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01/03/2018 | FRANCE | N°16/06310

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 01 mars 2018, 16/06310


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 1er MARS 2018



(n° , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/06310



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Février 2016 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 15/06719





APPELANTS



Madame [T] [S]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse

1]



Monsieur [Y] [C] (en réalité [W])

né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Monsieur [E] [Y]

né le [Date naissance 3] 1983

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Mons...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRET DU 1er MARS 2018

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/06310

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Février 2016 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 15/06719

APPELANTS

Madame [T] [S]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Monsieur [Y] [C] (en réalité [W])

né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Monsieur [E] [Y]

né le [Date naissance 3] 1983

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Monsieur [R] [J]

né le [Date naissance 4] 1983 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Madame [N] [J]

née le [Date naissance 5] 1980 à [Localité 1]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentés par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050, avocat postulant

Représentés par Me Pierre LADREIT DE LACHARRIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : E.0056, avocat plaidant .

INTIME

PÔLE EMPLOI

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté par Me Bruno MARCUS, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 3, avocat postulant et plaidant

Représenté par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 novembre 2017 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant

Madame Catherine MÉTADIEU, Président

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine MÉTADIEU, Président

Madame Patricia DUFOUR, Conseiller appelé à compléter la chambre par ordonnance de roulement en date du 31 août 2017

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Monsieur Antoine PIETRI, avocat général, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, Président et par Madame FOULON, Greffier.

********

Statuant sur l'appel interjeté par Mme [T] [S], M. [Y] [C] (en réalité [W]), M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J] d'un jugement rendu le 08 février 2016 par le tribunal de grande instance d'Evry lequel, saisi par les intéressés de demandes tendant essentiellement à voir constater qu'ils ne doivent rien à Pôle emploi et qu'ils disposent d'un jugement leur reconnaissant la qualité de salariés ainsi qu'à obtenir la condamnation de Pôle emploi à reprendre les versements de l'allocation de retour à l'emploi (ARE) avec rappel des sommes impayées et à leur verser à chacun la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts, demandes contestées par Pôle emploi qui a reconventionnellement sollicité le remboursement des allocations indûment perçues, a':

- débouté Mme [T] [S] de ses demandes,

- condamné Mme [T] [S] à verser à Pôle emploi la somme de 117 609,97 € au titre des prestations servies du 7 mars 2012 au 6 février 2015, pour la période du 14 février 2012 au 18 janvier 2015, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté M. [Y] [W] de ses demandes,

- condamné M. [Y] [W] à verser à Pôle emploi la somme de 64 982,40 € au titre des prestations servies du 8 juin 2012 au 1er avril 2014, pour la période du 1er mai 2012 au 31 mars 2014, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté M. [E] [Y] de ses demandes,

- condamné M. [E] [Y] à verser à Pôle emploi la somme de 103 263,74 € au titre des prestations servies du 9 avril 2013 au 31 mai 2014, pour la période du 10 mars 2013 au 31 mai 2014, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté Mme [N] [J] de ses demandes,

- condamné Mme [N] [J] à verser à Pôle emploi la somme de 93 074 € au titre des prestations servies du 2 août 2012 au 28 août 2014, pour la période du 31 mai 2012 au 13 août 2014, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté M. [R] [J] de ses demandes,

- condamné M. [R] [J] à verser à Pôle emploi la somme de 111 467,17 € au titre des prestations servies du 29 janvier 2012 au 31 octobre 2014, pour la période du 1er janvier 2012 au 2 octobre 2014, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J] à verser chacun à Pôle emploi la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J] aux dépens,

Vu l'ordonnance rendue le 12 janvier 2017 par le magistrat chargé de la mise en état, qui a rejeté la demande de sursis à statuer présentée par Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J] au motif que Pôle emploi avait déposé plainte à leur encontre et contre la société BLUE LIVE EVENTS des chefs d'escroquerie, falsification de documents, faux et usage de faux,

Vu les dernières conclusions transmises le 28 septembre 2017 par Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J], qui demandent à la cour de':

- infirmer le jugement entrepris,

- constater qu'ils ne doivent rien à Pôle emploi,

- condamner Pôle emploi à reprendre immédiatement les versements des allocations de retour à l'emploi (ARE) avec le rappel des sommes non payées,

- rejeter l'appel incident formé par Pôle emploi,

- condamner Pôle emploi à verser à chacun d'eux la somme de 100 000 € à titre de dommages-intérêts,

- condamner Pôle emploi à verser à chacun d'eux la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel,

Vu les dernières conclusions transmises le 24 octobre 2017 par l'institution publique Pôle emploi, intimée qui forme un appel incident et demande à la cour de':

- confirmer la décision entreprise et rejeter l'ensemble des demandes formulées par Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J] à son encontre,

- l'accueillir en son appel incident et ajoutant à la décision querellée, condamner':

- Mme [N] [J] à lui verser la somme de 215 871,18 € au titre des allocations d'aide au retour à l'emploi sur la période du 18 avril 2008 au 28 août 2014,

- Mme [T] [S] à lui verser la somme de 245 942,56 € au titre des allocations d'aide au retour à l'emploi sur la période du 4 septembre 2008 au 6 février 2015,

- M. [Y] [W] à lui verser la somme de 131 895,45 € au titre des allocations d'aide au retour à l'emploi sur la période du 24 juin 2010 au 1er avril 2014,

- M. [E] [Y] à lui verser la somme de 176 181,04 € au titre des allocations d'aide au retour à l'emploi sur la période du 1er octobre 2008 au 30 mai 2014,

- M. [R] [J] à lui verser la somme de 229 631,24 € au titre des allocations d'aide au retour à l'emploi sur la période du 25 août 2008 au 31 octobre 2014,

- condamner les appelants aux intérêts de droit à compter des mises en demeure des 10 février 2015 et 18, ou 24, septembre 2015 et 18 octobre ou 13, ou 20 novembre 2015,

- condamner encore chacun des appelants à lui verser la somme de 5 000 € supplémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement les appelants aux dépens de première instance et d'appel,

La cour se référant expressément aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 octobre 2017,

Vu les observations orales du ministère public à l'audience du 09 novembre 2017,

Vu la possibilité offerte aux parties à l'audience de reprendre la parole après les observations du ministère public,

SUR CE, LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Se déclarant salariés intermittents de la société BLUE LIVE EVENTS, Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J] ont depuis plusieurs années régulièrement été pris en charge par Pôle emploi au titre de l'assurance chômage.

A la fin de l'année 2013, les services de la prévention et de la lutte contre la fraude de Pôle emploi d'Ile de France ont conduit diverses investigations sur la situation de la société BLUE LIVE EVENTS et des cinq personnes précitées prétendant avoir été ses salariés.

Ces investigations ont révélé l'existence d'anomalies importantes et cumulatives.

A compter du mois de septembre 2014, Pôle emploi a sollicité la communication de nombreux documents relatifs aux activités salariées en cause, tant auprès de la gérante de la société BLUE LIVE EVENTS que de Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J].

Les 19 novembre et 04 décembre 2014, Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J] ont saisi en référé le conseil de prud'hommes d'Evry de demandes dirigées contre la société BLUE LIVE EVENTS tendant au paiement de rappel de salaires et des congés payés afférents sur les années 2011, 2012 et 2013.

Par ordonnance de référé du 29 janvier 2015, le conseil de prud'hommes d'Evry a, après jonction des cinq procédures':

- constaté l'existence d'un accord transactionnel entre les requérants, Mme [N] [J], Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y] et M. [R] [J] d'une part, et la SARL BLUE LIVE EVENTS, société défenderesse, d'autre part,

- donné acte aux parties de leur accord transactionnel, établi préalablement avant l'audience et selon les termes fixés par elles comme suit':

«'La SARL BLUE LIVE EVENTS, prise en la personne de son représentant légal, versera par mensualités, sur un délai de 24 mois, aux personnes ci-dessous désignées, les sommes suivantes':

- à Madame [N] [J]':

- 37 445,35 € à titre de rappel de salaires 2011, 2012 et 2013,

- 3 744,53 € à titre de congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil, soit le 19 novembre 2014,

- à Madame [T] [S]':

- 43 679,67 € à titre de rappel de salaires 2011, 2012 et 2013,

- 4 369,96 € à titre de congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil, soit le 19 novembre 2014,

- à Monsieur [Y] [W]':

- 51 750,04 € à titre de rappel de salaires 2011, 2012 et 2013,

- 5 175,00 € à titre de congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil, soit le 19 novembre 2014,

- pour Monsieur [E] [Y]':

- 37 445,35 € à titre de rappel de salaires 2011, 2012 et 2013,

- 3 744,53 € à titre de congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil, soit le 04 décembre 2014,

- pour Monsieur [R] [J]':

- 66 993,57 € à titre de rappel de salaires 2011, 2012 et 2013,

- 6 699,35 € à titre de congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil, soit le 04 décembre 2014'»,

- débouté les demandeurs de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit qu'une expédition conforme de l'ordonnance serait communiquée par le greffe à l'URSSAF et à Pôle emploi,

- laissé les dépens à la charge des parties,

Par ordonnance du 19 novembre 2015 rendue sur tierce opposition formée par l'AGS CGEA IDF EST (l'AGS), la formation de référé du conseil de prud'hommes d'Evry dira que l'ordonnance de référé en date du 29 janvier 2015 n'est pas opposable à l'AGS.

Par courriers du 10 février 2015, Pôle emploi a informé les cinq allocataires qu'au terme de la procédure de contrôle les éléments rassemblés ne permettaient pas de conclure à l'existence des contrats de travail avec la société BLUE LIVE EVENTS et qu'ils devraient donc rembourser un trop perçu d'allocations chômage qui ferait l'objet d'une notification ultérieure, d'un montant respectif de':

- 93 074,00 € pour Mme [N] [J] au titre des allocations versées à tort depuis le 31 mai 2012,

- 117 609,97 € pour Mme [T] [S] au titre des allocations versées à tort depuis le 14 février 2012,

- 64 982,40 € pour M. [Y] [W] au titre des allocations versées à tort depuis le 1er mai 2012,

- 105 209,97 € pour M. [E] [Y] au titre des allocations versées à tort depuis le 09 juin 2011,

- 111 467,17 € pour M. [R] [J] au titre des allocations versées à tort depuis le 1er janvier 2012.

Le 16 août 2015, dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société BLUE LIVE EVENTS prononcée le 22 juin 2015 par le tribunal de commerce d'Evry, le mandataire judiciaire a arrêté le relevé des créances salariales à la somme globale de

428 846,38 €, les cinq salariés étant Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J] et l'essentiel de ces créances (à concurrence de 309 836,32 €) correspondant à des salaires se rapportant aux années 2013 et 2014 antérieurs aux six derniers mois des relations contractuelles considérées.

C'est dans ces conditions que par actes d'huissier délivrés le 25 août 2015, Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J] ont saisi le tribunal de grande instance d'Evry de la procédure qui a donné lieu au jugement entrepris, Pôle emploi ayant sollicité à titre reconventionnel le remboursement des allocations selon lui indûment perçues par les intéressés.

Le 23 septembre 2015, Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J] ont saisi le conseil de prud'hommes d'Evry au fond de demandes dirigées contre le mandataire liquidateur de la société BLUE LIVE EVENTS et l'AGS tendant au paiement des rappels de salaires suivants':

- Mme [T] [S]': 73 055,43 € au titre des années 2013, 2014 et 2015,

- M. [Y] [W]': 73 280,08 € au titre des années 2013, 2014 et 2015,

- M. [E] [Y]': 66 312,92 € au titre des années 2013, 2014 et 2015,

- M. [R] [J]': 64 220,34 € au titre des années 2013, 2014 et 2015,

- Mme [N] [J]': 60 700,21 € au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Par cinq ordonnances en date du 30 mai 2016, le conseil de prud'hommes d'Evry surseoira à statuer dans l'attente «'de la décision de la juridiction pénale actuellement saisie'».

Par courriers des 18 et 24 septembre 2015, Pôle emploi a notifié à Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J] des trop perçus complémentaires d'un montant respectif de':

- 99 628,81 € pour Mme [N] [J] «'sur le fondement des activités ayant couru entre décembre 2007 et septembre 2011'»,

- 98 825,70 € pour Mme [T] [S] «'sur le fondement des activités ayant couru entre août 2009 et janvier 2012'»,

- 44 629,26 € pour M. [Y] [W] «'sur le fondement des activités ayant couru entre septembre 2009 et mars 2012'»,

- 41 155,00 € pour M. [E] [Y] «'sur le fondement des activités ayant couru entre avril 2009 et mai 2011'»,

- 85 851,06 € pour M. [R] [J] «'sur le fondement des activités ayant couru entre août 2009 et janvier 2012'».

Courant novembre 2015, Pôle emploi a notifié à Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J] des trop perçus complémentaires d'un montant respectif de':

- 23 168,37 € pour Mme [N] [J] au titre des périodes du 22 novembre 2009 au 31 mars 2010 et du 23 au 24 avril 2010,

- 29 506,89 € pour Mme [T] [S], sans indication de période,

- 22 283,79 € pour M. [Y] [W] au titre de diverses périodes comprises entre le 15 septembre 2011 et le 27 mars 2012,

- 29 816,07 € pour M. [E] [Y], sans indication de période,

- 32 313,01 € pour M. [R] [J] au titre de diverses périodes comprises entre le 05 février 2010 et le 20 septembre 2010.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour constate que Pôle emploi fait référence à plusieurs pièces adverses, en particulier des bulletins de paie, que les appelants ont choisi de ne pas communiquer en cause d'appel et qu'il ne produit pas lui-même.

La cour se réfèrera donc aux constatations des premiers juges à cet égard et aux bulletins de paie que Pôle emploi a par ailleurs communiqués (ses pièces n° 22 et 25 concernant Mme [N] [J], 27, 71 et 195 concernant Mme [T] [S], 31 et 127 concernant M. [Y] [W], 35 concernant M. [E] [Y], 39 et 89 concernant M. [R] [J]).

Sur les droits à l'allocation chômage contestés':

- sur les dispositions applicables':

Après avoir rappelé les dispositions législatives relatives au régime d'assurance indemnisant les travailleurs involontairement privés d'emploi (articles L 5422-1 et suivants du code du travail), les parties s'accordent à dire que les appelants relevaient de l'annexe IV au règlement général annexé à la convention du 19 février 2009 relative à l'indemnisation du chômage, applicable aux salariés dont la rupture du contrat de travail est intervenue entre le 1er avril 2009 et le 31 mai 2011, puis de l'annexe IV au règlement général annexé à la convention du 06 mai 2011, applicable aux salariés dont la rupture du contrat de travail est intervenue entre le 1er juin 2011 et le 30 juin 2014.

Aux termes de ces dispositions conventionnelles dérogatoires qui bénéficiaient aux salariés intermittents et aux salariés intérimaires des entreprises de travail temporaire en raison de la nature de leur activité, l'intéressé involontairement privé d'emploi devait justifier d'une période d'affiliation au moins égale à 610 heures de travail au cours des 28 mois qui précèdent la fin de son contrat de travail si à cette date il était âgé de moins de 50 ans, ou au moins égale à 610 heures de travail au cours des 36 mois qui précèdent la fin de son contrat de travail si à cette date il était âgé de 50 ans et plus, l'indemnisation étant fonction des rémunérations perçues pendant la période de référence et de la quantité d'heures de travail effectuées.

S'agissant des salariés dont la rupture du contrat de travail est postérieure au 30 juin 2014, ils relèvent du règlement général annexé à la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage et de ses annexes.

Concernant les allocations indûment versées, l'article L 5422-5 du code du travail dispose':

«'L'action en remboursement de l'allocation d'assurance indûment versée se prescrit par trois ans.

En cas de fraude ou de fausse déclaration, elle se prescrit par dix ans.

Ces délais courent à compter du jour du versement de ces sommes.'».

A cet égard et au regard des investigations entreprises, Pôle emploi soutient qu'aucun des appelants ne peut sérieusement soutenir avoir perdu involontairement des emplois salariés dont la réalité même est tout autant contestable et que les cinq intéressés lui ont de façon persistante fait de fausses déclarations et remis des documents et attestations mensongers, comportements révélateurs de leur intention de frauder la loi, pour justifier la suspension des allocations qui leur étaient versées et fonder ses demandes reconventionnelles en remboursement des allocations indûment perçues.

- sur les liens entre les allocataires et la société BLUE LIVE EVENTS':

Les investigations menées par Pôle emploi, dont l'institution publique justifie, ont mis en exergue les liens étroits et les intérêts communs unissant les cinq allocataires et les sociétés censées les avoir employés, intervenant toutes dans le secteur de l'événementiel.

En premier lieu, la société (SARL) STAFF EVENEMENTS immatriculée le 02 février 2000 a été placée en liquidation judiciaire le 14 mars 2006.

Par jugement du 25 novembre 2009, le tribunal de commerce de Paris a retenu que la société avait été dirigée par la gérante de droit, Mme [V] [W], et par Mme [T] [S] (épouse [J]), gérante de fait, et au regard de l'importance du passif a prononcé la faillite personnelle de cette dernière, dirigeante initiale et de fait, pour une durée de dix ans, étant précisé que Mme [V] [W] s'était faite représenter à l'audience par M. [Y] [W].

Il ressort notamment des termes de ce jugement que la procédure a été ouverte sur assignation, aucune déclaration de cessation des paiements n'ayant été déposée, que la date de cessation des paiements a été fixée au 14 septembre 2005 et que la comptabilité des années 2004 et 2005 n'a pas été remise, Mme [T] [S] (épouse [J]) expliquant avoir transmis tous les documents à son expert-comptable qui les aurait égarés. Il était relevé en outre que Mme [T] [S] (épouse [J]) s'était faite passer pour Mme [V] [W] auprès du mandataire liquidateur.

En deuxième lieu, la société (SARL) BLUE LIVE immatriculée le 27 octobre 2005 a été placée en liquidation judiciaire le 12 février 2008, le tribunal de commerce de Nanterre ayant fixé la date de cessation des paiements au 13 août 2006.

Selon ses statuts et le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire communiqués, M. [E] [Y] en était l'associé majoritaire et depuis le 1er juin 2007 Mme [W] [G] épouse [W], mère de M. [Y] [W], en était la gérante.

En troisième lieu, la société (SARL) BLUE LIVE EVENTS a été créée le 14 septembre 2007 par M. [E] [Y], associé à hauteur de 45 % du capital social, et par Mme [W] [S], associée majoritaire, née le [Date naissance 6] 1933, domiciliée à la même adresse que Mme [T] [S] et que Pôle emploi présente sans être contredit comme la mère de cette dernière.

Initialement fixé à [Localité 3], son siège social a été transféré le 04 juin 2012 à [Localité 4]. Ont été successivement gérants M. [E] [Y] jusqu'à cette date, soit pendant près de cinq ans, puis M. [Y] [W] jusqu'au 07 janvier 2013, soit pendant sept mois, et enfin Mme [W] [G] épouse [W], mère de celui-ci.

Par jugement du 22 juin 2015, le tribunal de commerce d'Evry a placé cette société en liquidation judiciaire et fixé la date de cessation des paiements au 23 décembre 2013.

Mme [T] [S] est par ailleurs la mère de Mme [N] [J] et de M. [R] [J].

Il apparaît ainsi que l'associée majoritaire de la société BLUE LIVE EVENTS est la mère de Mme [T] [S] et la grand-mère de Mme [N] [J] et de M. [R] [J] et que la société BLUE LIVE EVENTS a eu successivement comme gérant M. [E] [Y] du 14 septembre 2007 au 04 juin 2012, par ailleurs associé minoritaire, puis M. [Y] [W] du 04 juin 2012 au 07 janvier 2013 et enfin Mme [W] [G] épouse [W], du 07 janvier 2013 jusqu'au 22 juin 2015, date de la liquidation de la société, par ailleurs mère de M. [Y] [W].

- sur les relations contractuelles entre les allocataires et la société BLUE LIVE EVENTS':

Pour obtenir le bénéfice de l'ARE, Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J] ont fait état auprès de Pôle emploi de leur qualité de salariés intermittents de la société BLUE LIVE EVENTS, employés sous contrats à durée déterminée d'usage.

Or, il ressort des vérifications effectuées par Pôle emploi et des productions que de nombreux indices graves et concordants remettent en cause l'existence même de leur qualité de salarié de la société BLUE LIVE EVENTS':

1) - Contrairement à la mention type figurant sur tous les contrats de travail communiqués, la société BLUE LIVE EVENTS n'a procédé à aucune déclaration préalable à l'embauche (DPAE) des intéressés pendant plusieurs années.

Ceux-ci ont été déclarés pour la première fois en 2014':

- le 10 décembre 2014 pour une embauche censée être du même jour en ce qui concerne Mme [T] [S],

- le 22 juillet 2014 pour une embauche censée du 04 avril 2014 en ce qui concerne M. [Y] [W],

- le 21 octobre 2014 pour une embauche censée être du même jour en ce qui concerne M. [E] [Y],

- le 02 juillet 2014 pour une embauche censée du 25 juin 2014 en ce qui concerne M. [R] [J],

- le 04 novembre 2014 pour une embauche censée du 05 novembre 2014 en ce qui concerne Mme [N] [J] (pièces n° 40 à 44 de Pôle emploi).

2) - Les emplois prétendument occupés par ces cinq personnes au sein de la société BLUE LIVE EVENTS au regard des contrats de travail et des bulletins de paie qu'elles ont produits ne figurent pas pour l'essentiel sur le relevé individuel de carrière «'EOPPS'» établi pour chacune d'elles par la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (pièces n° 12 à 21 de Pôle emploi).

S'agissant par exemple de M. [R] [J], ses contrats de travail et ses bulletins de paie au titre de l'année 2012 font état des périodes d'emploi suivantes': du 1er au 05 mars, du 12 au 16 mars, du 29 au 30 mars, du 02 au 06 avril, du 10 au 14, du 23 au 25 avril, du 02 au 05 mai, du 09 au 12 mai, du 14 au 18 mai, du 22 au 23 mai, du 1er au 03 juin, du 05 au 09 juin, du 11 au 15 juin, du 19 au 23 juin, du 25 au 27 juin, du 1er au 13 novembre, du 16 au 23 novembre et du 1er au 22 décembre 2012 (pièces n° 5 des appelants, 39 et 167 de l'intimé), alors que sur son relevé de carrière précité les seules activités professionnelles mentionnées en 2012 pour le compte de la société BLUE LIVE EVENTS concernent la période du 1er au 04 novembre et celle du 1er au 04 décembre 2012 (pièces n° 21 de Pôle emploi).

De la même manière et ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, les montants cumulés figurant sur les bulletins de paie édités par la société BLUE LIVE EVENTS au titre du plafond de sécurité sociale s'élèvent respectivement à 8 445,20 € pour l'année 2011, 14 952,93 € pour l'année 2012 et 8 846,53 € au 23 août 2013 (pièces n° 39 de Pôle emploi) alors que le relevé de carrière précité fait état de salaires d'un montant total de 2 253 € pour l'année 2011 relatifs aux seules périodes du 25 au 26 août et du 03 au 28 octobre, et de 1 598 € pour l'année 2012 relatifs aux seules périodes du 1er au 04 novembre et du 1er au 04 décembre, aucun salaire réglé par la société BLUE LIVE EVENTS n'étant mentionné pour l'année 2013.

Des constatations similaires peuvent être faites au regard des productions en ce qui concerne Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y] et Mme [N] [J], la cour se référant expressément sur ce point aux motifs du jugement entrepris que dans cette limite elle adopte et au document synthétique établi par Pôle emploi (ses pièces n° 167).

3) - les salaires modestes déclarés par les cinq intéressés à l'administration fiscale, quand ils en déclarent, sont sans commune mesure avec le montant des cumuls nets imposables mentionnés sur les bulletins de paie édités par la société BLUE LIVE EVENTS dont ils ont pourtant fait état auprès de Pôle emploi.

C'est ainsi :

- que Mme [T] [S] n'a déclaré aucun salaire versé par la société BLUE LIVE EVENTS au titre de l'année 2011 alors que le dernier bulletin de paie de l'année considérée communiqué à Pôle emploi, à savoir celui du mois de mai 2011, mentionne un cumul net imposable de 22 643,55 € (cumul brut de 27 461 €) (pièces n° 26 et 27 de Pôle emploi), qu'elle a déclaré un salaire net imposable de 3 271 € versé par la société BLUE LIVE EVENTS au titre de l'année 2012 alors que le dernier bulletin de paie de l'année considérée communiqué à Pôle emploi, à savoir celui du mois de septembre 2012, mentionne un cumul net imposable de 25 587,21 € (cumul brut de 31 030,45 €) (pièces n° 26 et 27 de Pôle emploi) et qu'elle n'a déclaré aucun salaire versé par la société BLUE LIVE EVENTS au titre de l'année 2013 alors que le dernier bulletin de paie de l'année considérée communiqué à Pôle emploi, à savoir celui du mois de décembre 2013, mentionne un cumul net imposable de 47 156,29 € (cumul brut de 57 196,70 €) (pièces n° 26 et 27 de Pôle emploi),

- que M. [Y] [W] a déclaré un salaire net imposable de 2 798 € versé par la société BLUE LIVE EVENTS au titre de l'année 2012 alors que le dernier bulletin de paie de l'année considérée communiqué à Pôle emploi, à savoir celui du mois de novembre 2012, mentionne un cumul net imposable de 42 019,90 € (cumul brut de 50 996,06 €) (pièces n° 28 et 31 de Pôle emploi) et qu'il n'a déclaré aucun salaire versé par la société BLUE LIVE EVENTS au titre de l'année 2013 alors que le dernier bulletin de paie de l'année considérée communiqué à Pôle emploi, à savoir celui du mois de novembre 2013, mentionne un cumul net imposable de 44 261,69 € (cumul brut de 53 482,01 €) (pièces n° 28 et 31 de Pôle emploi),

- que M. [E] [Y] a déclaré un salaire net imposable de 1 117 € versé par la société BLUE LIVE EVENTS au titre de l'année 2011 alors que le dernier bulletin de paie de l'année considérée communiqué à Pôle emploi, à savoir celui du mois de décembre 2011, mentionne un cumul net imposable de 15 223,77 € (cumul brut de 18 476,70 €) (pièces n° 33 et 35 de Pôle emploi), qu'il a déclaré un salaire net imposable de 2 928 € versé par la société BLUE LIVE EVENTS au titre de l'année 2012 alors que le dernier bulletin de paie de l'année considérée communiqué à Pôle emploi, à savoir celui du mois de novembre 2012, mentionne un cumul net imposable de 34 055,15 € (cumul brut de

41 285,20 €) (pièces n° 33 et 35 de Pôle emploi) et qu'il n'a déclaré aucun salaire versé par la société BLUE LIVE EVENTS au titre de l'année 2013 alors que le dernier bulletin de paie de l'année considérée communiqué à Pôle emploi, à savoir celui du mois de novembre 2013, mentionne un cumul net imposable de 29 704,68 € (cumul brut de 36 033,80 €) (pièces n° 33 et 35 de Pôle emploi),

- que M. [R] [J] a déclaré un salaire net imposable de 3 180 € versé par la société BLUE LIVE EVENTS au titre de l'année 2011 alors que le dernier bulletin de paie de l'année considérée communiqué à Pôle emploi, à savoir celui du mois de décembre 2011, mentionne un cumul net imposable de 20 974,85 € (cumul brut de 25 458,40 €) (pièces n° 38 et 39 de Pôle emploi), qu'il a déclaré un salaire net imposable de 3 186 € versé par la société BLUE LIVE EVENTS au titre de l'année 2012 alors que le dernier bulletin de paie de l'année considérée communiqué à Pôle emploi, à savoir celui du mois de décembre 2012, mentionne un cumul net imposable de 36 640,29 € (cumul brut de 44 515,90 €) (pièces n° 38 et 39 de Pôle emploi) et qu'il n'a déclaré aucun salaire versé par la société BLUE LIVE EVENTS au titre de l'année 2013 alors que le dernier bulletin de paie de l'année considérée communiqué à Pôle emploi, à savoir celui du mois d'août 2013, mentionne un cumul net imposable de 30 477,63 € (cumul brut de 36 542 €) (pièces n° 38 et 39 de Pôle emploi),

- que Mme [N] [J] a déclaré un salaire net imposable de 5 727 € versé par la société BLUE LIVE EVENTS au titre de l'année 2011 alors que le dernier bulletin de paie de l'année considérée communiqué à Pôle emploi, à savoir celui du mois de septembre 2011, mentionne un cumul net imposable de 34 188,40 € (cumul brut de 41 466,70 €) (pièces n° 22 à 25 de Pôle emploi), qu'elle a déclaré un salaire net imposable de 3 620 € versé par la société BLUE LIVE EVENTS au titre de l'année 2012 alors que le dernier bulletin de paie de l'année considérée communiqué à Pôle emploi, à savoir celui du mois de novembre 2012, mentionne un cumul net imposable de 41 504,85 € (cumul brut de 50 384,40 €) (pièces n° 22 à 25 de Pôle emploi) et qu'elle n'a déclaré aucun salaire versé par la société BLUE LIVE EVENTS au titre de l'année 2013 alors que le dernier bulletin de paie de l'année considérée communiqué à Pôle emploi, à savoir celui du mois d'août 2013, mentionne un cumul net imposable de 24 310,77 € (cumul brut de 28 997,65 €) (pièces n° 22 à 25 de Pôle emploi).

Pour expliquer ces incohérences entre les montants des cumuls figurant sur leurs bulletins de paie et leurs déclarations de revenus, les appelants font valoir qu'ils n'étaient tenus de déclarer à l'administration des impôts que les seules rémunérations effectivement perçues et que la société BLUE LIVE EVENTS a connu des difficultés financières qui l'ont empêchée de verser l'ensemble des salaires et ce, depuis l'année 2007.

Cependant, ainsi que le fait observer avec pertinence Pôle emploi, ce n'est pas tant la déclaration fiscale minorée ou l'absence de déclaration des salaires allégués qui pose problème, que l'absence de perception durant toutes les années considérées de la quasi-intégralité de ces salaires, exclusive de l'existence d'une relation salariée.

A cet égard, les appelants ne sauraient soutenir tout à la fois qu'ils n'ont pas perçu leurs salaires, pour échapper à toute suspicion de fraude fiscale, et qu'il n'est pas établi qu'ils ne les ont pas perçus dans la mesure où : «'s'il est vrai que les intéressés ne sont pas en mesure d'apporter la preuve qu'ils ont effectivement déclaré l'ensemble de leurs revenus imposables à l'administration des impôts, cette omission n'est pas de nature à établir qu'ils n'ont pas effectivement perçu lesdits salaires'» (page 8 de leurs dernières conclusions), pour s'affranchir de toute fraude aux allocations chômage.

L'absence persistante de paiement de salaires résulte en tout état de cause des autres éléments au dossier décrits ci-avant et de plusieurs écrits antérieurs, tels que les deux reconnaissances de dette communiquées par Pôle emploi (pièces n° 51 et 51 bis), signées «'Bresdin'», l'une en date du 1er mars 2013 établie en faveur de Mme [T] [S] et l'autre datée du 1er mars (l'année n'étant pas lisible) mais sans doute rédigée à la même date que la première, établie cette fois en faveur de M. [Y] [W], dont il ressort que la société BLUE LIVE EVENTS leur devraient des sommes importantes (respectivement 43 699,67 € et 51 750,04 €) correspondant à des salaires non versés en vertu «'de l'accord signé le 1er juin 2010 entre les deux parties'» qu'elle s'engageait à leur rembourser au plus tard en 2015.

Les appelants ne sont ainsi pas fondés à revendiquer la qualité de salariés de la société BLUE LIVE EVENTS alors qu'il ressort des productions que depuis des années et sans aucune protestation de leur part ils n'ont pour ainsi dire pas perçu les salaires figurant sur leurs bulletins de paie, pourtant systématiquement mentionnés comme étant réglés par chèque.

Il n'est d'ailleurs produit aucun chèque, aucun justificatif de dépôt et aucun relevé bancaire, les intéressés en dépit des nombreux éléments réunis à leur encontre étant dans l'impossibilité absolue de justifier de la perception effective d'un quelconque salaire que leur aurait versé la société BLUE LIVE EVENTS au cours des années considérées.

Il doit encore être relevé qu'aucun des intéressés ne s'est rendu au rendez-vous que lui avait proposé Pôle emploi à la fin de l'année 2014 à la suite de ses demandes de transmission de justificatifs et de ses premières conclusions, à l'exception de Mme [T] [S].

Contrairement encore à l'argumentaire des appelants, le conseil de prud'hommes d'Evry n'a pas reconnu dans son ordonnance de référé du 29 janvier 2015 leur qualité de salariés, qui n'était pas en question devant lui, mais a simplement constaté l'accord intervenu entre les parties, non sans s'en étonner.

Il est manifeste que cette saisine de la juridiction prud'homale, qui fait suite aux premières réclamations de Pôle emploi et qui en dépit de l'importance et de l'ancienneté des salaires prétendûment dus au titre des années 2011, 2012 et 2013 aboutit à une transaction informelle constatée par ordonnance de référé, est un écran de fumée destiné à convaincre Pôle emploi de la réalité du statut de salarié des allocataires et des salaires déclarés en vue de l'obtention de l'ARE, voire même le futur mandataire liquidateur de la société BLUE LIVE EVENTS puisqu'à cette date celle-ci était déjà en cessation des paiements depuis le 23 décembre 2013 selon le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Evry.

4) - La société BLUE LIVE EVENTS n'a effectué aucune DADS pour les années 2013 et 2014'; quant à celle afférente à l'année 2012, les salaires mentionnés, dérisoires, sont sans rapport avec les salaires communiqués à Pôle emploi (pièces n° 58 et 57).

5) - Outre les discordances relevées entre les attestations destinées à Pôle emploi établies par la société BLUE LIVE EVENTS et les bulletins de paie des intéressés ' par exemple, plusieurs attestations sont établies en faveur de Mme [T] [S] au titre de périodes de travail en janvier 2012 (pièces n° 194) alors qu'à l'examen de son bulletin de paie de juillet 2012 (pièce n° 195) elle ne peut avoir travaillé avant juillet 2012 dans la mesure où la rémunération de ce mois est égale au cumul brut des rémunérations versées sur l'année ' il apparaît que nombre d'entre elles sont apparemment établies par une certaine [A] [E] en qualité de comptable, alors qu'aucune salariée de ce nom n'apparaît dans les DADS de la société BLUE LIVE EVENTS pour les années 2007 à 2012.

De surcroît, bien que dans un courrier du 06 octobre 2014 la gérante de la société BLUE LIVE EVENTS expose que «'courant avril 2014, après nous être aperçus que le comptable chargé des affaires salariales et sociales de notre société semblait négliger sa mission, nous avons mandaté un nouveau comptable chargé des mêmes prérogatives (...)'», Mme [A] [E] a continué bien après le mois d'avril 2014 à signer plusieurs de ces attestations.

Ce stratagème consistant à reporter sur le comptable, sans plus de précisions, la responsabilité des erreurs et omissions entachant les déclarations et documents salariaux a déjà été utilisé dans le cadre de l'exploitation et de la liquidation de la société STAFF EVENEMENTS, Mme [T] [S], sa gérante de fait, ayant expliqué à l'époque l'absence de comptabilité par la circonstance qu'elle avait transmis tous les documents à son expert-comptable qui les aurait égarés.

6) - Les contrats de travail communiqués sont suspects dans la mesure où pour la plupart d'entre eux, la signature attribuée au gérant n'est pas conforme à l'une des signatures déposées au greffe du tribunal de commerce par les trois gérants successifs de l'entreprise, les appelants ne justifiant pas de la délégation de pouvoir dont ils suggèrent l'existence en se gardant bien de désigner la personne délégataire.

7) - Les bulletins de paie édités par la société BLUE LIVE EVENTS sont des faux dès lors qu'ils mentionnent tous un règlement du salaire par chèque avec indication d'une date alors que ces règlements dans leur quasi-totalité n'ont pas été effectués.

8) - Les quelques 367 factures communiquées par les appelants pour justifier de l'activité de la société BLUE LIVE EVENTS, du 13 janvier 2012 (n° FA212154) au 16 avril 2015 (n° 215521), ont trait pour la plupart à la location et au transport de divers biens d'équipement en rapport avec l'événementiel.

Seules, 10 factures (outre une onzième pour annulation) en 2012, 6 en 2013, 8 en 2014 et 1 en 2015 se rapportent pour partie à des prestations techniques non détaillées, mais pour des montants très inférieurs aux salaires dont se sont réclamés les cinq allocataires auprès de Pôle emploi et sans commune mesure avec une masse salariale qui serait composée de deux régisseurs, de deux ingénieurs ou techniciens du son et d'un éclairagiste.

Considérant les liens et les intérêts communs unissant les cinq allocataires ainsi que leur implication successive, directe ou par personne interposée, dans la gestion de la société BLUE LIVE EVENTS, les dysfonctionnements et les discordances mis en exergue ne peuvent être imputés exclusivement à l'entreprise, alors que les intéressés ne pouvaient ignorer durant toutes ces années qu'ils bénéficiaient de l'ARE sur la base de salaires qu'ils n'ont jamais perçus et que par-delà les apparences ils n'ont en réalité jamais réclamés à la société BLUE LIVE EVENTS.

Ce faisceau d'indices concordants établit la collusion frauduleuse entre Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J], Mme [N] [J] et la société BLUE LIVE EVENTS, ayant consisté sur plusieurs années à créer une apparence de contrats de travail successifs au bénéfice des cinq premiers sans règlement des salaires correspondants dans le but d'obtenir le versement par Pôle emploi de l'ARE, et à tout le moins les fausses déclarations des cinq allocataires et de leur prétendu employeur à Pôle emploi, lesquelles suffisent à justifier du caractère indu des allocations servies.

En conséquence, il convient à l'instar des premiers juges de débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes.

S'agissant de la demande reconventionnelle de Pôle emploi, elle a été partiellement accueillie en première instance.

En effet, à l'examen des attestations de paiement et des tableaux présentant le détail des allocations versées et la date de leur paiement en fonction des périodes indemnisées (pièces n° 45a et 45b à 49a et 49b produites par Pôle emploi), il apparaît clairement que les appelants ont perçu les allocations (ARE) indues suivantes':

- Mme [T] [S]': 117 609,97 €, représentant le montant des allocations servies du 07 mars 2012 au 06 février 2015 au titre des périodes du 14 février au 17 juin 2012, du 07 octobre au 31 décembre 2012, du 1er janvier au 11 février 2013, du 31 mai au 30 septembre 2013, du 1er janvier au 06 mai 2014, du 02 septembre au 31 décembre 2014 et pour la journée du 18 janvier 2015';

- M. [Y] [W]': 64 982,40 €, représentant le montant des allocations servies du 08 juin 2012 au 1er avril 2014 au titre des périodes du 1er mai au 31 juillet 2012, du 12 au 31 août 2012, du 15 au 31 août 2013, du 11 septembre au 14 octobre 2013, du 25 novembre au 31 décembre 2013 et du 04 février au 31 mars 2014';

- M. [E] [Y]': 103 263,74 €, représentant le montant des allocations servies du 09 avril 2013 au 31 mai 2014 au titre des périodes du 10 au 12 mars 2013, du 10 au 24 avril 2013, du 04 juin au 31 août 2013, du 09 septembre au 20 octobre 2013, du 17 janvier au 28 février 2014, du 04 au 31 mars 2014, du 11 au 30 avril 2014 et du 11 au 31 mai 2014';

- M. [R] [J]': 111 467,17 €, représentant le montant des allocations servies du 29 janvier 2012 au 31 octobre 2014 au titre des périodes du 1er janvier au 29 février 2012, du 13 au 31 mars 2012, du 16 au 30 avril 2012, du 17 au 31 mai 2012, du 26 au 27 juin 2012, du 05 juillet au 31 octobre 2012, du 26 au 30 novembre 2012, du 26 au 31 décembre 2012, du 24 janvier au 31 mai 2013, du 06 septembre 2013 au 13 janvier 2014, du 30 avril au 31 août 2014 et du 1er au 02 octobre 2014';

- Mme [N] [J]': 93 074,00 €, représentant le montant des allocations servies du 02 août 2012 au 28 août 2014 au titre des périodes du 31 mai au 30 septembre 2012, du 1er janvier au 08 mai 2013, du 1er septembre au 31 décembre 2013, du 25 au 31 janvier 2014, du 10 avril au 31 mai 2014 et du 03 juin au 13 août 2014.

La décision entreprise sera donc confirmée en ce que les cinq personnes susvisées ont été condamnées à rembourser ces sommes à Pôle emploi, avec intérêts au taux légal à compter du jugement en l'absence de justification de la date de réception de la demande de remboursement desdites sommes, étant précisé que les courriers du 15 février 2015 ne valent pas mise en demeure et que les notifications annoncées dans ces courriers ne sont pas produites.

Les premiers juges ont rejeté le surplus des demandes de Pôle emploi au titre des périodes antérieures en relevant à juste titre que celui-ci ne communiquait pas le détail des périodes et prestations servies et que les investigations dont il justifie portaient essentiellement sur la période ayant couru de 2011 à 2014, raison pour laquelle l'institution publique forme un appel incident.

Contrairement aux périodes susvisées, il n'est produit aucune attestation de paiement ni tableaux présentant le détail des allocations versées et la date de leur paiement en fonction des périodes indemnisées qui auraient permis à Pôle emploi de justifier de ses demandes complémentaires en remboursement de trop perçus, notifiées courant septembre et novembre 2015.

Ces deux séries de notifications complémentaires sont particulièrement imprécises et les périodes désignées dans la seconde série, quand elles le sont, figurent déjà dans la première.

Le tableau récapitulatif des montants indument perçus (pièce n° 201) et les copies d'écran de l'applicatif de Pôle emploi (pièces n° 202 à 206), qui ne font pas état des périodes indemnisées, sont à cet égard insuffisants.

En revanche, il ressort des développements précédents que sauf en ce qui concerne M. [R] [J], la cour dispose de bulletins de paie et d'éléments transmis par l'administration fiscale à Pôle emploi afférents à l'année 2011 permettant d'individualiser de façon certaine les allocations indûment perçues au cours de cette année par Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y] et Mme [N] [J]':

- Mme [T] [S] a perçu de Pôle emploi la somme globale de 41 390 € en 2011,

- M. [Y] [W] a perçu de Pôle emploi la somme globale de 35 992 € en 2011,

- M. [E] [Y] a perçu de Pôle emploi la somme globale de 37 462 € en 2011,

- Mme [N] [J] a perçu de Pôle emploi la somme globale de 32 335 € en 2011.

Dans cette limite, l'appel incident sera accueilli et les intéressés seront condamnés à payer lesdites sommes à Pôle emploi, correspondant aux allocations indûment perçues en 2011, avec intérêts au taux légal à compter du 08 février 2016, date de la décision de première instance.

En ce qui concerne la période intermédiaire et les années antérieures à l'année 2011, la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour faire droit au surplus des demandes de Pôle emploi.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens':

Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance.

Il est équitable de condamner Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J] à payer chacun à Pôle emploi la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles que l'institution nationale publique a été contrainte d'engager devant la cour.

Les appelants qui succombent n'obtiendront aucune indemnité sur ce fondement et supporteront les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a':

- débouté Mme [T] [S] de ses demandes,

- condamné Mme [T] [S] à verser à Pôle emploi la somme de 117 609,97 €, représentant le montant des allocations indûment servies du 07 mars 2012 au 06 février 2015 au titre des périodes du 14 février au 17 juin 2012, du 07 octobre au 31 décembre 2012, du 1er janvier au 11 février 2013, du 31 mai au 30 septembre 2013, du 1er janvier au 06 mai 2014, du 02 septembre au 31 décembre 2014 et pour la journée du 18 janvier 2015, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté M. [Y] [W] de ses demandes,

- condamné M. [Y] [W] à verser à Pôle emploi la somme de 64 982,40 €, représentant le montant des allocations indûment servies du 08 juin 2012 au 1er avril 2014 au titre des périodes du 1er mai au 31 juillet 2012, du 12 au 31 août 2012, du 15 au 31 août 2013, du 11 septembre au 14 octobre 2013, du 25 novembre au 31 décembre 2013 et du 04 février au 31 mars 2014, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté M. [E] [Y] de ses demandes,

- condamné M. [E] [Y] à verser à Pôle emploi la somme de 103 263,74 €, représentant le montant des allocations indûment servies du 09 avril 2013 au 31 mai 2014 au titre des périodes du 10 au 12 mars 2013, du 10 au 24 avril 2013, du 04 juin au 31 août 2013, du 09 septembre au 20 octobre 2013, du 17 janvier au 28 février 2014, du 04 au 31 mars 2014, du 11 au 30 avril 2014 et du 11 au 31 mai 2014, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté Mme [N] [J] de ses demandes,

- condamné Mme [N] [J] à verser à Pôle emploi la somme de 93 074,00 €, représentant le montant des allocations indûment servies du 02 août 2012 au 28 août 2014 au titre des périodes du 31 mai au 30 septembre 2012, du 1er janvier au 08 mai 2013, du 1er septembre au 31 décembre 2013, du 25 au 31 janvier 2014, du 10 avril au 31 mai 2014 et du 03 juin au 13 août 2014, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté M. [R] [J] de ses demandes,

- condamné M. [R] [J] à verser à Pôle emploi la somme de 111 467,17 €, représentant le montant des allocations indûment servies du 29 janvier 2012 au 31 octobre 2014 au titre des périodes du 1er janvier au 29 février 2012, du 13 au 31 mars 2012, du 16 au 30 avril 2012, du 17 au 31 mai 2012, du 26 au 27 juin 2012, du 05 juillet au 31 octobre 2012, du 26 au 30 novembre 2012, du 26 au 31 décembre 2012, du 24 janvier au 31 mai 2013, du 06 septembre 2013 au 13 janvier 2014, du 30 avril au 31 août 2014 et du 1er au 02 octobre 2014, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J] à verser chacun à Pôle emploi la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J] aux dépens';

L'infirme pour le surplus';

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Mme [T] [S] à payer à Pôle emploi la somme de

41 390 €, représentant le montant des allocations indûment servies en 2011';

Condamne M. [Y] [W] à payer à Pôle emploi la somme de 35 992 €, représentant le montant des allocations indûment servies en 2011';

Condamne M. [E] [Y] à payer à Pôle emploi la somme de 37 462 €, représentant le montant des allocations indûment servies en 2011';

Condamne Mme [N] [J] à payer à Pôle emploi la somme de 32 335 €, représentant le montant des allocations indûment servies en 2011';

Dit que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du 08 février 2016, date de la décision de première instance';

Déboute les parties du surplus de leurs demandes';

Condamne Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J] à payer chacun à Pôle emploi la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles que l'institution nationale publique a été contrainte d'engager devant la cour';

Condamne Mme [T] [S], M. [Y] [W], M. [E] [Y], M. [R] [J] et Mme [N] [J] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 16/06310
Date de la décision : 01/03/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°16/06310 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-01;16.06310 ?
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