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27/02/2018 | FRANCE | N°16/14398

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 27 février 2018, 16/14398


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2018



(n°026/2018, 19 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/14398



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 1ère Section - RG n° 15/03672





APPELANTE



SA CREDIT MUTUEL ARKEA

Immatriculée au registre du

commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro B775 577 018

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Repr...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2018

(n°026/2018, 19 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/14398

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 1ère Section - RG n° 15/03672

APPELANTE

SA CREDIT MUTUEL ARKEA

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro B775 577 018

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Dominique OLIVIER de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

Assistée de Me Arnaud CASALONGA et Me Floriane CODEVELLE du cabinet CASALONGA, avocats au barreau de PARIS, toque : K0177

INTIMÉE

SCOP CONFÉDÉRATION NATIONALE DE CRÉDIT MUTUEL

Association loi 1901 dont le numéro de SIREN est le 784 646 689

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Me Martine KARSENTY RICARD et Me Béatrice MOREAU-MARGOTIN de la SELARL JP KARSENTY ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : R156

COMPOSITION DE LA COUR :

Après le rapport oral dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile et en application des dispositions des articles 786 et 907 du même code, l'affaire a été débattue le 16 janvier 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, conseiller et Madame Isabelle DOUILLET, conseillère, chargée d'instruire l'affaire,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur David PEYRON, Président de chambre

Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère

M. François THOMAS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur David PEYRON, président et par Mme Karine ABELKALON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La société CREDIT MUTUEL ARKEA, constitué en 1960, dont le siège social est à [Localité 1]), est une banque coopérative et mutualiste. Elle fait partie du groupe CREDIT MUTUEL qui est un ensemble bancaire mutualiste organisé sur trois échelons territoriaux :

au niveau local, plus de 2100 caisses de CREDIT MUTUEL, organisées sous la forme de sociétés coopératives de crédit à capital variable, collectent l'épargne, distribuent des crédits et proposent l'ensemble des services financiers aux sociétaires-clients de l'ensemble CREDIT MUTUEL ;

au niveau régional, les caisses locales constituent entre elles des caisses départementales ou interdépartementales, communément appelées 'caisses fédérales ou interfédérales', et adhèrent à l'une des 18 fédérations régionales du groupe CREDIT MUTUEL ;

au niveau national, l'organe central de l'ensemble CREDIT MUTUEL est la CONFEDERATION NATIONALE DU CREDIT MUTUEL (ou CNCM), à laquelle doivent adhérer les fédérations régionales.

La société CREDIT MUTUEL ARKEA expose qu'en pratique, au niveau régional, les fédérations se sont rassemblées principalement au sein de deux groupes interfédéraux totalement autonomes l'un de l'autre et directement concurrents (ce qui est contesté par la CNCM) : le groupe CM11-CIC formé de 11 fédérations, parmi lesquelles la Fédération du Crédit Mutuel Centre Est Europe, d'une part, et le groupe CREDIT MUTUEL ARKEA regroupant la Fédération du Crédit Mutuel de Bretagne, la Fédération du Crédit Mutuel du Sud-ouest, la Fédération du Crédit Mutuel du Massif central, d'autre part.

L'ordonnance du 16 octobre 1958 a précisé le statut et l'organisation des Caisses de crédit mutuel et créé la CONFEDERATION NATIONALE DU CREDIT MUTUEL (CNCM) à qui a été confié un rôle de contrôle, d'inspection et de représentation du réseau auprès des pouvoirs publics. Le réseau des Caisses de crédit mutuel est aujourd'hui régi par les dispositions des articles L.512-55 et suivants et R. 512-19 et suivants du code monétaire et financier.

La CNCM est constituée sous la forme d'une association régie par la loi de 1901. L'un de ses rôles principaux est de veiller à la cohésion du réseau CREDIT MUTUEL (article 2 des statuts de la CNCM).

La CONFEDERATION NATIONALE DU CREDIT MUTUEL (CNCM) est titulaire de plusieurs marques françaises collectives
1:

L. 715-1 CPI : La marque est dite collective lorsqu'elle peut être exploitée par toute personne respectant un règlement d'usage établi par le titulaire de l'enregistrement

incluant les termes 'CREDIT MUTUEL', parmi lesquelles :

- la marque verbale 'CREDIT MUTUEL' n° 3828979 déposée le 5 mai 2011 pour les classes 9, 16, 35, 36, 38, 41 et 45 ;

- les marques semi-figuratives suivantes :

- la marque n° 1475940 déposée le 8 juillet 1988 avec une revendication de couleurs pour des services des classes 35 et 36

- la marque n°1646012 déposée le 20 novembre 1990 en couleurs pour différents produits et services des classes 16, 35, 36, 38 et 41

- la marque n° 1738973 déposée le 5 décembre 1991 en couleurs pour différents produits et services des classes 16, 35, 36, 38 et 41

- la marque n° 3406004 déposée le 26 janvier 2006 en couleurs pour différents produits et services des classes 9, 16, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42, 43, 44 et 45

Les conditions d'utilisation des marques collectives 'CREDIT MUTUEL' sont fixées par des règlements d'usage et contrôlées par le conseil d'administration de la CNCM. Ainsi, l'article 4 des règlements d'usage précise que :' Sont seules autorisées à utiliser la marque : les Fédérations Régionales de Crédit Mutuel, la Fédération du Crédit Mutuel Agricole et Rural, les Caisses de Crédit Mutuel et les Caisses de Crédit Mutuel Agricole et Rural inscrites sur la liste tenue par la Confédération en application du décret du 25 novembre 1967. Les autres personnes visées à l'article 4 des statuts de la Confédération ne peuvent faire usage de la marque qu'avec l'accord exprès du Conseil d'Administration de la Confédération (...). Toute utilisation de la marque doit respecter les conditions fixées par le présent règlement (...)'.

La CNCM est également titulaire de marques internationales et communautaires incluant les termes 'CREDIT MUTUEL', et notamment :

- la marque semi-figurative n° 5146162 déposée le 19 juin 2006 pour des produits et services des classes 9, 16, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42, 43, 44 et 45 ;

- la marque verbale 'CREDIT MUTUEL' n° 9943135 déposée le 5 mai 2011 pour des produits et services des classes 9, 16, 35, 36, 38, 41, 42 et 45.

Les relations se sont dégradées entre le CREDIT MUTUEL ARKEA et la CNCM à la suite notamment de la nomination, en octobre 2010, de M. [P] [Q], alors président du directoire du CIC et président de la Fédération du Crédit Mutuel Centre Est Europe, aux fonctions de président de la CNCM, de sa décision de supprimer, en février 2011, le poste de vice-président de la CNCM, traditionnellement occupé par un représentant du groupe CREDIT MUTUEL ARKEA, et de la démission qui s'en est suivie des représentants du CREDIT MUTUEL ARKEA du conseil d'administration de la Confédération.

Plusieurs procédures ont été engagées par le CREDIT MUTUEL ARKEA et ses trois fédérations à l'encontre de la CNCM.

En mars 2014, les trois Fédérations du CREDIT MUTUEL ARKEA ont ainsi déposé devant le Conseil d'Etat un recours pour excès de pouvoir contre une décision par laquelle la CNCM a rejeté leur demande d'abrogation des décisions du conseil d'administration du 23 novembre 2013 et de la décision de caractère général du 6 octobre 1993 relatives aux conditions d'utilisation par une filiale des caisses de Crédit Mutuel, de la marque 'CREDIT MUTUEL'. Par une décision du 20 mai 2016, le Conseil d'Etat s'est déclaré incompétent.

En octobre 2014, le CREDIT MUTUEL ARKEA a annoncé à la presse le dépôt d'une plainte contre la CNCM et ses dirigeants auprès du procureur de la République pour prise illégale d'intérêt. Cette plainte n'a pas donné lieu à des poursuites pénales.

En octobre 2014, le CREDIT MUTUEL ARKEA a également saisi l'Autorité de la concurrence pour entrave à la concurrence au motif que la CNCM manquerait de neutralité. Par une décision du 21 décembre 2016, l'Autorité de la concurrence a déclaré la saisine irrecevable au motif que les faits n'entraient pas dans le champ de sa compétence.

La CNCM a informé la société CREDIT MUTUEL ARKEA, par un courrier du 6 octobre 2014, de ce qu'elle ne pourrait plus utiliser la marque 'CREDIT MUTUEL' ou toute combinaison de marques associant la marque 'CREDIT MUTUEL' si elle quittait le réseau CREDIT MUTUEL, conformément au règlement d'usage, et ce, afin d'éviter tout risque de confusion pour les consommateurs.

C'est dans ce contexte que la société CREDIT MUTUEL ARKEA, estimant que la CNCM ne saurait s'arroger un monopole sur les termes 'crédit mutuel', l'a fait assigner, par acte du 26 février 2015, devant le tribunal de grande instance de Paris en nullité de sa marque verbale française collective 'CREDIT MUTUEL' n° 3828979 déposée le 5 mai 2011, pour défaut de caractère distinctif.

Dans un jugement rendu le 26 mai 2016, le tribunal a :

déclaré la société CRÉDIT MUTUEL ARKEA irrecevable en ses demandes de nullité de la marque française collective 'CRÉDIT MUTUEL' n° 3828979, faute d'intérêt à agir né et certain,

débouté la CNCM de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

condamné la société CRÉDIT MUTUEL ARKEA aux dépens, ainsi qu'au paiement à la CNCM de la somme de 30 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 30 juin 2016, la société CRÉDIT MUTUEL ARKEA a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions numérotées 5 transmises par RPVA le 27 novembre 2017, elle poursuit l'infirmation du jugement, demandant à la cour :

de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,

de prononcer la nullité de la marque verbale française 'CREDIT MUTUEL' n° 3828979 pour l'ensemble des produits et services suivants :

- en classe 9 : Appareils automatiques déclenchés par l'introduction d'une pièce de monnaie, d'un jeton ou d'une carte bancaire, distributeurs automatiques de billets ; cartes bancaires ; cartes à puce notamment cartes à mémoire, ou à microprocesseur ou magnétique ou à puce comportant un crédit d'unités ; supports d'enregistrement magnétiques, numériques et optiques, Cédérom, vidéodisques ; puces électroniques ; logiciels, notamment logiciels pour le traitement de l'information, lettre d'information en ligne.

- en classe 16 : Produits de l'imprimerie ; livres ; revues; magazines ; journaux; dépliants

en papier, prospectus en papier, affiches, calendriers, autocollants, imprimés publicitaires, formulaires; bulletins et imprimés d'abonnements.

- en classe 35 : Conseils, informations ou renseignements d'affaires. Aide aux entreprises industrielles ou commerciales, aux professions libérales, aux artisans, aux collectivités locales, aux particuliers dans la conduite de leurs affaires ; consultations professionnelles d'affaires ; Analyses, estimations, informations et prévisions économiques; renseignements économiques, statistiques et commerciaux sur les marchés financiers, monétaires et boursiers accessibles notamment par voies télématiques, par réseaux informatiques, par réseaux Internet, Intranet et Extranet ; services d'abonnement à un site Internet sécurisé permettant d'avoir accès à des informations bancaires, financières personnelles ; gestion de fichiers, de bases et de banques de données informatiques, d'annuaires professionnels électroniques dans les secteurs bancaire, financier, monétaire et boursier ;gestion administrative de produits financiers, de portefeuilles de titres en bourse, gestion administrative de portefeuilles sous mandat ; services de vérification de comptes et de relevés de comptes.

- en classe 36 : Affaires financières ; affaires monétaires ; affaires bancaires ; services de banque en ligne ; gestion de comptes bancaires ; gérance de portefeuille ; services de cartes de crédit et de débit ; courtage en bourse ; estimations financières (banques) ; émissions de chèques de voyage et de lettres de crédit ; services financiers, bancaires, monétaires et boursiers accessibles par réseaux téléphoniques, par réseaux de communications informatiques ; réception, exécution et transmission d'ordres pour le compte de tiers (émetteurs et investisseurs) sur un ou plusieurs instruments financiers ; gestion financière de portefeuilles de titres; analyse financière des marchés de taux, de change et d'actions ; services d'informations et de conseils en matière bancaire et en finance ; services d'informations et de conseils en investissements et en placements financiers ; services d'investissements et de placements financiers; agences de change, dépôts de valeurs, dépôts en coffres-forts ; gérance de fortunes; services de prêt ; crédit-bail ; épargne ; gestion de patrimoines mobiliers ou immobiliers ; opérations et transactions sur les marchés financiers ; services de transfert de fonds ; services de paiements sécurisés ; émission et gestion d'actions, d'obligations et d'OPCVM ; informations bancaires, financières et monétaires accessibles notamment par voies téléphoniques, par voies télématiques, par réseaux informatiques, par réseaux Internet, Intranet et Extranet ; parrainage financier, Assurances ; affaires immobilières; caisses de prévoyance ; courtage en assurance; estimations financières (assurances, immobilier), estimations et expertises fiscales; recouvrement de créances; affacturage ;Transmission et diffusion de données transmission d'informations accessibles via des bases de données et via des centres serveurs de bases de données informatiques ou télématiques ; transmissions d'informations par code d'accès à des bases de données et à des centres serveurs de bases de données informatiques ou télématiques.

- en classe 42 : Services de téléchargement sécurisé de données.

- en classe 45 : Services juridiques, Services de contentieux; service de sécurité pour la protection des biens et des personnes.

de dire que mention de la nullité sera inscrite au Registre National des Marques (RNM), à sa requête ou celle du greffier, par application de l'article R.714-3 du code de la propriété intellectuelle,

de condamner la CNCM à lui verser la somme de 50 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La CNCM, dans ses dernières conclusions transmises par RPVA le 14 décembre 2017, demande la cour :

de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société CREDIT MUTUEL ARKEA irrecevable en ses demandes de nullité de la marque française « CREDIT MUTUEL » n° 3828979 pour défaut d'intérêt à agir et en ce qu'il l'a condamnée à lui payer la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en tout état de cause, de juger que la marque française « CREDIT MUTUEL » n° 3828979 est valable et de débouter la société CREDIT MUTUEL ARKEA de l'ensemble de ses demandes,

d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et, statuant à nouveau, de condamner la société CREDIT MUTUEL ARKEA à lui verser, à ce titre, la somme de 50 000 €,

de condamner la société CREDIT MUTUEL ARKEA à lui verser la somme de 50 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2017.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;

Sur la recevabilité de la société CREDIT MUTUEL ARKEA à agir en nullité de la marque française verbale « CREDIT MUTUEL » n° 3828979 de la CNCM

Considérant que la société CREDIT MUTUEL ARKEA soutient qu'elle a un intérêt né et actuel à solliciter la nullité de la marque 'CREDIT MUTUEL' n° 3828979, dès lors qu'elle ne peut pas utiliser librement les termes 'crédit mutuel', que la marque constitue une entrave à son activité et qu'elle tirerait donc avantage de son annulation puisqu'elle doit pouvoir utiliser librement les termes descriptifs constituant la marque dans le cadre de son activité bancaire de crédit mutuel ; qu'elle ajoute que la marque attaquée a nécessairement une incidence sur le projet de scission et son avancée dans la mesure où la CNCM l'a informée de ce qu'en cas de sortie du réseau CREDIT MUTUEL, elle chercherait à lui en interdire l'usage ;

Que la CNCM oppose qu'il n'y a pas de concurrence entre ARKEA et CM11-CIC au sein du groupe CREDIT MUTUEL, que du fait de son appartenance à ce groupe, la société CREDIT MUTUEL ARKEA peut utiliser la marque dans les conditions prévues par le règlement d'usage et ne subit donc aucune gêne actuelle de ce chef, que la société appelante ne rapporte pas la preuve d'un projet avancé de véritable scission et que si elle devait sortir du groupe, il lui serait interdit d'exploiter la marque, ni les discussions engagées sur ce point, ni les actions engagées par la société CREDIT MUTUEL ARKEA à son encontre, ni son courrier 6 octobre 2014 ne lui permettant de justifier d'un intérêt à né et actuel à agir ; qu'elle souligne, en outre, le caractère auto-contradictoire de l'action en nullité engagée par société CREDIT MUTUEL ARKEA, celle-ci ayant elle-même déposé une vingtaine de marques intégrant les termes 'crédit mutuel' ;

Considérant qu'en application des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit étant irrecevable ;

Considérant, en l'espèce, que le courrier précité du 6 octobre 2014 adressé par la CNCM à la société CREDIT MUTUEL ARKEA fait état de la volonté de cette dernière de quitter le groupe CREDIT MUTUEL et des conséquences qu'aurait son départ quant à l'usage de la marque verbale en litige ('Vous m'avez fait savoir (...) qu'à défaut d'aboutir dans le week-end à un accord sur le principe et les modalités essentielles de la sortie du groupe Arkea de l'organisation et des institutions du Crédit Mutuel, vous feriez déposer deux plaintes (...) Cette discussion de fond, elle doit porter sur votre projet, dont votre avocat a indiqué à mes conseils qu'il consiste à faire sortir Arkea du groupe Crédit Mutuel tout en conservant sa marque 'Crédit Mutuel" (...) Dans ce cadre, qui s'impose à tous, la sortie d'Arkea du groupe Crédit Mutuel est une option possible si les institutions mutuelles qui composent Arkea en expriment la volonté, sans ambiguïté et par la voix de leurs organes officiels (...) il doit être clair, d'emblée, que la marque Crédit Mutuel, déposée par la Confédération auprès de l'INPI, et consacrée par des décennies d'un usage ininterrompu, d'ailleurs exprimé dans un 'règlement d'usage', cette marque appartient au groupe du Crédit Mutuel représenté par son organe central, qui la gère dans l'intérêt des institutions adhérentes au groupe Crédit Mutuel. Elle ne saurait être emportée par Arkéa lorsqu'il sortira du Crédit Mutuel ni démembrée d'aucune manière. Ceci est une évidence économique et pratique tout autant que juridique : comment imaginer qu'Arkea, devenu indépendant, vienne concurrencer toutes les Caisses de Crédit Mutuel en utilisant leur marque ' Comment imaginer qu'il puisse, demain, s'affilier à un autre réseau, Crédit Agricole ou BPCE, tout en conservant la marque Crédit Mutuel ' La confusion qui serait ainsi créée chez nos clients et le préjudice considérable qui en résulterait pour le groupe Crédit Mutuel font de cette hypothèse un scénario évidemment inacceptable pour toutes les caisses de Crédit Mutuel sans exception. Si Arkea sort du Crédit Mutuel, il devra fonctionner et se développer sous le marque Arkea ou toute autre marque qu'il choisira, à l'exclusion de la marque Crédit Mutuel ou de toute combinaison de marques associant la marque Crédit Mutuel') ;

Que le contenu de ce courrier est à lui seul de nature à établir, d'une part, la réalité et le caractère sérieux du projet de la société CREDIT MUTUEL ARKEA de quitter l'entité CREDIT MUTUEL - qui ressortent du reste d'autres pièces du dossier (notamment, articles de presse d'octobre 2014 et janvier 2016, votes des fédérations de Bretagne, du Sud-ouest et du Massif central des 19, 20 et 21 octobre 2016, décision de la banque centrale européenne du 9 juin 2017) -, quand bien même ce projet de scission n'a, à ce jour, pas été formalisé, et d'autre part, le fait que le droit pour la société CREDIT MUTUEL ARKEA d'utiliser les termes 'crédit mutuel' dans une telle hypothèse de scission est d'ores et déjà contesté par la CNCM ;

Que dans ce contexte, la société CREDIT MUTUEL ARKEA fait valoir à juste raison qu'elle a intérêt, au sens des dispositions du code de procédure civile précitées, à pouvoir utiliser librement les termes 'crédit mutuel' qui font partie de sa dénomination sociale depuis 1960 et à agir en nullité de la marque verbale « CREDIT MUTUEL » n° 3828979, les droits sur cette marque étant susceptibles de lui être opposés dans l'exercice de son activité, pour les produits ou services constituant l'objet de cette activité, notamment les services 'affaires bancaires' visés par le dépôt de la marque en classe 36, mais également les autres produits ou services visés dans l'enregistrement de la marque litigieuse susceptibles d'être fournis par tout établissement bancaire ;

Que la CNCM invoque vainement la contradiction que présenterait la demande en nullité de marque présentée par la société CREDIT MUTUEL ARKEA au regard du dépôt par celle-ci de plusieurs marques intégrant les termes 'crédit mutuel', dès lors que, en admettant que la contradiction alléguée puisse avoir juridiquement une incidence sur la recevabilité de l'action, les marques déposées par la société appelante comprennent, en plus des termes 'crédit mutuel', d'autres éléments verbaux et/ou figuratifs et que le caractère distinctif de ces marques n'est pas l'objet du présent litige ;

Que le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a déclaré la société CREDIT MUTUEL ARKEA irrecevable en ses demandes de nullité de la marque française verbale « CREDIT MUTUEL » n° 3828979 de la CNCM ;

Sur le bien fondé de la demande en nullité de la marque française verbale « CREDIT MUTUEL » n° 3828979 de la CNCM

Sur le caractère frauduleux du dépôt de la marque

Considérant que la société CREDIT MUTUEL ARKEA soutient que la marque verbale « CREDIT MUTUEL » n° 3828979 est nulle pour avoir été déposée frauduleusement ; qu'elle fait valoir à cet égard que la marque verbale litigieuse a été déposée le 5 mai 2011 dans un contexte conflictuel, marqué par l'arrivée de M. [Q] au poste de président de la CNCM et de sa décision en février 2011, soit 3 mois avant le dépôt de la marque critiquée, de supprimer le poste de vice-président de la CNCM, traditionnellement occupé par un représentant du groupe CREDIT MUTUEL ARKEA, et que rien ne justifiait un tel dépôt de la part de la CNCM, si ce n'est la volonté de nuire au CREDIT MUTUEL ARKEA en tentant de lui interdire l'usage des termes « crédit mutuel » en cas de sortie de la Confédération ;

Que pour contester le caractère frauduleux du dépôt de sa marque, la CNCM fait valoir que ce dépôt n'est que le prolongement des autres dépôts effectués antérieurement par elle-même dans l'intérêt du groupe CREDIT MUTUEL et qu'avant même leur dépôt, les termes « crédit mutuel » ont toujours été utilisés à titre de marque par la CNCM, notamment dans le cadre des publicités radiophoniques et télévisées du groupe ; qu'elle précise que la marque verbale litigieuse a été déposée en 2011, en vue de la commercialisation en Allemagne de produits bancaires dont les dénominations comportaient les termes « crédit mutuel » et qu'à cette occasion, elle a fait l'objet de dépôts au plan communautaire et en France ;

Considérant que l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle prévoit que 'Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement' ;

Que par ailleurs, en application du principe fraus omnia corrumpit, un dépôt de marque est frauduleux lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité présente ou ultérieure ; que la fraude est caractérisée dès lors que le dépôt a été opéré pour détourner le droit des marques de sa finalité, non pour distinguer des produits et services en identifiant leur origine mais pour priver des concurrents du déposant ou tous les opérateurs d'un même secteur d'un signe nécessaire à leur activité ; que le caractère frauduleux du dépôt s'apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve de la fraude pesant sur celui qui l'allègue ;

Considérant que la proximité dans le temps, d'une part, des tensions crées par l'arrivée en octobre 2010 de M. [Q] à la tête de la CNCM et sa décision, en février 2011, de supprimer le poste de vice-président délégué de la CNCM jusque là dévolu à un représentant du groupe CREDIT MUTUEL ARKEA et du questionnement qui s'en est suivi quant au maintien du CREDIT MUTUEL ARKEA dans le giron de la Confédération, dont la presse s'est fait l'écho comme le montrent les pièces fournies par l'appelante, et, d'autre part, du dépôt, le 5 mai 2011, de la marque verbale litigieuse, ne peut suffire à établir la fraude alléguée, dès lors que la CNCM justifie qu'elle a, dès avant le dépôt de la marque verbale litigieuse, couramment utilisé les termes 'crédit mutuel' dans le cadre notamment de publicités radiophoniques (notamment, spots 'Si vous cherchez une banque au ton juste, le Crédit Mutuel est là !' (2002), 'Si vous cherchez un crédit immobilier, le Crédit Mutuel est là ! Le Crédit Mutuel, la banque à qui parler' (2006), 'Crédit Mutuel, plus que jamais, la banque à qui parler' (2006), 'Crédit Mutuel, le livret bleu, chacun l'utilise comme il veut !' (2008) ou de publicités écrites (bons à tirer de 2010 pour 'Au Crédit Mutuel, ma demande de prêt n'est pas étudiée de loin' en 2010)) ;

Que l'intention de nuire, dont la démonstration incombe à la société appelante, ne résulte pas davantage d'éléments postérieurs à l'année 2011, notamment le courrier précité du 6 octobre 2014 dans lequel la CNCM indique à la société CREDIT MUTUEL ARKEA qu'en cas de scission, elle ne pourra pas utiliser les termes 'crédit mutuel' et l'introduction dans les nouveaux statuts de la CNCM en octobre 2015 d'une clause 'Exclusion', du reste conforme aux dispositions des règlements d'usage (article 7) des autres marques collectives dont la CNCM est titulaire ;

Que la demande d'annulation de la marque pour dépôt frauduleux sera par conséquent rejetée ;

Sur le caractère illicite de la marque au regard de l'article L. 711-3 b)

Considérant que la société CREDIT MUTUEL ARKEA soutient que la marque verbale litigieuse est illicite pour être contraire à l'article L. 711-3 b) du code de la propriété intellectuelle qui prohibe l'adoption comme marque d'un signe contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, ou dont l'utilisation est légalement interdite ; qu'elle fait valoir que les termes 'crédit mutuel' sont la désignation légale d'une activité bancaire et/ou des banques mutualistes organisées en réseau, comme cela résulte des dispositions du code monétaire et financier et de l'ordonnance n° 58-966 du 16 octobre 1958 relative à diverses dispositions concernant le Trésor, qui sont des prescriptions d'ordre public, et que leur adoption en tant que marque porte atteinte à cet ordre public dès lors qu'elle interdit à tout opérateur désireux d'utiliser ces termes de le faire ;

Que la CNCM oppose notamment qu'aucune objection n'a été formulée sur ce point à l'encontre de l'enregistrement de la marque verbale litigieuse, ni à l'encontre de l'enregistrement d'aucune autre marque comportant ces termes, qu'elles soient déposées par la CNCM ou par le CREDIT MUTUEL ARKEA, les dispositions du code monétaire et financier n'interdisant pas les dépôts à titre de marques par les organes centraux dont elles réglementent l'activité, et ce d'autant plus que ces dépôts sont justifiés par un usage ancien et constant et que l'usage de la marque « Crédit Mutuel » est permis à toute caisse de crédit mutuel et à certains autres établissements membres du Groupe CREDIT MUTUEL, dans les conditions fixées par le règlement d'usage ;

Considérant que l'article L. 711-3 b) du code de la propriété intellectuelle dispose que ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, ou dont l'utilisation est légalement interdite ;

Que la société CREDIT MUTUEL ARKEA invoque vainement ces dispositions pour contester la validité de la marque litigieuse, dès lors que le code monétaire et financier consacre la réservation au profit de la CNCM, organe central du réseau CREDIT MUTUEL, de l'expression 'CREDIT MUTUEL', dont les marques collectives « CREDIT MUTUEL» sont la traduction commerciale ; que le plan du code monétaire et financier montre, en effet, que le législateur a reconnu, sous la forme d'une énumération limitative, l'existence de différentes banques mutualistes ou coopératives parmi lesquelles figure « le crédit mutuel » (section 4 du chapitre II) ; qu'en outre, l'article L. 512-56 de ce code prévoit que la confédération nationale du crédit mutuel est chargée notamment de 'représenter collectivement les caisses de crédit mutuel pour faire valoir leurs droits et intérêts communs' et 'prendre toutes mesures nécessaires au bon fonctionnement du crédit mutuel, notamment en favorisant la création de nouvelles caisses ou en provoquant la suppression de caisses existantes (...)' et l'article R. 512-23 dispose que 'Seules les caisses inscrites sur la liste prévue à l'article R. 512-19 peuvent se prévaloir de l'appellation de Caisse de crédit mutuel et faire figurer cette appellation dans leur dénomination, leur raison sociale ou leur publicité, et l'utiliser d'une manière quelconque dans leur activité' ;

Que la décision invoquée par la société appelante, concernant une marque verbale 'NOTAIRES 37" déposée par une société n'exerçant pas la profession de notaire, n'est pas transposable au cas d'espèce, puisque la CNCM, titulaire de la marque litigieuse, est l'organe central du groupe CREDIT MUTUEL, chargé d'un rôle de contrôle, d'inspection et de représentation du réseau auprès des pouvoirs publics ;

Que la demande d'annulation de la marque en raison de son caractère illicite sera par conséquent rejetée ;

Sur le caractère distinctif de la marque

Considérant que la société CREDIT MUTUEL ARKEA soutient que la marque verbale litigieuse est dépourvue de caractère distinctif ab initio en raison de son caractère descriptif pour l'ensemble des produits et services relevant de l'activité bancaire, ce qui a été reconnu par l'EUIPO en 2016, à l'occasion du recours en annulation de la marque verbale communautaire 'CREDIT MUTUEL', et qu'elle n'a pas acquis ce caractère distinctif par l'usage puisqu'il s'agit d'un signe nécessaire pour désigner l'activité bancaire de crédit mutuel, et donc non susceptible d'appropriation, et inapte à remplir une fonction de marque et qu'en tout état de cause, la CNCM ne prouve pas avoir fait un usage tel de la marque verbale litigieuse que celle-ci aurait acquis un caractère distinctif pour chacun des produits et services visés au dépôt ; que sur ce dernier point, elle fait valoir que les documents produits par la CNCM ne démontrent pas l'acquisition de caractère distinctif par l'usage, du moins pour les affaires bancaires en classe 36, et les produits et services des classes 9, 16, 35, 42 et 45 et que dans la grande majorité des pièces fournies, les termes 'crédit mutuel' ne sont pas cités en tant que marque, c'est à dire pour désigner des produits et services, mais pour promouvoir le mode d'exercice du crédit mutuel ou pour désigner l'entreprise ou l'ensemble bancaire CREDIT MUTUEL qui, de surcroît, recouvre des sociétés autonomes et concurrentes (CM11-CIC et CREDIT MUTUEL ARKEA) qui proposent leurs propres produits et services distincts ; qu'elle ajoute que les rares pièces produites dans lesquelles les termes « crédit mutuel » sont utilisés en lien avec des produits et services ne concernent pas l'ensemble des produits et services désignés par la marque critiquée mais uniquement les produits et services d'assurance et de divertissement ou visent d'autres marques détenues par la CNCM ; qu'elle souligne que s'il est admis que le caractère distinctif d'une marque puisse être acquis en conséquence de l'usage de cette marque en tant que partie d'une marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci, encore faut-il que le public concerné perçoive la partie de la marque ou la marque isolée de celle avec laquelle elle était combinée, prise séparément, comme indiquant l'origine du produit ou service qu'elle désigne ; qu'elle soutient qu'en l'occurrence, aucune des pièces communiquées par la CNCM n'établit que le consommateur perçoit le signe « CREDIT MUTUEL » comme une marque et que ce qui va permettre de déterminer l'origine des produits et services, c'est en réalité le logo

et/ou les ajouts de slogans tels « La banque à qui parler », « Le Crédit Mutuel donne le la », « Plus que jamais, la banque à qui  parler », « Crédit Mutuel ARKEA », « Crédit Mutuel Massif Central » etc... ;

Que la CNCM soutient que sa marque verbale 'CREDIT MUTUEL' est intrinsèquement distinctive en raison de la consécration légale, dans le code monétaire et financier, du groupe bancaire CREDIT MUTUEL, en l'absence de définition légale précise des termes 'crédit mutuel' et eu égard à l'autonomie du droit des marques par rapport aux réglementations particulières régissant l'utilisation des termes enregistrés à titre de marque, et qu'en tout état de cause, la marque a acquis son caractère distinctif par l'usage ; que sur ce point, elle fait valoir que la marque litigieuse est, depuis des décennies, celle d'un des plus grands groupes bancaires et ce, au-delà du seul domaine des activités bancaires (services à la personne, assurance, financement du logement social...), qu'elle est au centre de sa communication (campagnes publicitaires sur tous supports, partenariats, notamment musicaux) et qu'elle remplit la fonction d'identification du CREDIT MUTUEL tant auprès des entités spécialisées dans le domaine bancaire et dans la presse qu'auprès des consommateurs ; qu'elle ajoute que la marque litigieuse a pu acquérir un caractère distinctif par l'usage qui a été fait de marques complexes dont elle est l'un des éléments, les seuls termes 'crédit mutuel' permettant au consommateur de rattacher les produits et services visés au groupe CREDIT MUTUEL et donc d'identifier leur origine ;

Sur le caractère intrinsèquement distinctif de la marque

Considérant que la marque verbale 'CREDIT MUTUEL' n° 3828979 a été déposée dans les classes 9, 16, 35, 36, 38, 41 et 45 pour les produits et services suivants :

classe 9 : Appareils automatiques déclenchés par l'introduction d'une pièce de monnaie, d'un jeton ou d'une carte bancaire, distributeurs automatiques de billets ; cartes bancaires ; cartes à puce notamment cartes à mémoire, ou à microprocesseur ou magnétique ou à puce comportant un crédit d'unités ; cartes téléphoniques ; supports d'enregistrement magnétiques, numériques et optiques, Cédérom, vidéodisques ; appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; équipement pour le traitement de l'information et les ordinateurs ; téléphones, téléphones mobiles ; assistant personnel (ordinateur), ordinateurs, ordinateurs portables, lecteur MP3 ; puces électroniques ; cartes SIM ; logiciels, notamment logiciels pour le traitement de l'information, logiciels de jeux, appareils pour jeux conçus pour être utilisés seulement avec récepteur de télévision ; lettre d'information en ligne ;

classe 16 : Cartes en papier ; cartes en carton ; produits de l'imprimerie ; livres ; revues ; magazines ; journaux ; dépliants en papier, prospectus en papier, affiches, calendriers, autocollants, imprimés publicitaires, formulaires ; papeterie ; matières plastiques pour l'emballage à savoir, sacs, sachets, films et feuilles ; matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils) ; articles pour reliure ; bulletins et imprimés d'abonnements ;

classe 35 : Conseils, informations ou renseignements d'affaires. Aide aux entreprises industrielles ou commerciales, aux professions libérales, aux artisans, aux collectivités locales, aux particuliers dans la conduite de leurs affaires ; consultations professionnelles d'affaires ; analyses, estimations, informations et prévisions économiques ; renseignements économiques, statistiques et commerciaux sur les marchés financiers, monétaires et boursiers accessibles notamment par voies télématiques, par réseaux informatiques, par réseaux Internet, Intranet et Extranet ; publicité ; services de location d'espaces publicitaires ; parrainage publicitaire ; organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité ; abonnements à des services de communication téléphonique, abonnements à un serveur de bases de données, abonnement à un centre fournisseur d'accès à un réseau informatique ou de transmission de données, notamment de communication mondiale (de type Internet) ou à accès privé ou réservé (de type Intranet) ; abonnements à des journaux électroniques ; abonnements à des services de télécommunication ; service d'abonnements permettant d'avoir accès à un bouquet de services à domicile ; services d'abonnement à un programme de fidélité ; services d'abonnement à un site Internet sécurisé permettant d'avoir accès à des informations bancaires, financières personnelles ; gestion de fichiers, de bases et de banques de données informatiques, d'annuaires professionnels électroniques dans les secteurs bancaire, financier, monétaire et boursier ; gestion administrative de produits financiers, de portefeuilles de titres en bourse, gestion administrative de portefeuilles sous mandat ; services de vérification de comptes et de relevés de comptes ; services de comptabilité ; tenue de livres de comptes ; service de plateforme téléphonique (centrale d'appels), à savoir transmission d'informations en direct par téléphone ;

classe 36 : Assurances ; affaires financières ; affaires monétaires ; affaires bancaires ; affaires immobilières ; services de banque en ligne ; caisses de prévoyance ; gestion de comptes bancaires ; gérance de portefeuille ; services de cartes de crédit et de débit ; courtage en assurance, courtage en bourse ; estimations financières (assurances, banques, immobilier), estimations et expertises fiscales ; recouvrement de créances ; affacturage ; émissions de chèques de voyage et de lettres de crédit ; services financiers, bancaires, monétaires et boursiers accessibles par réseaux téléphoniques, par réseaux de communications informatiques ; réception, exécution et transmission d'ordres pour le compte de tiers (émetteurs et investisseurs) sur un ou plusieurs instruments financiers ; gestion financière de portefeuilles de titres ; analyse financière des marchés de taux, de change et d'actions ; services d'informations et de conseils en matière bancaire et en finance ; services d'informations et de conseils en investissements et en placements financiers ; services d'investissements et de placements financiers ; agences de change, dépôts de valeurs, dépôts en coffres-forts ; gérance de fortunes ; services de prêt ; crédit-bail ; épargne ; gestion de patrimoines mobiliers ou immobiliers ; opérations et transactions sur les marchés financiers ; services de transfert de fonds ; services de paiements sécurisés ; émission et gestion d'actions, d'obligations et d'OPCVM ; informations bancaires, financières et monétaires accessibles notamment par voies téléphoniques, par voies télématiques, par réseaux informatiques, par réseaux Internet, Intranet et Extranet ; parrainage financier ;

classe 38 : Télécommunication, services de communications téléphoniques et télématiques, services de diffusion, de transmission d'informations par voie télématique ; services de fourniture d'accès à des centres serveurs nationaux et internationaux ; services de fournitures d'accès à un réseau téléphonique, radiotéléphonique, de communication mondiale ; services de diffusion, de transmission d'informations par voie télématique ; transmission par satellite ; transmission de messages ; transmission et diffusion de données, de sons et d'images ; transmission d'informations accessibles via des bases de données et via des centres serveurs de bases de données informatiques ou télématiques ; services de fournitures de temps d'accès à des bases de données et à des centres serveurs de bases de données informatiques ou télématiques notamment pour les réseaux de communication mondiale (de type Internet) ou à accès privé ou réservé (de type Intranet) ; transmissions d'informations par code d'accès à des bases de données et à des centres serveurs de bases de données informatiques ou télématiques ; services de courrier électronique, de messagerie électronique ; service de fournitures de temps d'accès à des réseaux téléphoniques, radiotéléphonique, télématiques ; services de transmission et de téléchargement sécurisé de données, de sons ou d'images ; services de location d'appareils pour la transmission de données, de sons et d'images, location d'appareils pour la transmission de messages ; location d'appareils et de postes téléphoniques, location de récepteurs, d'émetteurs téléphoniques et radiotéléphoniques ; location d'appareils de télécommunications ; services de radiodiffusion ;

classe 41 : Services d'éducation et de divertissement ; activités sportives et culturelles ; information en matière de divertissement, d'éducation ; organisation de loteries, de concours avec remise de prix ; organisation et conduite de colloques, de conférences, de congrès ; organisation et conduite de concours (éducation ou divertissement) ; organisation et conduite d'épreuves pédagogiques ; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs ; organisation de compétitions sportives ; organisation de concours musicaux ; organisation de spectacles, divertissements télévisés, radiodiffusés ; édition et publication de livres ; production de films, de spectacles ; enregistrement (filmage) sur bande vidéo ; services d'enregistrement de données, à savoir saisie, recueil, systématisation de données ; services d'enregistrement de sons (studio d'enregistrement), et d'images (filmage) ; prêt de livres, réservation de places de théâtre et de spectacles ; services de camps de vacances ; service d'animation ;

classe 45 : Services juridiques ; services de contentieux ; service de sécurité pour la protection des biens et des personnes ;

Considérant que l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que sont dépourvus de caractère distinctif, notamment :

a) les signes ou dénominations qui dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;

b) les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de production du bien ou de la prestation de service ;

Que selon l'article L. 714-3 du même code, est déclarée nulle par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L.711-1 à L. 711-4 ;

Considérant que le code monétaire et financier, notamment les dispositions des articles L. 512-55 ('les caisses de crédit mutuel (') ont exclusivement pour objet le crédit mutuel') et R. 512-20 (qui fait référence aux 'principes généraux du crédit mutuel'), utilise le termes 'crédit mutuel' pour désigner un type d'activités bancaires consistant à offrir des services bancaires mettant en oeuvre les principes de crédit mutuel ; qu'en outre, la société appelante fournit des documents dans lesquels les termes 'crédit mutuel' sont employés pour désigner un type de service bancaire (Le Crédit Raiffeisen en Europe paru en 1968 (' Le Crédit Mutuel consiste dans la réciprocité des positions débiteur ou créditeur des membres d'un groupe, au cours d'une certaine période'), article de l'encyclopédie Universalis consacré à F.W. RAIFFEISEN (1818-1888) , fondateur de la mutualité de crédit ('A sa mort F.W. Raiffeisen aura mis en place tous les éléments du crédit mutuel : les principes de fonctionnement des caisses locales, les trois degrés, la compensation financière, le contrôle') ; que la CNCM fournit elle-même l'ouvrage Le Crédit Mutuel édité en 1967 par l'Institut d'Etudes bancaires et financières, qui fait état d''exemples sporadiques de crédit mutuel' ou évoque les 'formes plus récentes de crédit mutuel' ;

Que la société CREDIT MUTUEL ARKEA est par conséquent fondée à faire état de l'absence de caractère distinctif de la marque litigieuse, en ce qu'elle désigne les services visés en classe 36, puisque'elle peut servir à désigner des caractéristiques de ces services communément offerts dans le cadre d'une activité bancaire ou susceptibles de l'être ;

Qu'il en est de même :

des Appareils automatiques déclenchés par l'introduction d'une pièce de monnaie, d'un jeton ou d'une carte bancaire, distributeurs automatiques de billets ; cartes bancaires ; cartes à puce notamment cartes à mémoire, ou à microprocesseur ou magnétique ou à puce comportant un crédit d'unités ; supports d'enregistrement magnétiques, numériques et optiques, Cédérom, vidéodisques ; puces électroniques ; logiciels, notamment logiciels pour le traitement de l'information, lettre d'information en ligne en classe 9,

des produits de l'imprimerie ; livres ; revues ; magazines ; journaux ; dépliants en papier, prospectus en papier, affiches, calendriers, autocollants, imprimés publicitaires, formulaires ; bulletins et imprimés d'abonnements en classe 16,

des Conseils, informations ou renseignements d'affaires. Aide aux entreprises industrielles ou commerciales, aux professions libérales, aux artisans, aux collectivités locales, aux particuliers dans la conduite de leurs affaires ; consultations professionnelles d'affaires ; analyses, estimations, informations et prévisions économiques ; renseignements économiques, statistiques et commerciaux sur les marchés financiers, monétaires et boursiers accessibles notamment par voies télématiques, par réseaux informatiques, par réseaux Internet, Intranet et Extranet ; services d'abonnement à un site Internet sécurisé permettant d'avoir accès à des informations bancaires, financières personnelles ; gestion de fichiers, de bases et de banques de données informatiques, d'annuaires professionnels électroniques dans les secteurs bancaire, financier, monétaire et boursier ; gestion administrative de produits financiers, de portefeuilles de titres en bourse, gestion administrative de portefeuilles sous mandat ; services de vérification de comptes et de relevés de comptes en classe 35,

des services visés à l'enregistrement de la marque en classe 36,

des services visés à l'enregistrement de la marque en classe 45,

Que la nullité de la marque n'est pas demandé pour les services visés à l'enregistrement en classe 38 et en classe 41 ; que par ailleurs, contrairement à ce qui est indiqué dans les conclusions de la société appelante, la marque litigieuse n'a pas été déposée en classe 42 ;

Qu'il importe peu que le code monétaire et financier ou l'ordonnance du 16 octobre 1958 ne proposent pas de définition précise du crédit mutuel puisque dans les textes législatifs précités, ces termes ont un sens, définissant l'objet des caisses de crédit mutuel, et que l'article R. 512-20 du code monétaire et financier définit les principes généraux du crédit mutuel, tels que de présenter un caractère non lucratif, limiter l'activité des caisses à une circonscription territoriale déterminée ou à un groupe homogène de sociétaires et établir la responsabilité des sociétaires, le type d'activité bancaire qu'est le crédit mutuel étant ainsi défini par ces principes généraux ;

Sur l'acquisition du caractère distinctif par l'usage

Considérant qu'aux termes de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, ' Le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif :

a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;

b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ;

c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.

Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage' ;

Que l'acquisition du caractère distinctif par l'usage suppose la preuve d'un usage continu, intense et de longue durée du signe constituant la marque et ce, à titre de marque, de sorte que ce signe est connu et identifié par une partie significative du public pertinent intéressé par les produits et services qu'il propose ;

Que pour apprécier le caractère distinctif acquis par l'usage, il faut se placer, lorsque la nullité de la marque est demandée à titre principal, au moment où le juge statue ;

Que par ailleurs, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que « En ce qui concerne l'acquisition d'un caractère distinctif par l'usage, l'identification par les milieux intéressés du produit ou du service comme provenant d'une entreprise déterminée doit être effectuée grâce à l'usage de la marque en tant que marque (...). Cette dernière condition (...) n'implique pas nécessairement, pour être remplie, que la marque dont l'enregistrement est demandé ait fait l'objet d'un usage indépendant. En effet, l'article 3, paragraphe 3, de la directive ne contient pas de restriction en ce sens, visant seulement 'l'usage qui (...) a été fait' de la marque. L'expression 'l'usage de la marque en tant que marque' doit donc être comprise comme se référant seulement à un usage de la marque aux fins de l'identification par les milieux intéressés du produit ou du service comme provenant d'une entreprise déterminée. Or, une telle identification, et donc l'acquisition d'un caractère distinctif, peut résulter aussi bien de l'usage, en tant que partie d'une marque enregistrée, d'un élément de celle-ci que de l'usage d'une marque distincte en combinaison ave une marque enregistrée. Dans les deux cas, il suffit que, en conséquence de cet usage, les milieux intéressés perçoivent effectivement le produit ou le service, désigné par la seule marque dont l'enregistrement est demandé, comme provenant d'une entreprise déterminée (...) le caractère distinctif d'une marque (...) peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque en tant que partie d'une marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci. » (CJUE, 7 juillet 2005, C-353/03, Nestlé) ;

Considérant que l'article L.711-2, dernier alinéa, n'excluant pas la possibilité d'acquisition du caractère distinctif par l'usage pour les signes intrinsèquement dépourvus de ce caractère dans les cas prévus aux a) et b), la société CREDIT MUTUEL ARKEA argue vainement du fait que les termes 'crédit mutuel' constitueraient la désignation nécessaires d'un type d'activité bancaire et des produits et services s'y rattachant ;

Considérant qu'il appartient à la CNCM d'établir la preuve d'un usage continu, intense et de longue durée, à titre de marque - c'est à dire pour identifier les produits et services concernés comme provenant d'une entreprise déterminée - du signe «CRÉDIT MUTUEL», notamment par « la part de marché détenue par la marque, l'intensité, l'étendue géographique et la durée de l'usage de cette marque, l'importance des investissements faits par l'entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d'une entreprise déterminée grâce à la marque (..) » (CJCE, 4 mai 1999, C-109/97, Windsurfing Chiemsee) ;

Qu'en l'espèce, la CNCM produit aux débats de très nombreuses pièces desquelles il ressort :

que le groupe CREDIT MUTUEL comprend aujourd'hui plus de 3 000 caisses locales et bureaux qui leur sont rattachés, qui utilisent les marques collectives dont la CNCM est titulaire, intégrant les termes 'crédit mutuel', et ce, sur l'ensemble du territoire national et depuis la fin des années 50,

que fin 2014, 11,6 millions de personnes étaient clientes du CREDIT MUTUEL, dont 7,6 millions de sociétaires (rapport annuel 2014),

que fin 2014, le CREDIT MUTUEL représentait 9,2 % des dépôts et 10,7 % des crédits (attestation responsable du contrôle de gestion),

qu'en 2010 le CREDIT MUTUEL figurait en deuxième position des réseaux bancaires en France pour les dépôts et les crédits, après le CREDIT AGRICOLE (Les Echos, mars 2011)

qu'en 2012, le groupe a enregistré un bénéfice net de 2,15 milliard d'euros (AFP, mars 2013),

qu'en 2008, il figurait en 49ème position du classement des 100 premières banques européennes en terme de rentabilité opérationnelle et 60ème en termes de couverture des coûts (données agence FITCH RATINGS),

qu'en 2013, il était classé 11ème du Top 25 des meilleures banques européennes depuis la crise élaboré par le magazine The Banker et, en mars 2013, était l'une des trois banques françaises à figurer parmi 'les 50 banques les plus sûres du monde' (selon le classement du magazine Global Finance) avant de voir sa note dégrader par l'agence de notation STANDARD & POOR'S,

qu'en 2014, le CREDIT MUTUEL figurait dans le Top 10 des sociétés de gestion françaises du classement Morningstar de la collecte des fonds en Europe,

que le CREDIT MUTUEL s'est développé à l'international (en Allemagne avec le réseau Targobank, en Espagne avec une prise de participation dans Banco Popular, Cofidis) ;

Qu'il ressort de ces éléments, émanant de documents internes mais également de la presse économique ou de classements étrangers, que le groupe CREDIT MUTUEL fait partie des 6 premiers groupes bancaires français, ce qui n'est pas sérieusement contesté ;

Que la CNCM justifie également que le groupe a diversifié ses activités dans plusieurs secteurs (services à la personne, financement du logement social, assurance) ; que dans le domaine de la 'bancassurance', il constitue, selon l'AGEFI (janvier 2010), le modèle le plus ancien et le plus abouti, datant des années 1970 ; que fin 2009, l'assurance représentait un chiffre d'affaires de 8,1 milliards d'euros pour le CREDIT MUTUEL et qu'en 2010, plus de 30 % de clients disposaient d'un contrat dommages ;

Que la CNCM a également fourni de nombreuses pièces montrant une importante utilisation du signe litigieux, seul ou accompagné du logo

ou d'autres éléments verbaux ('La banque à qui parler', 'Le Crédit Mutuel donne le la', 'Plus que jamais, la banque à qui parler', 'CREDIT MUTUEL ARKEA', 'CREDIT MUTUEL Massif Central'...), à  travers la mise en place de campagnes publicitaires nationales sur divers supports et de partenariats, notamment musicaux, et ce, de façon constante et depuis plusieurs années ; qu'elle justifie que depuis 2008, son budget communication annuel s'élève en moyenne à 17 millions d'euros ; qu'elle fournit des pièces démontrant que la marque 'CREDIT MUTUEL' est ainsi présente sur différents supports (papier, internet, radio, TV), y compris à travers le seul signe verbal 'CREDIT MUTUEL' (ex. TAG Epargne 2013 ; spot TV 2014 'CREDIT MUTUEL Une banque qui appartient à ses clients ça change tout') ; qu'il est par ailleurs établi que la CNCM exploite un site internet et elle fournit une attestation sur le nombre de connexions à son site www.creditmutuel.fr (253 475 005 en 2011) ; qu'elle est présente sur les réseaux sociaux, étant en 2014, à la 24ème place dans le 'Top 100 du rayonnement numérique des marques' publié par NPA CONSEIL ;

Qu'elle fournit un tableau de synthèse (sa pièce 426) mettant en évidence l'usage du signe 'CREDIT MUTUEL', seule ou accompagnée d'autres éléments - le logo ou les autres éléments verbaux précités - pour des produits et services des classes 9, 16, 35, 36, 38 et 41, soit :

pour les produits de la classe 9 : visuels de cartes bancaires, factures des commandes de bobines comportant le filigrane Crédit Mutuel pour les distributeurs de billets accompagnées des photographies des master bobines des commandes de ces produits et attestation relative à ces commandes et aux fichiers comportant la liste des clients livrés de ces produits, visuel de l'application CREDIT MUTUEL sur I Phone, attestation relative à la date de mise à disposition des applications Crédit Mutuel pour Smartphone au public ;

pour les services en classe 35 : bons à tirer pour des publicités ('Au CREDIT MUTUEL, ma voix n'est pas proportionnelle à mon compte en banque', 'Etre proche de vous, et à votre écoute, ça change tout','Au CREDIT MUTUEL, mon chargé de clientèle n'est pas commissionné' (2010), ' Une banque qui n'a pas d'actionnaires mais des clients-sociétaires, ça change tout', 'Le CREDIT MUTUEL, banque de l'année en France' (2011), 'Le CREDIT MUTUEL vous dit merci', 'Le CREDIT MUTUEL on ne peut pas l'acheter' (2014)), extraits de sites internet concernant le paiement sécurité par carte bancaire, spots radio et TV (2007 à 2015) ;

pour les produits et services en classes 16 et 36 : spots radio et TV (2008 à 2014), articles de presse La Tribune, Le Revenu, L'Argus de l'assurance (2011, 2013, 2014), bons à tirer pour des publicités ('Livret Bleu' (2008), 'Au CREDIT MUTUEL, ma demande de prêt n'est pas étudiée de loin' (2010)), plaquettes publicitaires ('OBJECTIF EPARGNE' de novembre 2013, 'OBJECTIF INDEPENDANCE' d'août 2014, 'DECOUVREZ NOS AVANTAGES POUR BIEN DEMARRER DANS LA VIE' de juin 2015, 'LES JEUNES QUI OSENT' de janvier 2014, 'LES JEUNES QUI S'ENGAGENT' d'octobre 2014, 'UN RENDEMENT QUI NE MANQUE PAS DE SOUFFLE' de février 1998, 'CAPITAL REVENUS' de février 1998, 'OBJECTIF BIEN ASSURE' de mai 2015), extrait du site internet CREDIT MUTUEL, spots radio (2002, 2006), visuels de chéquier et de chèques, relevés de comptes, conditions tarifaires, contrats CREDIT MUTUEL, fiches explicatives de produits ou services destinées aux clients ;

Que s'il est vrai que dans la grande majorité des exemples d'usage fournis par la CNCM, le signe 'CREDIT MUTUEL' n'apparaît pas seul mais, le plus souvent, comme un élément d'une des marques semi-figuratives présentées supra, incluant le logo et le cas échéant le slogan 'La banque à qui parler', il a été vu que le caractère distinctif d'une marque peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque en tant que partie d'une marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci (CJUE, 7 juillet 2005, C-353/03, Nestlé) ; qu'en l'espèce, le signe 'CREDIT MUTUEL' au sein des marques semi-figuratives - dont l'usage résulte amplement des pièces fournies par l'appelante - constitue l'unique élément verbal ou du moins l'élément verbal principal des marques semi-figuratives invoquées, le logo de couleur rouge, inséré entre les termes 'crédit' et 'mutuel', n'assurant qu'une fonction décorative ou esthétique et l'expression'La banque à qui parler' apparaissant en tout petits caractères et en position inférieure ; qu'ainsi, le public pertinent, en l'occurrence le consommateur d'attention moyenne, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, reconnaîtra ces autres éléments figuratif ou verbaux mais ne les gardera pas nécessairement en mémoire, les mots 'CREDIT MUTUEL' seuls retenant son attention et lui permettant aisément de percevoir les produits ou services désignés par la marque litigieuse comme provenant du groupe CREDIT MUTUEL ;

Que la société CREDIT MUTUEL ARKEA soutient, par ailleurs, que les pièces fournies par la CNCM ne rapportent pas la preuve d'un usage à titre de marque mais font seulement référence au CREDIT MUTUEL en tant qu'entreprise ou groupe bancaire ; que cependant, le fait qu'un élément verbal soit utilisé en tant que nom commercial de l'entreprise n'exclut pas qu'il puisse être également utilisé en tant que marque pour désigner des produits ou services (CJCE, 11 septembre 2007, C-17/06, Céline) ; que cela est d'autant plus vrai dans le secteur bancaire où le consommateur personnifie couramment la marque ; qu'en l'espèce, le signe 'CREDIT MUTUEL' désigne à la fois la marque et le nom commercial de l'entreprise 'groupe CREDIT MUTUEL' ; que le signe 'CREDIT MUTEL', qui est essentiellement une marque de services dont l'exploitation ne peut consister en une simple apposition sur lesdits services, est apposé sur différents supports matériels en relation avec ces services (plaquettes CREDIT MUTUEL destinées à la clientèle ('Objectif Epargner', 'Les jeunes qui s'engagent', 'Un rendement qui ne manque pas de souffle'...) ; fiches explicatives concernant divers services destinées aux clients ; contrats (concernant des assurances complémentaires maladies, des contrats de prévoyance accompagnés des conditions générales, des contrats d'assurance, des contrats d'ouverture de crédit) ; conditions tarifaires ; conditions générales et particulières relatifs aux comptes courants ; chéquiers et chèques libellés en francs et donc antérieurs au 1er janvier 2002 ;visuels de cartes bancaires et de relevés de comptes datant de 2008 ; bobines de papier pour distributeurs automatiques de billets...) ;

Qu'enfin, la CNCM produit un sondage réalisé par l'Institut TNS SOFRES en juin 2015 auprès d'un échantillon de 1003 personnes, relatif au caractère distinctif de la marque (sa pièce 79), duquel il ressort que 89 % des personnes interrogées associent les termes 'CREDIT MUTUEL' à une banque et, pour 55 %, depuis au moins 10 ans, ce qui est de nature à démontrer sans ambiguïté qu'une fraction significative du public concerné perçoit la marque 'CREDIT MUTUEL' comme identifiant les produits et services désignés par elle comme provenant du groupe CREDIT MUTUEL ;

Considérant qu'en définitive, la CNCM démontre que par l'usage continu, intensif, durable qui en a été fait, la marque 'CREDIT MUTUEL' a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits et services pour lesquels elle a été enregistrée, en classes 9, 16, 35, 36 et 45 ;

Qu'il convient donc de débouter la société CREDIT MUTUEL ARKEA de sa demande en nullité de la marque 'CREDIT MUTUEL' pour défaut de distinctivité ;

Sur la demande de la CNCM pour procédure abusive

Considérant que l'accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n'est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles révélant malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol, que le fait d'exercer une voie de recours en justice légalement ouverte, est susceptible de constituer un abus ;

Que le rejet des prétentions de la société CREDIT MUTUEL ARKEA ne permet pas de caractériser, en l'espèce, une faute ayant fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, l'intéressée ayant pu se méprendre sur l'étendue de ses droits ; que, par ailleurs, la CNCM ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que la demande sera rejetée ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant au principal, la société CREDIT MUTUEL ARKEA sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées ;

Que la somme qui doit être mise à la charge de la société CREDIT MUTUEL ARKEA au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la CNCM peut être équitablement fixée à 30 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement déféré si ce n'est en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que la société CREDIT MUTUEL ARKEA est recevable en ses demandes de nullité de la marque française verbale « CREDIT MUTUEL » n° 3828979 dont la CNCM est titulaire,

Déboute la société CREDIT MUTUEL ARKEA de ses demandes en nullité de la marque verbale « CREDIT MUTUEL » n° 3828979 pour dépôt frauduleux, caractère illicite et défaut de distinctivité,

Condamne la société CREDIT MUTUEL ARKEA aux dépens d'appel,

Condamne la société CREDIT MUTUEL ARKEA à payer à la CNCM la somme de 30 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE PRÉSIDENTLE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/14398
Date de la décision : 27/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°16/14398 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-27;16.14398 ?
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