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22/02/2018 | FRANCE | N°16/20802

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 22 février 2018, 16/20802


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 22 FEVRIER 2018



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/20802



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Septembre 2016 - Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 15/12004





APPELANTE



SAS GROUPE MONITEUR

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]


[Localité 1]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151, avocat postulant

Représentée par Me Nicolas LÉGER, avocat au barreau de PARIS, toque : J043, avo...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRET DU 22 FEVRIER 2018

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/20802

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Septembre 2016 - Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 15/12004

APPELANTE

SAS GROUPE MONITEUR

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151, avocat postulant

Représentée par Me Nicolas LÉGER, avocat au barreau de PARIS, toque : J043, avocat plaidant

INTIME

SYNDICAT INFO'COM CGT pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 décembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine MÉTADIEU, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine MÉTADIEU, Président

Madame Patricia DUFOUR, Conseiller appelé à compléter la chambre par ordonnance de roulement en date du 31 août 2017

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, Président et par Madame FOULON, Greffier.

*********

Statuant sur l'appel interjeté par la SAS GROUPE MONITEUR à l'encontre d'un jugement rendu le 27 septembre 2016 par le tribunal de grande instance de PARIS qui a :

- ordonné à la SAS GROUPE MONITEUR de procéder au calcul de l'intéressement pour les salariés au titre des années 2013 et 2014 en retirant du résultat d'exploitation les coûts générés par la clause de cession et en déduisant du montant de la prime le montant du forfait social afférent à l'intéressement

- condamné la SAS GROUPE MONITEUR à payer au syndicat INFOCOM CGT la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions déposées le 25 octobre 2017 sur le RPVA par la SAS GROUPE MONITEUR qui demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau, de :

- déclarer l'action du syndicat INFOCOM CGT irrecevable

- débouter le syndicat INFOCOM CGT de l'ensemble de ses demandes

- condamner le syndicat INFOCOM CGT au paiement de la somme de 5 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions déposées le 19 juillet 2017 sur le RPVA par le syndicat INFOCOM CGT qui demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de :

- ordonner à la SAS GROUPE MONITEUR dans le cadre de l'application de l'accord d'intéressement en date du 28 juin 2013, de retirer du résultat d'exploitation les coûts générés par l'exercice de la clause de cession qui doivent s'analyser en une charge exceptionnelle ne devant pas être imputée sur le résultat d'exploitation

- juger que le forfait social afférent à la participation ne doit pas être déduit de l'enveloppe de calcul de l'intéressement

- juger que l'intéressement dû aux salariés au titre des années 2013 et 2014 en application de cet accord s'élève à 427 754 euros (soit 285 125 euros au titre de l'année 2013 et 142 634 euros au titre de l'année 2014)

- ordonner à la société de procéder au 're-calcul' de l'enveloppe d'intéressement pour les salariés afin de procéder à la distribution de 427 754 euros au titre des intéressements 2013 et 2014 (soit 285 125 euros au titre de l'année 2013 et 142 634 euros au titre de l'année 2014)

- condamner la SAS GROUPE MONITEUR au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 octobre 2017 ;

SUR CE, LA COUR

Faits et procédure :

La SAS GROUPE MONITEUR qui a pour activité l'édition de publications professionnelles, emploie environ 443 salariés en contrat de travail à durée indéterminée dont 110 journalistes.

Le 28 juin 2013, la CFDT et la CFTC, syndicats représentatifs dans l'entreprise, ont conclu avec la direction du groupe un accord d'intéressement pour une durée déterminée de trois ans qui prévoit en son article 1er une formule dérogatoire pour le calcul de la prime d'intéressement.

Le 19 décembre 2013, le groupe INFOPRO Digital a racheté la SAS GROUPE MONITEUR.

A la suite de ce rachat, quarante-quatre journalistes ont souhaité bénéficier de la clause de cession en application des dispositions de l'article L.7112-5 du code du travail et ont perçu dans le cadre de leur départ, une indemnité.

Le coût de ces clauses de cession ayant été comptabilisé en charges d'exploitation de l'entreprise, le résultat d'exploitation, assiette de calcul de l'intéressement, s'en est trouvé grevé de sorte qu'aucune prime d'intéressement n'a été versée aux salariés au terme des exercices 2013 et 2014.

Lors des réunions des comités d'entreprise des 22 mai et 25 juin 2014 et de la commission de contrôle de l'intéressement et de participation du 17 avril 2015, les élus CGT, s'appuyant sur les observations de l'expert comptable ALTER désigné par le comité d'entreprise, ont dénoncé ce classement comptable, estimant que le coût des clauses de cession aurait dû être reporté dans les charges exceptionnelles compte tenu du caractère ponctuel du rachat de la société, fait générateur du versement des indemnités.

Le 1er juillet 2015, les élus du comité d'entreprise ont voté à la majorité une résolution demandant à la direction de rectifier son calcul, ce qu'elle a refusé.

C'est dans ces conditions que le syndicat INFOCOM CGT a, par acte d'huissier du 7 août 2015, fait assigner la SAS GROUPE MONITEUR devant le tribunal de grande instance de PARIS.

Motivation :

Sur la recevabilité de l'action du syndicat INFOCOM CGT

Même s'il n'est pas signataire de l'accord dont il est sollicité l'application , le syndicat INFOCOM CGT est recevable a en demander l'exécution dès lors que le non-respect de ses dispositions est de nature, comme en l'espèce, à causer un préjudice à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente.

Sur le fond :

Il est mentionné dans le préambule de l'accord d'intéressement de la SAS GROUPE MONITEUR signé le 28 juin 2013 par le président de la société, le syndicat CFDT et le syndicat CFTC que l'indicateur principal retenu pour le calcul de la prime d'intéressement est le résultat d'exploitation (REX) tel que défini dans le plan comptable et figurant dans les comptes annuels certifiés par les commissaires aux comptes' et précisé à l'article 1 que la prime brute est ainsi déterminée :

'Intéressement au 31 décembre (1er janvier / 31 décembre) = 8,22 % du résultat d'exploitation de la société GROUPE MONITEUR SASU, suivant barème ci-après dont est déduite la participation du GROUPE MONITEUR SASU, au titre du même exercice, déterminée selon la formule légale en vigueur.

Le taux de la prime d'intéressement brute fixée à 8,22 % du REX passera à 9,22 % du REX si le REXCA est égal ou supérieur à 17,5 %'.

La SAS GROUPE MONITEUR fait valoir que :

- les indemnités versées aux journalistes constituent des charges d'exploitation, dès lors qu'elles l'ont été à raison de l'exercice par ceux-ci d'un droit légalement consacré de rompre le contrat de travail,

- les indemnités de rupture ne constituent pas des charges exceptionnelles classées au compte 67,

- la distinction entre une opération exceptionnelle et courante relève de l'appréciation de l'entreprise,

- elle s'est conformée à la réglementation comptable en vigueur.

Aux termes de l'article L.123-14 du code de commerce, les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise.

Selon l'article R.123-192 du même code, les produits et charges de l'exercice sont classés au compte de résultat de manière à faire apparaître par différence les éléments du résultat courant et le résultat exceptionnel dont la réalisation n'est pas liée à l'exploitation courante de l'entreprise.

Le règlement n° 2014.03 du 5 juin 2014 homologué par arrêté du 8 septembre 2014, établi par l'autorité des normes comptables (ANC) précise en son article 934-2 a. Classe 6 : «Comptes de charges» : 'La classe 6 regroupe les comptes destinés à enregistrer, dans l'exercice, les charges par nature y compris celles concernant les exercices antérieurs qui se rapportent :

' à l'exploitation

' à sa gestion financière

' à ses opérations exceptionnelles

' au transfert de charges'.

Il s'en déduit que la spécificité d'une charge d'exploitation est de relever d'un opération courante et normale.

Ainsi que le soulignent les premiers juges, le plan général comptable (PGC) renvoie s'agissant des charges d'exploitation à une liste de comptes parmi lesquels le compte 64 «charges de personnel» incluant un sous-compte «rémunérations du personnel» (compte 641) comprenant lui-même un sous compte 6414 «indemnités et avantages divers»

Les charges exceptionnelles ne relèvent pas de l'exploitation normale de l'entreprise et sont prévues au compte 67. Elles concernent notamment les pénalités, rappels d'impôts ou créances irrécouvrables.

Le journaliste professionnel peut, en application de l'article L.7112-5 du code du travail, rompre son contrat de travail, au motif comme en l'espèce de la cession du journal ou du périodique.

Il a alors droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois par année ou fraction d'année de collaboration des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze.

Il importe par conséquent de déterminer si cette indemnité spécifique constitue une charge d'exploitation ou une charge exceptionnelle.

C'est à juste titre que le tribunal, après avoir relevé que les indemnités de licenciement en ce qu'elles constituent une charge de personnel sont généralement inscrites au compte 64, a par des motifs pertinents que la cour adopte, considéré que :

- en l'espèce il devait être tenu compte du caractère ponctuel et extraordinaire du fait générateur de ce versement, le rachat de l'entreprise ayant conduit au départ significatif de plus d'un tiers de l'effectif des journalistes,

- il ne s'agit pas d'une opération permettant à l'employeur d'adapter les effectifs aux besoins de l'entreprise comme lors d'un licenciement économique collectif, dès lors que ce départ est à l'initiative exclusive des journalistes,

- le fait que la société ait opéré un classement identique en 2009-2010, ne prive pas pour autant le syndicat de son droit de contester l'imputation faite ultérieurement.

A cet égard, le cabinet ALTER, société d'expertise comptable désignée par le comité d'entreprise, souligne dans son rapport sur les comptes de l'exercice 2014 et prévisionnels 2015, «note relative au calcul de l'intéressement des salariés Groupe Moniteur» que 'les coûts relatifs à la clause de cession ont d'ailleurs été enregistrés en charges exceptionnelles dans les comptes consolidés INFOPRO DIGITAL 2014", c'est à dire au niveau du groupe.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que:

- les charges provisionnelles ou effectives exposées dans le cadre de la mise en 'uvre de la clause de cession auraient dû être inscrites dans le compte des charges exceptionnelles et ne pas être déduites de l'assiette de calcul de l'intéressement des salariés pour les années 2013 et 2014,

- l'intéressement brut rectifié, avant déduction, s'élevait conformément aux calculs effectués par le cabinet d'expertise comptable ALTER, qui ne sont pas plus discutés en cause d'appel qu'en première instance, à 2 024 694 euros pour 2013 et 1 751 378 euros pour 2014,

observation étant faite que contrairement à ce qu'allègue la SAS GROUPE MONITEUR, il ne lui est pas ordonné de corriger ses comptes mais uniquement de reprendre le calcul de l'intéressement dû aux salariés au titre des années 2013 et 2014.

Il est enfin précisé à l'article 3. «modalités de répartition entre les bénéficiaires» que 'le montant de la prime d'intéressement est calculé comme indiqué à l'article 1 et après déduction de la CSG, CRDS et le paiement du forfait social sera réparti entre les bénéficiaires conformément à l'article L.3314-5 du code du travail'.

Selon l'appelante, le forfait social s'entend des cotisations dues à ce titre dans le cadre des dispositifs d'épargne salariale, à savoir intéressement et participation.

Force est de constater que l'accord d'intéressement ne fait pas mention de la participation, et encore moins de son incidence sur le calcul de la primé d'intéressement, le syndicat INFOCOM CGT soulignant que l'accord de participation en vigueur au sein de la société ne prévoit pas de déduire le forfait social afférents à la participation.

Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que devait être déduit du montant de la prime d'intéressement le montant du forfait social relatif à l'intéressement, et non pas un forfait social tenant compte du coût total généré au titre de l'épargne salariale, participation et intéressement.

Il convient, s'agissant de déterminer le montant de l'intéressement au titre des années 2013 et 2014, de se référer au rapport d'expertise du cabinet ALTER dont il y a lieu de relever qu'il n'est pas utilement contredit en ce qui concerne l'assiette du calcul puisqu'il reprend le montant du résultat d'exploitation Liasse fiscale de la SAS GROUPE MONITEUR.

La cour constate que ce cabinet d'expertise comptable a strictement appliqué la formule de calcul de l'intéressement définie dans l'accord du 28 juin 2013, puis qu'il a imputé le coût de la clause de cession en charges exceptionnelles, qu'il a enfin déduit le forfait social afférent au seul intéressement et la CSG CRDS, et qu'il a, ce faisant, exactement calculé le montant de l'enveloppe d'intéressement à distribuer, correspondant à la somme totale de 427 754 euros au titre des années 2013 et 2014, soit 285 120 euros au titre de 2013 et 142 634 euros au titre de 2014.

Il y a lieu de compléter le jugement sur ce point en ordonnant à la SAS MONITEUR de procéder à un re-calcul de l'enveloppe d'intéressement en tenant compte des montants ci-dessus.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement en ce qu'il a accordé à à Syndicat INFOCOM CGT la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer de nouveau 2 000 euros sur le même fondement au titre des sommes qu'il a dû exposer en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Y ajoutant

Ordonne à la SAS GROUPE MONITEUR de procéder au re-calcul de l'enveloppe d'intéressement pour les salariés afin que leur soit distribuée la somme de 427 754 euros au titre des intéressements 2013 et 2014, soit 285 125 euros au titre de l'année 2013 et 142 634 euros au titre de l'année 2014

Condamne la SAS GROUPE MONITEUR à payer au Syndicat INFOCOM CGT la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la SAS GROUPE MONITEUR aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 16/20802
Date de la décision : 22/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°16/20802 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-22;16.20802 ?
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