La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/03/2018 | FRANCE | N°16/10985

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 01 mars 2018, 16/10985


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 01 Mars 2018



(n° , pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/10985



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN RG n° 15/00999





APPELANT

Monsieur [R] [E]

né le [Date naissance 1] à [Localité 1] (Turquie)

[Adresse 1]

[Localité 2]<

br>
représenté par Me Aurore CHAMPION, avocat au barreau de MELUN, toque : M71 substitué par Me Ashvane FOWDAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1349





INTIMEE

CAF 77 - SEINE ET MARNE

[Adresse 2]...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 01 Mars 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/10985

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN RG n° 15/00999

APPELANT

Monsieur [R] [E]

né le [Date naissance 1] à [Localité 1] (Turquie)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Aurore CHAMPION, avocat au barreau de MELUN, toque : M71 substitué par Me Ashvane FOWDAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1349

INTIMEE

CAF 77 - SEINE ET MARNE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par M. [N] en vertu d'un pouvoir spécial

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 3]

[Localité 4]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Décembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Elisabeth LAPASSET-SEITHER, présidente de chambre

Monsieur Luc LEBLANC, conseiller

Madame Marie-Odile FABRE DEVILLERS, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Elisabeth LAPASSET-SEITHER, présidente de chambre et par Mme Venusia DAMPIERRE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [E] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun en date du 17 juin 2016 dans un litige l'opposant à la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne.

EXPOSE DU LITIGE

Victime d'un accident vasculaire cérébral en 2011, M. [E] s'est vu accordé par la CDAPH une allocation adulte handicapé (ci après AAH) à compter de février 2012. Par décision du 17 octobre 2014, la CDAPH lui a supprimé le bénéfice de cette allocation à effet du 1er février 2014. Par courrier du 18 novembre 2014, la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne lui a notifié un indu de 7 132,16 €, ramené à 5 813,99 € après déduction d'un rappel de RSA au titre de février à avril 2014. Le 21 octobre 2015, M. [E] a saisi la commission de recours amiable. Faute de décision explicite, il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun.

Par jugement rendu le 17 juin 2016, ce tribunal a :

- débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [E] à payer à la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne la somme de 3989,60€.

Par décision du 14 octobre 2016, le tribunal du contentieux de l'incapacité a accordé à M. [E] le bénéfice de l'AAH jusqu'en avril 2014.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, M. [E] demande à la cour de:

- infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- dire que la prétendue compensation légale opérée par la caisse d'allocations familiales entre l'AAH et l'allocation logement est illégale,

- condamner la caisse d'allocations familiales à lui verser la somme de 2 477 € au titre du rappel d'allocation logement d'avril à novembre 2015, augmentée de 309,57 € par mois écoulé à compter du 1er décembre 2015,

- condamner la caisse d'allocations familiales à lui payer la somme de 5 000 € au titre du préjudice subi à la suite de la compensation illégale opérée,

- dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale,

- prononcer la capitalisation des intérêts par périodes annuelles,

- condamner la caisse d'allocations familiales à payer à Me Champion la somme de 2 000 € au titre des honoraires et frais au titre de l'article 700 - 2° du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'elle renonce à sa part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle,

- débouter la caisse d'allocations familiales de l'ensemble de ses demandes,

faisant valoir que :

- par application des articles 1289 et suivants du code civil et L.835-2 du code de sécurité sociale, la compensation entre l'indu d'AAH et l'allocation logement est illégale,

- la compensation est établie par le courrier de la caisse d'allocations familiales du 10 septembre 2015, et le non-versement de l'allocation logement en avril 2015 est antérieur à la découverte du 9 juillet 2015 du non- respect du plan d'apurement, aucune décision de retrait d'allocation logement n'étant par ailleurs produite,

- la compensation judiciaire est impossible,

-car la créance de répétition de l'indu est litigieuse, s'agissant d'une dette non certaine, la décision du 17 octobre 2014 était rétroactive, son état s'était empiré, et il avait saisi le TCI,

-car il existe une procédure spécifique de récupération d'indu prévue par l'article L.821-5-1 du code de sécurité sociale; la créance était contestée devant le tribunal du contentieux de l'incapacité; l'article D553-1 interdit la retenue de l'intégralité de l'allocation, et le courrier du 18 novembre 2014 ne mentionnait ni les voies de recours, ni les délais,

- le caractère illicite de la compensation justifie le rappel de ses droits à allocation logement supprimés depuis avril 2015 et réduits de 48 € antérieurement,

- les retenues lui ont causé un préjudice important, n'ayant aucun revenu professionnel, et se retrouvant sous la menace d'une expulsion,

- la demande reconventionnelle de la caisse est injustifiée, un simple détail est fourni et la procédure de répétition de l'indu n'a pas été respectée,

- le concluant a dû exposer de nouveaux frais de procédure.

Aux termes de ses conclusions reprises oralement à l'audience par son représentant, la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne requiert de la cour de confirmer le jugement entrepris,

aux motifs que :

- l'AAH est conditionnée par la décision de la CDAPH selon les articles L.821-4 et R.831-2 du code de sécurité sociale, le refus de renouvellement au 1er février 2014 générant un trop-perçu,

- il n'y a eu aucune retenue sur l'allocation logement au titre de l'indu d'AAH mais seulement sur ses droits au RSA,

- le recours au tribunal du contentieux de l'incapacité n'est pas suspensif s'agissant d'un contentieux purement médical,

- les retenues mensuelles de 48 € notifiées le 18/11/2014 n'ont pas été contestées par M. [E], même dans sa saisine de la commission de recours amiable où il considérait à tort que son aide au logement était retenue pour l'indu AAH alors qu'elle était suspendue à compter de mars 2015 pour loyers impayés,

- la décision du tribunal du contentieux de l'incapacité du 14 octobre 2016 a entrainé un rappel d'AAH de février à avril 2014 et un indu de RSA pour la même période, soit 1 052,37 €,

- la suspension de la créance a été levée afin que le rappel de 1 052,37 € vienne en déduction de l'indu et évite un double paiement,

- les retenues de 48 € ont été maintenues d'avril à septembre 2017,

- le montant total des retenues effectuées postérieurement à la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale a été reversé le 07/09/2017 pour la somme de 1 340,37 €,

- le solde de trop-perçu d'AAH est donc toujours de 3 989,60 €,

- les droits à l'allocation logement ont été suspendus à compter du 1er mars 2015 suite à une dette de loyers et rétablis au vu d'une attestation du bailleur du 10/10/2015.

SUR CE,

-Sur l'existence d'un trop-perçu

L'article L.821-4 du code de sécurité sociale dispose que l'allocation aux adultes handicapés est accordée sur décision de la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles.

L'article R.821-2 ajoute en son alinéa 3, qu' "au vu de la décision de la commission et après avoir vérifié que le demandeur remplit les conditions administratives et financières exigées, l'organisme débiteur prend la décision de liquidation des prestations...".

Il se déduit de ces dispositions que la caisse d'allocations familiales est tenue par la décision de la CDAPH et que celle-ci ayant décidé, le 17 octobre 2014, de supprimer à M. [E] le bénéfice de cette allocation à effet du 1er février 2014, elle ne pouvait que tirer immédiatement et indépendamment de toute saisine du tribunal du contentieux de l'incapacité les conséquences de cette décision.

Aussi, c'est à juste titre que par courrier du 18 novembre 2014, elle lui a notifié un indu au titre de l'AAH versée de février à avril 2014 de 7 132,16 €, ramené à 5 813,99 € après déduction d'un rappel de RSA. Ce courrier précisait "en cas de désaccord, vous disposez de deux mois pour contester cette décision". Si les modalités de ces voies de recours n'étaient pas précisées pour l'indu AAH, comme l'indique à juste titre M. [E], cela n'a pas pour effet d'annuler la notification mais seulement de permettre un recours même hors délais. D'ailleurs, M. [E] écrivait dès le 24 novembre 2014 à la caisse en visant le courrier du 18 novembre pour l'informer de ses difficultés à payer ses loyers et de son recours gracieux au président de la CDPH.

A la date du 18 novembre 2014, le trop-perçu était donc justifié et non contesté dans son montant, ce qui en faisait une créance certaine.

- Sur les compensations invoquées

La notification du 18 novembre 2014 visait un indu au titre de l'AAH à compter de février 2014 de 7132,16€, ramené à 5 813,99 € après déduction d'un rappel de RSA, et précisait : "Vous nous devez 5 813,99 €. Cette dette s'ajoute à votre dette précédente. Pour vous permettre de rembourser, nous continuerons à retenir 48 € sur vos allocations." En fin de page, il était ajouté qu'à partir de novembre 2014, les droits à l'allocation logement de 309,57 € étaient donc réduits de 48 €, soit un montant de 261,57 € versé à la SCI [Localité 5] (bailleur).

Si l'article L.835-2 du code de sécurité sociale prévoit que "la créance du bénéficiaire de l'allocation de logement est incessible et insaisissable", l'article L821-5-1 applicable aux faits de l'espèce, dispose que "tout paiement indu de prestations mentionnées au présent titre est, sous réserve que l'allocataire n'en conteste pas le caractère indu, récupéré sur l'allocation à venir ou par remboursement intégral....A défaut, l'organisme payeur peut, dans des conditions fixées par décret, procéder à la récupération de l'indu par retenues sur les échéances à venir dues, soit au titre des prestations familiales mentionnées à l'article L. 511-1, soit au titre de l'allocation de logement mentionnée à l'article L. 831-1, soit au titre de l'aide personnalisée au logement mentionnée à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation, ...".

La compensation entre l'indu d'AAH et l'allocation logement n'est donc pas illégale, mais limitée dans sa forme et son montant, et la saisine du tribunal du contentieux de l'incapacité ne valant pas contestation de l'indu lui-même mais seulement du taux d'incapacité retenu, la caisse d'allocations familiales pouvait légitimement opéré un prélèvement de 48 € sur une allocation de 309,57 € respectant ainsi les conditions de l'article D.553-1.

Le courrier de la caisse d'allocations familiales du 10 septembre 2015 invoqué par M. [E] fait état du non versement de l'aide au logement d'avril à juin 2015 pour un montant de 928,71 €, et précise que "ce rappel de l'aide au logement ne sera pas versé mais retenu pour le remboursement de votre dette envers nos services".

Or, l'on ne saurait déduire de ce courrier que la somme visée aurait été retenue au titre de l'indu d'AAH. De plus, il ressort des pièces versées aux débats que, par différents courriers dont celui du 11 février 2015, la caisse d'allocations familiales écrivait à M. [E] qu'elle n'avait toujours pas reçu le plan d'apurement de sa dette, et qu'à défaut de le recevoir avant le 31 mars 2015, elle interromprait le versement de l'aide au logement. Or c'est effectivement ce qui s'est passé dès avril 2015, la copie du plan d'apurement portant la date du 6 mai 2015, soit bien postérieurement au 31 mars.

En conséquence, le non versement de l'allocation logement à compter d'avril 2015 ne peut être imputé à l'indu d'AAH et il ne saurait justifier le rappel de droits sollicité, pas plus que des dommages et intérêts, la demande ne reposant que sur l'existence de retenues illicites.

- Sur les sommes dues :

Le courrier du 18 novembre 2014 avait chiffré l'indu au titre de l'AAH versée de février à avril 2014 à 7132,16 €, somme ramenée à 5 813,99 €.

Depuis le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale fixant à 3 869,60 € la dette due par M. [E] à la caisse d'allocations familiales , la décision du tribunal du contentieux de l'incapacité du 14 octobre 2016 a entraîné un rappel d'AAH de février à avril 2014 et un indu de RSA pour la même période, soit 1 052,37 € réglés, et le montant total des retenues effectuées postérieurement à la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale a été reversé pour la somme de 1 340,37 €.

En conséquence, le solde de trop-perçu d'AAH est donc toujours de 3 989,60 €, et il convient de confirmer le jugement entrepris.

-Sur les demandes annexes

Eu égard à la décision rendue, il convient de rejeter la demande présentée par l'appelant sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris,

Y ajoutant,

REJETTE la demande présentée par l'appelant sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

FIXE le droit d'appel prévu par l'article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelant qui succombe au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L241-3 du code de la sécurité sociale et condamne M. [E] au paiement de ce droit ainsi fixé à la somme de 326,90 €.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 16/10985
Date de la décision : 01/03/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°16/10985 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-01;16.10985 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award