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22/02/2018 | FRANCE | N°16/03637

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 22 février 2018, 16/03637


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE [Localité 1]

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 22 Février 2018

(n° 87 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/03637



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 14/03810





APPELANTE

Madame [I] [Z] épouse [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité

2]

représentée par Me Matthieu ODIN, avocat au barreau de [Localité 1], toque : R105





INTIMEE

SA VERSPIEREN

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 321 502 049 00166
...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE [Localité 1]

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 22 Février 2018

(n° 87 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/03637

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 14/03810

APPELANTE

Madame [I] [Z] épouse [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 2]

représentée par Me Matthieu ODIN, avocat au barreau de [Localité 1], toque : R105

INTIMEE

SA VERSPIEREN

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 321 502 049 00166

représentée par Me Bruno PLATEL, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Noémie BOUDOINT, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Décembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée

de :

Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, présidente

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, conseiller

Monsieur Philippe MICHEL, conseiller

Greffier : Mme Claudia CHRISTOPHE, lors des débats

Mme Anna TCHADJA-ADJE, lors de la mise à disposition

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, et par Madame Anna TCHADJA ADJE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [I] [Z] épouse [G] a été engagée par la société SORARAF par lettre d'embauche du 17 novembre 1981 en qualité de dactylographe.

Après plusieurs transferts de son contrat de travail et diverses évolutions professionnelles, Mme [G] exerçait les fonctions de gestionnaire sinistre à temps plein, au statut de cadre depuis le 1er avril 2012, moyennant une rémunération brute annuelle de 39500€ au sein de la société VERSPEIREN, société de courtage, en assurance, dépendant de la convention collective des entreprises de courtage et d'assurances et/ou réassurances.

En 2009, cette société a transféré son siège social de [Adresse 3].

A l'issue d'un arrêt de travail relatif à une maladie non professionnelle, Mme [G] a été examinée le 14 janvier 2014 dans le cadre de la visite de reprise. Le médecin a conclu à une inaptitude au poste et à son aptitude à un poste n'exposant pas à la climatisation.

Lors de la seconde visite de reprise du 28 janvier 2014, le médecin a conclu comme suit 'inapte au poste et à tout poste dans l'entreprise exposant à la climatisation'.

Par courrier du 6 février 2014, la société a précisé à Mme [G] qu'après avoir pris attache avec différents établissements de l'entreprise et ses filiales, elle n'avait été en mesure d'identifier aucun poste de reclassement compatible avec ses compétences et qualifications et avec les restrictions médicales et l'a convoquée à un entretien préalable au licenciement, fixé au 18 février 2014 .

A l'issue de cet entretien, les recherches de reclassement se sont poursuivies et le 15 avril 2014, la société VERSPIEREN lui a proposé au sein de sa filiale Assurances et Conseil situé à [Adresse 4], un poste de gestionnaire production au sein du département particuliers/professionnels, accompagné d'un descriptif du poste.

Par courrier du 24 avril 2014, Mme [G] a indiqué qu'elle ne pouvait répondre favorablement, dès lors que la proposition ne mentionnait pas les conditions de rémunération.

Elle a été convoquée à un nouvel entretien préalable au licenciement le 30 juin 2014 et licenciée par courrier recommandé du 10 juillet 2014, pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement. Le contrat de travail a pris fin le 15 juillet suivant.

Entre temps, Mme [G] a sollicité par le biais de son conseil, le 13 juin 2014 la reprise du paiement de son salaire à l'issue du mois suivant le second certificat médical constatant son inaptitude, à défaut de reclassement ou de licenciement.

Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de BOBIGNY le 3 septembre 2014 afin d'obtenir de son employeur un rappel de salaire, de voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamner la société à lui verser diverses indemnités.

Par jugement du 25 février 2016, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [G] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à verser à la société VERSPIEREN une somme de 500€ au titre des frais irrépétibles et à supporter les dépens.

Mme [G] a régulièrement interjeté appel par déclaration du 9 mars 2016 du jugement notifié le 8 mars précédent.

Aux termes de ses écritures développées oralement à l'audience , Mme [G] demande à la cour de :

-Infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau ;

-Condamner la société Verspieren à lui payer les sommes de :

* à titre de salaire : 8.124,17 €

* à titre d'indemnité de congés payés y afférents : 812,41 €

* à titre d'indemnité compensatrice de préavis : 9.875,00 €

* à titre de congés payés sur préavis : 987,50 €

* à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 79.000,00 €

* au titre des dommages et intérêts : 39.500,00 €

-Condamner la société Verspieren à lui verser une indemnité de 4.800,00 € à titre d'indemnité pour les frais non compris dans les dépens, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

S'agissant du rappel de salaire, elle fait valoir au visa de l'article L 1226-4 du code du travail, qu'à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise, si le salarié déclaré inapte n'est ni reclassé, ni licencié, l'employeur doit lui verser le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail, salaire qui ouvre droit en vertu de l'article L 3141-22 du même code à une indemnité de congés payés, sans pouvoir déduire les indemnités versées par la sécurité sociale ou le régime de prévoyance. Elle en déduit que la société ne peut opposer à ce principe d'ordre public, les dispositions de l'article 32 de la convention collective qui concerne l'incapacité temporaire de travail et un accord de sa part pour la régler de cette façon alors que cette affirmation est contraire au contenu même de son courrier, et qu'une renonciation à un droit pour être valable, suppose la cessation du fait générateur de la protection du salarié , soit la subordination avec l'employeur, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

Elle soutient par ailleurs que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en l'absence de recherche sérieuse de reclassement de la part de la société. Elle conteste avoir exclu tout reclassement hors de la région parisienne pour des raisons personnelles, affirmation de l'employeur qui n'est corroborée par aucune pièce et observe que celui-ci ne verse aucun élément justifiant de recherches antérieures à la convocation à l'entretien préalable du 6 février 2014.

Rappelant le nombre important de sociétés détenues par le groupe VERSPIEREN , y compris à [Localité 1], elle observe que sont produits uniquement trois mails pour justifier des recherches, dont les destinataires ne peuvent être rattachés à une société, que ne sont pas démontrées de recherches dans l'ensemble des établissements parisiens et impute à la société une déloyauté dans la recherche de postes en ne précisant aux destinataires que le motif de son inaptitude sans donner d'information sur ses compétentes, son expérience , son niveau de rémunération et sans relance à défaut de réponse.

Elle ajoute que l'unique offre proposée était insuffisamment précise, faute de mention des horaires, de la rémunération ; qu'elle l'exposait à travailler sur les sites de clients dans des atmosphères climatisées et que la société a rejeté sa demande de télétravail, alors que cette procédure était préconisée par le médecin du travail dès octobre 2013 et tout à fait réalisable, aucune disposition n'imposant qu'une partie du travail soit néanmoins réalisée dans les locaux de l'entreprise, les dispositions de la convention collective sur ce point ayant pour seul objectif d'éviter l'isolement du salarié, alors qu'elle-même consentait à y renoncer. Elle ajoute qu'une organisation pouvait être évaluée pour que les dossiers lui soient remis à l'extérieur de l'entreprise et les réunions tenues en visioconférence, ce qui n'a pas été le cas.

Mme [G] précise n'avoir pu retrouver de travail stable depuis juillet 2014 et estime que la société n'a pas exécuté le contrat de bonne foi, d'abord en exposant son personnel à une atmosphère climatisée, sans prévoir d'aménagement pour les personnes ne supportant pas ce système, ce qu'elle a dénoncé dès 2010, puis en la maintenant dans un état d'attente injustifiée par le report de la convocation à l'entretien préalable de juin 2014 et a également manqué à son obligation de sécurité , l'affection dont elle souffre étant due à la climatisation des locaux, le lien de causalité n'étant pas contestable.

Aux termes de ses écritures développées oralement à l'audience , la société VERSPIEREN demande à la cour de :

- Confirmer le jugement qui a débouté Mme [G] de l'intégralité de ses demandes ;

Et en toutes hypothèses,

- Dire et juger que la société VERSPIEREN a respecté son obligation de reclassement à l'égard de Mme [G] ;

- Faire le constat que sur la période de mars 2014 à juin 2014, Mme [G] a bénéficié d'un niveau de rémunération équivalent à celui perçu préalablement à la suspension de son contrat de travail ;

- Dire et juger que le licenciement de Mme [G] repose sur une cause réelle et

sérieuse ;

- Débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- Condamner Mme [G] au paiement à titre reconventionnel d'une somme de

3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

A titre subsidiaire:

- Dire et juger que les demandes indemnitaires de Mme [G] ne peuvent être valablement accueillies et limiter le montant des dommages et intérêts à six mois de salaire, soit la somme de 19 750 €.

La société fait valoir que lors de l'entretien préalable qui s'est tenu le 18 février 2014, Mme [G] a donné son accord pour que lui soit versé le complément entre son salaire et le montant des indemnités et sommes perçues de la CPAM et de la prévoyance , indemnités auparavant versées à l'employeur, accord dont atteste le responsable des ressources humaines, qui a mené cet entretien, et qui précise qu'il a été confirmé lors de celui de juin suivant, ce qui constitue la stricte application de la convention collective (article 32), de sorte qu'elle n'a subi aucun préjudice.

Elle soutient avoir respecté l'obligation de reclassement mise à sa charge, obligation de moyen, observant à titre liminaire, que le lien de causalité entre la maladie de Mme [G] et la climatisation des locaux n'est pas clairement établi, alors sa pathologie n'est apparue que plus de trois ans après le déménagement dans les nouveaux locaux et qu'en juillet 2013, elle a été déclarée apte par le médecin de travail sans la moindre réserve, les certificats médicaux reprenant ses indications sur l'exposition à la climatisation.

Elle soutient avoir pendant cinq mois, examiné les possibilités de reclassement ce dès le premier avis d'inaptitude en interrogeant l'ensemble de ses correspondants internes et de ceux auprès des filiales de l'entreprise, pour déterminer si leurs locaux étaient ou non climatisés et s'ils disposaient de postes libres, interrogeant également le médecin du travail sur la possibilité de reclassement à un poste de télétravail. Elle précise avoir reçu comme seule réponse positive celle de la société ASSURANCES et CONSEILS, relative à un poste de gestionnaire de production, qu'elle a proposé à la salariée, puisqu'il était en adéquation avec les compétences et qualifications de Mme [G] , comparable à ses anciennes fonctions et que les locaux situés en région parisienne sans climatisation. Elle observe que la salariée l'a refusé sans prendre contact avec le département RH pour obtenir des précisions sur les conditions de travail.

Elle fait valoir qu'il n'était pas possible de neutraliser la climatisation dans un bureau puisque Mme [G] travaille en open space et qu'elle aurait subi les effets de la climatisation dans les espaces communs et que toutes les sociétés visées par Mme [G] dans ses écritures disposent de locaux climatisés ; que le poste ne pouvait être organisé en télétravail, comme l'a indiqué le médecin du travail, alors que la société avait envisagé de déroger aux accords prévoyant au moins un retour d'un jour en entreprise par semaine, en les limitant à deux ou trois heures par semaine (ou tous les 15 jours) , poursuite des contacts entre le salarié et l'entreprise nécessaire afin d'éviter son isolement.

Elle en déduit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, qu'en tout état de cause, la demande indemnitaire est excessive et doit être limitée à six mois de salaire , soit 19 750 €. Elle soutient que le licenciement fondé sur l'inaptitude est privatif de l'indemnité compensatrice de préavis.

Elle conteste avoir manqué à son obligation de sécurité et d'exécution de bonne foi du contrat de travail, alors que le médecin du travail qui chaque année établit une fiche d'entreprise pour aider à l'identification des risques dans l'entreprise n'a jamais fait mention d'un risque avec la climatisation des locaux, qu'elle a été tenue informée de l'avancée des recherches de postes et a conservé le salaire qu'elle percevait avant son arrêt maladie.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux écritures développées à l'audience.

Motifs :

Sur la demande de rappel de salaires:

En vertu de l'article 1226-4 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié , l'employeur lui verser, dès l'expiration de ce délai le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat.

Ce délai d'un mois pour licencier le salarié ou le reclasser court du second examen du médecin du travail constatant l'inaptitude. En l'espèce, le second examen médical ayant conclu à l'inaptitude de Mme [G] date du 28 janvier 2014, de sorte que le délai visé à l'article L 1226-4 expirait le 28 février suivant. A compter du 1er mars 2014, Mme [G] n'ayant été ni reclassée dans l'entreprise, ni licenciée , la société VERSPIEREN devait lui verser le montant du salaire qu'elle percevait avant la suspension de son contrat de travail, somme fixée forfaitairement par ce texte, sans pouvoir procéder en l'absence de dispositions expresses en ce sens, à la déduction des sommes perçues par la salariée au titre des indemnités journalières versées par la CPAM ou l'organisme de prévoyance.

La société intimée soutient que Mme [G] était d'accord pour limiter le versement à la différence entre le montant de son salaire et les indemnités perçues des organismes sociaux. Or, comme le relève l'appelante, elle ne pouvait renoncer aux droits accordés par ce texte d'ordre public avant la fin de la relation contractuelle et l'existence même de l'accord évoqué par l'employeur sur la base de la seule attestation et du courrier de son directeur des ressources humaines, est contredite par le courrier de son avocat du 13 juin 2014 se prévalant sans ambiguïté des dispositions de l'article L 1226-4 du code du travail.

Elle ne peut pas plus opposer l'article 32 de la convention collective, qui concerne la situation du salarié absent pour maladie et non celle d'inaptitude.

En conséquence, au regard des mentions des bulletins de paie de l'appelante relatives tant à son salaire brut qu'aux sommes qu'elles a perçues de mars au 15 juillet 2014, la société VERSPIEREN doit être condamnée à verser à Mme [G] une somme de 8 124, 17 € outre la somme de 812,41 € de congés payé y afférents. Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur le bien fondé du licenciement:

Par application de l'article L1226-2 du code du travail, lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre telles que des mesures de mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

En l'espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et lie le juge est rédigée comme suit:

'Je vous ai convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement le 30 juin dernier. Pour des raisons liées à votre pathologie, cet entretien s'est déroulé dans les locaux non climatisés de la filiale Assurances et Conseils en présence de votre conseillère, [J] [N].

En effet, le médecin du travail vous a délivré le 28 janvier, lors d'un deuxième examen, un certificat d'inaptitude à votre poste et à tout poste de travail dans l'entreprise exposant à la climatisation.

L'entretien du 30 juin faisait suite à un premier rendez-vous en vue d'un licenciement qui

s'était tenu 4 mois plus tôt. A l'issue de cet échange, j'avais souhaité suspendre la procédure

afin d'une part de nous laisser un temps supplémentaire susceptible de favoriser de

nouvelles opportunités de reclassement et d'autre part d'obtenir des précisions complémentaires du médecin du travail pour permettre d'explorer, le cas échéant, d'autres

solutions non envisagées à l'époque.

La piste du télétravail, qui prévoit majoritairement un travail à domicile mais avec un retour en entreprise régulier, a dû être au final totalement écartée. Le médecin du travail a considéré en effet que, même dans les hypothèses très dérogatoires que nous lui avions

présentées, vous ne pouviez être exposée fut-ce quelques heures à un dispositif climatisé.

Cet avis médical a donc mis un terme définitif à toute possibilité de reclassement au sein de la société Verspieren.

Mes recherches se sont alors orientées au niveau du groupe et plus particulièrement dans les filiales situées en région parisienne. Vous m'aviez en effet, indiqué très clairement que vous refuseriez toute proposition de reclassement en province pour des raisons strictement personnelles.

J'ai toutefois sollicité les agences et filiales provinciales susceptibles de vous proposer un poste. En l'absence de locaux adaptés ou faute de poste disponible, aucune solution de reclassement n'a pu être identifiée.

En région parisienne, je n'ai pu malheureusement que constater avec vous que nos filiales étaient quasiment toutes équipées d'un système de climatisation limitant de façon très importante le spectre possible de reclassement.

Le 24 avril, vous avez écarté la proposition de poste de gestionnaire dans la filiale

Assurances et conseils estimant qu'elle ne correspondait pas à tous les critères qui vous

auraient permis de reprendre une activité salariée.

Depuis notre entretien, j'ai tout de même poursuivi mes recherches et sollicité à nouveau

certaines filiales dont Assurances et Conseils sur d'éventuelles autres pistes dans un avenir

proche. Ces démarches restent, à ce jour, infructueuses et force est de constater qu'il ne m'est pas possible de vous proposer une solution de reclassement adaptée à votre situation.

En conséquence, j'ai le regret de vous notifier la rupture de votre contrat de travail pour inaptitude qui prendra effet au 15 juillet au soir. Aucun préavis ne sera dû ni exécuté en raison de l'inaptitude prononcée (...)'.

Il résulte des pièces produites que la société a convoqué Mme [G] a un premier entretien préalable fixé au 18 février 2014, entretien dont l'employeur n'a tiré aucune conclusion quant au licenciement de la salariée, de sorte que ne peut lui être imputé aucun manquement quant à l'exécution de son obligation de reclassement à ce stade.

Les pièces produites par la société démontrent qu'en mars et avril 2014, la société a contacté les autres sociétés faisant parties du groupe afin de déterminer si leurs locaux étaient climatisés et si elles disposaient de poste équivalent à celui occupé par la salarié. A cet égard, Mme [G] indique qu'elle n'avait pas limité ses demandes de reclassement à la région parisienne. Toutefois la cour observe qu'elle n'a apporté aucun démenti au courrier du 15 avril 2014 de l'employeur, mentionnant que lors de l'entretien il avait noté qu'elle n'envisageait pas de travailler hors de la région parisienne. En tout état de cause, il résulte des consultations opérées par l'employeur auprès d'établissement en province que ceux-ci étaient également climatisés. Les réponses en ce qui concerne les établissements en région parisienne font état de ce même équipement sauf pour le site d'[Localité 3].

Il apparaît qu'un poste de gestionnaire production a été proposé dans cet établissement à Mme [G], accompagné d'une fiche de poste détaillée, le 15 avril 2014, poste qu'elle a refusé par courrier du 24 avril 2014. Elle ne peut contester le sérieux de cette proposition au motif que les conditions de sa rémunération n'était pas précisée ni la possibilité d'une formation, alors que l'employeur avait indiqué dans sa proposition, rester à sa disposition pour tout renseignement complémentaire, et qu'elle produit aux débats un courriel qui établit qu'elle l'a contacté dès le 17 avril pour savoir de quel temps elle disposait pour répondre, sans solliciter le moindre renseignement sur les conditions de rémunération ou de formation ni même sur les modalités d'organisation des relations avec la clientèle, alors que ce poste était le seul au sein d'un bâtiment non climatisé tel que demandé par le médecin du travail.

Mme [G] dans sa réponse privilégiait la poursuite de ses fonctions dans le cadre d'un télétravail. Toutefois, l'employeur justifie que les accords de 2006 conclus dans l'établissement relatifs au télétravail, impliquent un retour régulier du salarié au sein de l'entreprise un jour par semaine, organisation favorable aux salariés même si les articles L 1222-9 et suivants du code du travail ne contiennent pas ces exigences, dès lors qu'elle a pour objectif d'éviter son isolement et de prévenir les risques psycho-sociaux, s'inscrivant dans la continuité de l'organisation préconisée par l'accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005. Or, le médecin du travail interrogé par l'employeur a considéré que les modalités, même dérogatoires envisagées, limitant le passage de la salariée dans l'entreprise à 2ou 3 heures par semaine ou tous les quinze jours n'étaient pas compatibles avec son état de santé, excluant de fait cette solution.

Apparaît dès lors caractérisée compte tenu des conclusions du médecin du travail, une recherche sérieuse et loyale de reclassement de Mme [G] et son licenciement en l'absence d'acceptation du poste proposé est en conséquence comme l'a retenu le premier juge, fondé sur une cause réelle et sérieuse. Mme [G] sera par suite déboutée de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents.

Sur le manquement de la société à son obligation de sécurité et d'exécution de bonne foi du contrat:

L'article L 4121-1 du code du travail impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés, ce qui implique une identification des risques, la définition de mesures préventives et correctives des risques mis en évidence.

En l'espèce, alors que la société a emménagé dans les locaux climatisés de la [Localité 4] en 2009, il apparaît que Mme [G] a signalé dès son entretien individuel d'octobre 2010, à la rubrique 'difficultés rencontrées' une climatisation génératrice de maladie. Sur ce point, le chirurgien maxillo facial qui la suit, indique dans une attestation de février 2014, que Mme [G] a subi une opération en 2007 du fait d'une atrophie extrême de sa crête osseuse et qu'au bout de trois ans, sans cause objective de nature endo buccale, elle a commencé à souffrir d'épisodes de sinusites maxillaires récidivantes, ce qui correspond à l'époque des difficultés énoncées dans l'entretien individuel rappelé ci-dessus.

Les bulletins de paie de Mme [G] attestent d'un arrêt de travail de plusieurs mois à compter de mars 2013, dont il n'est pas discuté qu'il était en lien avec ces récidives d'infections, la salariée ayant subi plusieurs interventions curatives. Si le médecin du travail dans un certificat du 5 septembre 2013 a effectivement déclaré la salarié apte à son poste lors de sa reprise à cette époque, force est de constater que cette reprise a été de courte durée et que dans ses certificats postérieurs des 22 octobre et 19 novembre 2013, sans énoncer d'avis médical il a toutefois noté la nécessité de ne pas exposer la salarié à un poste climatisé.

Ces éléments suffisent à démontrer que l'employeur n'a pas pris la mesure des conséquences sur l'état de santé de la salariée, des conditions nouvelles dans lesquelles elle exerçait son activité, l'exposant en permanence à une atmosphère climatisée, alors que ce point lui avait été signalé rapidement par la salariée et confirmé par ses arrêts de travail. Ce manquement à son obligation de sécurité a privé la salariée à un stade précoce de ses difficultés de santé survenues sur un terrain pathologique préexistant, du bénéfice de mesures d' aménagement de son poste ou de réorganisation de ses conditions de travail, limitant au maximum cette exposition, préjudice qui sera indemnisé par l'octroi d'une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts. Le jugement sera réformé sur ce point.

Compte tenu de la situation respective des parties, l'équité commande que Mme [G] ne conserve pas à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a engagés, la société VERSPIEREN sera condamnée à lui verser une somme de 3 000 €, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs:

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Réforme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [G] de ses demandes au titre de l' indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents,

Statuant à nouveau,

Condamne la société VERSPIEREN à verser à Mme [G] :

*la somme de 8124, 17 € au titre du rappel de salaire, outre la somme de 812,41 € de congés payé y afférents,

*la somme de 10 000€ de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité,

*la somme de 3 000€ au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Rappelle que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation au bureau de conciliation, les autres sommes portant intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,

Condamne la société VERSPIEREN aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 16/03637
Date de la décision : 22/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°16/03637 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-22;16.03637 ?
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