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28/02/2018 | FRANCE | N°16/09223

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 28 février 2018, 16/09223


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2018



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/09223



Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 Avril 2016 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 13/04610





APPELANTE :



SARL NORMANDIE STATION SERVICE prise en la personne de ses représentants légaux

Imm

atriculée au RCS de Versailles sous le numéro 572 026 680

ayant son siège social : [Adresse 1]

adresse déclarée : [Adresse 2]



Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARI...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2018

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/09223

Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 Avril 2016 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 13/04610

APPELANTE :

SARL NORMANDIE STATION SERVICE prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Versailles sous le numéro 572 026 680

ayant son siège social : [Adresse 1]

adresse déclarée : [Adresse 2]

Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090, avocat postulant

Représentée par Me Caroline LEVY - TERDJMAN de la SCP SCP CORNET-LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : P 416, avocat plaidant substituée par Me Joëlle HOFFLER de la SCP SCP CORNET-LEVY, avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉE :

SAS SOCIÉTÉ CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE venant aux droits de la SAS ERTECO FRANCE suite à une fusion absorption en date du 30 septembre 2016

Immatriculée au RCS de Caen sous le numéro 345 130 488

ayant son siège social sis [Adresse 3]

adresse déclarée : [Adresse 4]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, avocat postulant

Représentée par Me Bertrand TINGUELY, avocat au barreau de PARIS, toque : K0182, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère

Madame Sandrine GIL, conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du Code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs CRUZ

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffier présent lors du prononcé.

*****

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte authentique du 28 mars 2003, la SA NORMANDIE STATION SERVICE a donné à bail à la SNC ED ' successivement dénommée SAS ED puis SAS DIA FRANCE puis SAS ERTECO FRANCE, aux droits de laquelle vient la société CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE, à la suite d'une fusion absorption - des locaux commerciaux (lot n°408) à destination de commerce d'alimentation générale situés [Adresse 5] pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 28 mars 2003, moyennant un loyer annuel en principal de :

- 92.000 €, hors taxes, la première année,

- 99.000 €, hors taxes, la seconde année,

- 106.700 €, hors taxes, la troisième année et les suivantes sauf les effets de l'incidence de l'indexation.

Aux termes d'un avenant de révision triennale n°1, le loyer a été porté à la somme annuelle de 126.307,26 € à compter du 1er octobre 2007.

Par acte extrajudiciaire du 20 mai 2011, la SA NORMANDIE STATION SERVICE a fait délivrer à la SAS ED un congé pour le 31 mars 2012 avec offre de renouvellement à compter du 1er avril 2012, moyennant un loyer annuel en principal de 149.000 €.

Par lettre recommandée datée du 10 mai 2012 avec avis de réception, la locataire a accepté le principe du renouvellement du bail au 1er avril 2012 mais s'est opposée à la fixation du loyer proposé.

Par acte du 7 mars 2013, la SAS NORMANDIE STATION SERVICE a assigné la SAS DIA FRANCE devant le juge des loyers commerciaux aux fins de voir fixer le loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 149.000 €, hors taxes et hors charges.

Par jugement avant dire droit du 18 novembre 2013, le juge des loyers commerciaux a :

- constaté que, par l'effet du congé avec offre de renouvellement délivré le 20 mai 2011 par la SA NORMANDIE STATION SERVICE, le bail s'était renouvelé à compter du 1er avril 2012

- dit n'y avoir lieu à déplafonnement du loyer du bail renouvelé,

- désigné M. [G] [K] en qualité d'expert aux fins de donner son avis sur la valeur du bail renouvelé,

- fixé le loyer provisionnel au montant du loyer contractuel en cours,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- réservé les dépens.

L'expert a déposé son rapport au greffe le 5 février 2015 concluant à une valeur locative de 107.700 € et à un loyer plafonné, hors taxes et hors charges, de 145.276 € au 1er avril 2012. Les parties ont été invitées à déposer leurs mémoires.

Par jugement en date du 4 avril 2016, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instances de Paris'a :

Vu le rapport d'expertise de M. [K] ;

- Dit n'y avoir lieu d'ordonner un sursis à statuer sur la fixation du loyer du bail renouvelé jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel statuant sur l'appel du jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 19 mars 2015,

- Fixé à 89.164 € en principal par an à compter du 1er avril 2012 le montant du loyer du bail renouvelé entre la SA NORMANDIE STATION SERVICE et la SAS ERTECO FRANCE pour les locaux situés [Adresse 5], toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées,

- Dit que la demande d'intérêts au taux légal formulée par la SA NORMANDIE STATION SERVICE est sans objet,

- Dit que la demande de remboursement des trop-perçus de loyer depuis le 1er avril 2012 formée par la SAS ERTECO FRANCE est irrecevable devant le juge des loyers commerciaux,

- Condamné la SA NORMANDIE STATION SERVICE à payer à la SAS ERTECO FRANCE les intérêts au taux légal sur les trop-perçus de loyer à compter du 7 mars 2013, date de l'assignation, pour les trop-perçus réglés avant cette date et à compter de chaque échéance contractuelle pour les trop-perçus réglés après la date de l'assignation,

- Dit que les intérêts échus et dus au moins pour une année entière produiront des intérêts, en application de l'article 1154 du code civil,

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- Partagé les dépens par moitié entre les parties, qui incluront le coût de l'expertise judiciaire.

La SARL NORMANDIE STATION SERVICE a interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 20 avril 2016.

Par conclusions d'incident signifiées le 11 octobre 2016, la SARL NORMANDIE STATION SERVICE, a demandé la désignation d'un expert avec pour mission de calculer la surface réelle des locaux, propriété de la SARL NORMANDIE STATION SERVICE, objet du bail sis [Adresse 6], et de calculer la surface pondérée des dits locaux, à l'exception de toute autre diligence.

Par ordonnance sur incident en date du 7 février 2017, le magistrat chargé de la mise en état de la Cour d'appel de Paris a :

- Déboute la SARL NORMANDIE STATION SERVICE de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamné la SARL NORMANDIE STATION SERVICE à payer à la société CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts ;

- Condamné la SARL NORMANDIE STATION SERVICE à payer à la société CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la SARL NORMANDIE STATION SERVICE aux dépens de l'incident.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 3 janvier 2018, la SARL NORMANDIE STATION SERVICE demande à la Cour':

- Déclarer recevable et bien fondée la société NORMANDIE STATION SERVICE en son appel,

Y faisant droit,

- Infirmer le jugement dont appel du chef de la fixation de la valeur locative,

Et statuant à nouveau,

Vu l'article L.145-33 du code de commerce,

Vu le rapport d'expertise judiciaire,

- Dire que la valeur locative doit être fixée notamment au vu des «'prix couramment pratiqués dans le voisinage'» et de «'la destination des lieux'»

- Dire que le rapport d'expertise judiciaire comporte des références au titre de ces deux critères,

- Fixer en conséquence la valeur locative du bail renouvelé au 01/04/2012 à 120.594 € hors taxes et hors charges

- Débouter la société CARREFOUR PROXIMITE France, venant aux droits de la société ERTECO de toute demande contraire

- Condamner la société CARREFOUR PROXIMITE France, venant aux droits de la société ERTECO, au paiement de la somme de 4.000 €, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Pascale FLAURAUD, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 13 décembre 2017, la Société CARREFOUR PROXIMITE France demande à la Cour de':

Vu les articles L.145-1 et s. du Code de commerce,

Vu le jugement rendu par le Juge des loyers commerciaux du TGI de Paris le 4 avril 2016 (RG n°13/04610),

Vu la jurisprudence et les pièces visées aux débats,

- DÉCLARER RECEVABLE et BIEN FONDE l'appel incident de la société CARREFOUR PROXIMITÉ France ;

- INFIRMER le jugement rendu par le Juge des loyers commerciaux du Tribunal de grande instance de Paris le 4 avril 2016 en ce qu'il a « fixé à 89.164 € en principal par an à compter du 1er avril 2012 le montant du loyer du bail renouvelé entre la SA NORMANDIE STATION SERVICE et la SAS ERTECO FRANCE pour les locaux situés [Adresse 5], toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées » ;

- CONFIRMER ledit jugement en toutes ses autres dispositions ;

Et, statuant de nouveau sur le montant du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2012 :

A titre principal :

- FIXER le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2012 à la somme annuelle en principal hors taxes de 84.299 € (quatre-vingt-quatre mille deux-cent quatre-vingt-dix-neuf euros) ;

A titre subsidiaire :

- FIXER le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2012 à la somme annuelle en principal hors taxes de 87.218 € (quatre-vingt-sept mille deux-cent-dix-huit euros) ;

A titre infiniment subsidiaire, et pour le cas où, par impossible, il serait jugé que la valeur locative est supérieure au montant du loyer plafonné,

- DIRE ET JUGER que le montant du plafond indiciaire est de 125.261,54 €';

- FIXER le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2012 à la somme annuelle en principal hors taxes de 125.261,54 € (cent vingt-cinq mille deux-cent soixante-et-un euros et cinquante-quatre centimes), toutes autres clauses et conditions dudit bail demeurant inchangées, à l'exception de la caution bancaire qui sera réajustée proportionnellement au prix du nouveau loyer ;

En toute hypothèse,

- DEBOUTER la société NORMANDIE STATION SERVICE de toutes demandes, fins, conclusions ;

- CONDAMNER la société NORMANDIE STATION SERVICE à payer la somme de 10.000 €, au profit de la société CARREFOUR PROXIMITE FRANCE, au titre de l'article 700 du code de procédure ;

- CONDAMNER la société NORMANDIE STATION SERVICE aux entiers dépens et autoriser la SELARL BDL AVOCATS agissant en la personne de Me Frédéric LALLEMENT, avocat au Barreau de Paris, à en poursuivre le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 janvier 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la caractéristique des locaux :

Selon le rapport d'expertise, l'avenue de Versailles est une longue artère du sud du 16e arrondissement de Paris reliant le carrefour avec le Pont de Grenelle, la rue Gros, la rue de Boulainvilliers, le quai Louis Blériot, l'avenue du Président Kennedy à la porte de Saint Cloud.

Sa commercialité relativement ordinaire est comparable à ce que l'on rencontre en bordure des grandes artères qui constituent des 'autoroutes urbaines' et contraste avec la qualité du bâti et de l'environnement essentiellement résidentiel.

A proximité des lieux loués se trouve la station de métro 'Mirabeau' sur la ligne 10 et des arrêts de différentes lignes d'autobus.

Le secteur présente un environnement de grande qualité au coeur du 16e arrondissement résidentiel, une commercialité peu dynamique et une assez bonne visibilité résultant du flux automobile de l'avenue de Versailles et de la station de métro toute proche.

L'expert conclut qu'il s'agit d'une assez bonne implantation pour une activité de supermarché alimentaire, dans un environnement résidentiel de grande qualité, mais avec une commercialité de qualité très moyenne.

Les locaux loués dépendent d'un immeuble de onze étages élevé sur rez-de-chaussée, le dernier étant en léger retrait. Les locaux dont s'agit correspondent à la seconde boutique à gauche de l'entrée de l'immeuble côté avenue de Versailles avec un retour sur la place de Barcelone.

La devanture se compose, à droite d'un accès clientèle qui se fait par une porte automatique à double battant encadrée par deux panneaux vitrés, de deux vitrines en position centrale éclairant le front de caisse, à gauche d'un second accès à double battant actuellement condamné ou faisant office d'issue de secours et, enfin, de trois autres baies occultées avec léger retour sur la place.

Les locaux sont distribués, d'après l'expert, de la façon suivante :

- une surface de vente avec trois caisses à l'entrée du magasin,

- un petit bureau et de locaux sociaux,

- deux réserves et d'une chambre froide,

- un ensemble de sanitaires et un local technique,

- un sous-sol, inaccessible le jour de la visite de l'expert.

La surface utile retenue par l'expert judiciaire de 347,93m²U n'est pas contestée par les parties.

La société bailleresse conteste, pour partie, la pondération effectuée par l'expert. Elle soutient qu'une surface de 22,80m² affectée par l'expert d'un coefficient 0,3 devrait être affectée d'un coefficient de 0,6, ce que conteste la société locataire qui admet les coefficients de pondération retenus par l'expert.

L'expert judiciaire propose les pondérations suivantes :

- surface de vente 252,44m² coefficient 1 surface pondérée 242,44m²GS

- local caisse, réserve et locaux annexes 85,35m² coefficient 0,30 surface pondérée 25,61m²GS

- cave non accessible (local technique) 10,14m² coefficient 0 surface pondérée 0

Il résulte du plan établi par PANGEO, cabinet de géomètre expert, que la surface commerciale est de 252,44m², les sanitaires de 7,28m², les vestiaires de 13,48m², le bureau de 6,35m² la salle de repos de 2,78m², les réserves de 32,66m² et le 'mail' de 22,80m².

C'est cette dernière surface que la société propriétaire souhaiterait voir affectée d'un coefficient de 0,6. Selon la société locataire cet espace correspond non pas à l'espace occupé par les caisses elles-mêmes mais à ce qui est communément appelé 'front de caisse', c'est à dire à l'espace de circulation situé à l'entrée/sortie du magasin en amont des caisses. La société bailleresse considère qu'il s'agit bien d'un espace de vente même s'il est secondaire aux motifs que les caisses seraient chargées de présentoirs.

La cour relève que la société bailleresse n'établit pas que les caisses seraient chargées de présentoirs dans la partie se trouvant entre les caisses et l'entrée / sortie du magasin. Dès lors, cet espace de circulation ne peut être considéré comme étant un espace commercial et c'est à juste titre que l'expert judiciaire a proposé un coefficient de 0,3.

Dès lors, la surface pondérée de 278,05 m²GS proposée par l'expert doit être retenue.

Sur la valeur locative :

L'expert judiciaire a fixé le montant du loyer plafonné à la somme annuelle de 145.276 € au 2ème trimestre 2011. Le tribunal, considérant que le loyer était progressif par paliers, a fixé le loyer plafond à la somme de 125.261,53 €.

En l'espèce, les parties conviennent que la valeur locative est inférieure au montant du loyer plafonné quelque soit son mode de calcul puisque la société locataire demande de voir fixer le montant du loyer du bail renouvelé à la somme de 84.299 € et la société bailleresse demande une fixation à la somme de 120.594 €.

Lorsque la valeur locative est inférieure au montant du loyer plafonné, le loyer du bail commercial doit être fixé à la valeur locative, sans qu'il soit nécessaire pour le locataire d'établir une quelconque modification notable des éléments mentionnés au 1° à 4° de l'article L145-33 du code de commerce.

Dans ces conditions, la valeur locative étant inférieure au montant du loyer plancher, le prix du loyer du bail doit être fixé à la valeur locative.

La société bailleresse demande de retenir un prix au mètre carré de 430 € proposé par l'expert judiciaire. La société locataire propose de retenir un prix au mètre carré de 350 €, retenu par le jugement entrepris.

L'expert a recherché des termes de comparaison dans le quartier environnant pour des locaux similaires, parmi des références issues tant du marché que des décisions judiciaires.

Il en résulte des loyers judiciaires évoluant de 250€ le m² GS (Saint Maclou, pour 982 m²GS [Adresse 7] en octobre 2004) à 460 € le m² GS (Picard surgelés pour 339 m²GS [Adresse 8] en janvier 2006), et des loyers conventionnels variant de 384 € le m²GS pour un supermarché G20 pour 405 m² GS [Adresse 9] en février 2010) à 786 € le m² (Darty, pour1355,50 € le m²GS [Adresse 10] en octobre 2003) pour des locations nouvelles et de 315 € le m² GS (ED supérette pour 270 m²GS [Adresse 11], en janvier 2005) à 360 € le m²GS (Picard Surgelés pour 159m²GS [Adresse 12] en juillet 2005) pour des renouvellements amiables.

L'expert judiciaire rappelle qu'il y a eu une baisse significative des loyers depuis le 1er semestre 2008, puis une hausse éphémère pour l'année 2009-2010 et enfin une nouvelle chute des valeurs depuis le début de l'année 2011, puis une nouvelle hausse de la valeur moyenne en 2012-2013. Il indique en outre qu'en matière de grande surface alimentaire, les usages de la profession limitaient le taux d'effort à environ 4 à 5% du chiffre d'affaires ce qui correspondait à des loyers décôtés par rapport à ceux pratiqués dans l'environnement commercial immédiat des boutiques traditionnelles, mais que depuis quelques années cette logique économique s'est trouvée bouleversée par une grande enseigne de proximité Monoprix avec son enseigne Monop, qui dans une optique de conquête d'emplacements et de parts de marché dans la distribution de centre ville a conclu des baux à des niveaux de loyers élevés déconnectés, non seulement des pratiques habituelles de la profession mais également de ceux pratiqués dans l'environnement commercial considéré.

A l'appui de ses prétentions, la société bailleresse évoque un rapport amiable rédigé par M. [Q], qui est critiqué par la société preneuse, compte tenu du nombre d'erreur relevé dans les références données.

La cour relève, qu'un rapport judiciaire ayant été établi, il n'y a pas lieu de se référer aux conclusions d'un rapport amiable qui n'a pas de caractère contradictoire.

La société locataire critique les références produites par l'expert judiciaire. Elle produit pour sa part un certain nombre de fixations judiciaires variant de 280 € le m² pour un Franprix de 676,28m²P au 1er janvier 2011 [Adresse 13] à 380 € le m²P pour un Franprix de 352m²P, au 1er octobre 2011, [Adresse 14].

Ces dernières références sont intéressantes dans la mesure où il s'agit de références récentes pour des surpermarchés, pour autant, elles ne peuvent servir de fondement à elles seules à la fixation de la valeur locative, laquelle doit prendre en compte également des références de loyers en première location et en renouvellement amiable. Par ailleurs, les références données par l'expert quant aux loyers des magasins Monop doivent être écartées puisqu'elles sont manifestement surévaluées et ne peuvent correspondre aux prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Compte tenu de la situation du commerce, de l'état des locaux et de l'immeuble, des charges et conditions du bail échu, de la destination des lieux loués, de la prise en compte tant des décisions judiciaires, que des prix du marché, leur pertinence et leur ancienneté, il convient de retenir une valeur locative de 390 € et une valeur locative annuelle totale de 108.349,50 €.

En dehors des obligations respectives légales et d'usage, il est stipulé au bail des clauses exorbitantes du droit commun pouvant avoir une incidence sur la valeur locative.

Les parties conviennent du fait qu'il y a lieu de déduire le montant de la taxe foncière soit 2298 €.

L'expert judiciaire propose un abattement de 15% pour accession en fin de jouissance, estimée par analogie avec ce qui se pratique pour des locaux 'bruts de béton, fluides en attentes'.

La société bailleresse soutient qu'il ne faudrait prendre en considération que les travaux de gros oeuvre et de second oeuvre et non les travaux portant sur des équipements que tout locataire achète quand il créé un fonds de commerce notamment pour les supermarchés alimentaires, création de chambres froides et de portes en verre. Elle demande de ne retenir à ce titre qu'un abattement de 8%. La société locataire admet l'abattement de 15% proposé par l'expert.

La cour relève que l'abattement doit correspondre à la différence entre la valeur locative calculée en incluant les travaux et la valeur locative qu'auraient eue les locaux en l'absence de ces travaux immobiliers. Seule l'augmentation de la valeur locative due à ces investissements doit être prise en compte.

En l'espèce, les lieux donnés en location étaient auparavant occupés par un garage automobile. Dès lors, c'est à juste titre que l'expert judiciaire par analogie avec ce qui se pratique en matière de locaux brut de béton, a proposé un abattement de 15% qui sera retenu comme étant conforme aux usages.

L'expert propose une majoration de 2% pour large destination. Selon la clause de destination 'les locaux loués pourront être occupés à usage de commerce d'alimentation générale et de tous produits vendus ensemble ou séparément dans les magasins de type supermarché, ainsi qu'à usage de garage automobile et entretien, achat, pose et vente de tous accessoires pour l'automobile, vidange, lubrifiants'. La bailleresse demande de retenir une majoration de 4%, alors que la société locataire demande de retenir une majoration de 2%.

La cour relève que la destination est large mais qu'elle est cependant limitée à deux types d'activité. Dans ces conditions, la majoration de 2% est correcte et doit être retenue.

L'expert judiciaire propose une majoration de 5% pour ' libre cession du droit au bail et sous-location autorisée '.

La société bailleresse demande une majoration de 5%. La société locataire soutient qu'il ne peut y avoir de majoration du fait de la cession du droit au bail, cet avantage étant déjà pris en compte dans la majoration pour large destination et demande que cette majoration soit ramenée à 2% s'agissant de la clause de sous-location.

Selon le bail 'le preneur pourra céder son droit au présent bail pour l'exercice de tout commerce selon la destination ci-dessus énoncée'.

' Le preneur pourra sous-louer en partie les lieux loués sans l'autorisation expresse et écrite du bailleur à toute personne physique ou morale devant exercer une activité alimentaire '.

La cour relève que la clause de cession du droit au bail confère un avantage au preneur, puisqu'elle permet une cession du bail sans cession du fonds de commerce aussi bien dans une activité alimentaire que dans une activité de garage. Par ailleurs, la sous-location partielle des locaux sans autorisation doit également être valorisée, ce que ne conteste d'ailleurs pas le preneur.

Le coefficient de 5% proposé par l'expert est correct et doit être approuvé.

Dès lors, la valeur locative après correction s'établie de la façon suivante :

- majoration de 2% pour la destination : 2168,79 €

- majoration de 5% pour la cession et la sous location : 5417,47 €

- abattement de 15% pour accession en fin de jouissance 16.252,42 €

- déduction de la taxe foncière 2298 €

La valeur locative après correction s'élève à 97.385,34 €.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant de la fixation du montant du loyer du bail renouvelé,

Sur ce point l'infirme,

Statuant à nouveau,

Fixe à 97.385,34 € en principal par an à compter du 1er avril 2012 le montant du loyer du bail renouvelé entre la SA NORMANDIE STATION SERVICE et la SAS ERTECO FRANCE pour des locaux situés [Adresse 5], toutes les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties avec distraction au bénéfice de Me Frédéric LALLEMENT, avocat et de Me Pascale FLAURAUD, avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 16/09223
Date de la décision : 28/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°16/09223 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-28;16.09223 ?
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