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28/02/2018 | FRANCE | N°15/11824

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 28 février 2018, 15/11824


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FIANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2018



(n° , 32 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/11824 (dossiers joints : RG n° 15/12921, 15/13633, 15/12827, 15/12227 et 15/ 12141)



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° J2014000147





APPELANTS



- Monsieur [H] [X]<

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né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1]

Demeurant : [Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Véronique COUTURIER CHOLLET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0061

Ayant pou...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FIANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2018

(n° , 32 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/11824 (dossiers joints : RG n° 15/12921, 15/13633, 15/12827, 15/12227 et 15/ 12141)

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° J2014000147

APPELANTS

- Monsieur [H] [X]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1]

Demeurant : [Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Véronique COUTURIER CHOLLET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0061

Ayant pour avocat plaidant : Me Jean GONTHIER, avocat au barreau de BORDEAUX

Appelant dans les dossiers 15/11824 et 15/13633

- SA SIGNAUX GIROD

Ayant son siège social : [Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 646 050 476 (LONS-LE-SAUNIER)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Représentée par Me Georges BENELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0433

Appelant dans le dossier 15/11824 et intimé dans le dossier 15/13633

- SAS FRANCHE COMTE SIGNAUX

Ayant son siège social : [Adresse 3]

[Localité 4]

N° SIRET : 352 722 128 (BESANCON)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Appelant dans les dossiers 15/11824 et 15/12141 et intimé dans le dossier 15/13633

- SA SIGNALISATION FRANCE

Ayant son siège social : [Adresse 4]

[Localité 5]

N° SIRET : 552 721 193 (LYON)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Ayant pour avocat plaidant : Me Annick LECOMTE de l'AARPI ALEZAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0401

Appelant dans les dossiers 15/11824 et 15/12227 et intimé dans le dossier 15/13633

- SARL EQUIPEMENTS ET MATERIELS POUR CHANTIERS ET COLLECTIVITES, dont le sigle est EMC2

Ayant son siège social : [Adresse 5]

[Localité 6]

N° SIRET : 391 721 354 (PONTOISE)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Véronique COUTURIER CHOLLET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0061

Ayant pour avocat plaidant : Me Jean GONTHIER, avocat au barreau de BORDEAUX

Appelant dans les dossiers 15/11824 et 15/13633 et intimé dans les dossiers 15/12921, 15/12827, 15/12227 et 15/12141

- SA AXIMUM

Ayant son siège social : [Adresse 6]

[Localité 7]

N° SIRET : 582 081 782 (VERSAILLES)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant : Me Florent VEVER, avocat au barreau de PARIS, toque : T04

Appelant dans les dossiers 15/11824 et 15/12827 et intimé dans le dossier 15/13633

INTIMÉES

- SAS LACROIX SIGNALISATION

Ayant son siège social : [Adresse 7]

[Localité 8]

N° SIRET : 409 065 984 (NANTES)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Ayant pour avocat plaidant : Me Guy PELISSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1449

Appelant dans le dossier 15/12921 et intimé dans le dossier 15/11824

- SA SIGNALISATION FRANCE

Ayant son siège social : [Adresse 4]

[Localité 5]

N° SIRET : 552 721 193 (LYON)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Ayant pour avocat plaidant : Me Annick LECOMTE de l'AARPI ALEZAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0401

Appelant dans les dossiers 15/11824 et 15/12227 et intimé dans le dossier 15/13633

- SARL EMC2

Ayant son siège social : [Adresse 5]

[Localité 6]

N° SIRET : 391 721 354 (PONTOISE)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Véronique COUTURIER CHOLLET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0061

Ayant pour avocat plaidant : Me Jean GONTHIER, avocat au barreau de BORDEAUX

Appelant dans les dossiers 15/11824 et 15/13633 et intimé dans les dossiers 15/12921, 15/12827, 15/12227 et 15/12141

- SARL EQUIPEMENTS ET MATERIELS POUR CHANTIERS ET COLLECTIVITES, dont le sigle est EMC2

Ayant son siège social : [Adresse 5]

[Localité 6]

N° SIRET : 391 721 354 (PONTOISE)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Véronique COUTURIER CHOLLET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0061

Ayant pour avocat plaidant : Me Jean GONTHIER, avocat au barreau de BORDEAUX

Appelant dans les dossiers 15/11824 et 15/13633 et intimé dans les dossiers 15/12921, 15/12827, 15/12227 et 15/12141

- SAS SOCIETE DE DIFFUSION LORRAINE, dont le sigle est SOLIDOR

Ayant son siège social : [Adresse 8]

[Localité 9]

N° SIRET : 657 380 531 (SARREGUEMINES)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Représentée par Me Annick LECOMTE de l'AARPI ALEZAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0401

Intimé dans les dossiers 15/11824 et 15/13633

- SA SIGNAUX GIROD

Ayant son siège social : [Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 646 050 476 (LONS-LE-SAUNIER)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Représentée par Me Georges BENELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0433

Appelant dans le dossier 15/11824 et intimé dans le dossier 15/13633

- SA AXIMUM

Ayant son siège social : [Adresse 6]

[Localité 7]

N° SIRET : 582 081 782 (VERSAILLES)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant : Me Florent VEVER, avocat au barreau de PARIS, toque : T04

Appelant dans les dossiers 15/11824 et 15/12827 et intimé dans le dossier 15/13633

- SA FRANCHE COMTE SIGNAUX

Ayant son siège social : [Adresse 3]

[Localité 4]

N° SIRET : 352 722 128 5BESANCON)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Appelant dans les dossiers 15/11824 et 15/12141 et intimé dans le dossier 15/13633

- SASU NADIA SIGNALISATION

Ayant son siège social : [Adresse 9]

[Localité 10]

N° SIRET : 451 071 146 (ANGERS)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441

Ayant pour avocat plaidant : Me Denis REDON de la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

Intimé dans les dossiers 15/11824 et 15/13633

- SASU 3M FRANCE

Ayant son siège social [Adresse 10]

[Localité 11]

N° SIRET : 542 078 555 (PONTOISE)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Ayant pour avocat plaidant : Me Delphine MICHOT de la SCP CLEARY - GOTTHEB - SLEEN - HAMILTON, avocat au barreau de PARIS, toque : J 21

Intimé dans les dossiers 15/11824 et 15/13633

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Décembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, faisant fonction de Présidente, chargée du rapport

Madame Laure COMTE, Conseillère

Monsieur Dominique MALLASSAGNE, Conseiller appelé d'une autre chambre afin de compléter la Cour en application de l'article R.312-3 du Code de l'Organisation Judiciaire

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Dominique MOUTHON VIDILLES dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, faisant fonction de président et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Equipements et Matériels pour Chantiers et Collectivités (ci-après EMC2) a été immatriculée au registre du commerce le 5 octobre 1993 et créée par M. [X], PDG jusqu'en 1995 de la société CSIE, filiale de la société Lacroix Technologies et directeur général jusqu'à cette date de Lacroix Technologies.

L'objet de cette société était, d'après ses statuts, « l'achat et la vente par correspondance ou par tout autre moyen de produits divers à destination des collectivités locales, des industriels et des particuliers, à savoir : pavoisement, communication visuelle, vitrines d'affichage, signalisation et signalétique, équipements urbains, protection, sécurité et matériels de chantier, matériels divers ». Elle exerçait une activité de négociant-revendeur de panneaux lumineux.

Le 9 septembre 1997, la société EMC2 a été autorisée par le tribunal de commerce de Bergerac à acquérir l'unité de production de produits de signalisation routière verticale appartenant à la société GEPEMS. A la suite de ce rachat au prix de 1 million de francs (152.450 euros), elle est devenue fabriquant-revendeur de matériels de signalisation routière verticale. En 1999, elle a repris l'activité de la société Technical Signal pour un franc symbolique, celle-ci étant titulaire d'une homologation de l'Ascquer (Association pour la certification et la qualification des équipements de la route) pour produire des balises plastiques.

En 2001, la société EMC2 a revendu cette unité de fabrication à une filiale de la société Prosign.

Les sociétés Signalisation France, Franche Comté Signaux, Lacroix Signalisation, Aximum, Signaux Girod et Nadia Signalisation exercent également dans le secteur d'activité de la signalisation routière verticale. Cette activité recouvre la fabrication de panneaux, en métal ou en aluminium profilé, recouverts de films plastiques rétro-réfléchissants afin de garantir une visibilité optimale par les automobilistes. De manière générale, on distingue trois catégories principales de panneaux : les panneaux de signalisation de police, les panneaux de signalisation de direction et de localisation et les panneaux de signalisation temporaire.

La société 3M France est, quant à elle, fournisseur de matériaux réfléchissants utilisés dans la fabrication de panneaux de signalisation routière verticale et représentant une part importante de leurs coûts de fabrication.

La Société de diffusion Lorraine (ci-après Sodilor) exerce dans le domaine des équipements de sécurité et de balisage en matière plastique (délinéateurs disposés le long des routes pour guider les automobilistes la nuit).

L'Autorité de la concurrence, saisie par les sociétés Signal Concept et Nord Signalisation, et ayant joint cette saisine à une saisine d'office, a sanctionné, dans une décision du 22 décembre 2010 (n° 10-D-39), les huit principaux fabricants de panneaux de signalisation routière verticale (Lacroix Signalisation, Signature, Signaux Girod, Sécurité et signalisation, Aximum, Laporte Service Route, Franche Comté Signaux et Nadia Signalisation), pour avoir mis en place, entre 1997 et le 14 mars 2006, un cartel s'étant concrétisé dans des répartitions de marchés publics, selon des prix et des quotas fixés en commun, des pratiques d'exclusion de sociétés concurrentes jugées indésirables et figurant sur une « liste noire » et des remises décidées en commun vis à vis des acheteurs. Les quatre majors à l'origine de l'entente, les sociétés Signature, Signaux Girod, SES et Lacroix Signalisation, ont participé au cartel pendant toute la période, France Comté Signaux n'y ayant participé que quatre ans, Signaux Laporte de 2000 à 2006, avec une interruption en 2002 et 2003 et, enfin, Nadia Signalisation quelques mois.

Dans la même décision, l'Autorité de la concurrence a également sanctionné la société Sodilor pour avoir commis un abus de position dominante de 2001 à 2007 sur le marché de fournitures d'équipements de sécurité et de balisage en matière plastique, en ayant refusé d'approvisionner la société Signal Concept en balises de type J6, ce qui l'a empêchée de remporter plusieurs marchés publics. La société 3M France, active sur le marché des films plastiques rétro-réfléchissants, utilisés dans la fabrication de panneaux, s'est aussi vue infliger une sanction sur le même fondement d'abus de position dominante, pour avoir mis en place un système d'accréditations et de remises discriminatoires, entre 2003 et 2005, visant à avantager les membres du cartel.

Le 29 mars 2012, la cour d'appel de Paris a confirmé la décision de l'Autorité de la concurrence, minorant uniquement le montant de certaines sanctions pécuniaires.

Par arrêt du 28 mai 2013, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé à l'encontre de cet arrêt.

Les pratiques d'entente ont porté sur la quasi-totalité du marché géographique de la signalisation routière verticale de 1997 à 2006, évalué à 280 millions d'euros par an (point 358). Sur ce marché, les membres de l'entente représentaient 87 à 92 % (point 360).

Concomitamment à l'instruction devant l'Autorité de la concurrence, une instruction pénale avait été diligentée à l'encontre des dirigeants des sociétés incriminées à la suite d'une perquisition effectuée le 14 mars 2006. Le 13 septembre 2006, la société EMC2 s'est constituée partie civile dans le cadre de cette procédure. Le 30 juin 2011, le tribunal correctionnel de Nantes a condamné les principaux dirigeants des entreprises membres de l'entente pour avoir mis en place un ensemble de règles répartissant frauduleusement les marchés de la signalisation routière verticale. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 3 juillet 2014.

Les 13, 14, 15, 16 mars, 16 avril 2012 et le 15 janvier 2013, la société EMC2 et M. [X] ont assigné les sociétés Lacroix Signalisation, Signature SASU, Signature SAS, Signaux Girod, Sécurité et signalisation, Aximum, Laporte Service Route, Franche Comté Signaux, Nadia Signalisation, Sodilor, 3M France et Signalisation France, en indemnisation du préjudice causé par les pratiques anticoncurrentielles sanctionnées par l'Autorité de la concurrence, devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 26 mai 2015, le tribunal de commerce de Paris a :

- rejeté les exceptions de nullité des assignations délivrées à l'encontre des sociétés Signaux Girod et Franche Comté Signaux,

- dit n'y avoir pas lieu de sursoir à statuer,

- dit que l'action n'était pas prescrite,

- dit que Monsieur [X] était irrecevable en ses demandes à l'exception de son préjudice moral,

- débouté Monsieur [X] de sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral,

- mis hors de cause les société Euromark Holding venant aux droits de la SASU Signature et Signature SAS,

- dit que les sociétés Signalisation France, Lacroix Signalisation, Signaux Giraux, Franche Comté Signaux avaient commis des pratiques anticoncurrentielles au préjudice de la société EMC2,

- condamné les sociétés Signalisation France, Lacroix Signalisation, Signaux Girod à verser chacune la somme de 139 000 euros, la société Aximum la somme de 97 500 euros et la société Franche Comté Signaux la somme de 55 500 euros, à EMC2 en réparation du préjudice qu'elle a subi,

- ordonné la publication du dispositif du présent jugement au sein d'une publication spécialisée et d'un quotidien national aux frais des sociétés Signalisation France, Lacroix Signalisation, Signaux Girod, Aximum et France Comté Signaux prises in solidum, sans que le coût de l'insertion ne puisse excéder la somme de 5 000 euros HT,

- condamné in solidum EMC2 et M. [X] à verser à la société Euromark Holding, venant aux droits de Signature SASU, ainsi qu'à la société Signature SAS la somme de 1 000 euros pour procédure abusive,

- débouté la société Sodilor de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive,

- condamné au visa de l'article 700 du code de procédure civile, in solidum EMC2 et M. [X] à verser la somme de 2 000 euros aux sociétés Euromark Holding et Signature, la somme de 3 000 euros aux sociétés Sodilor et 3M France, déboutant pour les surplus,

- débouté les sociétés Laporte Service Groupe et Sécurité et Signalisation de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné chacune des sociétés Lacroix Signalisation, Signalisation France, Signaux Girod et Franche Comté Signaux, à verser à EMC2 la somme de 5 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus,

- ordonné l'exécution provisoire, à l'exception des mesures de publication,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus vastes ou contraires,

- condamné in solidum les sociétés Lacroix Signaliation, Signalisation France, Signaux Girod et France Comté Signaux aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 402,24 euros dont 66,82 euros de TVA.

Les cinq sociétés condamnées (Aximum, Franche Comté Signaux, Signalisation France, Signaux Girod et Lacroix Signalisation) ont relevé appel du jugement du 26 mai 2015, chaque appel ayant donné naissance à une instance distincte.

M. [X] et la société EMC2 ont parallèlement relevé appel du jugement du 26 mai 2015 à l'encontre des sociétés condamnées mais également à l'encontre des sociétés 3M France, Sodilor et Nadia Signalisation.

LA COUR

Vu les appels interjetés par les sociétés Aximum, Franche Comté Signaux, Signalisation France, Signaux Girod, Lacroix Signalisation et EMC2, ainsi que M. [X],

Vu les quatre ordonnances du 3 décembre 2015 et du 4 octobre 2016, ayant joint les différentes instances,

Vu l'ordonnance du 10 mars 2016 du conseiller de la mise en état, qui a :

- déclaré caduque la déclaration d'appel de la société EMC2 et de Monsieur [X] à l'encontre des sociétés Aximum et Lacroix Signalisation,

- déclaré caduque la déclaration d'appel de la société EMC2 à l'encontre de la société Nadia Signalisation (seul Monsieur [X] étant encore recevable à former des demandes à l'encontre de la société Nadia Signalisation),

Vu l'arrêt de la présente chambre rendu sur déféré le 6 octobre 2016, ayant confirmé en tout point la décision rendue par le conseiller de la mise en état,

Vu les dernières conclusions signifiées le 17 novembre 2017 par Monsieur [X] et la société EMC2, appelants et intimés, par lesquelles il est demandé à la cour de :

vu les articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur version en vigueur au moment des faits, L.420-1 et suivants et R.420-1 et suivants du code de commerce, 101 et 102 du TFUE,

vu la décision de l'Autorité de la concurrence n°10-D-39 du 22 décembre 2010,

- recevoir la société EMC2 et Monsieur [X] en leur appel, les dire bien fondés, en conséquence,

- infirmer le jugement rendu le 26 mai 2015 par le tribunal de commerce de Paris

et, statuant à nouveau,

- dire la société EMC2 et Monsieur [X] recevables et bien fondés en leurs demandes,

en conséquence,

- dire que les sociétés 3M France et Sodilor ont également commis des pratiques anticoncurrentielles au préjudice de la société EMC2 et les condamner à réparer ce préjudice,

en conséquence,

- condamner in solidum les sociétés Signalisation France, Lacroix Signalisation, Signaux Girod, Aximum, France Comté Signaux, Sodilor et 3M France à réparer le préjudice commercial subi par la société EMC2 à hauteur de 2 638 000 euros,

- condamner in solidum les sociétés Signalisation France, Lacroix Signalisation, Signaux Girod, Aximum, France Comté Signaux, Sodilor et 3M France à réparer la perte de chance subie par la société EMC2 à hauteur de 3 329 000 euros,

- dire Monsieur [X] recevable et bien fondé à demander réparation de son entier préjudice,

en conséquence,

- condamner in solidum les sociétés Signalisation France, Signaux Girod, France Comté Signaux, Nadia Signalisation, Sodilor et 3M France à réparer la perte de rémunération subie par Monsieur [X] à hauteur de 392 000 euros,

- condamner in solidum les sociétés Signalisation France, Signaux Girod, France Comté Signaux, Nadia Signalisation, Sodilor et 3M France à réparer les abandons de comptes courants effectués par Monsieur [X] à hauteur de 445 000 euros,

- condamner in solidum les sociétés Signalisation France, Signaux Girod, Aximum, France Comté Signaux, Nadia Signalisation Sodilor et 3M France à réparer la perte de valeur de la société subie par Monsieur [X] à hauteur de 3 147 000 euros,

- condamner in solidum les sociétés Signalisation France, Signaux Girod, France Comté Signaux, Nadia Signalisation, Sodilor et 3M France à réparer le préjudice moral subi par Monsieur [X] à hauteur de 500 000 euros,

vu l'article 462 du code de procédure civile,

- rectifier l'erreur matérielle entachant le dispositif du jugement en disant que la société Aximum est condamnée à verser 5 000 euros à la société EMC2 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée in solidum aux dépens avec les autres sociétés succombantes,

- confirmer le jugement pour le surplus,

-dire les appelantes mal fondées en leur appel et les intimées mal fondées en leurs appels incidents, en conséquence, les débouter de toutes leurs demandes, fins et prétentions et,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a : 

* dit que l'action de la société EMC2 et de Monsieur [X] n'était pas prescrite,

* dit que les sociétés Signalisation France, Lacroix Signalisation, Signaux Girod, Aximum et Franche Comté Signaux, avaient commis des pratiques anticoncurrentielles au préjudice de la société EMC2 et les a condamnées à réparer ce préjudice,

* débouté la société Sodilor de sa demande d'indemnisation pour procédure abusive,

* ordonné la publication du dispositif du jugement au sein d'une publication spécialisée et d'un quotidien national aux frais des sociétés Signalisation France, Lacroix Signalisation, Signaux Girod, Aximum, Franche Comté Signaux,

ajoutant au jugement entrepris,

- ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir au sein d'une publication spécialisée et d'un quotidien national aux frais des sociétés Signalisation France, Lacroix Signalisation, Signaux Girod, Aximum, France Comté Signaux, Nadia Signalisation, Sodilor et 3M France,

en tout hypothèse,

- condamner in solidum les sociétés Signalisation France, Lacroix Signalisation, Signaux Girod, Aximum, France Comté Signaux, Nadia Signalisation, Sodilor et 3M France à payer à la société EMC2 la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum les sociétés Signalisation France, Lacroix Signalisation, Signaux Girod, Aximum, France Comté Signaux, Nadia Signalisation, Sodilor et 3M France aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au bénéfice de Maître Véronique Couturier-Chollet, avocat à la cour, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 27 octobre 2017 par la société Signalisation France, appelante, par lesquelles il est demandé à la cour de :

vu les articles 31 et 122 du code de procédure civile, 1240, 1241 (anciennement 1382 et 1383 du code civil) et 2270-1 du code civil, L.420-1 et suivants, R.420-1 et suivants du code de commerce, 101 et 102 du TFUE,

vu les décisions du Conseil de la concurrence n°03-D-07 du 4 février 2003 et n°05-D-09 du 14 mars 2005,

vu la décision de l'Autorité de la concurrence n°10-D-39 du 22 décembre 2010,

vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, n°2011/01228,

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

en conséquence,

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 mai 2015, d'une part, en ce qu'il a écarté les fins de non-recevoir soulevées par la société Signalisation France à l'encontre de la société EMC2 et de Monsieur [X], à l'exception de celle tirée du défaut d'intérêt à agir de ce dernier au titre de prétendus préjudices résultant de la perte de chance de percevoir une rémunération plus substantielle, de l'abandon partiel de son compte-courant d'associé ainsi que de la perte de valeur de la société EMC2 dont la confirmation est requise et, d'autre part, de le réformer en toutes ses dispositions ayant fait droit aux demandes de la société EMC2,

et statuant à nouveau,

- à titre principal, déclarer les demandes de la société EMC2 et de Monsieur [X] irrecevables comme prescrites et, en ce qui concerne Monsieur [X], déclarer tout aussi irrecevable que celles écartées par les premiers juges, sa demande d'indemnisation au titre d'un prétendu préjudice moral en raison de son défaut d'intérêt légitime à agir,

- à titre subsidiaire, débouter la société EMC2 et Monsieur [X] de toutes leurs demandes, fins et moyens,

- et condamner in solidum la société EMC2 et Monsieur [X] à payer à la société Signalisation France SA une somme de 50 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance et d'appel ces derniers pouvant être recouvrés par la SCP SEPTIME en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 12 avril 2017 par la société Franche Comté Signaux, appelante, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- déclarer la société Franche Comté Signaux recevable et bien fondée en son appel,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé irrecevables les demandes de Monsieur [H] [X] au titre des pertes de rémunération de diminution de valeurs des parts sociales et l'abandon de comptes courants, en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation de Monsieur [X] en réparation de son préjudice moral,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 mai 2015 pour l'ensemble du reste de ses dispositions,

en conséquence,

- déclarer prescrite l'action engagée par la société EMC2 et Monsieur [X], la saisine du tribunal étant intervenue plus de 10 années après la connaissance des faits de nature à porter préjudice,

subsidiairement et s'il n'était pas fait droit à l'exception,

- constater que la société Franche Comté Signaux 'uvre uniquement dans le domaine de la signalisation routière verticale,

- voir constater que la société EMC2 a exercé dans ce secteur au cours des années 1999 à juin 2001,

- voir constater que la société FCS ne faisait pas partie de l'entente à cette époque comme en ayant été « admise » qu'au cours de l'année 2002,

en conséquence,

- juger que la société FCS n'a pu commettre des actes de nature anticoncurrentielle ayant pu porter préjudice à la société EMC2 et Monsieur [X],

en conséquence,

- les déclarer irrecevables et mal fondés en leurs appels principaux et incidents et les en débouter,

- les déclarer irrecevables et mal fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter purement et simplement,

- condamner conjointement et solidairement la société EMC2 et Monsieur [X] à payer à la concluante la somme de 15 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 21 avril 2017 par la société Signaux Girod, appelante, par lesquelles il est demandé à la cour de :

vu les articles 4 et 378 du code de procédure civile, 31, 1382 et 2270-1 (applicable à l'époque de faits) du code civil, L.420-1 du code de commerce,

vu les pièces versées aux débats,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 mai 2015 en ce qu'il a jugé irrecevables les demandes de Monsieur [X] au titre de la perte de rémunération, la diminution de la valeur des parts sociales et l'abandon de comptes courants,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 mai 2015 sur l'ensemble de ses autres dispositions,

ce faisant,

- constater que les demandes formées par Monsieur [X] et la société EMC2 sont prescrites,

- constater que la demande de Monsieur [X] au titre du préjudice moral est irrecevable à défaut de préjudice personnel,en conséquence,

- déclarer irrecevables les demandes formées par Monsieur [X] et la société EMC2,

à titre subsidiaire,

- constater que la société EMC2 et Monsieur [X] ne rapportent pas la preuve d'un quelconque lien de causalité entre les pratiques anticoncurrentielles reprochées aux défendeurs et les prétendus préjudices dont ils demandent réparation,

- constater que la société EMC2 et Monsieur [X] ne rapportent pas la preuve d'un quelconque préjudice résultant des pratiques anticoncurrentielles reprochées aux défendeurs sur la période 1997-2006,

en conséquence,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société EMC2 et de monsieur [X],

en tout état de cause,

- rejeter la demande de publication de la décision judiciaire à intervenir formée par la société EMC2 et Monsieur [X],

- condamner la société EMC2 et Monsieur [X] au paiement d'une indemnité de 30 000 euros à la société Signaux Girod au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société EMC2 et Monsieur [X] aux entiers dépens qui seront directement recouvrés par la SCP Grappotte Benetreau conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 20 novembre 2017 par la société Aximum, appelante, par lesquelles il est demandé à la cour de :

vu les articles 378 du code de procédure civile, 1240 (ancien 1382), 1241 (ancien 1383), 1842 et 2224 du code civil,

vu la décision n°10-D-39 de l'Autorité de la concurrence du 22 décembre 2010 relative à des pratiques mises en 'uvre dans le secteur de la signalisation routière verticale,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 mai 2015,

statuant à nouveau,

- à titre principal, déclarer irrecevables les demandes formées par la société EMC2 en ce qu'elles sont prescrites,

- à titre subsidiaire, déclarer irrecevables les demandes formées par Monsieur [X] à l'encontre de la société Aximum visant à obtenir une indemnisation de la perte de valeur de la société EMC2 qu'il aurait subie à hauteur de 3 147 000 euros et le paiement de la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce que le jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 mai 2015 rejetant ces demandes est devenu définitif à l'égard de la société Aximum,

- à titre subsidiaire, débouter l'ensemble des demandes, fins et moyens de la société EMC2,

et,

- condamner solidairement la société EMC2 à verser à la société Aximum la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société EMC2 aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître Teytaud, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 14 avril 2017 par la société Lacroix Signalisation, appelante, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- constater que par ordonnance du 10 mars 2016, confirmée par un arrêt sur déféré en date du 6 octobre 2016, la déclaration d'appel de Monsieur [X] et de la société EMC2 a fait l'objet d'une décision de caducité,

- déclarer en conséquence irrecevables toutes les demandes formées par Monseur [X] à l'encontre de la société Lacroix Signalisation, aucun lien d'instance n'existant entre ces deux parties,

- dire qu'en raison de la décision de caducité intervenue, la société EMC2 n'est plus recevable à solliciter l'infirmation du jugement rendu le 26 mai 2015,

vu les articles 31, 378 et suivants du code de procédure civile, 1382, 1383 et 2270-1 du code civil (ancien),

vu les pièces versées aux débats,

- dire recevable la société Lacroix Signalisation en son appel,

y faisant droit,

- dire prescrite l'action de la société EMC2,

en conséquence,

- déclarer irrecevables les demandes formulées par la société EMC2,

à titre subsidiaire, pour le cas où par impossible la cour ne déclarerait pas prescrites les actions de la société EMC2,

- débouter la société EMC2 de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société EMC2 à payer à la société Lacroix Signalisation une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner en outre aux entiers dépens et autoriser Maître Jacques Bellichach à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

***

Vu les dernières conclusions signifiées le 20 novembre 2017 par la société Sodilor, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :

vu les articles 1240 et 1241 (anciennement 1382 et 1383 du code civil) et 2270-1 du code civil, 31 et 122 du code de procédure civile, L.420-1 et suivants et R.420-1 et suivants du code de commerce, 101 et 102 du TFUE,

vu les décisions du Conseil de la concurrence n°03-D-07 du 4 février 2003 et n°05-D-09 du 14 mars 2005,

vu la décision de l'Autorité de la concurrence n°10-D-39 du 22 décembre 2010,

vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, n°2011/01228,

- déclarer EMC2 et Monsieur [X] mal fondés en leur appel et les débouter de toutes leurs demandes, fins et moyens,

- confirmer le jugement entrepris ce qu'il a débouté EMC2 et Monsieur [X] de leurs demandes à l'encontre de Sodilor et les a condamnés à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'infirmer ce qu'il a débouté Sodilor de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre d'EMC2 et de Monsieur [X] pour procédure abusive, et statuant à nouveau,

- condamner in solidum la société EMC2 et Monsieur [X] à payer à la société Sodilor une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner in solidum la société EMC2 et Monsieur [X] à payer à la société Sodilor une somme supplémentaire de 20 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés par la SCP Septime en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 21 avril 2017 par la société 3 M France, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :

à titre principal,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a déclaré l'action de EMC2 et Monsieur [X] non prescrite,

statuant à nouveau,

- déclarer l'action de EMC2 et Monsieur [X] prescrite,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté EMC2 et Monsieur [X] de l'ensemble de leurs demandes à l'égard de 3M France,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a condamné in solidum EMC2 et Monsieur [X] à payer à 3M France la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

- dire que les demandes de EMC2 et de Monsieur [X] sont mal fondées à l'encontre de 3M France,

en conséquence,

- débouter EMC2 et Monsieur [X] de l'intégralité de leurs demandes,

à titre infiniment subsidiaire,

- dire que EMC2 et Monsieur [X] sollicitent la réparation d'une perte de chance,

en conséquence,

- réduire les montants alloués,

- statuer sur la répartition des responsabilités des sociétés condamnées,

en conséquence,

- débouter EMC2 et Monsieur [X] de leur demande de condamnation in solidum de 3M France avec les autres sociétés condamnées,

en tout état de cause,

- condamner EMC2 et Monsieur [X] in solidum à verser à 3M France la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner EMC2 et Monsieur [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 25 avril 2017 par la société Nadia Signalisation, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :

vu le jugement entrepris,

vu les articles 1382 et 2244 du code civil, 31 du code de procédure civile, L.420 et suivants du code de commerce,

vu l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 10 mars 2016 et l'arrêt de la cour d'appel de Paris (pôle 5 chambre 4), statuant sur déféré, du 6 octobre 2016,

- dire que, du fait de la caducité de son appel, la société EMC2 n'est pas recevable en ses demandes dirigées en appel contre la société Nadia Signalisation et constater qu'elle abandonne toute demande à ce titre,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société EMC2 et Monsieur [X] de leurs demandes dirigées contre la société Nadia Signalisation, dans la mesure où la société Nadia Signalisation n'a pas participé aux pratiques anticoncurrentielles à l'origine des préjudices allégués par la société EMC2 et/ou Monsieur [X],

subsidiairement,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'action de la société EMC2 et de Monsieur [X] n'était pas prescrite,

- statuant à nouveau sur ce point, dire que les demandes de la société EMC2 et de Monsieur [X] sont prescrites,

très subsidiairement, sur le fond,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [X] de ses demandes comme irrecevables et/ou infondées et l'en a débouté,

- dire que Monsieur [X] n'est pas recevable en ses demandes,

- dire que ni la société EMC2, ni Monsieur [X] n'établissent le principe et le quantum de leur préjudice,

- dire que la responsabilité de la société Nadia Signalisation ne pourrait en tout état de cause qu'être limitée à hauteur de sa part de responsabilité dans les dommages qu'elle aurait causés à la société EMC2 et à Monsieur [X],

en tout état de cause,

- débouter la société EMC2 et Monsieur [X] de l'ensemble de leurs prétentions, fins et conclusions dirigées contre la société Nadia Signalisation comme partiellement irrecevables et en tout état de cause infondées,

- condamner in solidum la société EMC2 et Monsieur [X] à verser à la société Nadia Signalisation la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la société EMC2 et Monsieur [X] aux entiers dépens ;

SUR CE

Sur les caducités de déclaration d'appel

Par ordonnance du 10 mars 2016, le conseiller de la mise en état a déclaré caduque la déclaration d'appel de la société EMC2 et de Monsieur [X] à l'encontre des sociétés Aximum et Lacroix Signalisation, ainsi que la déclaration d'appel de la société EMC2 à l'encontre de la société Nadia Signalisation (seul Monsieur [X] étant encore recevable à former des demandes à l'encontre de la société Nadia Signalisation). Par arrêt sur déféré du 6 octobre 2016, la cour d'appel de Paris a confirmé en tout point la décision du conseiller de la mise en état.

En conséquence, les sociétés Lacroix Signalisation et Aximum sollicitent de la cour que Monsieur [X] et la société EMC2 soient déclarés irrecevables en toutes leurs demandes à leur encontre.

La société Nadia Signalisation note que la société EMC2 ne formule plus de demande à son encontre et que seul Monsieur [X] poursuit l'indemnisation de son préjudice.

Il y a donc lieu de déclarer irrecevables les demandes de la société EMC2 et de M. [X] à l'encontre des sociétés Aximum et Lacroix Signalisation, ainsi que la demande de la société EMC2 à l'encontre de la société Nadia Signalisation.

Sur la prescription de l'action de la société EMC2 et de M. [X]

Les sociétés auteurs des pratiques anticoncurrentielles estiment qu'il ressort des faits et des pièces versées aux débats que M. [X] a eu connaissance, personnellement et en tant que dirigeant de la société EMC2, dès 1995, des pratiques sur lesquelles il fonde ses demandes principales et qu'il y aurait même participé activement. En effet, elles soutiennent que M. [X] qui, après avoir été président du conseil d'administration de la société CSIE (filiale de Lacroix Signalisation) ainsi qu'associé de la société Lacroix Signalisation, a rejoint en 2000 la société Signaux Girod en tant que directeur commercial régional de IDF Signalisation (filiale de Signaux Girod pour l'Ile de France), avait nécessairement connaissance de l'entente dès 1995. Elles ajoutent que la société EMC2 en avait quant à elle nécessairement eu connaissance en 1999, puisqu'un rapport de l'administrateur judiciaire de la société EMC2 indique expressément que la société EMC2 avait, dès 1999, adapté sa politique commerciale pour contrevenir à l'entente. Elles estiment par ailleurs que la prescription n'a pas pu être interrompue par la constitution de partie civile de la société EMC2 du 13 septembre 2006 dans le cadre de l'instance pénale, dès lors que cette instance ne visait que les dirigeants des personnes morales et n'a, en conséquence, pas pu interrompre la prescription à l'égard des sociétés dont la responsabilité est aujourd'hui recherchée.

La société EMC2 et M. [X] rappellent la règle selon laquelle la prescription ne peut commencer à courir qu'au jour où le créancier peut valablement agir, à savoir, en l'espèce, au jour où la nature des faits et l'identité des auteurs des pratiques anticoncurrentielles préjudiciables ont été publiquement révélées par la décision de l'Autorité de la concurrence et soutiennent que des soupçons, voire même la conviction de l'existence d'une entente, sont insuffisants pour constituer la connaissance des faits nécessaires à l'exercice d'une action en réparation, visée à l'article 2224 du code civil. À titre subsidiaire, ils exposent que la prescription a, en toute hypothèse, été interrompue, dès le 13 septembre 2006, par la constitution de partie civile de la société EMC2 dans le cadre de la procédure pénale.

***

L'article 2224 du code civil, modifié par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, dispose que : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

La notion de « faits permettant d'exercer un droit » s'entend de faits permettant d'agir ou de défendre ce droit. En matière d'action en responsabilité, comme dans la présente espèce, la prescription ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

Ainsi que l'a relevé la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 mars 2012, l'entente sanctionnée consistait dans un comportement collusif continu destiné à fausser la concurrence, les entreprises se réunissant régulièrement « afin de se répartir les marchés publics de la presque totalité du territoire national, avec des prix et des parts de marché fixés en commun, et ce, selon des règles pré-établies figurant dans un document intitulé ' Règles ' ». Selon ce même arrêt, l'activité délictueuse a pris fin au plus tôt le 14 mars 2006 lors de la perquisition effectuée sur commission rogatoire dans un restaurant parisien où s'étaient réunis les membres de l'entente. La prescription administrative des faits litigieux devant l'Autorité a donc commencé à courir le 14 mars 2006.

Mais cette date de la fin des pratiques continues d'entente de répartition, de mars 2006, relevée par l'Autorité de la concurrence, ne peut être retenue comme point de départ de la prescription de l'action civile. En effet, à cette date, la société EMC2 et M. [X] avaient tout au plus de simples soupçons de l'entente et de l'abus de position dominante dont ils étaient victimes, mais aucune certitude de nature à leur permettre d'agir en réparation contre les auteurs de ces pratiques.

Il ne peut en effet s'inférer des fonctions assumées antérieurement par M. [X] au sein de deux sociétés pivots de l'entente, qu'il avait une parfaite connaissance de l'existence et du périmètre du cartel. En effet, si la décision du Conseil de la concurrence du 4 février 2003, relative à des pratiques d'ententes préalables au dépôt des offres, de 1994 à 1999, démontre que le secteur de la signalisation routière verticale était déjà affecté de pratiques anticoncurrentielles, aucune solution de continuité ne peut être établie avec certitude entre ces pratiques et le cartel sanctionné a posteriori, de sorte que M. [X] a pu, dans le cadre de ses anciennes fonctions, connaître certaines ententes ponctuelles commises entre 1994 et 1999, sans pour autant être informé du fonctionnement et de la dimension du cartel national de partage de marchés entre les leaders du secteur. Seule la décision de l'Autorité de la concurrence, du 22 décembre 2010, confirmée sur le fond par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, lui-même confirmé par la Cour de cassation le 28 mai 2013, dans laquelle l'Autorité a décrit le fonctionnement de l'entente et des abus de position dominante, leur durée et la participation respective de chacun des membres, était de nature à leur permettre d'agir utilement en réparation devant une juridiction commerciale.

De même, le rapport de l'administrateur judiciaire de la société EMC2, indiquant que cette société avait, dès 1999, adapté sa politique commerciale pour contrevenir à l'entente, ne peut établir qu'elle avait, à cette époque, une connaissance précise du cartel, dépassant la simple rumeur, sur son fonctionnement et sur ses membres, de nature à lui permettre d'intenter une action en dommages-intérêts.

Dès lors, les actions intentées les 13, 14, 15, 16 mars, 16 avril 2012 et 15 janvier 2013, par la société EMC2 et M. [X], contre les sociétés Lacroix Signalisation, Signature SASU, Signature SAS, Signaux Girod, Sécurité et signalisation, Aximum, Laporte Service Route, Franche Comté Signaux, Nadia Signalisation, Sodilor, 3M France et Signalisation France, sont intervenues en période non prescrite.

Mais à supposer même que le point de départ soit fixé au 14 mars 2006, les dispositions transitoires de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, loi qui a réduit le délai de prescription de 10 à 5 ans, prévoient que « Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure », de sorte que la prescription était acquise au plus tard le 19 juin 2013 et les actions engagées avant l'expiration de ce délai sont donc recevables.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription des actions en responsabilité.

Sur la responsabilité des sociétés ayant commis des pratiques anticoncurrentielles

La société EMC2 et M. [X] estiment que les infractions au droit de la concurrence sanctionnées par l'Autorité de la concurrence constituent des fautes génératrices de dommages-intérêts.

Les sociétés mises en cause ne contestent pas ce point, mais réfutent tout lien de causalité entre les pratiques illégales commises par elles et de prétendus dommages subis par la société EMC2 et M. [X].

Elles soulignent en premier lieu que la société EMC2 n'a été active sur le marché des panneaux de signalisation routière verticale que de 1997 à 2001, cette société s'étant, après cette date, recentrée sur son activité antérieure de vendeur de panneaux électriques, de sorte qu'elle ne peut se prétendre victime pour la durée des pratiques postérieures à mars 2001. En deuxième lieu, elles estiment que M. [X] est irrecevable à demander réparation des pratiques, faute de démontrer un préjudice distinct de sa société. En troisième lieu, certaines d'entre elles exposent que leur participation au cartel (sociétés France Comté Signaux et Nadia Signalisation) et la période de caractérisation des deux abus de position dominante (sociétés 3M France et Sodilor) sont postérieures à la présence d'EMC2 sur le marché affecté, de sorte qu'aucun lien ne peut être établi entre leurs pratiques et un prétendu dommage de EMC2. En quatrième lieu, la société Aximum relève qu'elle n'a été sanctionnée qu'en tant que société-mère de la société SES et ne saurait se voir déclarer responsable civilement des dommages causés par SES, en l'absence de toute immixtion personnelle dans les pratiques. En cinquième lieu, les sociétés mises en cause soulignent que la société EMC2 ne caractérise pas son préjudice, ne prenant pas la peine de décrire et de démontrer, par des pièces de son dossier, les pratiques d'exclusion des marchés publics dont elle aurait pu être victime. Enfin, elles contestent les évaluations du préjudice de la société EMC2 et de M. [X] effectuées par l'expert comptable de la société EMC2 et celles du tribunal de commerce.

1. Sur la détermination de la période pendant laquelle la société EMC2 aurait subi un préjudice

Les sociétés auteurs des pratiques anticoncurrentielles soutiennent que le lien de causalité entre l'entente sanctionnée et le dommage subi par la société EMC2 a été rompu par la cession volontaire, le 20 juin 2001, par la société EMC2, de son unité de production de panneaux de signalisation routière verticale et par le fait que cette société s'est, à compter de juin 2001, limitée à une activité de production de panneaux lumineux, abandonnant son activité sur le marché distinct des panneaux de signalisation routière verticale. Elles soulignent que la société EMC2 n'était plus visée dans la « liste noire » à compter de 2001 et qu'en réalité, celle-ci visait le repreneur de l'unité de fabrication, la société EMC2 Signalisation, société distincte. Elles ajoutent que la clientèle naturelle de la société EMC2 était différente de celle de l'entente et que les difficultés de la société EMC2 trouvent en réalité leur cause dans la mauvaise gestion de Monsieur [X].

La société EMC2 soutient qu'elle n'est nullement sortie du marché de la signalisation routière verticale, en juin 2001, lors de la cession de son unité de production, mais qu'elle est simplement revenue à son c'ur de métier originel, soit celui de négociant-revendeur de produits de signalisation verticale. Elle explique qu'en 2001, « elle a été contrainte de restructurer son activité, qu'elle a cédé sa branche d'activités panneaux verticaux à la société Prosign et réorienté son activité vers la fabrication et l'installation de panneaux lumineux », mais qu'elle a poursuivi une activité de négoce d'éléments de signalisation après la date de cession, sans capacité de production autonome, étant devenue simple distributeur des produits de son ancienne unité de production. La société EMC2 rappelle que sa présence sur le marché de la signalisation routière verticale est attestée par sa participation aux procédures d'appel d'offre pour des marchés publics jusqu'en 2006, sa présence sur la « liste noire », ainsi que par des attestations et diverses autres pièces.

***

Les pratiques sanctionnées par l'Autorité ont eu, notamment, pour objet et effet d'entraver l'accès au marché de la signalisation routière verticale de petites et moyennes entreprises dont certaines étaient mentionnées sur une « liste noire », non membres du cartel, de 1997 à mars 2006.

Mais l'Autorité a surtout mis en évidence, dans sa décision, l'effet du cartel sur les prix à destination des collectivités acheteuses, qui ont subi des surcoûts à cause de la collusion. Elle a repris à son compte, comme reflétant le mieux la situation du marché, mais comme un minorant de celle-ci, l'étude réalisée par le cabinet Deloitte, selon laquelle « l'entente a entraîné un surprix estimé entre 6 et 7 %, mesuré sur l'ensemble du marché des panneaux de signalisation verticale. L'établissement de ce surprix s'appuie sur (i) une comparaison de la structure du résultat de l'entreprise Signature avec celle des concurrents non-membres de l'entente, qui n'avaient donc pu bénéficier de la répartition des marchés organisée par l'entente, (ii) une comparaison des offres réalisées par Signature et par les concurrents non-membres de l'entente dans douze appels d'offres remportés par ces dernières, (iii) une analyse de l'évolution des prix et des coûts de fabrication. Ces exercices de comparaison fournissent une quantification pertinente ».

Toutefois, les effets du cartel sur les entreprises extérieures sont également décrits dans la décision de l'Autorité, quoique de façon moins précise. Ils ont revêtu deux formes distinctes. En premier lieu, les entreprises membres du cartel ont vendu aux entreprises non productrices de panneaux de signalisation routière verticale des produits à des prix non compétitifs, interdisant à celles-ci, tributaires des fournitures des membres de l'entente, puisque ceux-ci représentaient 87 à 92 % du marché (point 360 de la décision), de pouvoir soumissionner avec quelque chance de succès en concurrence avec elles. En second lieu, elles ont pratiqué, en réponse aux appels d'offres des collectivités, des prix de soumission d'éviction (en consentant aux collectivités des rabais très importants), lorsque des entreprises non membres de l'entente soumissionnaient en concurrence avec elles.

La cour d'appel a ainsi résumé, dans l'arrêt précité, les deux effets d'exclusion du cartel, portant sur le marché amont de l'achat des panneaux et sur le marché aval des appels d'offres : « le cartel avait (') établi une « liste noire » des entreprises concurrentes jugées indésirables et mis en 'uvre à l'égard de ces entreprises des pratiques d'exclusion consistant notamment, ainsi qu'il résulte des déclarations concordantes de sociétés membres et non membres du cartel, à accorder aux revendeurs des remises ne leur permettant pas d'être compétitif sur le marché et à moduler leurs offres lorsqu'une société non membres de l'entente retirait un dossier d'appel d'offres ».

Si la société EMC2 était présente sur le marché des produits de signalisation routière verticale en tant que producteur de panneaux et possible soumissionnaire aux marchés lancés par les collectivités dès l'acquisition de son unité de production, soit en septembre 1997 et jusqu'à la vente de cette unité en juin 2001, il lui appartient de démontrer qu'elle a pu être affectée par les pratiques incriminées, non plus en tant que producteur, mais en tant que simple négociant-revendeur des produits concernés, après la cession de son usine de production, le 20 juin 2001, et jusqu'en mars 2006, ce qui implique qu'elle établisse qu'elle a acheté des produits de signalisation routière verticale pour les revendre, après cette date.

Or, s'il résulte du protocole d'accord et de cession de fonds de commerce signé entre les sociétés EMC2, Prosign, Natanni et Monsieur [X], le 20 juin 2001, que la société Natanni (qui prendra la dénomination de EMC2 Signalisation, puis en 2003, de Signeurop) a fait l'acquisition des équipements de fabrication de produits de signalisation routière de la société EMC2 ainsi que des homologations délivrées à celle-ci par l'Asquer, et si ce protocole prévoyait que les parties s'accorderaient sur la distribution, par EMC2 et Prosign, des équipements de signalisation produits par la société Natanni, la société EMC2 ne verse aux débats aucun contrat de distribution signé entre elles à la suite du protocole.

Surtout, aucune facture, aucune soumission ou pièce concernant la période 2001-2006 ne viennent par ailleurs attester d'une quelconque manière du fait que la société EMC2 aurait continué de facto, après la cession de son unité de production, en juin 2001, une activité de revendeur de produits de signalisation routière verticale, pas plus d'ailleurs qu'elle ne démontre avoir exercé cette activité avant l'acquisition en 1997, de cette unité.

Il résulte au contraire d'une note présentée en 2008 par la société EMC2 au tribunal de commerce de Pontoise, en vue de l'ouverture d'une procédure de redressement (pièce 10 de la société 3 M France, page 2), qu'aux termes de la cession de sa branche d'activité « panneaux verticaux » à la société Prosign en 2001, « EMC2 a restructuré son activité résiduelle et est redevenue, comme à ses débuts, une société procédant à la fabrication et à l'installation de panneaux lumineux, généralement de taille importante et notamment les réseaux routiers rapides ».

Par ailleurs, l'administrateur judiciaire de la société EMC2 ne fait aucune mention, dans son rapport du 9 septembre 2008, de la présence d'EMC2, après juin 2001, sur le secteur de la signalisation routière verticale (pièce 13 de EMC2), hormis dans ses prévisions, à compter de fin septembre 2008.

De même, dans un courrier adressé à l'Asquer, le 5 avril 2001 (pièce 30 de la société Signalisation France, en annexe), la société EMC2 signale : « Suite à notre conversation de ce jour, nous vous confirmons, par la présente, que nous envisageons d'isoler la division panneaux de signalisation dans une structure indépendante nouvelle donc un changement de dénomination de société. EMC2 restant comme fabricant de signalisation lumineuse et distributeur de divers équipements de sécurité ». Il n'y est pas, là encore, mentionnée l'activité de négoce de panneaux de signalisation routière verticale.

Les deux attestations versées aux débats par EMC2 ne rapportent pas davantage cette preuve. La première (pièce 24 d'EMC2) émane d'une ancienne salariée de la société EMC2 Signalisation (devenue Signeurop), qui vient témoigner des réponses à appels d'offres de cette société Signeurop, à compter du 5 novembre 2011, mais ne concerne pas la société EMC2.

La seconde (pièce 25 d'EMC2), non datée, fait référence à des appels d'offres auxquels la société EMC2 aurait répondu dans le « domaine de la signalisation routière », sans qu'il soit précisé s'il s'agit de la signalisation routière verticale ou de la signalisation lumineuse, appartenant à un marché distinct, de sorte qu'elle est dépourvue de portée.

La société EMC2 prétend que ses pièces 33 et 34, qui démontrent qu'elle a soumissionné au marché public de signalisation routière du Val d'Oise en février 2006, attestent qu'elle était encore présente en 2006, comme revendeur, sur le marché de la signalisation verticale. Mais cette offre, qui intervient à la toute fin de la période incriminée, a été éliminée à cause de son défaut de certification Afnor au titre de la signalisation routière verticale, ce qui ne corrobore pas le fait qu'elle exerçait cette activité de manière habituelle et constante depuis 2001 (pièce 29 de la société Signalisation France). Elle justifie également avoir répondu à un appel d'offres en 2010, mais il s'agit d'une période non concernée par l'entente litigieuse. En outre, la circonstance qu'elle continuerait à remporter des marchés importants en 2016 et 2017, alors qu'elle est toujours dépourvue d'unité de production (pièce n° 38 de EMC2) et proposerait à ses clients, en qualité de négociant revendeur, toute la gamme de signalisation urbaine, en ce compris les balises plastiques dont les délinéateurs J6 (pièce n° 39 de EMC2), est indifférente pour la solution du présent litige et ne démontre pas sa présence sur le marché pertinent de 2001 à 2006.

Enfin, si elle figure en tête de la « liste noire » du 10 mai 2005 des entreprises à éliminer par l'entente (page 31 de la décision de l'Autorité), ainsi que dans d'autres listes noires antérieures (pièce 10 de la société EMC2) sans qu'aucune confusion ne puisse être pratiquée avec la société EMC2 Signalisation, figurant sous le nom de Signeurop dans cette liste, cet élément ne suffit pas en soi à démontrer qu'elle était encore active sur le marché de la signalisation routière verticale après 2001, la mention de la société pouvant résulter de l'incertitude des membres de l'entente sur le comportement à venir de la société EMC2 ou sur une simple mauvaise actualisation des données.

La société EMC2 échoue donc à démontrer qu'elle était encore active dans le secteur du négoce de produits de signalisation routière verticale, à compter de la cession de son fond de fabrication, en juin 2001. Elle ne démontre sa présence sur le marché que de septembre 1997 à juin 2001, période au cours de laquelle devra être évalué son préjudice.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que la société EMC2 avait été victime de l'entente de 1997 à 2006.

2. Sur la recevabilité des demandes de M. [X]

M. [X], qui soutient avoir été victime de préjudices personnels, distincts de ceux de sa société EMC2, est recevable à agir, sans préjudice de l'examen du bien-fondé de ses demandes.

3. Sur la contestation du lien de causalité entre d'une part la participation au cartel des sociétés Franche Comté Signaux et Nadia Signalisation et les deux abus de position dominante imputés aux sociétés 3M France et Sodilor et d'autre part un préjudice subi par la société EMC2

Il résulte de la décision de l'Autorité de la concurrence, non sérieusement contestée sur ce point, que la société Franche Comté Signaux n'a participé que quatre ans au cartel, la société Signaux Laporte de 2000 à 2006, avec une interruption en 2002 et 2003 et, enfin, la société Nadia Signalisation quelques mois.

Sur la responsabilité de la société Nadia Signalisation dans un éventuel préjudice de la société EMC2

La société Nadia Signalisation soutient qu'elle n'a pu aucunement jouer un quelconque rôle dans la survenance des dommages prétendument subis par les demandeurs, dès lors qu'aucune faute ne lui est imputable en lien avec le préjudice subi par EMC2 et M. [X], avant leur sortie du marché. En outre, elle expose qu'il ne peut lui être reproché d'avoir participé à l'entente que de manière très limitée, soit tout au plus quelques mois entre la fin de l'année 2005 et le mois de mars 2006 et sollicite en conséquence la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société EMC2 et Monsieur [X] de leurs demandes dirigées contre elle.

La société EMC2 abandonne ses demandes à l'encontre de cette société, seul M. [X] les maintenant, estimant que le fait que la participation de la société Nadia Signalisation à l'entente n'ait pu être établie que sur quelques mois ne peut l'exonérer de sa responsabilité civile, et ce d'autant moins que l'Autorité de la concurrence a effectivement reconnu sa responsabilité au titre du cartel et l'a condamnée à une amende de 166 000 euros. Il sollicite en conséquence sa condamnation in solidum avec les autres intimées à indemniser son préjudice.

La société Nadia Signalisation a été sanctionnée par l'Autorité de la concurrence pour avoir participé à une réunion du cartel en décembre 2005, puis à la réunion du Pré Catelan du 14 mars 2006. La société ne démontrant pas s'être publiquement distanciée de l'objet de l'entente, elle a été justement sanctionnée par l'Autorité pour avoir adhéré à l'entente complexe et continue. Toutefois, l'Autorité a tenu compte de sa participation très limitée à l'entente pour modérer le montant des sanctions pécuniaires prononcées à son encontre.

Bien que co-responsable du cartel, quoiqu'à un niveau d'intensité moindre que les autres sociétés, la société Nadia Signalisation qui n'a rejoint le cartel qu'en décembre 2005, ne saurait être tenue pour responsable des éventuels préjudices subis par la société EMC2 et M. [X] de 1997 à 2001, aucun lien de causalité ne pouvant être établi entre les faits litigieux et les prétendus dommages.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a écarté la responsabilité civile de la société Nadia Signalisation à l'égard de la société EMC2 et de M. [X].

Sur la responsabilité de la société Franche Comte Signaux dans un éventuel préjudice de EMC2

La société Franche Comté Signaux expose qu'elle n'est entrée dans le cartel qu'en 2002, soit postérieurement à la sortie du marché de la société EMC2.

Mais, s'il est exact que l'Autorité ne date pas précisément la date d'entrée de Franche Comté Signaux dans la collusion, la société EMC2 et M. [X] soulignent à juste titre que cette société était bénéficiaire de l'entente avant 2002, au moins dès 1999, même si sa participation a été plus intermittente que celle des meneurs de l'entente.

Ainsi que le souligne la décision de l'Autorité de la concurrence (§ 89) : « Par exemple, dans le cadre des marchés du département de l'Aude (de 2000 à 2002), des «compensations» ont été prévues au profit des sociétés Signature, Nord Signalisation et FCS (cotes 1.016 et suiv.) ».

Par ailleurs, au point 238 de sa décision, l'Autorité rappelle que : « Ces déclarations sont corroborées par les tableaux « Patrimoines » versés au dossier FCS y apparait en effet comme bénéficiaire de quelques marchés à commande, parfois avec une autre entreprise : ainsi, le marché des routes départementales et nationales du Doubs (1999-2001) affecté, dans le cadre de l'entente, au tandem FCS/Signaux Girod, était détenu par FCS. Le président de FCS a déclaré, à ce sujet, le 20 mai 2008 : «je confirme que FCS est titulaire du marché à commandes dans le marché du Doubs depuis environ 9 ans. Je n'ai pas d'explication à donner sur une compensation avec Girod ». Un autre marché à commandes (routes départementales de l'Aude, subdivision de Quillah, 2000-2002) avait été affecté à TES, mais c'est Signature qui a remporté le marché, ce qui devait entraîner une « compensation » au profit de TES ».

Elle en déduit au point 239 que : « (...) la participation de FCS à l'entente visée par le grief n° 1 a été plus durable que celle que les dirigeants de l'entreprise ont reconnue, mais sans être permanente ».

Dès lors, cette société est responsable des dommages subis par EMC2 avant sa sortie du marché de de 1999 à juin 2001.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris ce qu'il a retenu la responsabilité de cette société dans les dommages subis par la société EMC2.

Sur la responsabilité des sociétés 3M France et Sodilor

La société EMC2 et Monsieur [X] s'estiment victimes des pratiques d'abus de position dominante imputées par l'Autorité de la concurrence aux sociétés 3M France et Sodilor et s'appuient sur la décision de l'Autorité du 22 décembre 2010 en ce qu'elle a relevé :

- que les pratiques mises en 'uvre par la société Sodilor ont eu un effet perturbateur sur le marché dans son ensemble et non pas seulement sur la fraction du marché correspondant aux produits qu'elle fabriquait dès lors qu'elle refusait de vendre à certains concurrents des produits indispensables à certains appels d'offre, et notamment les balises J8,

- et que le système d'accréditation opaque et le barème discriminatoire mis en place par la société 3M France a nécessairement eu pour effet de renforcer en amont les difficultés déjà rencontrées en aval par les PME non membres de l'entente pour accéder au marché de la signalisation routière en France.

La société EMC2 et Monsieur [X] sollicitent donc la condamnation in solidum des sociétés 3M France et Sodilor avec les autres sociétés membres de l'entente à réparer leur préjudice.

La société 3M France rappelle qu'elle n'a jamais été membre de l'entente en cause, n'a jamais mis en 'uvre une action concertée avec ses membres et que l'Autorité de la concurrence l'a condamnée, de manière distincte, sur le fondement d'un abus de position dominante caractérisé par un système d'accréditations discriminatoires entre 2003 et 2005, dont la société EMC2 et Monsieur [X] n'établissent pas en quoi ils auraient pu avoir été victimes, puisqu'au surplus, EMC2 était déjà sorti du marché à l'époque.

La société Sodilor souligne également qu'elle n'a jamais été membre de l'entente en cause et que l'Autorité de la concurrence ne l'a sanctionnée que pour un abus de position dominante sur le marché des fournitures d'équipement de sécurité et de balisage en matière plastique ; par conséquent, la société EMC2, qui intervenait sur le secteur de la signalisation verticale temporaire et permanente, n'a pas pu être affectée par l'abus de position dominante qui lui est reproché.

Il ressort des paragraphes 265 à 269 de la décision de l'Autorité de la concurrence du 22 décembre 2010, dont se prévalent la société EMC2 et Monsieur [X], que la société Sodilor a été exclusivement sanctionnée pour avoir entravé l'approvisionnement de la société Signal Concept en un modèle de balise en plastique de type J6, également appelé délinéateur et, ce, entre 2001 et 2007 (pages 83 et 84 de la décision).

Si la société EMC2 et M. [X] prétendent avoir été victimes des mêmes pratiques de la part de la société Sodilor, ils n'en apportent aucun commencement de preuve, aucun refus de vente de la part de cette société n'étant établi, qui aurait empêché la société EMC2 de concourir à un appel d'offres.

Il y a donc lieu de rejeter les demandes à l'encontre de cette société et de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

La société EMC2 et M. [X] soutiennent également être victimes d'un abus de position dominante de la société 3M sur le marché du film rétro réfléchissant. Mais, les pratiques sanctionnées par l'Autorité sont postérieures à la sortie du marché de la société EMC2 et elle ne démontre pas, par des preuves distinctes de la décision de l'Autorité, avoir été victime de telles pratiques de 1997 à 2001, lorsqu'elle fabriquait des panneaux de signalisation routière verticale.

Le jugement entrepris sera donc également confirmé en ce qu'il a débouté la société EMC2 et M. [X] de leurs demandes à l'encontre de la société 3M.

La seule circonstance, relevée par l'Autorité, selon laquelle l'abus de position dominante de la société 3M France a aggravé la situation des concurrents non membres de l'entente, et donc l'effet du cartel, ne saurait rétroagir et fonder de façon indifférenciée la responsabilité de cette société à l'égard de tout concurrent de l'entente. En effet, si cette pratique a renchéri le coût des films plastiques destinés à la signalisation routière verticale, dont le prix représente entre 50 et 60 % du coût des panneaux (« Le système d'accréditation opaque et le barème discriminatoire mis en place par 3M France a, compte tenu de la part du film de classe 2 dans le prix de revient et du caractère captif de certains produits, nécessairement eu pour effet de renforcer en amont les difficultés déjà rencontrées en aval par les PME non-membres de l'entente pour accéder au marché de la signalisation routière en France du fait des pratiques dirigées par ledit cartel à leur encontre » (point 397)), la société EMC2 n'établit à aucun moment avoir souffert, de 1997 à 2001, de cette pratique.

4. Sur la responsabilité de la société Aximum

La société Aximum soutient qu'elle n'a pas participé personnellement aux pratiques anticoncurrentielles et qu'elle a été sanctionnée en sa qualité de société-mère de l'auteur des pratiques, la société Signalisation et sécurité (SES), de sorte que sa responsabilité civile ne peut être recherchée pour les agissements commis par sa filiale, en l'absence de preuve de son immixtion dans les pratiques de sa filiale.

La société EMC2 et Monsieur [X] estiment que les principes d'autonomie invoqués par la société Aximum ne sauraient s'appliquer en l'espèce, compte-tenu du caractère largement fictif de la personnalité morale de la société SES, placée en pratique sous l'autorité de la société Aximum. La société EMC2 et Monsieur [X] prétendent que la responsabilité de la société Aximum est pleinement établie, tant par son immixtion dans la gestion de sa filiale que par les faits de complicité établis à l'encontre de son PDG jusqu'en 2004.

***

Les constatations de l'Autorité, non sérieusement remises en cause par la société Aximum, font ressortir son immixtion dans la politique commerciale de sa filiale, de sorte qu'elle ne peut qu'être tenue pour civilement responsable des pratiques commises par celle-ci.

Le pôle industrie de la société Somaro (devenue Aximum) était fortement impliqué dans la gestion de ses filiales, dont SES, et intervenait directement dans le domaine de la signalisation routière, ainsi qu'il ressort du point 332 de la décision de l'Autorité : « Cependant, les rapports trimestriels de gestion du pôle « Industries » de Somaro pour les années 1999 à 2004, versés au dossier par SES en annexe à ses observations, attestent de l'implication du pôle «Industries» de Somaro dans la gestion de ses filiales. On relève ainsi, dans le rapport de gestion dudit pôle au 4ème trimestre 2004 (cotes 10937 à 10948), une analyse détaillée des réalisations significatives, du carnet de commandes, des « tendances du marché», des évolutions techniques, des ressources humaines, des investissements et de la trésorerie des différentes filiales. Loin de se limiter à un «titre générique», le pôle «Industries» de Somaro, dirigé par M.C...de janvier 1999 à décembre 2005, intervenait donc directement dans la gestion de ses différentes filiales présentes sur le marché de la signalisation routière, au premier rang desquelles figurait SES ».

Comme l'a également relevé l'Autorité de la concurrence dans sa décision, l'un des dirigeants de Somaro participait aux réunions du cartel afin d'y représenter la société SES : « Mais, comme le fait observer aujourd'hui SES, M. C. participait aux réunions «patrons» du cartel jusqu'à 2003 afin d'y représenter SES « alors qu'il était uniquement salarié de la société Somaro » », de sorte que « c'est bien en tant que responsable de Somaro que M. C intervenait dans la gestion de SES » (point 334 de la décision), de sorte qu'existait une véritable confusion entre les deux sociétés Somaro et SES (point 335 de la décision).

L'Autorité a également mis en évidence l'existence d'une délégation de pouvoir délivrée par le président de SES à M. C., en sa qualité de directeur du pôle industrie de Somaro. Cette délégation extrêmement générale lui permettait de « consentir et accepter tous traités, marchés, soumissions et entreprises de travaux publics et privés », de « représenter la société auprès des administrations, collectivités publiques et privées », d' « exécuter toutes livraisons et effectuer tous travaux », de « gérer le personnel placé sous sa responsabilité », d' « adapter le volume des effectifs en quantité et qualité », de « donner toutes instructions générales dans le cadre de ces responsabilités » (point 334 de la décision). L'ingérence et l'immixtion de la société mère dans la gestion et la direction de sa filiale et, partant, l'implication directe de la société Aximum dans les agissements anticoncurrentiels constatés, sont donc bien établies.

Au-delà, l'implication personnelle de Monsieur [Q] [J], PDG de Somara de 1996 au 31 décembre 2004, dans les pratiques d'entente, a été retenue à titre de complice dans le jugement du tribunal correctionnel de Rennes du 30 juin 2011 relatif aux mêmes faits (pièce 7 de la société EMC2). Il a été condamné pour complicité par aide et assistance des fautes imputées aux dirigeants de SES, le tribunal soulignant qu'il leur avait demandé de participer à l'entente et ne s'était pas opposé à la poursuite de cette participation.

Par conséquent, les principes d'autonomie et de responsabilité personnelle invoqués par la société Aximum ne sauraient s'appliquer en l'espèce, compte-tenu de la très forte immixtion de la société-mère dans le comportement commercial de sa filiale.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté les demandes formées à son encontre.

Conclusion :

Il y a lieu de constater, à ce stade, que les membres du cartel, à l'époque où la société EMC2 était active sur le marché, étaient les sociétés Signaux Girod, Lacroix Signalisation, Signalisation France, Aximum et Franche Comté Signaux. Les sociétés SES et Laporte Service Route ne sont pas représentées à l'instance. Les deux abus de position dominante ont été commis par les sociétés Sodilor et 3M alors que la société EMC2 était sortie du marché.

5. Sur le préjudice de la société EMC2

La société EMC2 prétend que les pratiques anticoncurrentielles « ont surtout eu pour objet de tromper les maîtres d'ouvrage sur la réalité de la concurrence à l'occasion des procédures d'appel à la concurrence pour les marchés de signalisation routière. Elles ont empêché la société EMC2 de connaître un développement légitime sur le marché de la signalisation routière verticale ».

Elle estime que c'est à tort que le tribunal de commerce s'est basé sur ses propres calculs à partir de ses propres hypothèses, pour arriver à réduire à 570 000 euros l'indemnisation allouée à la société EMC2. Elle produit un rapport d'évaluation émanant du cabinet comptable NSK et sollicite, à l'appui dudit rapport :

- une somme de 2 638 000 euros en réparation de son préjudice commercial, représentant la perte de profits jusqu'en 2006 subie du fait du cartel,

- une somme de 3 329 000 euros correspondant à sa perte de chance de la société EMC2 de conquérir une clientèle nouvelle, de poursuivre son développement et de dégager des profits correspondant à ce développement durant les années suivantes, du fait de l'éviction systématique des marchés et de la captation par le cartel.

En outre, la société EMC2 conteste le caractère pertinent du 'contre rapport' « Ricol Lasteyrie » produit par la société 3M France.

Les sociétés auteurs des pratiques anticoncurrentielles estiment qu'aucun préjudice en lien direct avec les pratiques n'est démontré, aucune pièce ne venant attester de marchés perdus à cause de l'entente. La société 3M France produit également un rapport « Ricol Lasteyrie » du 27 mars 2014 relevant de nombreuses erreurs factuelles et de raisonnement dans le rapport NSK.

Sur le « préjudice commercial »

La société EMC2 soutient que « le trouble commercial subi résulte de manière évidente des pratiques anticoncurrentielles, qui ont rompu l'équilibre normal du marché. Une telle rupture des règles du marché peut parfaitement résulter d'une violation de la règlementation administrative, laquelle ouvre droit à réparation du préjudice commercial induit ». Elle expose que « l'entente a eu pour objet de remettre en cause pendant de longues années l'égal accès à la commande publique par la violation de la réglementation administrative en matière de mise en concurrence ». S'agissant d'EMC2, « Les manoeuvres et pratiques du cartel ont lourdement impacté l'activité de la société EMC2. Cela s'est traduit par une baisse de son chiffre d'affaires. Il ne saurait être valablement nié que le préjudice commercial subi correspond à la perte de profit liée à la diminution de l'activité engendrée par l'entente ». A ce titre, la concluante verse aux débats un rapport d'évaluation de ses préjudices (pièce n° 11 ' rapport NSK Fiduciaire) et demande à la cour de lui allouer la somme de 2.638.000 euros correspondant à l'évaluation de l'expert (pièce n° 18 annexe 11 au rapport NSK).

Ce rapport évalue le préjudice économique subi par EMC2 en prenant pour hypothèse que les préjudices sont nés en 1997 et ont perduré jusqu'à la date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de EMC2, le 10 décembre 2007. Le préjudice commercial est calculé comme la différence entre le résultat théorique qui aurait dû être réalisé si le niveau d'activité constaté en 1999 avait perduré jusqu'en 2007 et le résultat effectivement réalisé.

Les sociétés membres de l'entente s'appuient sur une étude réalisée à la demande de la société 3M par le cabinet Ricol Lasteyrie (pièce 11 de 3M), qui conclut que l'activité de commercialisation de panneaux ayant été cédée, la société EMC2 n'a pas à être indemnisée des agissements des membres de l'entente sur la période de 2001 à 2006. Compte tenu de la plus-value réalisée lors de cette cession, elle considère que la société n'a subi aucun préjudice.

***

Toute victime d'un dommage qui entend rechercher la responsabilité de son auteur doit rapporter la preuve d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage. Le lien de causalité constitue une articulation en soi de la responsabilité, distincte et de la faute et du préjudice. Il ne suffit donc pas que soient constatés la faute et le dommage, il faut encore que le lien de cause à effet qui les unit soit établi de façon directe. A défaut, les conditions de la responsabilité civile ne sont pas réunies.

Ces principes s'appliquent pour l'indemnisation d'un préjudice découlant de pratiques anticoncurrentielles : celle-ci n'est due que si ces pratiques sont directement à l'origine du préjudice subi. Aussi, si le préjudice dont il est demandé réparation est susceptible de trouver son origine dans d'autres faits que les pratiques anticoncurrentielles, il n'existe pas de lien de causalité suffisamment direct et certain permettant l'application de l'article 1382 du code civil (devenu l'article 1240 du code civil).

Il appartient donc en l'espèce à la société EMC2 de démontrer que les pratiques dont elle demande réparation, d'une part, constituent bien des pratiques anticoncurrentielles génératrices de fautes civiles, et d'autre part, sont directement à l'origine des préjudices qu'elle allègue.

Il n'est pas contesté par les parties que le cartel auquel ont participé les sociétés Signaux Girod, Lacroix Signalisation, Signalisation France, Aximum et Franche Comté Signaux constitue une faute civile.

La société EMC2 expose que les pratiques des membres de l'entente ayant consisté à pratiquer des prix bas quand une entreprise extérieure à l'entente répondait à un appel d'offres, de façon à l'évincer, lui ont personnellement causé un préjudice commercial, qu'elle évalue, selon le calcul de l'expert, comme la différence entre le résultat théorique qu'elle aurait dû réaliser si le niveau d'activité constaté en 1999 avait perduré jusqu'en 2007 et le résultat effectivement réalisé.

Elle souligne qu' « en matière de signalisation routière, la clientèle est exclusivement composée de collectivités territoriales et de services de l'Etat », que « l'entente a couvert la quasi totalité des marchés du secteur de la signalisation routière verticale, que ceux-ci soient ou non soumis à la procédure formalisée, ainsi que les marchés ponctuels » et, enfin, que « la clientèle du secteur de la signalisation verticale est donc restée captive, empêchant la société EMC2 d'obtenir des parts de marché » (point 78 des conclusions de la société EMC2). Elle explique qu'elle a, comme les autres entreprises ne faisant pas partie de l'entente, été privée de tout débouché et que placée en tête de la liste noire de l'entente, elle était privée de toute possibilité de développement (point 89). Le chiffre d'affaires de la société France Comte Signaux, de taille comparable, et membre du cartel, a, pendant ce temps, doublé, de 1999 à 2005.

Il résulte des constatations de l'Autorité de la concurrence, non sérieusement remises en cause, que le cartel a affecté la totalité du territoire national (§ 189), puisqu'il concernait « la quasi-totalité des marchés passés par l'État, les collectivités territoriales et les services chargés de la gestion des autoroutes dans le secteur de la signalisation routière verticale », étant « visés tant les marchés à bons de commande, c'est-à-dire les marchés triennaux ou quadriennaux, par départements ou par villes de plus de 10 000 habitants, que les consultations formalisées et les consultations hors appels d'offres émanant de différents demandeurs (collectivités territoriales et clients privés de toute nature) » (§ 206). Selon l'Autorité, le marché de la signalisation routière verticale pouvait être, à l'époque, estimé à environ 300 millions d'euros par an (§ 358), la part des membres du cartel oscillant autour de 90 % (§ 360). L'entrave à l'accès au marché de petites et moyennes entreprises non membres du cartel a été soulignée par l'Autorité, dans l'appréciation du dommage à l'économie. Les déclarations du président de Lacroix Signalisation et de Signaux Girod attestent la stratégie d'éviction des membres du cartel à l'égard des PME. Le président de Signaux Girod a, ainsi, indiqué : « il y a toujours des sociétés ne faisant pas partie de l'entente qui répondent, donc là il s'agit de déterminer une offre intelligente pour la société ayant le leadership en essayant d'évaluer le niveau de prix auquel va répondre la société ou les sociétés ne faisant pas partie de l'entente » (§ 363). Le président de Sud-Ouest Signalisation (SOS), victime comme EMC2 des pratiques, a déclaré quant à lui : « je pensais que j'étais en liste noire avant d'avoir communication des pièces du dossier pénal en tant que partie civile, car nous avions constaté que les remises de la part des membres de l'entente n'étaient pas les mêmes lorsque nous retirions un dossier » (§ 362).

De la même façon, Monsieur [I] [C], employé de la société Nord Signalisation, entendu dans l'enquête pénale a témoigné avoir été victime de pratiques de dénigrement groupées de la part des membres du cartel et également, à propos de la soumission à un marché, d' « une action commerciale anticoncurentielle groupée » : « pour cela, ils ont pratiqué un niveau de prix jamais atteint dans la profession (remise de 75 %), c'est-à-dire qu'ils ont convenu de partager les pertes sur cette affaire, compte tenu que chacun d'entre eux avait la capacité commerciale et industrielle de le faire lui-même » (pièce 32 de EMC2, page 3).

L'Autorité a ainsi souligné que, « de l'aveu même de certains des participants à l'entente, celle-ci a tendu à rendre plus difficile, sinon impossible, l'activité des petits opérateurs qui n'y participaient pas » (§ 363).

Les opérateurs non membres de l'entente n'ont pu déposer d'offres compétitives, dans les cas où ils choisissaient de répondre à des appels d'offres ou à des consultations hors appels d'offres, puisque les membres de l'entente proposaient alors des prix très bas. Ils ont donc perdu un certain nombre de marchés, le prix étant un facteur prédominant de sélection.

La société EMC2, active sur le marché de 1997 à 2001, et placée en tête de la liste noire, a donc nécessairement subi les effets du cartel, les sociétés membres de l'entente ne contestant pas cette présence sur le marché pour la période antérieure à la cession de l'unité de production de panneaux.

L'administrateur judiciaire de la société EMC2, M. [M] [I] (pièce 13 d'EMC2) expose d'ailleurs la stratégie suivie par EMC2, relatant que « dès 1999, pour contrevenir à l'entente, la SAS EMC2 s'était dotée des moyens commerciaux lui permettant de concourir à la totalité des appels d'offres en ne répondant qu'à un dossier sur vingt, empêchant ainsi l'entente de faire des marges sur les dossiers non réclamés par la société EMC2 ».

Mais pour permettre d'évaluer son préjudice, la société EMC2 ne fournit à la cour aucun élément matériel portant sur les appels d'offres qu'elle aurait perdus durant la période litigieuse (marchés, offres déposées, motifs de rejet notifiés par les collectivités). Elle ne produit que le rapport de l'expert privé NSK Fiduciaire, qui n'est étayé d'aucun document comptable, n'étant accompagné que de deux tableaux établis par l'expert lui-même (annexes 11 et 12 du rapport : pièces 18 et 19 de EMC2).

Or cette évaluation conduit aux observations suivantes.

En premier lieu, le rapport présume que les pertes subies par la société EMC2 jusqu'en 2006 sont exclusivement causées par le cartel. Or, la seule concomitance de la baisse de son chiffre d'affaires à partir de 2000 et de la période d'existence du cartel ne saurait en soi justifier une indemnisation égale à cette perte. La société EMC2 ne peut, à la suite de l'expert, prendre pour acquis que l'intégralité de la baisse de son chiffre d'affaires à compter de 2000 par rapport à celui de 1999 est la résultante de l'entente, sans en rapporter la preuve.

En deuxième lieu, la société EMC2, comme elle le soutient dans son second poste de demande, ne peut alléguer qu'une perte de chance de remporter des marchés, puisqu'à supposer même les marchés non faussés par le cartel, elle n'était pas sûre de remporter lesdits marchés, le prix, bien qu'étant un critère d'attribution important, n'étant pas le seul élément d'évaluation, et le succès d'une soumission à un marché étant par définition affecté d'un aléa. D'ailleurs, le seul élément de preuve matérielle qu'elle verse aux débats démontre que son offre de février 2006 visée plus haut a été rejetée pour défaut d'homologation Afnor, ce qui atteste que d'autres motifs de refus pouvaient exister.

En troisième lieu, elle ne ventile pas le chiffre d'affaires qu'elle réalisait dans le secteur de la signalisation routière verticale, à côté de son autre activité, le négoce de panneaux lumineux. Or, ainsi que les premiers juges l'ont mentionné, il est demandé, par la société EMC2, réparation d'une marge perdue sur toute son activité de signalisation lumineuse.

En quatrième lieu, la société EMC2 est volontairement sortie du marché des panneaux de signalisation routière verticale et ne saurait être dédommagée au titre des agissements des membres de l'entente sur la période 2001 à 2006 et la baisse de son chiffre d'affaires s'explique à partir de 2001 par la cession volontaire de son unité de production. Elle ne saurait donc être indemnisée pour la période de 2001 à 2006.

L'administrateur judiciaire de la société EMC2 mentionne dans son rapport du 9 septembre 2008 (pièce 13 de EMC2, page 16) que « l'entente mise en place par les principaux acteurs du secteur de la fabrication de signalisation verticale n'a pas permis le développement de la SAS EMC2. Par ailleurs, les investissements effectués dans le rachat de l'unité de production de la société GEPEMS ont été perdus et ont conduit à la condamnation in solidum de la société ».

Il semble donc, comme l'expert, imputer la cession de juin 2011 de l'unité de production de produits de signalisation routière verticale aux pratiques du cartel.

Mais là encore, aucun élément ne vient corroborer que les pratiques de cartel auraient conduit la société EMC2 à vendre cette unité. Celle-ci était en effet encore bénéficiaire en 2000, après plusieurs années de progression, et était, au jour de la vente, titulaire de marchés de signalisation dans les départements de Haute-Garonne, du Pas de Calais, du Puy de Dôme, de la Loire, de l'Essonne ainsi que celui de Nice, selon les termes du protocole d'accord signé avec la société Signaux Girod. Enfin, la société EMC2 a réalisé une importante plus-value en vendant cette unité.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a jugé que « c'est l'action du groupement qui a poussé la vente de l'unité de production, faute de marché suffisant, alors que sans l'action du groupement, EMC2 aurait pu poursuivre son activité de fabrication et de vente de panneaux de signalisation », cette assertion n'étant nullement établie.

En cinquième lieu, la référence à l'année 1999, année où la société EMC2 a pu concourir grâce à l'habilitation Asquer, est une année où l'entente était déjà active. Elle ne peut donc donner une indication du chiffre d'affaires que la société EMC2 aurait perçu en l'absence de l'entente. Il convient de prendre en compte qu'au titre l'année 1999 choisie comme référence, le cartel produisait déjà ses effets. Dans un autre sens, l'hypothèse de reconduction à l'identique de ce chiffre d'affaires en 2000 et 2001 ne prend pas en compte les perspectives raisonnables et prévisibles de développement de la société EMC2. La référence au taux de croissance des membres du cartel est à cet égard une donnée pertinente. Cet élément fait l'objet du second poste de demande.

En sixième lieu, le taux de marge brute retenu par l'expert n'est étayé d'aucune pièce comptable ou détails de calcul. Au surplus, seule la marge sur coûts variables est pertinente en l'espèce. Il y a lieu de prendre comme référence le taux de marge moyen des membres du cartel tel que calculé dans le rapport Ricol Lasteyrie (7,8 % de 1999 à 2001).

Sur la perte de chance

En septième lieu, la société EMC2 distingue du poste de demande précédent, une demande d'indemnisation, résultant de la perte de chance de se développer due à la captation de clientèle et de l'éviction systématique des marchés. « En premier lieu, ce préjudice doit être apprécié au regard de la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires plus important durant les années 1998 et 1999, premières années d'exploitation du site de production acheté par EMC2. ('). En second lieu, la société EMC2 a été privée de la chance de poursuivre son développement et de dégager des profits correspondant à ce développement durant les années suivantes. L'ensemble de ce préjudice lié à la perte d'une chance sera indemnisé à hauteur de la somme de 3.329.000 euros, conformément à l'appréciation qui en a été faite par le cabinet NSK (pièce n° 19 : annexe n° 12 au rapport NSK) ».

L'expert s'est basé sur les progressions de chiffres d'affaires des membres du cartel pour calculer cette perte de chance. Il a donc repris les chiffres précédents et les a affectés d'un taux de progression, puis les a comparés au bénéfice réalisé effectivement.

Mais après 2001, la société EMC2 est sortie du marché et ne saurait être dédommagée pour la perte de chance de réaliser un bénéfice sur une activité qu'elle a choisi d'abandonner. Avant 2001, la perte de chance de se développer doit être prise en compte dans l'évaluation globale de la perte de chance vue plus haut (voir cinquièmement).

Compte tenu de ces éléments, des nombreuses corrections à apporter aux évaluations de l'expert, et compte tenu, notamment de la période concernée, de l'aléa afférent à l'obtention de chaque marché public, du taux de marge moyen des membres du cartel tel que calculé dans le rapport Ricol Lasteyrie (7,8 % de 1999 à 2001), la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer à la somme de 100 000 euros la perte de chance subie par la société EMC2 de 1997 à 2001, du fait du cartel.

Sur le préjudice économique allégué par Monsieur [X]

Monsieur [X] s'estime bien fondé à solliciter la réparation des préjudices subis en raison de la perte de rémunération qu'il évalue à la somme de 392 000 euros, pour la perte de valeur de la société pour un montant de 3 178 000 euros et enfin, l'indemnisation de son préjudice tenant à l'abandon de ses comptes courants pour un montant de 445 000 euros.

Mais les sociétés membres de l'entente exposent à juste raison que les demandes de Monsieur [X] doivent être rejetées en ce que les préjudices dont il prétend être la victime personnelle ne sont pas distincts des préjudices prétendument subis par la société, au demeurant non démontrés, les difficultés ayant conduit la société EMC2 à la liquidation ne pouvant être imputées au cartel.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur le préjudice moral de Monsieur [X]

Monsieur [X] sollicite enfin l'allocation d'une somme de 500 000 euros au titre de son préjudice moral.

M. [X], qui fait état des soucis engendrés par les agissements des membres de l'entente et de ses efforts toujours infructueux pour répondre aux appels d'offres, tous liés à sa qualité de dirigeant d'une société victime du cartel, ne distingue pas son préjudice de celui subi par la personne morale du fait de cette infraction.

Il ne démontre pas l'existence d'un préjudice moral personnel.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande de condamnation in solidum

La société EMC2 demande la condamnation in solidum de tous les défendeurs à l'instance, estimant que la part contributive de chacun des acteurs devra être réglée au moment de la contribution à la dette à l'occasion des divers recours que les défendeurs pourront intenter entre eux.

Si les sociétés auteurs des pratiques anticoncurrentielles sollicitent qu'il soit statué sur la part respective de chacun des co-auteurs du dommage, elles ne forment aucune demande récursoire les unes à l'encontre des autres, ni ne précisent dans quelles parts chacune d'entre elles doit être tenue.

Or, chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il pourrait être éventuellement procédé entre eux dans le cadre de recours récursoires, qui n'affecteraient pas l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée. Les sociétés Signaux Girod, Lacroix Signalisation, Aximum, Franche Comté Signaux et Signalisation France seront donc condamnées in solidum à payer à la société EMC2 la somme de 100 000 euros.

Sur les demandes au titre de la procédure abusive

La société Sodilor sollicite la condamnation in solidum de la société EMC2 et de Monsieur [X] à lui payer une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Mais leur action n'ayant pas dégénéré en abus de droit, elle sera déboutée de sa demande.

Sur la condamnation à publication

La société EMC2 estime que, compte-tenu de l'ampleur nationale et particulièrement lourde des conséquences du comportement anticoncurrentiel en cause, la cour devra confirmer la condamnation à publication du jugement non assortie de l'exécution provisoire et ordonner la publication de son propre arrêt.

Mais les sociétés auteurs des pratiques anticoncurrentielles soulèvent à juste titre que la réparation est suffisamment assurée par l'allocation de dommages-intérêts et que la publication de la décision de l'Autorité de la concurrence a d'ores et déjà permis d'assurer une publicité suffisante à leur condamnation.

Cette demande sera donc rejetée et le jugement sera infirmé sur ce point.

La demande tendant à la publication de l'arrêt sera également rejetée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société EMC2, M. [X] et les sociétés poursuivies en réparation succombant chacune partiellement, les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de chacune d'entre elles, et aucune indemnité ne sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DÉCLARE irrecevables les demandes à hauteur d'appel de la société EMC2 et de M. [X] à l'encontre des sociétés Aximum et Lacroix Signalisation, ainsi que la demande de la société EMC2 à l'encontre de la société Nadia Signalisation,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf sur la période d'indemnisation de la société EMC2, sur la mise hors de cause de la société Aximum, sur le quantum des dommages-intérêts alloués à la société EMC2, sur le partage des responsabilités et sur la condamnation à publication du jugement,

et, statuant à nouveau sur ces points,

DIT que la société EMC2 était active sur le marché de septembre 1997 à juin 2001,

DIT que la société Aximum a commis des pratiques anticoncurrentielles au préjudice de la société EMC2, aux côtés des sociétés Signalisation France, Lacroix Signalisation, Signaux Giraux et Franche Comté Signaux,

CONDAMNE les sociétés Signaux Girod, Lacroix Signalisation, Aximum, Franche Comté Signaux et Signalisation France à payer in solidum à la société EMC2 la somme de 100 000 euros, en réparation de son préjudice de 1997 à 2001,

REJETTE la demande de publication du jugement,

RECTIFIE l'erreur matérielle entâchant le dispositif du jugement en disant que la société Aximum est condamnée à verser 5 000 euros à la société EMC2 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée in solidum aux dépens avec les autres sociétés succombantes,

y ajoutant,

REJETTE la demande de publication du présent arrêt,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

FAIT masse des dépens de première instance et d'appel et en laisse la moitié à la charge de la société EMC2 et de M. [X] et l'autre moitié aux sociétés Signaux Girod, Lacroix Signalisation, Aximum, Franche Comté Signaux et Signalisation France,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

Cécile PENG Dominique MOUTHON VIDILLES


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 15/11824
Date de la décision : 28/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°15/11824 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-28;15.11824 ?
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