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27/02/2018 | FRANCE | N°16/01358

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 27 février 2018, 16/01358


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 27 FEVRIER 2018



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/01358



Décision déférée à la Cour : Sentence du 3 novembre 2015 rendue par le tribunal arbitral ad'hoc composé de MM. Grelon et Tricot, arbitres, et de M. Germain, président

La sentence a été revêtue de l'exequatur par une ordonnance du président du tr

ibunal de grande instance de Paris du 30 novembre 2015.



DEMANDERESSE AU RECOURS :



Société RISERIA PRODOTTI DEL SOLE placée en 'concordato preventivo' et re...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 27 FEVRIER 2018

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/01358

Décision déférée à la Cour : Sentence du 3 novembre 2015 rendue par le tribunal arbitral ad'hoc composé de MM. Grelon et Tricot, arbitres, et de M. Germain, président

La sentence a été revêtue de l'exequatur par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 30 novembre 2015.

DEMANDERESSE AU RECOURS :

Société RISERIA PRODOTTI DEL SOLE placée en 'concordato preventivo' et représentée par Monsieur [M] [L] agissant en qualité d'administrateur unique

[Adresse 1]

[Adresse 1]

ITALIE

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Fabrice VAN CAUWELAERT et Me Chiara POGGI-FERRERO, avocats plaidant du barreau de PARIS, toque : T07

DÉFENDERESSE AU RECOURS :

S.A.S SCAMARK

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Yann MICHEL de la SELARL ASEVEN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0196

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dominique GUIHAL, présidente

Mme Dominique SALVARY, conseillère

M. Jean LECAROZ, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Dominique GUIHAL, présidente et par Mme Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.

Par contrat du 30 juin 2009, la SAS Scamark, société de droit français qui conçoit et développe les marques de distributeur de l'enseigne E. Leclerc, a confié à la société de droit italien Riseria Prodotti del Sole (RPS) la fourniture de riz de type thaï et basmati sous les marques 'Comptoir du grain' et 'ECO+'.

Scamark invoquant des non-conformités des produits livrés a résilié le contrat le 26 juillet 2010 avec des effets différés échelonnés de janvier à juin 2011 selon les références de riz. Elle a saisi le président du tribunal de commerce de Créteil d'une demande d'expertise, laquelle a été prescrite par ordonnances des 1er et 28 juin 2011. L'expert a déposé son rapport le 1er août 2014.

Scamark a diligenté une procédure de saisie conservatoire en septembre 2012, et engagé en février 2013 une procédure d'arbitrage sur le fondement de la clause compromissoire du contrat du 30 juin 2009.

Le protocole d'arbitrage conclu le 20 février 2013 prévoyait un arbitrage en droit avec application de la loi française.

Le tribunal arbitral ad hoc composé de MM. Grelon et Tricot, arbitres, et de M. Germain, Président, a rendu à Paris le 3 novembre 2015 une sentence qui :

- déclare irrecevables et, à tout le moins, non fondées les demandes nouvelles présentées par RPS le 16 juillet 2015,

- prend acte de l'homologation par un jugement du tribunal de Vercelli du 9 avril 2015 d'un plan de concordat préventif de la société RPS, de la possibilité de poursuivre l'instance arbitrale en cours, et du pouvoir du tribunal arbitral de prononcer la condamnation à des dommages-intérêts à l'encontre d'un débiteur soumis à un plan de concordat préventif,

- déclare pertinentes les conclusions de l'expert,

- dit que la décision de retrait de Scamark n'équivaut pas à une rupture brutale des relations commerciales établies,

- condamne RPS pour manquement à ses obligations contractuelles à des dommages-intérêts d'un montant de 911.742 euros, sauf à en retirer, en tout ou partie, la somme de 449.872 euros dans la mesure où la marchandise n'a pas été payée intégralement,

- condamne RPS à payer à Scamark la somme de 89.954 euros à titre de pénalité contractuelle,

- déboute RPS de ses demandes reconventionnelles,

- prononce sur les frais de procédure.

La sentence a été revêtue de l'exequatur par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 30 novembre 2015.

RPS a formé un recours en annulation de la sentence le 24 décembre 2015.

Par des conclusions notifiées le 8 janvier 2018 elle demande à la cour, à titre principal, d'annuler la sentence pour manquement des arbitres à leur mission et pour violation de l'ordre public international, subsidiairement, d'infirmer l'ordonnance d'exequatur pour violation de l'ordre public international. RPS sollicite la condamnation de la partie adverse à lui payer la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par des conclusions notifiées le 5 décembre 2017, Scamark demande à la cour de rejeter le recours en annulation et de confirmer l'ordonnance d'exequatur. Elle demande la condamnation de RPS à lui payer la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI :

Sur le moyen d'annulation tiré de la méconnaissance par les arbitres de leur mission (article 1520, 3° du code de procédure civile) :

RPS fait valoir, en premier lieu, que le tribunal arbitral a méconnu sa mission en adoptant les conclusions de l'expert sans examiner les éléments sérieux de contestation de l'opposabilité et de la validité de son rapport.

Elle soutient, en second lieu, que les arbitres n'ont pas rempli entièrement leur mission en ce qu'ils se sont abstenus de déterminer la créance de Scamark, si ce n'est dans une fourchette comprise entre 461.872 euros et 911.742 euros.

Considérant que le moyen pris en sa première branche, qui reproche au tribunal arbitral d'avoir jugé non pertinentes les critiques que RPS adressait au rapport d'expertise judiciaire, invite la cour à une révision au fond de la sentence qui n'est pas permise au juge de l'annulation;

Considérant, sur la seconde branche du moyen, que l'omission de statuer n'est pas un cas d'ouverture du recours en annulation, la partie qui s'en prévaut ayant, en vertu de l'article 1485 du code de procédure civile, applicable à l'arbitrage international par renvoi de l'article 1506, la faculté de ressaisir les arbitres;

Considérant que le moyen, en ses deux branches, ne peut qu'être écarté;

Sur le moyen d'annulation tiré de la violation de l'ordre public international (article 1520, 5° du code de procédure civile) :

RPS fait valoir que les principes de suspension des poursuites individuelles et d'égalité des créanciers, qui relèvent de la conception française de l'ordre public international, sont également prévus par la loi italienne sur la faillite, applicable au litige en vertu du règlement (CE) n° 1346/2000; que l'ouverture de la procédure italienne de concordat préventif avait pour effet de geler les actions exécutoires et provisoires à l'encontre du débiteur et imposait aux créanciers antérieurs de respecter les dispositions du concordat définitivement homologué. RPS soutient que la sentence, en ne précisant pas que le paiement ne peut intervenir que lorsque le concordat est définitif, et dans la limite que celui-ci impose au remboursement des créanciers chirographaires, viole de manière manifeste l'ordre public international.

Scamark prétend, à titre principal, qu'en vertu du principe de l'estoppel, RPS qui, d'une part, ne l'a pas appelée à la procédure de concordat préventif, et d'autre part, a expressément soutenu dans l'instance arbitrale que la procédure collective italienne ne faisait pas obstacle au prononcé d'une condamnation, n'est plus recevable à se prévaloir du moyen en cause. Elle soutient que le moyen est encore irrecevable en application de l'article 1466 du code de procédure civile, faute d'avoir été présenté au tribunal arbitral. Subsidiairement, elle conclut au mal fondé du moyen.

Considérant que les principes de suspension des poursuites individuelles et d'égalité des créanciers dans les procédures d'insolvabilité relèvent de l'ordre public de direction, de sorte que ni les dispositions de l'article 1466 du code de procédure civile, ni l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui ne peuvent être opposées au débiteur qui les invoque devant le juge de l'annulation alors qu'il ne s'en était pas prévalu ou même qu'il les aurait déclaré inapplicables pendant l'instance arbitrale; que le moyen est donc recevable;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité :

'Loi applicable

1. Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'Etat membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, ci-après dénommé 'l'Etat d'ouverture'.

2. La loi de l'Etat d'ouverture détermine les conditions d'ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d'insolvabilité. Elle détermine notamment :

(...)

f) les effets de la procédure d'insolvabilité sur les poursuites individuelles, à l'exception des instance en cours.';

Que suivant l'article 16.1 : 'Toute décision ouvrant une procédure d'insolvabilité prise par une juridiction d'un Etat membre compétente en vertu de l'article 3 est reconnue dans tous les autres Etats membres, dès qu'elle produit ses effets dans l'Etat d'ouverture.'; et que, selon l'article 17.1 : 'La décision d'ouverture d'une procédure [d'insolvabilité] produit, sans aucune autre formalité, dans tout autre Etat membre les effets que lui attribue l'Etat d'ouverture';

Considérant qu'aux termes de l'article 168 de la loi italienne de la faillite :

'Effets de la présentation de la demande dès la date de publication de la demande [de concordat préventif] dans le registre des entreprises et jusqu'au moment où le jugement d'homologation du concordat préventif devient définitif, les créanciers pour titre ou cause antérieure ne peuvent pas, sous peine de nullité, déclencher ou poursuivre des actions exécutoires et conservatoires sur le patrimoine du débiteur.';

Considérant qu'en l'espèce, le protocole d'arbitrage a été signé le 20 février 2013; que la demande de placement sous concordat préventif a été déposée par RPS au tribunal de Vercelli le 22 octobre 2014;

Considérant que par une lettre du 28 avril 2015, Mme Poggi-Ferrero, commissaire judiciaire à la procédure de concordat préventif de RPS, a répondu au tribunal arbitral qui sollicitait des éclaircissements sur les conséquences de cette procédure, que le dirigeant de la société RPS avait conservé le pouvoir de représenter celle-ci à l'instance et que :

'L'arbitrage contre la Scamark ayant été engagé avant le dépôt du plan de concordat n'est pas interrompu de plein droit par la demande d'ouverture de la procédure collective déposée par Riseria Prodotti del Sole spa.

Le 'contrat' de Concordat proposé par Riseria à l'égard de ses créanciers, prévoit, à travers la liquidation de tous les biens de la société, la possibilité de satisfaire entièrement les créances déductibles et les créances privilégiées; les créances chirographaires vraisemblablement à hauteur de 39 % .

(...)

Les créanciers ont voté en faveur de la proposition de concordat.

Le recouvrement éventuel des sommes non prévues dans le Plan de Concordat pour la masse des créanciers concordataires est un fait qui améliore la proposition présentée et approuvée.

Pour ce qui concerne les frais de la procédure arbitrale, ainsi que les frais d'assistance légale, il faut noter que le concordat Préventif, par sa nature, ne prévoit pas un passif cristallisé et défini, tant que le Commissaire expose son issue présumable et non la certitude de l'atteinte des pourcentages proposés.

Afin que le Concordat puisse, toutefois, être considéré comme exécuté, il est nécessaire que les créanciers chirographaires soient satisfaits au moins partiellement.

Le juge saisi par un créancier et un débiteur en procédure collective, a les pouvoirs de constater l'existence de la créance et sa nature, ainsi que de condamner au paiement de la même créance.';

Considérant, par conséquent, que les instances au fond, introduites antérieurement à la demande d'ouverture du concordat préventif, se poursuivent jusqu'à leur terme, y compris, le cas échéant, la condamnation du débiteur, laquelle s'impute sur le plan de concordat, fondé sur des évaluations évolutives de l'actif et du passif;

Considérant que la procédure de concordat préventif a seulement pour effet d'interdire à un créancier d'engager des procédures conservatoires ou d'exécution en violation des droits des autres créanciers tels qu'ils résultent du plan de concordat; que cet effet, inhérent à la loi italienne des procédures d'insolvabilité, qui, en vertu de l'article 17 précité du règlement (CE) n° 1346/2000, s'applique de plein droit dans les autres Etats membres, n'a nul besoin d'être rappelé par la sentence, de sorte que celle-ci, en prononçant des condamnations sans préciser les modalités de leur exécution, ne comporte aucune violation manifeste, effective et concrète de l'ordre public international;

Que le moyen d'annulation de la sentence n'est donc pas fondé;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours en annulation de la sentence doit être rejeté;

Sur la demande d'infirmation de l'ordonnance d'exequatur pour violation de l'ordre public international :

Subsidiairement, RPS sollicite l'infirmation de l'ordonnance d'exequatur en prétendant qu'elle rend possible, en violation du principe d'égalité des créanciers, l'exercice de mesures d'exécution forcée en paiement du montant de créances antérieures, imparfaitement déterminé dans la sentence sans tenir compte du plan de concordat homologué par le tribunal de Vercelli le 9 avril 2015 qui fixe à 19,99 % le montant exigible des créances chirographaires.

Scamark oppose les mêmes défenses qu'au second moyen d'annulation de la sentence.

Considérant qu'aux termes de l'article 1524 du code de procédure civile : 'L'ordonnance qui accorde l'exequatur n'est susceptible d'aucun recours sauf dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article 1522.

Toutefois, le recours en annulation de la sentence emporte de plein droit, dans les limites de la saisine de la cour, recours contre l'ordonnance du juge ayant statué sur l'exequatur ou dessaisissement de ce juge.';

Considérant qu'il en résulte qu'est irrecevable la demande d'infirmation de l'ordonnance d'exequatur d'une sentence à l'égard de laquelle le recours en annulation est rejeté, étant au demeurant observé que l'exequatur n'a pas la nature d'une mesure d'exécution, interdite à un créancier dont le débiteur fait l'objet d'une procédure d'insolvabilité;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que RPS, qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée sur ce fondement à payer à Scamark la somme de 15.000 euros;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le recours en annulation de la sentence rendue à Paris entre les parties le 3 novembre 2015.

Déclare irrecevable la demande d'infirmation de l'ordonnance d'exequatur rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris le 30 novembre 2015.

Condamne la société Riseria Prodotti del Sole (RPS) aux dépens et au paiement à la société Scamark (SAS) de la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/01358
Date de la décision : 27/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°16/01358 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-27;16.01358 ?
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