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01/03/2018 | FRANCE | N°16/26041

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 01 mars 2018, 16/26041


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 1er MARS 2018



(n° 106, 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/26041



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Décembre 2016 - Président du Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 2016R0216



APPELANTE



SAS FLASHLAB

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 798 923 660



ReprésentÃ

©e et assistée par Me Cyrille AMAR de la SELARL AMAR GOUSSU STAUB, avocat au barreau de PARIS, toque : P0515



INTIMEE



SAS EUROFINS ANALYSES POUR LE BATIMENT EST agissant poursuites et diligenc...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 1er MARS 2018

(n° 106, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/26041

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Décembre 2016 - Président du Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 2016R0216

APPELANTE

SAS FLASHLAB

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 798 923 660

Représentée et assistée par Me Cyrille AMAR de la SELARL AMAR GOUSSU STAUB, avocat au barreau de PARIS, toque : P0515

INTIMEE

SAS EUROFINS ANALYSES POUR LE BATIMENT EST agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 489 017 897

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée par Me Juliette BLOUET de la SELAS VOGEL & VOGEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0151

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Bernard CHEVALIER, Président

Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Mme Véronique DELLELIS, Présidente de chambre

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Bernard CHEVALIER, président et par M. Aymeric PINTIAU, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Flashlab exerce une activité d'analyse de matériaux destinée notamment à la détection de la présence d'amiante et dispose de deux laboratoires d'analyse, un à [Localité 1] et l'autre à [Localité 2].

La SAS Eurofins Analyses pour le Bâtiment Est (Eurofins) est également spécialisée dans les analyses de matériaux et notamment l'amiante.

Des salariés de la société SAS Eurofins ont démissionné au cours de l'année 2014 et ont rejoint la SAS Flashlab.

Par ordonnance en date du 10 février 2015 rectifiée le 23 février 2015, rendue sur la requête déposée par la SAS Eurofins Analyses pour le Bâtiment Est, le président du tribunal de commerce d' Evry a autorisé la copie au sein de la SAS Flashlab de tous documents ou supports d'informations contenant un certain nombre de mots clefs ainsi que les noms des salariés démissionnaires.

La mesure de constat a été exécutée le 31 mars 2015.

Par ordonnance en date du 7 avril 2015 rendue sur la requête déposée par la SAS Flashlab, le président du tribunal de commerce d'Evry a ordonné la mise sous séquestre chez les huissiers de justice de l'ensemble des informations recueillies.

Par acte en date du 23 juin 2015, la SAS Eurofins a fait assigner la SAS Flashlab devant le président du tribunal de commerce d'Evry aux fins de rétractation de l'ordonnance de mise sous séquestre du 7 avril 2015, la SAS Flashlab demandant reconventionnellement la rétractation de l'ordonnance des 10 et 23 février 2015.

Par ordonnance en date du 2 septembre 2015, le président du tribunal de commerce d'Evry s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties devant le juge du fond.

Par déclaration en date du 11 septembre 2015, la SAS Eurofins a fait appel de cette ordonnance et par arrêt en date du 18 octobre 2016, la cour d'appel de Paris a :

- infirmé l'ordonnance de référé en date du 2 septembre 2015 ;

- rétracté l'ordonnance du 7 avril 2015 ;

- ordonné la communication du procès-verbal et des documents annexés.

La SAS Flashlab a formé un pourvoi contre cet arrêt que la Cour de cassation a rejeté par arrêt en date du 16 novembre 2017.

La cour d'appel ayant déclaré la demande en rétractation formée par Flashlab par voie reconventionnelle irrecevable , par acte du 20 octobre 2016, la SAS Flashlab a fait assigner la SAS Eurofins devant le président du tribunal de commerce d'Evry aux fins de rétractations des ordonnances en date des 10 et 23 février 2015 et à titre infiniment subsidiaire de mesure de séquestre.

Le président du tribunal de commerce d'Evry, par ordonnance contradictoire rendue le'7 décembre 2016, a':

- dit irrecevable la demande de séquestre de la SAS Flashlab ;

- débouté les parties de leurs autres demandes';

- condamné la SAS Flashlab à payer à la SAS Eurofins Analyses pour le Bâtiment Est la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et est aux dépens ;

Par déclaration en date du 23 décembre 2016, la SAS Flashlab a fait appel de cette ordonnance.

Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 1er décembre 2017, la SAS Flashlab a demandé à la cour, sur le fondement des articles 31, 122, 145, 377, 378, 496 alinéa 2 et 497 du code de procédure civile, de :

- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce d'Évry en date du 7 décembre 2016 en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de rétractation de l'ordonnance de constat du 10 et 23 février 2015 ;

- dire et juger que la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête en date des 10 et 23 février 2015 fondée sur le moyen tiré de la caducité de cette ordonnance est recevable et relève des pouvoirs du juge de la rétractation ;

- dire et juger que les huissiers désignés par l'ordonnance de constat du 10 et 23 février 2015 ont accompli leur mission en dehors des délais impartis par cette ordonnance, à une date où l'autorisation initiale du juge était devenue caduque ;

- dire et juger que la mesure d'instruction ordonnée par l'ordonnance de constat du 10 et 23 février 2015, qui n'est fondée sur aucun indice sérieux et crédible, n'est justifiée par aucun motif légitime ;

- dire et juger que la mesure d'instruction ordonnée par l'ordonnance de constat du 10 et 23 février 2015 est abusive et disproportionnée par rapport à l'objectif recherché, et donc non légalement admissible ;

- dire et juger qu'il n'est justifié, ni dans la requête de la SAS Eurofins en date du 15 janvier 2015, ni dans l'ordonnance de constat du 10 et 23 février 2015, de l'existence de circonstances propres à l'espèce exigeant de déroger au principe du contradictoire ;

- rétracter en conséquence l'ordonnance de constat du 10 et 23 février 2015 en toutes ses dispositions ;

- condamner la SAS Eurofins à lui verser la somme de 25 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La SAS Flashlab a fait valoir en substance les éléments suivants :

- Le juge de la rétractation est compétent pour constater la non-réalisation d'une condition objective posée par l'ordonnance autorisant le constat ';

- L'ordonnance en date des 10 et 23 février doit être rétractée car elle est caduque'; Le délai d'un mois a couru à compter de la saisine des huissiers du 16 février 2015 soit jusqu'au 16 mars 2015. La modification de l'ordonnance suite à une rectification d'erreur matérielle ne modifie pas ces dates car l'ordonnance est indivisible';

Quelle que soit la date de saisine retenue, les huissiers n'ont pas remis leur procès-verbal dans le délai d'un mois. Fictivement datés du 31 mars 2015, les procès-verbaux produits ont été établis et remis postérieurement puisqu'ils visent des rapports d'expertise datés des 24 et 25 octobre 2016';

- La mesure d'instruction n'était pas légitime'; La SAS Eurofins ne fournit en effet aucun indice sérieux et crédible du prétendu débauchage massif et déloyal qui l'aurait gravement désorganisée. Aucun élément comptable n'est fourni.

La SAS Flashlab n'a jamais cherché à débaucher les salariés de la SAS Eurofins dans le but d'obtenir son accréditation COFRAC. Elle a recruté ses salariés par Pôle Emploi. Les conditions de travail d'Eurofins en trois-huit six jours sur sept peuvent expliquer l'attrait des salariés vers une société comme Flashlab qui a des horaires plus conventionnels.

La SAS Flashlab n'a commis aucun acte de détournement du prétendu savoir-faire de la SAS Eurofins. Les méthodes employées dans le domaine de l'analyse de l'amiante sont les mêmes chez chaque laboratoire.

Il n'y a eu aucune appropriation frauduleuse des données commerciales d'Eurofins aux fins de détournement de clientèle.

- La mesure d'instruction n'est pas légalement admissible. La mesure de constat ordonnée par décision du 10 et 23 février 2015 est disproportionnée car elle a artificiellement limité dans le temps la mission des huissiers. Il n'a pas été prévu que ces derniers signifieraient au saisi la date de leur saisine.

La mesure d'instruction est disproportionnée et s'apparente à une mesure d'investigation générale. Les investigations étaient sans limite temporelle et une véritable intrusion car les mots clés ont permis d'accéder à l'intégralité des données et documents stratégiques et financiers de la SAS Flashlab. Eurofins a ainsi pu accéder au document LAB FORM 03 qui est un questionnaire confidentiel, des documents commerciaux et confidentiels concernant des clients, l'ensemble des documents des ressources humaines concernant le personnel, des documents soumis au secret professionnel et au secret des affaires entre les dirigeants et leurs avocats. Aucune mesure de séquestre n'a été prévue.

- Les circonstances ne permettaient pas une dérogation au principe du contradictoire. La requête et l'ordonnance ne visent aucune circonstance autre que la nécessité de créer un effet de surprise et la requérante n'a donc pas suffisamment motivé sa demande.

La SAS Eurofins, par conclusions transmises par voie électronique le 13 décembre 2017, a demandé à la cour de :

A titre principal :

- surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation à intervenir dans le cadre du pourvoi n° G 1626.383 formé par la SAS Flashlab à l'encontre de l'arrêt d'appel rendu par la Cour de céans le 18 octobre 2016 (RG n°15/18378) ;

A titre subsidiaire :

- confirmer l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce d'Evry le 7 décembre 2016 en ce qu'elle a débouté la SAS Flashlab de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre très subsidiaire :

sur les demandes relatives à la caducité :

- constater dire et juger que les demandes de la SAS Flashlab visant à faire constater la caducité des ordonnances des 10 et 23 février 2015 concernent l'exécution de la mesure d'instruction et non son bien-fondé, et qu'elles ne relèvent donc pas des pouvoirs du juge de la rétractation ;

- constater dire et juger que les demandes de la SAS Flashlab visant à faire juger que les ordonnances seraient devenues caduques sont irrecevables ;

- et, à défaut constater dire et juger que les demandes de la SAS Flashlab visant à faire juger que les ordonnances seraient devenues caduques sont infondées ;

- en conséquence, débouter la SAS Flashlab de sa demande visant à faire rétracter les ordonnances des 10 et 23 février 2015 du fait qu'elles seraient devenues caduques.

sur les demandes relatives à la rétractation des ordonnances des 10 et 23 février 2015 :

- constater dire et juger que la mesure d'instruction ordonnée les 10 et 23 février 2015 est fondée sur des indices sérieux et est parfaitement légitime ;

- constater dire et juger que la mesure d'instruction ordonnée les 10 et 23 février 2015 est parfaitement circonscrite, limitée à l'objet du litige et qu'elle est donc légalement admissible ;

- constater dire et juger que la dérogation au principe du contradictoire était justifiée par la mise en évidence des graves indices de concurrence déloyale commis par la SAS Flashlab ;

- constater dire et juger que les conditions de l'article 145 sont réunies, ce qui est d'ailleurs confirmé par le contenu des documents remis par les huissiers instrumentaires ;

- en conséquence, débouter la SAS Flashlab de sa demande visant à faire rétracter les ordonnances des 10 et 23 février 2015.

- débouter la SAS Flashlab de toutes ses demandes, fins et conclusions à son encontre ;

- condamner la SAS Flashlab à lui verser la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Bolling Durand Lallement, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La SAS Eurofins a exposé en résumé ce qui suit :

- La demande de la SAS Flashlab de rétractation des ordonnances des 10 et 23 février 2015 fondée sur la caducité de cette ordonnance est irrecevable et infondée'; La jurisprudence retient que le contentieux de l'exécution d'une ordonnance rendue sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne relève pas des pouvoirs du juge de la rétractation. Le délai d'un mois a commencé à courir le 5 mars 2015 et non le 26 février 2015. L'ordonnance était inexécutable et c'est la raison pour laquelle elle a été rectifiée le 23 février 2015 pour y indiquer que les huissiers auraient la faculté de se faire assister par un informaticien et transmise aux huissiers le 5 mars 2015. La jurisprudence retient que le point de départ du délai d'exécution de l'ordonnance peut être fixé à la date de l'ordonnance rectifiée si la décision rectificative affecte les conditions de son exécution.

L'ordonnance de séquestre est venue geler la mesure d'instruction, empêchant les huissiers de finaliser l'exécution de leur mission. La cour de cassation saisie du pourvoi sur l'arrêt de la cour d'appel du 18 octobre 2016 a bien retenu que «'la mesure de séquestre, qui 'gèle' la mesure d'instruction qu'elle avait obtenue, laquelle restait valide tant qu'elle n'avait pas fait l'objet d'une quelconque décision,...'».

Les procès-verbaux ont été remis à la SAS Eurofins en temps utile. Même si l'on devait considérer que la mission des huissiers était enfermée dans un délai, ce qui est contraire aux termes de l'arrêt d'appel du 18 octobre 2016, ce délai ne commencerait à courir que le 24 octobre 2016 date où les experts informatiques ont pu finaliser leur mission.

- La mesure d'instruction contestée est parfaitement légitime et justifiée. La mesure d'instruction est justifiée par des indices sérieux et crédibles de man'uvres déloyales commises par la SAS Flashlab. Il y a eu un débauchage massif du personnel. Le départ massif des salariés de la SAS Eurofins a occasionné une désorganisation. La SAS Eurofins n'avait jamais connu un départ en si grand nombre. Le débauchage des salariés de la SAS Eurofins a été réalisé dans l'objectif d'utiliser leur compétence, avant même leur départ de cette société, dans le but d'obtenir l'accréditation COFRAC. Les documents remis par les huissiers ont confirmé qu'au moins deux salariés ont commencé à travailler avant leur départ. La SAS Flahlab a détourné le savoir-faire et de la documentation technique de la SAS Eurofins en vue d'obtenir une accréditation COFRAC. Elle a ainsi copié les méthodes internes mises au point par la SAS Eurofins.

La SAS Flashlab s'est appropriée les données commerciales de la Sas Eurofins afin de tenter de détourner sa clientèle. Les anciens salariés ont contacté les salariés pour connaître les prix pratiqués.

- La mesure d'instruction est utile et indispensable. La SAS Eurofins a été victime d'actes graves et déloyaux dont elle s'est remise après un délai de deux ans, après avoir subi des pertes de clients et de chiffre d'affaires.

- Le caractère légalement admissible de la mesure de constat ordonnée par décisions des 10 et 23 février 2015 est incontestable.

- La mesure d'instruction en cause est strictement proportionnée. L'objet de la mesure est limité à des documents précisément définis notamment à l'aide d'une liste de mots clefs précis et déterminés et d'un encadrement temporel encadrant les recherches. La liste des mots clefs ne permet pas d'avoir accès à l'ensemble des documents, s'agissant des noms des salariés débauchés ainsi que des codes internes à la SAS Eurofins qui n'avaient donc aucune raison de se retrouver dans les documents de la SAS Flashlab. L'objet de la mesure est limité aux seuls éléments en rapport avec le dossier. Cette limitation est admise par la jurisprudence et ne confère pas aux huissiers un pouvoir d'appréciation juridique. La mesure contestée n'implique aucun risque de transmission d'informations confidentielles ou privées. L'absence de séquestre prévu dans l'ordonnance ne confère pas à cette dernière un caractère excessif ou disproportionné. L'absence d'obligation de remise à la SAS Flashlab des procès-verbaux à l'issue des opérations n'est en aucun cas de nature à conférer à cette mesure un caractère excessif ou disproportionné.

- La dérogation au principe du contradictoire était parfaitement justifiée. Au jour de la requête, la SAS Eurofins disposait d'indices sérieux permettant de penser que la SAS Flashlab se livrait à des manoeuvres graves de concurrence déloyale.

MOTIFS

Il n'y a plus lieu de se prononcer sur la demande de sursis à statuer présentée par la société SAS Eurofins dans l'attente des suites du pourvoi diligenté contre l'arrêt rendu par cette cour le 18 octobre 2016 puisque la cour de cassation a d'ores et déjà rendu un arrêt de rejet sur ce point.

Lorsque les opérations de constat et de mise sous séquestre ordonnées par voie de requête en application des dispositions de l'article 493 et suivants du code de procédure civile sont réalisées après le délai imparti par le juge, l'autorisation de ce dernier devient caduque et les opérations menées en exécution de l'ordonnance n'ont plus de fondement juridique.

Si'le contentieux de l'exécution de la mesure d'instruction ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, qui n'affecte pas la décision ayant ordonné cette mesure, ne relève pas des pouvoirs du juge de la rétractation la question de la caducité d'une ordonnance, qui remet en cause l'effectivité même de l'ordonnance relève de ce juge.

En l'espèce, dans le cadre de l'ordonnance du 10 février 2015 rectifiée par l'ordonnance du 23 février, la mission confiée aux huissiers de justice, laquelle consistait notamment à dresser un procès-verbal de leurs opérations auquel serait annexée la copie des documents et des constatations effectuées, avait été expressément limitée dans le temps, ceux-ci devant accomplir leur mission dans le mois de leur saisine. Il était prévu qu'à défaut de l'exécution de celle-ci par la remise à cette date du constat ordonné, les huissiers instrumentaires seraient de plein droit déchargés de leur mission , privés de tout pouvoir.

L'absence de réalisation de la mesure d'instruction dans le mois de la saisine des huissiers instrumentaires entraînait donc aux termes de l'ordonnance du 10 février 2015 la caducité de ladite ordonnance en ce qu'elle ordonnait une mesure d'instruction in futurum.

Il convient de constater que l'ordonnance en date du 5 mars 2015 est une pure ordonnance rectificative. Elle se limite à préciser que pour mener à bien sa mission, l'huissier pourra se faire assister par un expert en informatique.

Cette ordonnance rectificative ne peut par essence modifier le fond de la décision et modifier les droits des parties. Cette décision fait corps avec la décision initiale, sans l'annuler et sans pouvoir s'y substituer.

L'ordonnance rectificative n'a pas en l'espèce alloué un nouveau délai d'un mois à la société requérante pour faire exécuter la mission par les huissiers instrumentaires saisis.

Il résulte des énonciations même de la société Eurofins dans ses écritures prises lors de la première procédure d'appel que ladite société a saisi les huissiers instrumentaires à la date du 16 février 2015.

La cour se doit de constater que les huissiers instrumentaires n'ont exécuté leur mission que le 31 mars 2015 soit plus d'un mois après leur saisine.

A supposer même que l'ordonnance rectificative ait ouvert un nouveau délai de 1 mois pour l'exécution de la mesure, ce délai expirait au 23 mars 2015, puisque les huissiers avaient été saisis antérieurement par la société Eurofins, cette dernière n'ayant été aucunement dans l'impossibilité d'agir.

Dès lors, il convient d'en conclure que la société Flashlab est en droit de se prévaloir de la caducucité de l'ordonnance autorisant la mesure d'instruction in futurum ;

Aucune autorité de chose jugée ne peut s'opposer à cette demande dès lors que la cour dans le cadre de son arrêt rendu le 18 octobre 2016 s'est bornée à donner mainlevée du séquestre en ordonnant la communication du procès-verbal récapitulant l'ensemble des opérations des huissiers auquel est annexée la copie de l'ensemble des documents et constatations effectuées, la cour constatant par ailleurs que l'ordonnance du 10 février 2015 n'avait encore fait l'objet d'aucune procédure de nature à la remettre en cause et qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur le bien-fondé de l'autorisation donnée par le président du tribunal de commerce d'Evry aux fins de constat par ordonnances des 10 et 23 février 2015 lesquelles n'entraient pas dans sa saisine et bénéficiaient d'une voie de recours spécifique ne pouvant être exercée par voie de demande reconventionnelle.

Il convient en conséquence par infirmation de la décision entreprise de constater la caducité de l'autorisation donnée par le juge de la requête aux fins de constat et de rétracter ladite requête.

Il sera précisé que cette décision emporte toutes conséquences de droit et donc l'annulation des mesures de constat

Il convient de dire que la société Eurofins supportera les dépens de première instance et d'appel.

Elle sera par ailleurs condamnée à payer à la société Flashlab une indemnité procédurale comme indiqué au présent dispositif.

PAR CES MOTIFS

INFIRME l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

CONSTATE la caducité de l' autorisation donnée par le juge des requêtes aux fins de constat suivant ordonnance du 10 février 2015 rectifiée le 23 février 2015 ;

PRONONCE la rétractation de ladite ordonnance ;

DIT que cette rétractation emporte toutes conséquences de droit et donc l'annulation des constats effectués en exécution de cette ordonnance ;

CONDAMNE la SAS Eurofins aux dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE la SAS Eurofins à payer à la SAS Flashlab la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 16/26041
Date de la décision : 01/03/2018

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°16/26041 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-01;16.26041 ?
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