Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 05 MARS 2018
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/08228
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/00083
APPELANT
Monsieur [O] [X] [S] [I]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 2]
Représenté par Me Jérôme DEPONDT de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042
Représenté par Me Jacques PRIGENT, avocat au barreau de CAEN
INTIME
MONSIEUR LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS
Pôle Fiscal Parisien 2
ayant ses bureaux [Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Janvier 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
Madame Dominique MOUTHON VIDILLE, Conseillère appelée d'une autre chambre afin de compléter la cour en vertu de l'article R.312-3 du code de l'organisation judiciaire, qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Clémentine GLEMET, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [T] [G], en son vivant retraité et demeurant à [Adresse 3] est décédé le [Date décès 1] 2010, laissant pour recueillir sa succession Monsieur [O] [I], son neveu, et Mesdames [V] [I] épouse [N] et [K] [I] épouse [Z], ses petites-nièces, filles de son autre neveu décédé, Monsieur [C] [I], frère de Monsieur [O] [I].
Cette dévolution a été établie en tenant compte de la renonciation faite suivant acte reçu par le Greffe du tribunal de grande instance de Paris en date du 19 avril 2010 de Madame [L] [G], s'ur du défunt, héritière pour la totalité en pleine propriété, mère de Monsieur [O] [I] et grand-mère de Mesdames [V] [N] et [K] [Z].
L'acte de notoriété constatant la dévolution successorale a été reçu par la société civile professionnelle Barré-Chuiton-Lisch-Violeau, notaires à [Localité 4].
La déclaration de succession a été enregistrée le 25 octobre 2010 au pôle enregistrement du service des impôts des entreprises [Localité 5], [Localité 1] , sous le numéro 2021, avec règlement des droits dus par Monsieur [O] [I] pour 1 591 569 euros. Ces droits ont été liquidés par application des taux de 35 % puis 45 % prévus entre frères et s'urs.
Par une proposition de rectification en date du 5 août 2013 des services de la 1ère brigade départementale de contrôle de fiscalité immobilière-ouest, il a été considéré que la représentation ne pouvait trouver à s'appliquer pour la détermination du taux d'imposition en l'absence de pluralité de frères ou s'urs du de cujus vivants ou ayant des descendants.
Le service a également relevé, dans la détermination du passif successoral, une erreur sur le montant de l'impôt sur le revenu de l'année 2009, une erreur sur celui de l'année 2010 ainsi qu'une erreur sur le montant des prélèvements sociaux relatifs aux revenus de l'année 2009.
Par suite, il a été envisagé un rappel en droits au nom de Monsieur [O] [I] de 362 751 euros assorti d'intérêts de retard pour 50 785 euros.
Dans les observations présentées le 27 septembre 2013 pour le compte de Monsieur [O] [I], le rappel consécutif à la remise en cause du barème a été contesté ainsi que l'application des intérêts de retard.
Les rappels initialement proposés ainsi que les pénalités y afférentes ont été néanmoins confirmés dans la réponse aux observations du contribuable du 25 octobre 2013.
Sur ces bases, le service des impôts des entreprises de Paris 15 ème Saint-Lambert a réclamé à Monsieur [O] [I], par un avis de mise en recouvrement en date du 7 janvier 2014, la somme totale de 413 536 euros dont 362 751 euros de droits et 50 785 euros d'intérêts de retard.
Ces rappels ont été contestés en ce qu'ils résultaient de la remise en cause du barème, par une réclamation contentieuse adressée le 17 janvier 2014 à la Direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris, à savoir pour 407 536 euros dont 357 488 euros de droits et 50 048 euros d'intérêts de retard.
Monsieur [O] [I] a contesté le refus d'appliquer le barème entre frères et s'urs au motif que la représentation a été rendue possible par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et libéralités et que le tableau III de l'article 777 du code général des impôts a été modifié par l'article 82 de la loi de finances pour 2009 permettant d'appliquer aux neveux et nièces venant à la succession en représentation de leur auteur renonçant le tarif qui lui était applicable.
Monsieur [O] [I] a également contesté les intérêts de retard qui lui ont été réclamés au motif qu'ils ne peuvent trouver à s'appliquer, conformément aux dispositions de l'article 1727-II-2 du code général des impôts, dans la mesure où la déclaration de succession contient les motifs de droit et de fait qui ont conduit à donner une qualification qui, si elle était fondée, entraînerait une taxation atténuée.
Par une décision du 20 octobre 2014, l'inspecteur principal des finances publiques pour le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris et par délégation a rejeté la réclamation présentée par Monsieur [O] [I].
Pour le signataire de cette décision, il résulte des dispositions des articles 751 et 752 du code civil que la représentation postule la pluralité de souches alors que Monsieur [T] [G] n'avait qu'une s'ur vivante ou ayant eu des descendants et des dispositions de l'article 777 du code général des impôts qu'il existe une discrimination selon le degré. S'agissant de l'application des intérêts de retard, il est stipulé dans la décision de rejet que la déclaration de succession n'indique aucunement les motifs par lesquels il a été appliqué le tarif prévu entre frères et s'urs.
Par acte d'huissier de justice du 18 décembre 2014, Monsieur [O] [I] a porté la contestation devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'être déchargé des droits d'enregistrement mis à sa charge par l'avis de mise en recouvrement du 7 janvier 2014 à hauteur de 407 536 euros dont 357 488 euros de droits et 50 048 euros d'intérêts de retard et de condamnation de l'Etat à lui payer une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par jugement rendu le 14 mars 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :
- rejeté l'ensemble des demandes de Monsieur [O] [I] ;
- confirmé la décision de rejet du 20 octobre 2014 ;
- condamné Monsieur [O] [I] aux dépens ;
- rejeté la demande de Monsieur [O] [I] formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure précité.
Monsieur [O] [I] a relevé appel de ce jugement le 8 avril 2016.
Par conclusions signifiées le 23 octobre 2017, Monsieur [O] [I] demande à la cour, au visa des article777 et 779 du code général des impôts, d'annuler le jugement entrepris et de juger qu'il doit être déchargé des droits d'enregistrement mis à sa charge par l'avis de mise en recouvrement du 7 janvier 2014 du service des impôts des entreprises de Paris 15ème Saint-Lambert à hauteur de 407 536 euros dont 357 488 euros de droits et 50 048 euros d'intérêts de retard.
Il prie la cour de condamner l'Etat à lui payer une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions signifiées le 9 août 2016, Monsieur le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris demande à la cour de juger M. [I] mal fondé en son appel, de l'en débouter et de confirmer le jugement entrepris.
Il prie la cour de juger irrecevable la demande en restitution de l'appelant et de le condamner à lui payer une indemnité de procédure de 2 000 euros ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Naboudet-Hatet en application des dispositions de l'article 700 (sic) du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction est intervenue par ordonnance du 18 décembre 2017.
SUR CE,
Sur le barème applicable
M. [I] expose que l'administration reconnaît que depuis le 1er janvier 2007, les représentants d'un renonçant ou d'un prédécédé en ligne collatérale se partagent l'abattement personnel dont ce dernier aurait bénéficié et qu'il en résulte que les neveux et nièces, ou les petits-neveux ou petites-nièces, voire les arrière-petits-neveux ou arrière-petites-nièces, venant à la succession de leur oncle ou de leur tante par représentation de leur auteur bénéficient désormais de l'abattement prévu au IV de l'article 779, qu'ils se partagent mais refuse aux héritiers de Monsieur [T] [G] l'application du tarif des droits de mutation à titre gratuit fixé par l'article 777 du code général des impôts entre frères et s'urs vivants ou représentés.
Il soutient que le législateur a entendu fixer une règle fiscale différente de celle du droit civil en modifiant l'article 779 du code général des impôts afin que les représentants d'un renonçant ou d'un prédécédé en ligne collatérale puissent bénéficier de l'abattement personnel de ce dernier y compris en présence d'une souche unique ; que l'article 777 du code général des impôts a également été modifié par l'article 82 de la loi de finances pour 2009 afin d'appliquer aux neveux et nièces venant à la succession en représentation de leur auteur prédécédé ou renonçant le tarif applicable à leur auteur ; que le tableau III de cet article qui était précédemment libellé « Entre frères et s'urs » est devenu libellé « Entre frères et s'urs vivants ou représentés » ; que la représentation ne peut recevoir d'interprétation différente selon qu'il s'agit d'appliquer l'article 779 ou l'article 777 du code général des impôts, alors que le législateur n'a pas entendu établir cette différence.
L'administration fiscale soutient le mécanisme de la représentation a pour objectif d'assurer l'égalité entre les souches en permettant aux descendants d'un même auteur prédécédé de venir à la succession à sa place, en concours avec les autres héritiers ; que dès lors, ce mécanisme ne peut être invoqué en présence d'une seule souche ; que si en matière d'abattement, l'article 51 de la loi de finances rectificative pour 2006 a modifié l'article 779 du code général des impôts afin que les représentants d'un renonçant ou d'un prédécédé en ligne collatérale puissent bénéficier de l'abattement personnel de ce dernier et que depuis le 1er janvier 2007, les neveux ou nièces venant à la succession de leur oncle ou de leur tante par représentation de leur auteur bénéficient désormais en le partageant de cet abattement et qu'en l'espèce, M. [I] a bénéficié de l'abattement personnel de sa mère ayant renoncé à la succession en application de l'article 779 du code général des impôts, il ne peut revendiquer les effets du mécanisme de la représentation en matière de tarif des droits de succession et invoquer l'application du tableau III de l'article 777 du même code pour le calcul des droits de mutation à titre gratuits dont il doit s'acquitter dans le cadre de cette succession et que c'est à bon droit qu'elle a appliqué, dans sa proposition, de rectification le taux de 55 % applicable aux neveux venant à la succession de leur propre chef et non le taux de 35 % puis de 45 % prévu entre frères et s'urs vivants ou représentés.
Ceci étant exposé, il convient de rappeler que la représentation est une fiction juridique qui permet d'appeler à la succession des personnes qui ne pourraient y venir de leur propre chef. L'article 779 du code général des impôts dispose que les représentants d'un renonçant ou d'un prédécédé en ligne collatérale bénéfice de l'abattement personnel de ce dernier, y compris en présente d'une souche unique. Entre frères et s'urs prédécédés ou représentés, l'abattement se divise d'après les règles de la dévolution successorale.
L'administration fiscale a, en l'espèce appliqué l'abattement prévu à l'article 779 précité aux représentants de la s'ur du défunt renonçante.
Le tableau III de l'article 777 du code général des impôt relative aux taux des droits de mutation à titre gratuit est intitulé « Tarif des droits applicables en ligne collatérale et entre non-parents » prévoit au titre de la fraction de part nette taxable, un tarif «Entre frères et s'urs vivants ou représentés » :
n'excédant pas 24 330 euros : 35 %,
supérieures à 24 330 euros : 45 %.
Ainsi, la représentation ne peut recevoir d'interprétation différente selon qu'il s'agit d'appliquer l'article 779 ou l'article 777 du code général des impôts alors que le législateur n'a pas entendu établir cette différence. La représentation permet donc de tenir compte de l'abattement et du barème applicables en fonction du lien de parenté existant entre le défunt et la personne représentée, qu'elle soit prédécédée ou renonçante comme en l'espèce.
Le jugement entrepris sera dès lors infirmé en toutes ses dispositions et M. [I] sera déchargé des droits d'enregistrement mis à sa charge par l'avis de recouvrement du 7 janvier 2014 à hauteur de 407 536 euros dont 357 488 euros de droit et 40 048 euros d'intérêts de retard.
L'administration fiscale sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer à M. [I] la somme de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 14 mars 2016 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
DIT que Monsieur [O] [I] sera déchargé des droits d'enregistrement mis à sa charge par l'avis de recouvrement du 7 janvier 2014 à hauteur de 407 536 euros dont 357 488 euros de droit et 40 048 euros d'intérêts de retard ;
CONDAMNE Monsieur le Directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris aux dépens de première instance et d'appel ;
DEBOUTE Monsieur le Directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris de sa demande d'indemnité de procédure ;
CONDAMNE Monsieur le Directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris à payer à Monsieur [O] [I] la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. GLEMET E. LOOS