CSC - OCAI : 19.301 CHF

- revenant à la victime (le solde) : 7.442,50 CHF

$gt; préjudices patrimoniaux définitifs :

* dépenses de santé futures et aides techniques : sursis à statuer

* pertes de gains professionnels futurs : 464.253,11 euros, dont à déduire la créance de la CSC - OCAI en cas de réformation de sa décision disant n'y avoir lieu à paiement d'une rente : donc surseoir à statuer

* incidence professionnelle : 25.000 euros, dont à déduire la créance de la CSC - OCAI en cas de réformation de sa décision disant n'y avoir lieu à paiement d'une rente : donc surseoir à statuer

* préjudice d'évolution de carrière : 71.445,59 euros, dont à déduire la créance de la CSC - OCAI en cas de réformation de sa décision disant n'y avoir lieu à paiement d'une rente : donc surseoir à statuer

* augmentation de la pénibilité : 25.000 euros, dont à déduire la créance de la CSC - OCAI en cas de réformation de sa décision disant n'y avoir lieu à paiement d'une rente : donc surseoir à statuer,

- condamner solidairement le BCF, la GMF et la MACIF à leur payer les sommes de 170.10 CHF au titre des dépenses de santé avant consolidation et 19.301,00 CHF au titre des prestations payées pour incapacité de gains, ou leur contre-valeur en euros au jour du paiement ou subsidiairement du jugement (sic),

- juger que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter de la notification des présentes conclusions valant demande en paiement et jusqu'à parfait paiement,

- faisant droit à l'appel incident des concluants et infirmant le jugement sur ce point, condamner solidairement le BCF, la GMF et la MACIF à leur payer une indemnité de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et devant la Cour.

Selon dernières conclusions d'appel incident notifiées le 16 octobre 2017, il est demandé à la Cour par la société SWICA ASSURANCES de :

- juger irrecevable, en application du principe jurisprudentiel de l'estoppel, le moyen au soutien de l'appel, et en tant que de besoin l'appel inscrit par la MACIF à l'encontre du jugement rendu le 25 octobre 2016, tendant à voir juger que le véhicule de son assurée n'est pas impliqué dans l'accident, et en conséquence, débouter la MACIF de l'intégralité de ses demandes de ce chef,

- subsidiairement, vu notamment l'aveu judiciaire de la MACIF en première instance selon conclusions du 6 octobre 2015 et les articles 1 et suivants de la loi du 5 juillet 1985, juger le véhicule conduit par [Z] [P] impliqué dans l'accident du 7 juin 2013,

- juger irrecevable, en application du principe jurisprudentiel de l'estoppel, le moyen au soutien de l'appel et en tant que de besoin l'appel inscrit par le BCF à l'encontre du jugement rendu le 25 octobre 2016, tendant à voir juger que le véhicule de son assuré n'est pas impliqué dans l'accident, et en conséquence débouter le BCF de l'intégralité de ses demandes de ce chef,

- subsidiairement, vu notamment l'aveu judiciaire du BCF en première instance selon conclusions du 8 décembre 2015 et les articles 1 et suivants de la loi du 5 juillet 1985, juger le véhicule conduit par [H] [W] impliqué dans l'accident,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les véhicules conduits par [Z] [P] et [H] [W] étaient impliqués dans l'accident, de même que le véhicule conduit par [E] [R],

- juger qu'[L] [E] n'a commis aucune faute de nature à limiter ou à exclure son droit à indemnisation, et en conséquence, juger son droit à indemnisation total,

- juger que le BCF, la société GMF et la MACIF devront réparer in solidum l'intégralité des conséquences dommageables induites par l'accident,

- confirmer la désignation de l'expert judiciaire aux fins d'expertise médico-légale et la demande de provision allouée à [L] [E] dans son quantum,

- faire droit à son appel incident et, infirmant le jugement frappé d'appel sur ce point, condamner in solidum la GMF, la MACIF et la BCF à lui payer une provision de 343.873,05 CHF, ou sa contre-valeur en euros au jour de l'arrêt à intervenir, à valoir sur sa créance à titre subrogatoire, outre une indemnisation de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- en cas d'évocation par la Cour de la liquidation du préjudice de la victime, fixer en droit commun les préjudices comme suit, en respectant les imputations suivantes des créances des organismes sociaux suisses :

$gt; préjudices patrimoniaux temporaires et définitifs : demandes identiques à celles présentée par la CSC et l'OCAI,

$gt; préjudices extra-patrimoniaux :

déficit fonctionnel temporaire : 20.224,50 euros

souffrances endurées : 40.000 euros

préjudice esthétique temporaire : 7.500 euros

déficit fonctionnel permanent : 108.900 euros

préjudice esthétique permanent : 15.000 euros

préjudice d'agrément : 25.000 euros

préjudice sexuel : 25.000 euros

- imputer sur ces postes de préjudice extra-partimoniaux l'indemnité pour atteinte à l'intégrité physique de 47.250 CHF (soit 41.278 euros),

- en conséquence, condamner in solidum la GMF, la MACIF et le BCF à lui payer, au titre de son recours subrogatoire, les sommes de 120.079,05 CHF au titre des dépenses de santé, 176.544 CHF au titre des indemnités journalières et 47.250 CHF au titre de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité en capital, ou leur contre-valeur en euros au jour du paiement, et subsidiairement de l'arrêt à intervenir,

- juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la notification des présentes conclusions valant demande en paiement et jusqu'à parfait paiement.

MOTIFS de l'ARRÊT

L'accident au cours duquel [L] [E] a été gravement blessé s'est produit le 7 juin 2013 sur la commune d'[Localité 1], vers 17h50, sur la [Adresse 18] à hauteur du pont surplombant l'autoroute.

Le résumé des faits figurant sur le bordereau d'envoi de la procédure d'accident est le suivant : 'D'après nos premières constatations et les déclarations des conducteurs des trois véhicule, il appert que le motard a perdu le contrôle de sa moto et a percuté les trois véhicules qui circulaient dans le sens opposé au sien. Les policiers intervenant ont constaté la présence d'un liquide glissant (essence ou huile) sur le bord droit de la chaussée, en amont et en aval du lieu de l'accident'.

L'enquête de police a permis d'établir :

- que l'accident s'est produit sur une route bi-directionnelle dont la vitesse est limitée à 90 km/h, route en pente avec une courbe à droite dans le sens de circulation du motocycliste [L] [E], la chaussée étant large de 7,10 mètres

- que ce dernier a perdu le contrôle de sa motocyclette Yamaha sur le pont surplombant l'autoroute, a percuté le véhicule conduit par [E] [R] et s'est retrouvé au sol, tandis que sa motocyclette a percuté le véhicule conduit par [H] [W], puis celui conduit par [Z] [P]

- que les recherches d'alcool et de cannabis sur [L] [E] se sont révélées négatives.

- que les policiers arrivés sur les lieux à 18h ont constaté, à l'entrée du virage du pont de l'autoroute, 'une trace de liquide glissant (essence ou huile) sur le bord droit de la chaussée et qui continue jusqu'après la descente du pont' (procès-verbal de saisine),

- que les services de la voirie sont intervenus sur les lieux à 18h30 et ont dispersé de l'absorbant sur une distance de 300 mètres et apposé un panneau 'chaussée glissante' avec le cartouche 'gasoil' (main courante du service de la voirie et des transports de l'arrondissement de [Localité 2]).

Ont été entendus par les enquêteurs :

- [E] [R], conducteur du véhicule BMW modèle série X, assuré auprès de la GMF (audition du 17 juin 2013), qui a déclaré : 'Je me trouvais derrière un camion qui roulait lentement et qui transportait des chevaux. Ce camion avait ses feux de croisement car il roulait très lentement. Sur le pont, environ à la moitié du pont, j'ai aperçu la moto, elle était à l'entrée du virage. Le motard circulait dans le sens opposé au mien. Tout ce que j'ai vu, c'est que le motard guidonnait, il ne contrôlait plus sa moto. Je me suis dit il a un problème. Au lieu de tourner légèrement pour prendre le virage, il est allé tout droit sur ma voie. Il m'a percuté au niveau du rétroviseur gauche', et à la question 'Est-ce que le motard roulait vite '', [E] [R] a répondu : 'Pas très vite, pas lentement. Je pense à 70-80 km/h. Je ne me suis pas dit, il arrive vite',

- [H] [W], conducteur du véhicule BMW modèle 118, assuré auprès du BCF (audition du 26 juin 2013) : 'Un ou deux véhicules me séparaient du véhicule de Monsieur [R]. J'ai entendu un bruit de frottement. J'ai ensuite vu la moto percuter le véhicule de Monsieur [R]. La moto guidonnait. Le motard se trouvait sur sa moto au moment du choc avec le véhicule de Monsieur [R]. Je suis resté bloqué sur cette image. J'ai vu la moto arriver sur mon véhicule, je ne sais pas ce que la moto a pu percuter avant de percuter mon véhicule. La moto a percuté l'arrière gauche de mon véhicule. La moto a continué sa glissade, sans le motard. (...) Je ne peux pas vous dire si le motard roulait vite', et à la question 'Avez-vous remarqué de traces d'huile, d'essence ou de gasoil sur la route '' [H] [W] a répondu : 'Non je n'ai pas remarqué. Je n'ai pas quitté le périmètre de mon véhicule,' avant d'ajouter : 'J'émets l'hypothèse suivante : le motard a pu être surpris par le véhicule de transport de chevaux qui circulait très lentement',

- [Z] [P], conductrice du véhicule Mercedes modèle classe A (audition du 2 juillet 2013) : ' Je circulais dans le même sens que Monsieur [R] et Monsieur [W]. Nous circulions lentement car un camion blanc circulait doucement devant nous avec des warnings. Nous suivions ce véhicule depuis un bon moment. Nous devions circuler à environ 40 km/h. Je n'ai pas vu le choc quand le motard a percuté le 4x4. J'ai entendu un bruit sourd et j'ai vu une moto qui glissait sur le bitume. J'ai vu la moto percuter le véhicule de Monsieur [W]. J'ai vu des étincelles, des pièces de la moto ont volé. (...) Mon véhicule présente les dégradations suivantes suite à la perte des pièces de la moto : l'écusson Mercedes a été cassé, un enfoncement au niveau de la portière conducteur (...) Concernant la chaussée, je ne peux rien vous dire sur le fait qu'il y avait des traces de gasoil ou pas'.

Les enquêteurs ont également entendu un témoin des faits, [T] [D] (audition du 21 juin 2013), qui a déclaré : 'Je circulais dans le même sens que Monsieur [R]. J'a vu le motard qui circulait dans le sens opposé au nôtre. Je l'ai vu au sommet de la rampe, à l'endroit où il y a un virage. Il ne circulait pas vraiment vite, il circulait à vitesse normale. Devant nous se trouvait un véhicule qui transportait des chevaux (...) Il circulait avec les feux de détresse, à vitesse très réduite. Je pense que le motard a été surpris par les feux de détresse du camion. Il a peut-être pensé qu'il y avait un accident. J'ai vu le motard perdre l'adhérence et percuter le véhicule BMW de Monsieur [R]. J'ai vu le motard glisser, je ne l'ai pas vu guidonner. (...) En revenant d'Annemasse vers 19h30, je suis repassé sur les lieux de l'accident. J'ai vu un panneau 'attention gasoil'. De la sciure avait été jetée sur la chaussée. Ce panneau ne se trouvait pas sur les lieux de l'accident avant l'accident. C'est ce panneau qui m'a fait comprendre ce qui a pu se passer. Les traces de gasoil étaient déjà présentes à 100 mètres en aval du lieu de l'accident, en bas de la rampe. De la sciure se trouvait également à ce niveau-là'.

Entendu le 16 décembre 2013, [L] [E] a fait les déclarations suivantes : 'Je ne me souviens pas des circonstances de l'accident. Je prends acte que les résultats sanguins font état de 0 gramme d'éthanol et que le cannabis n'a pas été détecté. Je ne me rappelle plus de rien. J'avais une moto neuve, des pneus neufs et je suis prudent. (...) Je me pose des questions. J'ai peut-être été surpris de voir le gasoil. J'ai peut-être guidonné. Je vous précise que ma femme s'est rendue sur les lieux de l'accident le soir même. Elle a pris des photos montrant les traces de sciure dans le virage, en pleine trajectoire. On voit également le panneau triangulaire 'attention gasoil'.

Il a remis aux enquêteurs trois photographies qui ont été annexées à la procédure d'enquête.

Enfin, dans sa lettre du 5 juillet 2013 adressée au Directeur départemental de la santé publique, [Y] [I] écrivait : 'Mon conjoint (...) a perdu le contrôle de sa moto dû à du gasoil sur sa voie de circulation (on suppose que c'est un camion qui a perdu du gasoil, il y en avait sur plusieurs mètres, la DDE n'était pas encore intervenue pour le sablage ni pour informer les conducteurs par un panneau que la chaussée était glissante dû au gasoil, ceci a été fait près l'accident)'.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que les collisions successives sont intervenues dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu, constituant un seul et même accident.

Composé de plusieurs épisodes successifs, il constitue un accident complexe, qui permet de retenir la responsabilité de tous les conducteurs impliqués dans la collision envers la victime.

1 - Sur l'implication des véhicules

1.1 - Sur la fin de non-recevoir tirée du concept d'estoppel

La société SWICA ASSURANCES et la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION soulèvent l'irrecevabilité du moyen tiré du défaut d'implication des véhicules assurés par la MACIF et le BCF, sur le fondement de la fin de non-recevoir héritée du concept d'estoppel, aux motifs :

- qu'il s'agit d'un moyen soutenu pour la première fois en cause d'appel,

- que la MACIF et le BCF ont exposé délibérément deux moyens totalement contradictoires entre la première instance (implication retenue) et l'instance d'appel (implication contestée), révélant ainsi un comportement procédural incohérent ou contradictoire et une mauvaise foi manifeste.

En réponse, la MACIF fait valoir qu'il n'est pas possible d'opposer aux parties le principe de l'estoppel lorsqu'elles invoquent, en cause d'appel, des moyens nouveaux, les défenses au fond pouvant être invoquées en tout état de cause dès lors qu'elles interviennent au soutien des prétentions qu'elles ont soumises aux premiers juges.

Le BCF n'a pas conclu sur ce point.

Le moyen soulevé en cause d'appel, tendant à voir juger que le véhicule de son assuré(e) n'est pas impliqué dans l'accident, est recevable dès lors qu'il constitue un moyen de défense au fond tendant au rejet des prétentions adverses, au sens de l'article 71 du code de procédure civile, et non une demande au sens de l'article 53 du même code, et que les moyens nouveaux présentés en cause d'appel sont recevables en application de l'article 563 du même code.

1.2 - Sur le fond

En droit, au sens de l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, est impliqué dans un accident de la circulation, tout véhicule terrestre à moteur ayant joué un rôle quelconque dans sa réalisation.

La solution du litige impose donc de déterminer si les véhicules de [Z] [P] et de [H] [W] sont impliqués dans l'accident survenu le 7 juin 2013, étant rappelé que la GMF ne conteste pas l'implication du véhicule conduit par son assuré, [E] [R].

1.2.1 - concernant le véhicule Mercedes conduit par [Z] [P]

Au soutien de son appel, la MACIF, assureur du véhicule, sollicite l'infirmation du jugement entrepris et sa mise hors de cause, en faisant valoir :

- qu'il incombe à la victime de rapporter la preuve de l'implication du véhicule de [Z] [P] dans la survenance de l'accident, sa simple présence sur les lieux de l'accident ne suffisant pas à caractériser son implication, en l'absence de tout contact entre [L] [E] ou sa motocyclette et le véhicule conduit par son assurée,

- que [Z] [P] ayant uniquement fait état de dégradations sur son véhicule suite à la projection de pièces de la motocyclette, et le rapport du cabinet DALAISON décrivant un choc d'intensité légère au niveau de l'avant et du côté latéral gauche du véhicule, il est établi que les dommages causés au véhicule sont uniquement la conséquence de la projection de pièces et fragments de la motocyclette, de sorte qu'il ne peut être considéré qu'il y a eu contact entre les deux véhicules,

- que l'accident se serait produit dans les mêmes circonstances si le véhicule de [Z] [P] n'avait pas été présent sur les lieux,

- que si elle n'a pas contesté l'implication du véhicule de son assurée dans l'accident (notion juridique), elle n'a jamais reconnu en première instance que la motocyclette d'[L] [E] avait percuté le véhicule (élément de fait), si bien qu'aucun aveu judiciaire ne peut lui être opposé dès lors que conformément à l'article 1383-2 du code civil et selon une jurisprudence constante, l'aveu judiciaire porte seulement sur la reconnaissance d'un fait et non sur des notions juridiques.

[L] [E] et [Y] [I] concluent à l'implication du véhicule conduit par [Z] [P], aux motifs :

- que l'accident présente le caractère d'un accident complexe et que dans cette circonstance, tout véhicule intervenant à quelque titre que ce soit dans la survenance de l'accident est impliqué au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985,

- que la notion d'implication s'entend au sens large, qu'il n'est pas nécessaire que le véhicule ait directement heurté la victime pour être impliqué et que les dégâts occasionnés au véhicule, au niveau du macaron et de la portière avant gauche, suffisent à caractériser

son implication dans l'accident.

La SWICA ASSURANCES ainsi que la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION, développent une argumentation analogue à celle d'[L] [E] et [Y] [I], tout en ajoutant :

- qu'en écrivant dans ses conclusions de première instance que 'Monsieur [E] a perdu le contrôle de sa moto (...) pour finir sa course en percutant le véhicule conduit par Madame [P]', la MACIF a expressément reconnu l'implication du véhicule de son assuré, laquelle doit être retenue en se fondant notamment sur son aveu judiciaire,

- que l'enfoncement au niveau de la portière conducteur établit l'existence d'un contact sans doute possible avec la motocyclette de la victime, de simples projections n'entraînant pas les déformations constatées par l'expert et les réparations rendues nécessaires,

- qu'à supposer qu'il n'ait été endommagé que par des projections de pièces de la motocyclette, le véhicule conduit par [Z] [P] a été nécessaire à la production du dommage matériel subi par [L] [E], dont la motocyclette est hors d'usage.

Au sens de l'article 1383-2 du code civil, l'aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son représentant spécialement mandaté et fait foi contre celui qui l'a fait.

La MACIF conteste avoir reconnu que la motocyclette de la victime aurait percuté le véhicule conduit par son assurée. Il résulte des conclusions régularisées en première instance, et versées au débats par la SWICA ASSURANCES (pièce n°18), qu'elle s'est uniquement contentée, à titre liminaire et au paragraphe 'Rappel des faits et de la procédure' (page 2 des conclusions), de reprendre le résumé de l'accident figurant dans l'enquête pénale. La SWICA ASSURANCES est dès lors mal fondée à lui opposer un aveu judiciaire au sens du texte précité, relativement à l'implication dans l'accident du véhicule de son assurée.

Il résulte du résumé des faits établi par les enquêteurs qu'ayant perdu le contrôle de sa motocyclette, [L] [E] a percuté trois véhicules qui circulaient dans le sens opposé au sien : il a tout d'abord percuté le véhicule Mercedes conduit par [E] [R] et s'est retrouvé au sol, tandis que sa motocyclette a percuté le véhicule conduit par [H] [W], puis celui conduit par [Z] [P].

Les constatations réalisées par les enquêteur le véhicule conduit par [Z] [P] sont les suivantes : macaron Mercedes du capot cassé et enfoncement au niveau de la portière conducteur.

Les circonstances dans lesquelles ce dernier véhicule a été endommagé sont décrites comme suit par la conductrice :

- 'Pour ma part, je n'ai reçu que des projectiles de la moto' (constat amiable d'accident du 10 juin 2013)

- ' Je n'ai pas vu le choc quand le motard a percuté le 4x4. J'ai entendu un bruit sourd et j'ai vu une moto qui glissait sur le bitume. J'ai vu la moto percuter le véhicule de Monsieur [W]. J'ai vu des étincelles, des pièces de la moto ont volé. (...) Mon véhicule présente les dégradations suivantes suite à la perte des pièces de la moto : l'écusson Mercedes a été cassé, un enfoncement au niveau de la portière conducteur' (audition du 2 juillet 2013).

Ces déclarations sont corroborées par le rapport d'expertise technique du cabinet DALAISON versé aux débats, duquel il résulte que le véhicule Mercedes Classe A a subi un choc à l'avant d'une intensité légère et que le montant des réparations (tôlerie, peinture, grille calandre, sigle Mercedes, grille bouclier) s'est élevé à 882 euros HT soit 1.054,94 euros TTC, les dix photographies jointes à ce rapport étant tout à fait compatibles avec les projections décrites par la conductrice.

Il se déduit des éléments ainsi réunis que, contrairement aux deux premières collisions (d'[L] [E] et de la motocyclette avec le véhicule conduit par [E] [R], puis de la motocyclette avec le véhicule conduit par [H] [W]), il n'y a pas eu de collision entre la motocyclette et le véhicule conduit par [Z] [P], dont les dégradations légères sont dues aux projections de pièces de la motocyclette résultant de la collision avec le véhicule qui le précédait. Dès lors, la seule présence du véhicule Mercedes Classe A sur les lieux de l'accident, à proximité immédiate de celui conduit par [H] [W], ne suffit pas à en établir l'implication, en l'absence de rôle quelconque dans la réalisation de l'accident, la MACIF soulignant avec justesse que l'accident se serait exactement produit dans les mêmes circonstances si le véhicule de son assurée n'avait pas été présent sur les lieux. Et les circonstances ainsi décrites contredisent l'affirmation selon laquelle le véhicule conduit par [Z] [P] 'aurait été nécessaire' à la production du dommage matériel subi par [L] [E], dont la motocyclette est hors d'usage (page 13 des conclusions de la SWICA ASSURANCES).

En conséquence, la preuve de l'implication dans l'accident du véhicule assuré par la MACIF n'étant pas rapportée, au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 , le jugement entrepris sera infirmé sur ce point et il sera fait droit à sa demande de mise hors de cause.

1.2.2 - concernant le véhicule BMW conduit par [H] [W]

Au soutien de son appel incident, le BCF conteste l'implication dans l'accident du véhicule de son assuré, aux motifs :

- que les faits ne relèvent pas du régime de l'accident complexe, dans lequel tous les véhicules doivent être considérés impliqués, et qu'il y a lieu de distinguer deux accidents, le premier ayant conduit à la survenue du dommage corporel subi par [L] [E] et le second à la survenue des dommages matériels concernant sa motocyclette,

- qu'[L] [E] n'a subi aucun dommage corporel en relation avec le véhicule conduit par [H] [W], puisqu'il avait chuté au sol avant que sa motocyclette ne vienne le percuter, de sorte que, son implication étant postérieure à la réalisation du dommage corporel de la victime, il aurait dû être mis hors de cause par la juridiction du premier degré.

[L] [E] et [Y] [I] d'une part, la SWICA ASSURANCES et la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION d'autre part, développent les mêmes arguments sur ceux rappelés supra s'agissant du véhicule conduit par [Z] [P], tout en ajoutant que la Cour ne pourra que rejeter les arguments du BCF au regard de l'unicité de temps et de l'enchaînement continu de collisions.

Les motifs développés supra relativement à l'aveu judiciaire doivent également trouver application s'agissant des conclusions de première instance du BCF, versées aux débats par la SWICA ASSURANCES (pièce n°18), étant rappelé que la déclaration d'une partie ne peut être retenue contre elle comme constituant un aveu que si elle porte sur des points de fait et non de droit (tel l'aveu de l'implication du véhicule).

Il est établi qu'[L] [E], en perdant le contrôle de sa motocyclette, a percuté le véhicule Mercedes conduit par [E] [R] et s'est retrouvé au sol, tandis que sa motocyclette a continué sa glissage et percuté le véhicule BMW modèle 118 conduit par [H] [W].

Les déclarations de l'intéressé sont les suivantes : 'J'ai entendu un bruit de frottement. J'ai ensuite vu la moto percuter le véhicule de Monsieur [R]. La moto guidonnait. Le motard se trouvait sur sa moto au moment du choc avec le véhicule de Monsieur [R]. Je suis resté bloqué sur cette image. J'ai vu la moto arriver sur mon véhicule, je ne sais pas ce que la moto a pu percuter avant de percuter mon véhicule. La moto a percuté l'arrière gauche de mon véhicule. La moto a continué sa glissade, sans le motard'.

Les enquêteurs ont procédé aux constatations suivantes sur le véhicule conduit par [H] [W] : endommagé sur la partie gauche, véhicule non roulant pris en charge par un dépanneur.

La Cour observe que tout en sollicitant sa mise hors de cause, au motif que le véhicule de son assuré n'a joué aucun rôle dans la réalisation du dommage corporel subi par la victime, le BCF, qui ne peut contester la collision entre la motocyclette de la victime et le véhicule de son assuré, conclut que ce dernier 'n'a joué aucun rôle dans la survenue du dommage corporel de Monsieur [E] et partant que son véhicule doit être considéré comme non impliqué dans la survenance de ce dommage précisément' (page 13 de ses conclusions).

Cette distinction entre l'implication du véhicule dans la réalisation du dommage corporel et son implication dans la réalisation du dommage matériel est inopérante dès lors qu'elle ne correspond ni à l'esprit ni à la lettre de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, qui requiert une implication du véhicule dans l'accident, et non dans le dommage. Il importe donc peu qu'il n'y ait eu aucun contact entre ce véhicule et la victime.

Bien plus, les faits ci-dessus relatés démontrent que les collisions successives sont intervenues dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu, et constituent un seul et même accident complexe, le BCF étant mal fondé à soutenir que l'on serait en présence d'accidents successifs.

En conséquence, le jugement entrepris ayant retenu l'implication dans l'accident du véhicule assuré auprès du BCF sera confirmé.

2 - Sur le droit à indemnisation de la victime

Au soutien de son appel incident, la GMF sollicite l'infirmation du jugement entrepris, en faisant valoir :

- qu'[L] [E] a commis une faute de nature à exclure son droit à indemnisation puisque, alors qu'il abordait un virage et se trouvait en pente, il a brusquement dévié sa trajectoire et empiété sur la voie en sens inverse avant de venir heurter trois véhicules, dont les conducteurs ont témoigné de manière unanime de sa perte de contrôle de la motocyclette,

- que cette perte de contrôle fait suite à un défaut de prudence, [L] [E] n'ayant pas effectué de manoeuvre permettant d'éviter la portion de route glissante, alors que du fait de la traînée constatée en amont et en aval de la plaque de gasoil proprement dite, la présence de gasoil était visible et aurait dû l'inciter à ralentir, ce qui lui aurait permis d'entreprendre une man'uvre d'évitement,

- qu'il n'a pas adapté sa vitesse aux conditions de circulation, conformément aux prescriptions de l'article R.413-17 du code de la route, eu égard à l'état de la chaussée qui avait fait l'objet d'une signalisation, et que la suite de l'accident constitue une accumulation de manquements au code de la route, avec le franchissement d'une ligne blanche continue et l'empiétement sur la voie de circulation en sens inverse,

- subsidiairement, qu'[L] [E] a incontestablement commis une faute civile d'imprudence et d'inattention ayant à tout le moins contribué à la survenance de l'accident, à défaut d'en avoir été la cause exclusive, de sorte que son droit à indemnisation ne saurait excéder 25 %.

Dans le même sens, et reprenant les arguments développés ci-dessus, le BCF fait valoir :

- qu'[L] [E] a commis trois fautes de conduite de nature à exclure son droit à indemnisation, en manquant à l'obligation générale de prudence prévue par l'article R.412-6 du code de la route, en ne maîtrisant pas sa motocyclette en violation de l'article R.413-17 du code de la route, enfin en ne respectant l'interdiction de franchissement des lignes continues axiales ou séparatives de voie de circulation édictée par l'article R.412-19 alinéa 1 du code de la route,

- qu'en présence d'un véhicule lent arrivant en face, il aurait dû redoubler de vigilance et de prudence dès lors qu'il n'était pas exclu qu'un véhicule double le véhicule lent et se retrouve face à lui,

- que les flaques de gasoil, d'une longueur particulièrement importante (300 mètres), ne pouvant pas échapper à son attention, [L] [E] avait amplement la place de déporter sa motocyclette sur la partie plus centrale et à gauche de sa voie de circulation, afin d'éviter le gasoil qui se trouvait sur la partie droite,

- subsidiairement, que par ses fautes, il a participé à la réalisation de son dommage, ce qui doit conduire à réduire son droit à indemnisation dans une proportion que la Cour appréciera.

En réplique, [L] [E] et [Y] [I] sollicitent la confirmation du jugement entrepris, en faisant valoir :

- qu'aucun élément de l'enquête n'établit que l'origine de l'accident serait liée à une faute de conduite du motocycliste et qu'il est au contraire établi que l'accident trouve exclusivement son origine dans la présence d'une plaque de gasoil sur la chaussée,

- que le croquis établi par les services de police montre que la trace de freinage laissée par la motocyclette forme une ligne droite reliant l'endroit de la chaussée où elle a glissé sur la plaque de gasoil et le point de choc ; qu'en passant sur la plaque de gasoil, la motocyclette a imbibé ses pneumatiques de ce liquide visqueux et conservé une trajectoire droite sans perte d'adhérence, jusqu'à ce que son conducteur tourne le guidon pour modifier sa trajectoire, ce qui a engendré une perte d'adhérence sur la chaussée, la motocyclette s'étant mise alors à 'guidonner' avec une perte de contrôle engendrant le déport sur la voie de circulation opposée,

- que les photographies montrent que la plaque était présente sur l'ensemble de la voie de circulation empruntée par [L] [E] de sorte que l'obstacle était inévitable, qu'au moment de l'accident elle n'était pas signalée et qu'il était impossible pour le motocycliste de la voir en amont compte tenu de sa localisation et de sa surface limitée,

- que la vitesse excessive n'est pas caractérisée au vu des témoignages recueillis,

- qu'il est par conséquent établi que la perte soudaine de contrôle de la motocyclette, due à la présence de la plaque de gasoil sur la chaussée, constitue un fait non fautif, indépendant de la volonté d'[L] [E], de sorte que son droit à indemnisation est entier.

Dans le même sens, tout en reprenant les arguments développés ci-dessus, la SWICA ASSURANCES et LA CAISSE SUISSE DE COMPENSATION font valoir :

- que la perte de contrôle de la motocyclette et le franchissement de la ligne blanche ne sont que la conséquence du dérapage d'[L] [E] sur la plaque de gasoil,

- qu'en l'absence de toute autre hypothèse plausible permettant d'expliquer la survenance de l'accident, et alors que le doute doit profiter à la victime lorsque les circonstances demeurent indéterminées, il y a lieu de juger qu'il n'a commis aucune faute en relation de causalité directe et certaine avec son préjudice.

La société EURODOMMAGES s'associe aux écritures de son assuré.

2.1 - En droit, l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 dispose que la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis.

La faute du conducteur visée par ce texte doit avoir contribué à la réalisation de son préjudice et s'apprécie indépendamment du comportement des autres conducteurs.

En application des articles 1382 (anciennement 1353) du code civil, 6 et 9 du code de procédure civile, il incombe à la GMF et au BCF de rapporter la preuve d'une ou des fautes commises par [L] [E], conducteur victime, de nature à exclure ou réduire son droit à indemnisation.

L'article R.412-6 du code de la route édicte un principe général de prudence, selon lequel le conducteur doit, à tout moment, adopter un comportement prudent et (...) se tenir constamment en état et en position d'exécuter commodément et sans délai toutes les man'uvres qui lui incombent.

Par ailleurs, l'article R.413-17 du code de la route dispose :

I.- Les vitesses maximales autorisées par les dispositions du présent code, ainsi que celles plus réduites éventuellement prescrites par les autorités investies du pouvoir de police de la circulation, ne s'entendent que dans des conditions optimales de circulation : bonnes conditions atmosphériques, trafic fluide, véhicule en bon état.

II.- Elles ne dispensent en aucun cas le conducteur de rester constamment maître de sa vitesse et de régler cette dernière en fonction de l'état de la chaussée, des difficultés de la circulation et des obstacles prévisibles.

III.- Sa vitesse doit être réduite : (...)

4° Dans tous les cas où la route ne lui apparaît pas entièrement dégagée, ou risque d'être glissante, (...)

6° Dans les virages'.

2.2 - En fait, il est établi qu'alors qu'il abordait le virage, [L] [E] a soudainement dévié de sa trajectoire et empiété sur la voie de circulation opposée, où les collisions se sont produites.

La perte de contrôle de la motocyclette est décrite unanimement par les témoins de l'accident :

- [E] [R] : 'J'ai aperçu la moto, elle était à l'entrée du virage. (...) Tout ce que j'ai vu, c'est que le motard guidonnait, il ne contrôlait plus sa moto. Je me suis dit il a un problème. Au lieu de tourner légèrement pour prendre le virage, il est allé tout droit sur ma voie',

- [H] [W] : 'J'ai entendu un bruit de frottement. J'ai ensuite vu la moto percuter le véhicule de Monsieur [R]. La moto guidonnait. Le motard se trouvait sur sa moto au moment du choc avec le véhicule de Monsieur [R]. J'ai vu la moto arriver sur mon véhicule. (...) La moto a continué sa glissade, sans le motard',

- [T] [D] : 'J'ai vu le motard perdre l'adhérence et percuter le véhicule BMW de Monsieur [R]. J'ai vu le motard glisser, je ne l'ai pas vu guidonner. (...) En revenant d'Annemasse vers 19h30, je suis repassé sur les lieux de l'accident. J'ai vu un panneau 'attention gasoil'. De la sciure avait été jetée sur la chaussée. Ce panneau ne se trouvait pas sur les lieux de l'accident avant l'accident. C'est ce panneau qui m'a fait comprendre ce qui a pu se passer. Les traces de gasoil étaient déjà présentes à 100 mètres en aval du lieu de l'accident, en bas de la rampe. De la sciure se trouvait également à ce niveau-là'.

Les parties ne contestent pas que la perte de contrôle de sa motocyclette par [L] [E] est intervenue alors qu'il venait de rouler sur une 'trace de liquide glissant (essence ou huile) sur le bord droit de la chaussée' (procès-verbal de saisine), également décrit comme un 'corps gras-huile' (procès-verbal de renseignement sur les lieux). Les enquêteurs ont précisé que les agents de la Direction Départementale de l'Equipement avaient mis 'de l'absorbant sur la chaussée pour éviter un autre accident', pour conclure : 'Ces constatations peuvent nous faire supposer que la moto a glissé sur la plaque glissante avant de perdre son adhérence', aucune faute de conduite n'étant relevée à l'encontre du motocycliste à l'issue de l'enquête.

La description par les témoins de l'accident du comportement d'[L] [E], associée aux constatations faites sur la chaussée et à l'intervention des agents de la voirie aussitôt après l'accident, permet d'affirmer que la déviation de la trajectoire de la motocyclette est la conséquence directe d'une glissade en raison de la présence de gasoil sur la chaussée en amont de l'accident. Dans ce contexte, la tentative de freinage, confirmée par la trace relevée sur les lieux de l'accident, s'est révélée totalement inefficace, alors même que la motocyclette d'[L] [E] était neuve et équipée de pneus neufs.

S'ils ne contestent pas l'origine de cette perte de contrôle, la GMF et le BCF considèrent toutefois qu'[L] [E] aurait pu l'éviter, s'il avait adopté un comportement prudent et adapté sa vitesse à l'état de la chaussée.

Or s'agissant de la vitesse, il n'est ni établi ni même allégué qu'il n'aurait pas respecté la vitesse maximale autorisée (90 km/h), et les témoins évoquent une vitesse 'normale', évaluée à '70-80 km/h', sans aucune impression de vitesse excessive, étant rappelé que [E] [R], le premier à avoir été percuté par la motocyclette, précise 'Je ne me suis pas dit, il arrive vite'.

La faute consistant à n'avoir pas adapté sa vitesse à l'état de la chaussée, en violation des prescriptions de l'article R.413-17 précité, ne peut être reprochée à [L] [E] que s'il est démontré d'une part que la trace de gasoil présente sur sa voie de circulation était visible, et d'autre part qu'il pouvait sans difficulté entreprendre une manoeuvre d'évitement.

Contrairement à l'affirmation de la GMF (page 9 de ses conclusions), aucun panneau signalant la présence de gasoil n'était apposé à l'entrée du virage, ainsi qu'il résulte de l'enquête de police et des témoignages de [T] [D] et de [Y] [I], cette dernière étant l'auteur des trois photographies versées aux débats, prises après l'accident.

Par ailleurs, au regard de la configuration des lieux telle qu'elle résulte de ces photographies, la route forme une courbe vers la droite de sorte qu'elle ne permettait pas au motocycliste d'avoir une vision globale, en amont de la chaussée, permettant une quelconque anticipation. La photographie n°1 sur laquelle apparaît le panneau 'gazole' et au loin sur la droite le pont surplombant l'autoroute permet de deviner le virage sur la droite conduisant au pont et rend vraisemblable l'effet de surprise, en l'absence d'élément de preuve contraire. Il n'est ainsi pas démontré que l'état de la chaussée ait été visible par un conducteur normalement prudent au regard de la configuration des lieux, étant observé qu'il n'est fait état d'aucune signalétique spécifique incitant les automobilistes à ralentir aux abords de ce virage.

Enfin, s'agissant de la manoeuvre d'évitement prétendument possible, les photographies versées aux débats révèlent que la trace grisée figurant sur le croquis réalisé par les enquêteurs et légendée 'traces d'huile anciennes' ne correspond pas à l'emplacement de la trace de sablage visible sur les photographies n°2 et 3. Cette dernière est en effet située, non à l'extrémité droite de la voie de circulation d'[L] [E], comme pourrait le laisser penser le croquis des policiers qui ne comporte toutefois aucun mesurage précis, mais plutôt au milieu de la voie (photographie n°3) ou à tout le moins aux deux tiers de la ligne continue séparant les deux voies de circulation.

Ces constatations rendent dès lors inopérante l'affirmation selon laquelle [L] [E] aurait pu éviter la présence du gasoil et poursuivre sa progression sans danger.

Il se déduit de l'ensemble des éléments ainsi réunis que ne sont démontrés ni une vitesse inadaptée ni un manquement à l'obligation générale de prudence pesant sur tout conducteur, l'accident ayant pour cause exclusive la présence de gasoil sur la voie de circulation d'[L] [E], constitutive d'une circonstance totalement extérieure, imprévisible et irrésistible. Dès lors, 'l'accumulation de manquements au code de la route' (selon l'expression de la GMF en page 11 de ses conclusions), soit le franchissement de la ligne blanche continue et l'empiètement sur la voie de circulation opposée, ne constitue nullement un comportement fautif de la part de sa part, mais la conséquence de la perte de contrôle, elle-même non fautive, de sa motocyclette.

La décision de première instance sera par conséquent confirmée en ce qu'elle a jugé qu'[L] [E] a droit à l'indemnisation intégrale de son préjudice, en l'absence de preuve d'une faute de conduite commise par lui à l'origine de son dommage.

La GMF et le BCF, en leur qualité d'assureurs des véhicules impliqués conduits par [E] [R] et [H] [W], seront condamné in solidum à réparer l'ensemble de ses préjudices, ainsi que les préjudices subis par [Y] [I], victime indirecte.

3 - Sur le recours en contribution à la dette d'indemnisation formé par le BCF

Le BCF sollicite la condamnation de la GMF à le relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre, en faisant valoir :

- que le tribunal n'a pas statué sur la répartition entre co-auteurs et qu'en application de l'article 1382 du code civil devenu 1240, la Cour doit ventiler les responsabilités au regard des fautes commises par les co-impliqués,

- que son assuré n'a commis aucune faute de conduite en lien avec le dommage, contrairement à [E] [R], qui aurait dû adapter sa conduite aux obstacles prévisibles et avait le temps et les moyens d'effectuer une man'uvre d'évitement face à la motocyclette dont il avait appréhendé le défaut de maîtrise pour l'avoir vue guidonner,

- que sans le heurt entre la motocyclette et le véhicule assuré par la GMF, [L] [E] n'aurait pas subi le préjudice corporel qui s'st alors réalisé, et que dans ces conditions, seuls [E] [R] et son assureur doivent supporter les conséquences de l'accident.

La GMF n'a pas conclu en réponse.

En droit, un conducteur de véhicule terrestre à moteur, impliqué dans un accident de la circulation, et condamné à réparer les dommages causés à un tiers, ne peut exercer un recours contre le conducteur d'un autre véhicule impliqué dans l'accident que sur le fondement des articles 1382 et 1251 du code civil.

La contribution à la dette a lieu en proportion des fautes respectives ayant concouru à la réalisation de l'accident. Le conducteur fautif n'a donc pas de recours contre un autre conducteur non fautif, et en l'absence de faute prouvée à la charge des conducteurs des véhicules impliqués, la contribution se fait entre eux, par parts égales.

En fait, loin de démontrer une faute commise par [E] [R], le BCF procède par affirmation, en soutenant que celui-ci 'aurait pu effectuer une manoeuvre d'évitement'.

Or les circonstances de circulation étaient les suivantes pour [E] [R] : circulant sur le pont surplombant l'autoroute, soit une route bi-directionnelle séparée par une ligne continue, il se trouvait juste derrière un camion de transport des chevaux roulant très lentement et ne pouvait dès lors entreprendre aucune manoeuvre d'évitement de la motocyclette dont [L] [E] avait perdu la maîtrise et qui, au lieu de suivre le

virage, se dirigeait tout droit sur sa voie de circulation.

La preuve d'une faute commise par [E] [R] ayant concouru à la réalisation de l'accident n'étant pas rapportée par le BCF, la contribution à la dette se fera à parts égales entre les deux assureurs.

4 - Sur la demande d'évocation

[L] [E] et [Y] [I] font valoir :

- que l'ancienneté de l'accident associée à la consolidation de l'état de santé d'[L] [E] commandent que la Cour se saisisse de l'évocation de la liquidation des entiers préjudices pour une bonne administration de la justice,

- que l'argument selon lequel les organismes sociaux suisses n'auraient pas encore établi leur créance définitive ne saurait prospérer, dès lors qu'ils ont eu connaissance le 1er septembre 2017 du rapport d'expertise fixant la consolidation, que près de trois mois après le dépôt du rapport, ils ne fournissent aucune raison valable justifiant l'impossibilité d'établir une créance définitive, enfin qu'en cas d'évocation, la réouverture des débats afin que les parties échangent sur la liquidation des préjudices leur permettrait de faire valoir leur créance définitive,

- que l'argument selon lequel que les parties seraient privées d'un double degré de juridiction sera également écarté, dès lors qu'il y aura nécessairement appel de la décision de première instance, avec un allongement de quatre années de la procédure.

Le BCF, la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION et la SWICA ASSURANCES s'opposent à cette demande, aux motifs :

- que l'évocation constitue une entorse au double degré de juridiction et n'est pas admise lorsque, dans son jugement, le tribunal a tranché une partie du principal et pour le surplus ordonné le sursis à statuer,

- que subsidiairement, la Cour ne pourra pas donner de solution définitive au litige en l'absence de créance définitive de l'organisme social, étant rappelé en outre qu'ayant présenté une demande de prestation au titre de l'incapacité de gains auprès de l'Office d'assurance invalidité pour les assurés résidant à l'étranger, qui a rejeté sa demande par décision du 8 juillet 2016, [L] [E] a formé un recours contre de cette décision devant le Tribunal administratif fédéral, qui est en cours,

- que dans l'attente de la liquidation définitive de ses préjudices, compte tenu de l'ancienneté de l'accident et de sa consolidation, la victime mais peut solliciter une provision.

Il résulte de la combinaison des articles 378 et 379 du code de procédure civile que la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine et que le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. A l'expiration du sursis, l'instance est poursuivie à l'initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf faculté d'ordonner, s'il y a lieu, un nouveau sursis.

En application de ces dispositions, et alors que la décision de sursis n'est pas infirmée, que, en tant que de besoin, il ne serait pas d'une bonne justice de priver les parties du double degré de juridiction, que les créances des organismes sociaux ne sont pas définitives et qu'un recours est actuellement pendant devant la juridiction suisse, il appartient à [L] [E] et [Y] [I] de poursuivre l'instance pendante devant le tribunal de grande instance de Paris pour la liquidation de leurs préjudices.

La demande d'évocation sera par conséquent rejetée.

5 - Sur les demandes de provisions

5.1 - sur les demandes présentées par [L] [E] et [Y] [I]

[L] [E] sollicite l'infirmation de la décision de première instance ayant limité la provision à 30.000 euros et demande à la Cour de porter son montant à 100.000 euros au regard des conclusions de l'expert et de l'évaluation de ses préjudices d'ores et déjà proposée dans ses conclusions. Il rappelle qu'il a été très gravement blessé dans l'accident et n'avait perçu aucune somme à valoir sur l'indemnisation de son préjudice avant le jugement rendu le 25 octobre 2016.

[Y] [I] sollicite une indemnité provisionnelle de 15.000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices matériel, moral et sexuel par ricochet. Elle indique qu'elle est la compagne d'[L] [E] et la mère des deux enfants du couple ([J] né en [Date naissance 2] et [F] née en [Date naissance 3]), que l'accident a grandement affecté l'organisation de la famille, l'obligeant à cumuler son travail avec les visites à l'hôpital pour soutenir son conjoint et la charge des enfants qu'elle doit assumer seule depuis l'accident.

La GMF et le BCF sollicitent la confirmation du jugement entrepris, aux motifs

- que la demande de provision à hauteur de 100.000 euros est manifestement excessive et n'est soutenue qu'au regard des demandes formées en liquidation de ses préjudices pour un montant total de 865.707,47 euros, lesquelles ne tiennent pas compte des créances de tous les organismes sociaux pour les postes soumis à recours,

- que la réclamation au titre des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle est critiquable puisqu'elle repose sur le postulat qu'aucun reclassement professionnel n'est envisageable et qu'il ne pourra reprendre une activité à temps plein, et alors qu'il n'est pas certain qu'il ne percevra aucune rente puisqu'une procédure est pendante devant la juridiction suisse,

- que la demande provisionnelle présentée par [Y] [I] n'apparaît pas justifiée et devra à tout le moins être ramenée à de plus justes proportions, sous réserve de le preuve du maintien du lien affectif avec la victime directe de l'accident.

La CAISSE SUISSE DE COMPENSATION sollicite la confirmation de la provision allouée en première instance, en l'absence de caractère définitif de sa créance, notamment en raison du recours formé devant le Tribunal administratif fédéral aux fins d'obtention d'une rente invalidité.

Désigné par jugement du 25 octobre 2016 pour examiner [L] [E], le Docteur [V] a clos son rapport le 1er septembre 2017, dont les conclusions sont les suivantes :

- blessures occasionnées par l'accident : fracture du bassin, fracture ouverte du fémur droit avec lésion de l'artère fémorale profonde, fracture du poignet gauche et plaie intra-articulaire du genou droit,

- déficit fonctionnel temporaire total : du 7 juin 2013 au 8 octobre 2013, le 24 janvier 2014, du 27 avril 2015 au 29 avril 2015,

- déficit fonctionnel temporaire partiel de :

75 % du 9 octobre 2013 au 23 janvier 2014 et du 25 janvier 2014 au 3 février 2014,

50 % du 4 février 2014 au 26 avril 2015 et du 30 avril 2015 au 1er juin 2015,

40 % du 2 juin 2015 au 5 octobre 2016,

- tierce personne temporaire : 4 heures par jour durant la période de DFT partiel à 75 %, puis 2 heures par jour durant la période de DFT partiel à 50 %,

- souffrances endurées : 5,5/7,

- préjudice esthétique temporaire (6 mois) : 4,5/7,

- consolidation acquise au 28 novembre 2016 à l'âge de 36 ans,

- soins futurs : au-delà de la consolidation, la kinésithérapie a été prolongée jusqu'au 15 janvier 2017,

- aide technique provisoire (fauteuil roulant), aide technique définitive (cannes anglaises), aménagement du véhicule (boîte automatique, commandes au volant, siège tournant),

- tierce personne viagère : 1 heures par semaine,

- incidence professionnelle : inaptitude au poste précédemment occupé, nécessaire reconversion professionnelle,

- déficit fonctionnel permanent : 33 %,

- préjudice esthétique permanent : 3/7,

- préjudice d'agrément : la pratique du ski, de la course à pied, des randonnées doit être abandonnée, la natation gênée mais possible,

- incidence sexuelle : positionnelle et psychique pendant un an, puis avec un petit degré de pénibilité (pas de rapport durant plus d'une année).

En application de l'accord du 21 juin 1999 signé entre la Confédération suisse et la Communauté Européenne et de l'article 93 du Règlement CEE n°1408/71, le préjudice de la victime est fixé selon les règles du droit français, le recours subrogatoire des organisme suisses s'exerçant dans les limites de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable et le mécanisme du recours subrogatoire se faisant selon les principes du droit suisse, identiques aux principes du droit français, soit poste par poste pour les prestations de même nature.

Les créances des organismes sociaux ne sont pas définitives à ce jour.

Aussi, compte tenu de l'imputation de celles-ci sur les postes soumis au recours des tiers payeurs d'une part, des séquelles causées par l'accident évaluées dans le rapport du Docteur [V] et de l'âge d'[L] [E] au jour de sa consolidation d'autre part, de l'importance prévisible des postes de préjudices exta-patrimoniaux non soumis à recours enfin, la provision de 30.000 euros allouée en première instance sera confirmée et une provision complémentaire de 20.000 euros sera allouée à la victime, en application des mêmes critères d'appréciation, en ce qu'il paraît exclu que les provisions ainsi fixées excèdent l'indemnisation définitive susceptible de lui revenir.

Le jugement de première instance sera en revanche confirmé en ce qu'il a sursis à statuer sur la demande de [Y] [I], dans l'attente de la liquidation du préjudice corporel de la victime directe.

5.2 - sur la demande de la société SWICA ASSURANCES

Agissant en qualité d'assureur-accidents selon la loi fédérale suisse, la SWICA ASSURANCES sollicite le versement de la somme de 343.873,05 CHF à titre de provision à valoir sur sa créance à titre subrogatoire, correspondant aux prestations versées à [L] [E], ainsi ventilées :

- 120.079,05 CHF au titre des dépenses de santé,

- 176.544 CHF au titre des indemnités journalières,

- 47.250 CHF au titre de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité en capital.

Le BCF n'a pas conclu sur cette demande, tandis que la GMF sollicite son rejet.

Dans l'attente de la liquidation des préjudices de la victime, et pour les motifs développés supra s'agissant des modalités du recours des organismes sociaux suisses, le rejet de cette demande de provision par les juges de première instance sera confirmé, en l'absence de fixation de l'assiette du recours de la SWICA ASSURANCES.

6 - Sur les demandes de la société EURODOMMAGES

La société EURODOMMAGES, représentant en France de la société ENTERPRISE INSURANCE COMPANY PLC, agissant en qualité d'assureur responsabilité civile de la motocyclette Yamaha appartenant à [L] [E], sollicite la confirmation du jugement entrepris qui a condamné in solidum la GMF, le BCF et la MACIF à lui rembourser la somme de 3.044,18 euros dont elle a fait l'avance, soit :

- 2.905 euros au titre du préjudice matériel subi par [L] [E] (dont la valeur de remplacement de la motocyclette accidentée),

- 139,18 euros au titre des frais d'expertise engagés.

Le BCF n'a pas conclu sur cette demande, dont la GMF sollicite le rejet.

La demande est justifiée par les pièces versées aux débats (rapport d'expertise, note d'honoraires et quittance d'indemnité).

Compte tenu de la solution du litige, la somme de 3.044,18 euros sera mise à la charge de la GMF et du BCF in solidum.

7 - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

La GMF et le BCF, débiteurs de l'indemnisation, supporteront les entiers dépens de première instance et d'appel in solidum, en ce compris les frais d'expertise médicale.

La demande d'[L] [E] et [Y] [I] tendant à faire supporter par les débiteurs in solidum les sommes retenues par l'huissier par application des articles A.444-31 et suivants du code de commerce sera rejetée comme étant infondée, s'agissant d'un émolument étant à la charge du créancier en application de l'article R.444-55 alinéa 1er du même code.

Leur demande indemnitaire formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera confirmée à hauteur de 2.000 euros pour les frais de première instance et accueillie à hauteur de 5.000 euros en cause d'appel.

Les autres demandes sur le même fondement seront accueillies :

- pour la MACIF à hauteur de 1.500 euros au titre des frais de première instance et 1.500 euros en cause d'appel,

- pour la société EURODOMMAGES à hauteur de 1.000 euros,

- pour la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION et l'OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE INVALIDITÉ à hauteur de 1.500 euros au titre des frais de première instance et 1.500 euros en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

la Cour

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 25 octobre 2016 en ce qu'il a :

- donné acte à la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION et à l'OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE INVALIDITE de leur intervention volontaire,

- dit que le droit à indemnisation d'[L] [E] est entier,

- sursis à statuer sur la liquidation du préjudice d'[L] [E] et de [Y] [I],

- rejeté la demande de provision de la société SWICA ORGANISATION DE SANTE,

- avant dire droit, ordonné une expertise médicale confiée au Docteur [I] [V],

Infirme ledit jugement en ses autres dispositions, et statuant à nouveau dans cette limite,

Déclare recevable le moyen soulevé par la MACIF tiré du défaut d'implication du véhicule Mercedes Classe A conduit par son assurée, [Z] [P],

Dit que le véhicule conduit par [Z] [P] n'est pas impliqué dans l'accident de la circulation dont a été victime [L] [E] le 7 juin 2013,

En conséquence,

Met hors de cause la société MACIF, assureur du véhicule par [Z] [P],

Dit que les véhicules conduits par [E] [R] et [H] [W], respectivement assurés par la société GMF ASSURANCES et le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS, sont impliqués dans l'accident de la circulation dont a été victime [L] [E],

Déclare la société GMF ASSURANCES et le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS obligés in solidum à l'indemnisation intégrale des préjudices subis par [L] [E] en sa qualité de victime directe, et des préjudices subis par [Y] [I] en sa qualité de victime indirecte,

Dit qu'il appartient à [L] [E] et [Y] [I] de poursuivre l'instance pendante devant le Tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir la liquidation de leurs préjudices, compte tenu du sursis à statuer prononcé par cette juridiction,

Condamne in solidum la société GMF ASSURANCES et le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à payer à [L] [E] la somme de 50.000 euros (cinquante mille euros) à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice corporel,

Rejette la demande de provision formée par [Y] [I],

Statuant sur le recours formé par le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à l'encontre de la société GMF ASSURANCES, dit que ces derniers, co-obligés, contribueront chacun pour moitié aux dettes indemnitaires envers les victimes directe et par ricochet,

Condamne in solidum la société GMF ASSURANCES et le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à payer à la société EURODOMMAGES, représentant en France de la société ENTERPRISE INSURANCE COMPANY PLC, placée en liquidation judiciaire, la somme de 3.044,18 euros (trois mille quarante-quatre euros dix-huit centimes), avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

Condamne in solidum la société GMF ASSURANCES et le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

- à [L] [E] et [Y] [I] : 2.000 euros (deux mille euros) au titre des frais de première instance et 5.000 euros (cinq mille euros) en cause d'appel,

- à la MACIF : 1.500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais de première instance et1.500 euros (mille cinq cents euros) en cause d'appel,

- à la société EURODOMMAGES : 1.000 euros (mille euros) en cause d'appel,

- à la CAISSE SUISSE DE COMPENSATION, en son nom propre et en qualité de représentante de l'OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE INVALIDITÉ : 1.500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais de première instance et1.500 euros (mille cinq cents euros) en cause d'appel,

Condamne in solidum la société GMF ASSURANCES et le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Rejette toutes demandes autres, plus amples ou contraires.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 16/25129
Date de la décision : 05/03/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°16/25129 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-05;16.25129 ?
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