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22/02/2018 | FRANCE | N°16/08411

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 22 février 2018, 16/08411


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 22 Février 2018



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/08411 - 16/08425 - 16/15849



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Janvier 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 14/01110





APPELANTES

Madame [S] [Y] veuve [O]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1]r>
[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Jean-paul TEISSONNIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0268



Madame [V] [O]

née le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 2]

[Adresse 1]
...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 22 Février 2018

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/08411 - 16/08425 - 16/15849

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Janvier 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 14/01110

APPELANTES

Madame [S] [Y] veuve [O]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Jean-paul TEISSONNIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0268

Madame [V] [O]

née le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Jean-paul TEISSONNIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0268

INTIMEES

SA LA POSTE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Marc BELLANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014, Me Valérie MEIMOUN HAYAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014

CPAM 94 - VAL DE MARNE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Mme [D] en vertu d'un pouvoir général

PARTIE INTERVENANTE :

Syndicat FAPT CGT FEDERATION NATIONALE DES SALARIES DU SECT EUR DES ACTIVITES POSTALE ET TELECOM

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par Me Frédérique POLLET ROUYER, avocat au barreau de Paris

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 5]

[Adresse 5],

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Décembre 2017, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Claire CHAUX, Présidente de chambre, et devant Monsieur Luc LEBLANC, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Claire CHAUX, présidente de chambre

Monsieur Luc LEBLANC, conseiller

Madame Marie-Odile FABRE DEVILLERS, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claire CHAUX , Présidente de Chambre et par Mme Vénusia DAMPIERRE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour statue sur les appels régulièrement interjetés par :

- Mme [Y] [S] veuve [O] et Mme [O][V] enregistrés sous les N° RG 16/08411 et RG 16 /08425

- Mme [Y] [S] veuve [O] et le syndicat FAPT CGT FEDERATION NATIONALE DES SALARIES DU SECTEUR DES ACTIVITES POSTALE ET TELECOM N° RG 16 / 15849

à l'encontre d'un jugement rendu le 6 janvier 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil dans un litige les opposant à la SA LA POSTE , en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne .

FAITS , PROCEDURE , PRETENTIONS DES PARTIES

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard .

Il suffit de rappeler que la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne a reçu une déclaration d'accident du travail datée du 23 septembre 2013 concernant M. [N] [O] , salarié de LA POSTE depuis le 24 septembre 2001 en qualité d'adjoint au directeur des publications.

Il ressort de cette déclaration que le 25 février 2013 , [N] [O] s'est suicidé à son domicile alors qu'il était en arrêt de travail depuis le 30 janvier 2013 .

Après enquête , la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne, par décision du 18 décembre 2013 , a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.

Une rente a été attribuée à Mme [S] [Y] veuve [O] en sa qualité de conjoint et à [V] [O] , en sa qualité d'ayant droit de [N] [O] , à compter du 26 février 2013 .

Par courriers du 7 et 15 mai 2014 , Mme [S] [Y] veuve [O] et [V] [O] , ayants droit de [N] [O] ont saisi la caisse primaire d'assurance maladie d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la Poste dans la survenance de l'accident du travail de [N] [O].

En l'absence de conciliation , [S] [O] et [V] [O] ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil d'une demande aux mêmes fins .

Par jugement du 6 janvier 2016 , ce tribunal les a déboutées de leur demande , celles ci ne rapportant pas la preuve d'une faute inexcusable de l'employeur LA POSTE, a constaté l'intervention volontaire de la Fédération nationale des salariés du secteur des activités postale et telecom , l'a déboutée de ses demandes en paiement de dommages et intérêts au titre de l'article L 2132 - 3 du code du travail dirigées contre la Poste, débouté les parties de leurs demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [S] [Y] veuve [O] et Mme [V] [O] font déposer et soutenir oralement par leur conseil des conclusions écrites aux termes desquelles elles demandent à la Cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau :

- de dire que l'accident dont est décédé [N] [O] est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, le groupe La Poste,

En conséquence,

- ordonner la majoration des rentes d'ayants droit qui leur sont versées ,

- Fixer l'indemnisation des préjudices complémentaires selon les modalités suivantes:

* au titre de l'action successorale

- préjudice de souffrance morale : 200 000€

* au titre de la réparation du préjudice moral personnel :

- subi par [S] [O] : 150 000€

- subi par [V] [O] : 75 000€

- condamner le groupe La Poste à leur verser la somme de 2000€ chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles font valoir :

- que la Poste avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé [N] [O] en ce que les modifications de statut de la Poste et les changements dans l'organisation demandaient aux salariés de s'adapter aux changements dans un contexte de réduction drastique des effectifs, que tant ces métamorphoses que la réduction des effectifs sont générateurs de risques psychosociaux mais qu'au lieu de réagir et de préserver les salariés des risques psychosociaux , la Poste n'a réalisé aucune action concrète pour lutter contre la souffrance au travail ,

- que la direction de la communication , qui a fait l'objet de changements importants au cours de l'année 2012 et que [N] [O] a intégré quelques mois avant son suicide, était particulièrement exposée aux situations de surcharge chronique, que cette modification de l'organisation s'est faite sans anticipation , sans information des équipes autre que des annonces top down et sans préparation aux nouvelles tâches ,

- que pour le surplus , le dispositif de prévention et de protection des salariés au siège était insuffisant , qu'il n'y a pas eu de consultation du CHSCT lors de la création de la Direction du Numérique, que ce n'est qu'en 2012 , que la démarche d'évaluation des risques professionnels , reprenant 21 domaines de risques professionnels, a intégré le stress comme domaine de risque , - que c'est dans ce contexte que [N] [O] a fait l'objet d'une surcharge d'activité à partir de 2012, qu'il n'a pas pris ses congés au mois d'août 2012, que de nouvelles responsabilités lui ont été confiées à partir du 5 Novembre 2012 , que ses derniers mois d'activité professionnelle ont été accompagnés d'une accumulation des risques, puisque sans l'accompagner, sans même lui faire bénéficier de formations managériales, La Poste a bouleversé son contexte de travail , alourdissant ses responsabilités , lui demandant d'occuper trois postes , tout en plaçant une équipe de 6 personnes sous sa responsabilité alors qu'une faiblesse en management avait été décelée lors d'une évaluation par "Assessment " ,

- que l'ensemble de ces éléments établissent que les manquements de l'employeur sont à l'origine du décès de [N] [O] , que les éléments constitutifs de la faute inexcusable sont réunis .

La Poste SA fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la Cour à confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, à débouter Mme [S] [Y] et Mme [V] [O] de l'ensemble de leurs demandes formées à son encontre.

Elle fait valoir :

- que la problématique des risques professionnels a très vite été prise en compte par la Poste puisqu'en 2010 et 2011, la Poste a défini une première série de facteurs de risques professionnels lesquels ont été complétés en 2012 avec la prise en compte du stress au travail , qu'il existait donc un dispositif complet de prévention et de prise en charge auquel [N] [O] n'a jamais eu recours ,

- que la métamorphose de La Poste n'a pu avoir d'incidence notable sur l'organisation de la Direction de la Communication, que l'autonomie et la souplesse dont les agents de la Direction de la communication bénéficiaient pour organiser leur travail et leurs horaires leur ont permis de supporter, sans grande difficulté , les quelques périodes d'activité chargée au cours de l'année, sans que cette situation conduise à les placer en situation de surcharge de travail chronique ,

- que la réorganisation de la direction des activités numériques et des médias internes puis la création de la direction du Numérique ne se sont pas faites de manière précipitée et tardive , [N] [O] qui été étroitement associé au projet , ne pouvait ignorer en amont le contenu , la portée et les conséquences de la création de la Direction du Numérique,

- qu'aucun élément du dossier ne vient accréditer la thèse selon laquelle la situation de la Direction dans laquelle travaillait [N] [O] aurait dû mécaniquement conduire la Poste à prendre conscience d'un risque de suicide de l'intéressé ,

- que les promotions dont [N] [O] a bénéficié au cours de sa carrière à La Poste s'expliquent par sa grande compétence professionnelle , son implication et son investissement dans ses fonctions , que son positionnement managérial ne s'est jamais fait à son détriment , qu'il a toujours bénéficié du soutien et de l'assistance de sa hiérarchie ou de ses collègues y compris lorsqu'il a assuré l'intérim au départ de Mme [X],

- qu'il n'était pas dans une situation de surcharge de travail et que les missions qui lui étaient confiées correspondaient à son niveau de responsabilité et étaient en adéquation avec la taille de l'équipe qu'il manageait ,

- qu'il n'a pas été victime de harcèlement pendant sa période d'arrêt de travail puisque la plupart des mails qu'il recevait provenaient pour l'essentiel des organismes de veille des médias ,

- qu'aucun de ses collègues , supérieurs hiérarchiques ou cadres de même niveau ou ses subordonnés , n'a perçu le mal - être qui le touchait et qui l'a conduit à mettre fin à ses jours le 25 février 2013 .

Le syndicat FAPT CGT FEDERATION NATIONALE DES SALARIES DU SECTEUR DES ACTIVITES POSTALE ET TELECOM indique oralement à l'audience qu'il se désiste de son appel .

Ce désistement est accepté par les autres parties .

La caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne fait déposer et soutenir oralement par son représentant des conclusions aux termes desquelles elle demande à la Cour :

- de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le mérite de la demande en reconnaissance de la faute inexcusable présentée par les ayants droit de [N] [O], en application des dispositions de l'article L 452 - 1 du code de la sécurité sociale ,

Dans le cas où la Cour reconnaîtrait la faute inexcusable de l'employeur:

- de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le montant de la majoration des rentes versées à Mme [S] [O] et à Mme [V] [O] dans les limites de l'article L 452 - 2 du code de la sécurité sociale ,

- de prendre acte de ce que la rente servie à [V] [O] a été supprimée à compter du 16 mai 2014 et donc qu'aucune majoration de rente n'est plus possible à partir de cette date,

- de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte quant aux sommes qu'il convient d'allouer à [S] [O] et à [V] [O] tant au titre de leur action successorale qu'au titre de leurs actions personnelles ,

- condamner la Poste à supporter l'ensemble des conséquences financières liées à la reconnaissance de sa faute ,

- dire que la caisse récupérera les sommes dont elle aura été amenée à faire l'avance auprès de la société La Poste .

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions .

SUR CE , LA COUR ,

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient d'ordonner la jonction des instances enregistrées sous les N° RG N° 16/08411 , RG 16 /08425 et N° RG 16 / 15849 afin qu'il soit statué par une seule et même décision sous le N° RG 16/08411.

Sur le désistement d'appel du syndicat FAPT CGT FEDERATION NATIONALE DES SALARIES DU SECTEUR DES ACTIVITES POSTALE ET TELECOM .

Il sera constaté qu'il se désiste de son appel et que ce désistement d'appel est accepté par toutes les parties .

Sur la faute inexcusable :

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les accidents du travail. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il appartient à la victime ou à ses ayants droit de rapporter la preuve à la fois de son exposition au risque , de la conscience du danger que devait avoir l'employeur et de l'absence de mesures de protection . Il suffit , pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée sur le fondement de l'article L 452 - 1 du code de la sécurité sociale , que la faute inexcusable de celui - ci ait été une cause nécessaire de l'accident même si d'autres fautes commises par la victime ou des tiers ont concouru au dommage.

Diplômé du centre de formation professionnelle des journalistes , [N] [O] a été employé du 24 septembre 2001 au 30 avril 2002 par la Poste comme agent contractuel de niveau ingénieur cadre supérieur ICS2 en tant que " responsable Editorial des Publications Nationales destinées aux managers et à l'encadrement de la Direction de la Communication ", sous la direction d'[X] [X] qui était alors responsable des publications au sein de la Direction de la Communication.

Par contrat à durée indéterminée du 4 janvier 2005 , il a été de nouveau recruté par la Poste en tant qu'agent contractuel de niveau ICS 2 en tant que " journaliste Ligne Manager" à la Direction de la Communication , fonctions de niveau IV-1, sous l'autorité hiérarchique d'[X] [X] , adjointe au directeur de l'information en charge des publications, au sein de la direction de la Communication dirigée par M. [F] [M].

A l'issue de l'année 2005, [X] [X] notait au titre de son appréciation professionnelle que la valeur professionnelle de [N] [O] était largement supérieure aux exigences du poste, que la réussite de l'intérim de son N+1 qu'il a effectué en 2005 a été un élément déterminant pour la direction de l'information.

Par avenant à son contrat de travail, du 20 juin 2006 , [N] [O] a été promu Responsable éditorial des publications du Groupe , de niveau IV-2 , catégorie ingénieur et cadre supérieur.

Compte tenu de son niveau de responsabilité et du degré d'autonomie dont il disposait dans l'organisation de son travail , il était soumis à compter du 1er janvier 2007 , par avenant du 18/12/2006 , au régime du forfait annuel de 211 jours travaillés par an .

Il disposait dès lors d'un totale liberté dans l'organisation de son travail à l'intérieur de ce forfait annuel , sous réserve de respecter les règles légales relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et à l'amplitude maximale quotidienne du travail de 11 heures.

Son évaluation au titre de l'année 2007 soulignait ses très bons résultats obtenus sur les objectifs qui lui avaient été fixés en sa qualité de responsable éditorial des publications cadres et managers . Sa capacité à évoluer vers le groupe B était notée même si son aptitude à la conduite d'équipe et au développement des collaborateurs était considérée comme bonne et non pas excellente.

L'avenant du 8 juillet 2008 à son contrat de travail prévoyait qu'il occupait à compter du 1er juillet 2008 la fonction de responsable communication siège , relevant de la catégorie " Ingénieurs et cadres supérieurs " position IIIA , groupe A

Son évaluation pour l'année 2008 soulignait ses capacités et notait le souhait de [N] [O] d'un élargissement des périmètres d'intervention et d'une évolution vers le Groupe B sur un poste d'adjoint . Au titre de l'année 2009, son engagement et ses compétences continuaient d'êtres soulignés .

A compter du 1er septembre 2010 , il était promu adjoint au directeur des publications , en charge des contenus stratégiques et des publications cadres et managers , à la direction de la communication du groupe La Poste , catégorie Ingénieur - cadre supérieur - position IIIB .

Sa fiche de poste prévoyait qu'il était en charge des contenus stratégiques et des publications cadres et managers , qu'il suivait et accompagnait l'actualité des grands projets du groupe , qu'il gèrait une équipe constituée d'un collaborateur .

Ce poste était d'autant plus important que , compte tenu de l'arrivée du numérique , de l'évolution des techniques internes de communication , intranet et médias dérivés, des exigences de souplesse , de réactivité et de complexité étaient posées .

Son évaluation au titre de l'année 2011 relevait ses très bonnes compétences couplées à une excellente connaissance des projets de l'entreprise, sa progression en termes de management . Il était noté que dans le cadre de la réorganisation actuellement menée , il serait conduit en 2012 à piloter aux côtés de sa supérieure hiérarchique, [X] [X], l'ensemble des collaborateurs de la direction en charge des médias , qu'un accompagnement en management pourrait être envisagé pour l'aider à prendre en compte la dimension managériale accrue de son poste .

En octobre 2011 , il bénéficiait de 3 jours de formation " rencontre avec vos pairs " - assurant une formation dans le domaine des savoirs fondamentaux , développement des compétences ; en janvier 2012 , d'une journée de formation sur le " management des risques " et de deux journées sur le thème " rencontre avec les dirigeants . "

Début 2012, un projet de réorganisation interne de la direction des publications et des médias numériques était lancé par [X] [X] . Cette direction devenait en juin 2012 la direction des activités numériques et des médias internes, sous l'autorité d'[X] [X] , avec trois branches d'activités: celle du développement des projets numériques sous l'autorité de M. [R], celle des médias internes sous l'autorité de [N] [O] comprenant outre le poste de direction , cinq autres postes.

A la suite de la création de la Direction du Numérique au 1er octobre 2012 , la branche du développement et des projets numériques était transférée le 5 novembre 2012 à cette nouvelle direction dirigée par [Z] [A] et [X] [X] en tant qu'adjointe.

De ce fait , [N] [O] était amené à assurer l'intérim des fonctions de Mme [X] . Il se trouvait dès lors directement rattaché au directeur de la communication, et ce dans l'attente de recruter un remplaçant à Mme [X]. Il manageait 5 personnes .

Le 30 janvier 2013 , alors qu'il devait se rendre à [Localité 3] à la 2ème conférence " DirCom " du groupe La poste où il devait faire une intervention orale il n'a pu s'y rendre , pris d'un malaise.

Le 30 janvier 2013 , un arrêt de travail en " maladie " lui était prescrit jusqu'au 5 février 2013 . Cet arrêt était prolongé le 6 février 2013 jusqu'au 12 février, puis jusqu'au 20 février et enfin jusqu'au 6 mars 2013 .

Le 25 février 2013 , [N] [O] a mis fin à ses jours à son domicile .

Il appartient donc à la victime ou à ses ayants droit de rapporter la preuve à la fois de son exposition au risque , de la conscience du danger que devait avoir l'employeur et de l'absence de mesures de protection .

En ce qui concerne l'exposition au risque , les consorts [O] mettent en avant une surcharge de travail pesant sur [N] [O] au point qu'il n'aurait pas pris ses vacances en août 2012 , une absence de formation au management , un champ élargi des responsabilités dans un contexte de réorganisation et d'insuffisance de prévention des risques .

En ce qui concerne la surcharge de travail , il convient de souligner ainsi que le notent ses collaborateurs, notamment [X] [X] , que [N] [O] était doté d'un grand professionnalisme reconnu et apprécié de tous , d'un enthousiasme , d'un profond engagement , d'un esprit loyal , du sens des autres et de l'équipe , d'une importante capacité d'écoute . Tant au cours des entretiens d'évaluation que dans le cadre des échanges de travail , il ne s'est jamais plaint d'un excès de travail . Les attestations versées aux débats de ses collaborateurs directs soulignent qu'il arrivait au travail vers 10 h 10h 30, préférant partir après le rush du matin et qu'il partait le soir vers 20H . Certains de ses collègues l'avaient trouvé fatigué au mois de janvier 2013 mais soulignaient qu'il avait toujours son humour .

En ce qui concerne les congés du mois d'août 2012 , Mme [X] et M. [R] confirment que [N] [O] devait les prendre du 30 juillet au 19 août 2012 . [Q] [R] atteste avoir pris ses congés du 9 au 31 juillet , avoir assuré la permanence estivale de la Direction jusqu'au retour de [N] [O] , "de mémoire autour du 15 août ".

Ainsi , aucun témoignage ne vient affirmer que [N] [O] aurait été présent à son travail pendant sa période de congés . Il ne peut donc être valablement allégué qu'il ne les a pas pris .

Ses compétences lui ont permis de progresser très régulièrement et rapidement au sein de la Direction de la Communication . Il avait lui même émis le souhait en 2008 de progresser vers des responsabilités plus importantes .

Il a été souligné que le management était son point faible . L'évaluation par " Assessment " dont il avait fait l'objet en juillet 2010 lors d'une évolution vers le groupe B , avait d'ailleurs donné un avis défavorable en raison d'une faiblesse décelée en management.

La Poste n' pas tenu compte de cet avis , puisqu'au 1er septembre 2010 , il a été promu adjoint au directeur des publications . Cependant , force est de constater qu'il a démontré qu'il avait toutes les compétences pour assumer ce poste. Ce point faible en management a été pris en considération par le biais de formations suivies en octobre 2011 et janvier 2012 et par le soutien permanent d'[X] [X] avec qui il formait un duo de travail solide.

C'est dans ce contexte que début 2012 , [X] [X] a envisagé une réorganisation de la direction de la Communication , réorganisation qu'elle a menée avec ses trois collaborateurs [N] [O] , [E] [T] et [Q] [R] et avec l'assistance du cabinet Greenwich . Elle explique que le premier atelier s'est tenu le 2 février 2012 , suivi de beaucoup d'autres et d'entretiens individuels . Tout au long de l'année 2012 , la mise au point de ce projet s'est faite en concertation avec ses collaborateurs . [X] [X] a finalement décidé de rejoindre la direction du numérique avec une partie de son équipe . Elle précise que [N] [O] a été le premier à en être informé , qu'il était dès lors soucieux des suites et des conditions dans lesquelles ce changement allait se mettre en place , voyant partir sa supérieure hiérarchique avec laquelle il travaillait en toute confiance. Elle se concertait avec [N] [O] et [Q] [R] pour décider ensemble du dispositif à mettre en place . [F] [M] donnait alors son accord pour que [N] [O] assure la direction de l'équipe médias internes et lui rende compte provisoirement directement jusqu'à ce que [F] [M] revoit les organisations de la direction de la communication .

Au cours du mois d'octobre 2012 , [X] [X] informait [N] [O] sur le volet administratif qu'il ne connaissait pas bien , alors qu'il connaissait très bien les autres sujets à piloter . L'appréhension de [N] [O] portait non pas sur son périmètre d'activité mais sur sa participation aux instances de direction de la Direction de la Communication , sa relation plus directe avec les autres managers communicants des branches , rôle qui était celui d'[X] [X] jusqu'alors.

[X] [X] quittait le service le 5 novembre 2012 pour la direction du Numérique. Elle expliquait qu'elle avait continué de voir [N] [O] tous les jours , qu'il était aidé d'une part , par l'assistante sur les démarches administratives qu'il ne connaissait pas bien mais que l'assistante maîtrisait très bien et d'autre part, par [Q] [R] qui suivait jusqu'alors les sujets budgétaires , que [N] [O] n'avait pas montré de signes de faiblesse ou de panique , qu'il avait continué de la solliciter de temps en temps sur un point ou sur un autre mais elle ne l'avait jamais senti déstabilisé .

Cette réorganisation s'est donc faite en totale concertation notamment avec [N] [O] et la consultation du CHSCT ne s'imposait pas dans la mesure où il n'y avait pas un nombre significatif de salariés concernés par une modification importante des conditions de travail ou encore comme un aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité .

[I] [L] souligne que [N] [O] était très engagé dans son travail et que c'était lui qui avait souhaité assurer l'intérim d'[X] [X] quand cette dernière avait quitté le service le 5 novembre 2012 .

Elle s'était trouvée dans l'ascenseur avec [N] [O] le 30 janvier 2013 . Il en était ressorti en lui disant qu'il avait oublié un dossier . Il s'apprêtait à partir pour [Localité 3] pour participer à la conférence. C'est la dernière fois qu'elle l'avait vu .

Elle soulignait qu'elle n'avait rien remarqué de particulier , qu'il avait toujours les mêmes habitudes , les mêmes horaires , le même sourire , les mêmes agacements , qu'il prenait ses congés comme tout le monde , qu'il prenait son travail très à coeur , peut être trop.

Les consorts [O] font valoir qu'il a continué de recevoir des mails pendant son arrêt de maladie au mois de février 2013.

Il doit être souligné qu'aucun mail n'est produit aux débats. De plus , la Poste indique que, travaillant à la Direction de la communication, N. [O] était abonné à toutes les sources d'information et recevait quotidiennement et automatiquement les revues de presse , dépêches AFP et autres documents d'information ne nécessitant aucune réponse de sa part.

Aucun élément n'est produit établissant qu'il aurait été contacté par mail pour continuer d'assumer son travail .

Au vu de ces éléments , il est manifeste , ainsi que l'ont retenu les premiers juges , que l'employeur n'a pas été informé du fait que la victime se serait trouvée confrontée à un profond désarroi face à ses conditions de travail et qu'il aurait tardé à réagir . Il n'existait aucun antécédent chez ce salarié pouvant amener l'employeur à penser que son salarié souffrait d'une fragilité particulière . Ainsi , rien ne démontre que l'employeur ait eu conscience du danger auquel était exposé M. [O] .

Par ailleurs , il est établi que la Poste a pris les mesures prévues par les articles L 4121- 1 et L 4121 - 2 du code du travail pour prévenir les risques psychosociaux et assurer la sécurité et la protection de la santé physique et mentale de ses salariés.

En 2010 - 2011, la Poste s'est lancée dans une démarche d'Evaluation des Risques professionnels au sein de son siège pour le site de Vaugirard , où travaillait [N] [O], étendue aux autres sites rattachés à celui de Vaugirard. Cette évaluation a intégré 18 domaines de risques professionnels et a intégré en 2012 le stress comme facteur de risques.

En outre , à la suite de la communication des résultats de la commission du Grand Dialogue en septembre 2012 , la Poste a pris en compte la qualité de vie au travail , ce qui a conduit à la création en décembre 2012 d'une Direction " Qualité de vie au travail et cohésion des projets ".

En conséquence , il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [S] [O] et [V] [O] de leurs demandes, celles -ci ne rapportant pas la preuve d'une faute inexcusable de l'employeur .

Mme [S] [O] et Mme [V] [O] qui succombent seront déboutées de leur demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Il sera rappelé que la procédure devant les juridictions de sécurité sociale est gratuite .

PAR CES MOTIFS ,

LA COUR ,

Ordonne la jonction des instances enregisrtées sous les N° RG N° 16/08411 , RG 16 /08425 et N° RG 16 / 15849 afin qu'il soit statué par une seule et même décision sous le N°RG 16/08411 ,

Constate le désistement d'appel du syndicat FAPT CGT FEDERATION NATIONALE DES SALARIES DU SECTEUR DES ACTIVITES POSTALE ET TELECOM ,

Confirme le jugement entrepris ,

Y AJOUTANT

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens.

Dispense Mme [S] [O] et Mme [V] [O] du paiement du droit fixe d'appel

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 16/08411
Date de la décision : 22/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°16/08411 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-22;16.08411 ?
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