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21/02/2018 | FRANCE | N°16/08435

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 21 février 2018, 16/08435


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 21 Février 2018

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/08435



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 14/08035





APPELANTE

Madame [R] [H]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]



comparante en personne, assistée de Me Sylvain ROUMIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2081





INTIMEE

SA ACCOR

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 602 036 444

représe...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 21 Février 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/08435

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 14/08035

APPELANTE

Madame [R] [H]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Sylvain ROUMIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2081

INTIMEE

SA ACCOR

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 602 036 444

représentée par Me Cécile FOURCADE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1815 substitué par Me Guillaume MANGAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : E1815

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport et Madame Florence OLLIVIER, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 14 décembre 2017

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Florence OLLIVIER, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 14 décembre 2017

Greffier : Mme Aouatef ABDELLAOUI, lors des débats, en présence de Mme Sylvie FARHI, greffier.

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Sylvie FARHI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [R] [H] a été engagée en qualité de chef de projet mise en marché, statut cadre, au sein de la Société anonyme ACCOR SA, suivant un contrat de travail écrit à durée indéterminée, à compter du 27 août 2007.

La relation contractuelle est soumise à l'accord d'entreprise du 1er juillet 1997.

Madame [R] [H] a connu plusieurs promotions.

Le 1er juillet 2009, Madame [R] [H] a été promue « responsable des systèmes et supports de ventes » puis « directrice sites marques » à compter du 26 avril 2010.

À compter du 1er juillet 2011, elle a occupé les fonctions de « directrice du développement A /Club », et s'est vu reconnaître le statut de cadre dirigeant.

En 2013, elle a été nommée « directrice du développement international ».

Par lettre du 11 avril 2014, Madame [R] [H] a été convoquée pour le 23 avril 2014 à un entretien préalable à un éventuel licenciement et mise à pied à titre conservatoire.

Madame [R] [H] a été placée en arrêt maladie du 11 avril au 9 mai 2014.

Par lettre du 30 avril 2011, la SA ACCOR a notifié à Madame [R] [H] son licenciement pour faute grave.

Estimant avoir été victime d'une inégalité de traitement illicite et contestant le bien-fondé de son licenciement, Madame [R] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 13 juin 2014 afin d'obtenir des rappels de salaire ainsi que diverses indemnités, notamment pour licenciement nul, et, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 10 septembre 2015, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Madame [R] [H] de l'ensemble de ses prétentions et a rejeté la demande formulée par la SA ACCOR au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Appelante de ce jugement, Madame [R] [H] en sollicite la réformation et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

* fixer son salaire de référence à la somme de 8213,94 euros mensuels,

* juger qu'elle a été victime d'une inégalité de traitement illicite,

* retenir que la société a gravement porté atteinte aux libertés fondamentales du respect de la vie privée, du secret des correspondances et de la liberté d'expression,

* prononcer la nullité du licenciement notifié le 30 avril 2014 et, subsidiairement, de considérer que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Elle réclame le paiement des sommes suivantes :

- 69 278 € au titre d'un rappel de salaire, outre 6927,80 euros pour les congés payés afférents,

- 25 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'inégalité de traitement subie,

- 24 642,82 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis sur le fondement de l'article 12'2 de l'accord collectif d'entreprise du 11 octobre 2011, outre 2464,28 euros pour les congés payés afférents,

- 11 335,23 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 253 498,68 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

- 24 642,82 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice en lien avec les conditions vexatoires et brutales de la rupture du contrat de travail,

- 24 642,82 euros au titre des dommages-intérêts en réparation du préjudice en lien avec une exécution déloyale du contrat de travail,

- 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour privation illicite des stock-options,

- 8000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle demande aussi que les condamnations prononcées soient assorties des intérêts au taux légal et que soit ordonné l'anatocisme conformément aux dispositions de l'article 1343'2 du Code civil.

Elle sollicite enfin la remise, sous astreinte de 300 € par jour de retard et par document dont la cour se réservera la liquidation, des bulletins salaire afférents au préavis, un certificat de travail et une attestation destinée au pôle emploi rectifiés conformes au dispositif de l'arrêt à intervenir,.

La SA ACCOR conclut à la confirmation du jugement déféré, s'oppose en tant que de besoin aux demandes formulées et sollicite la condamnation de Madame [R] [H] à lui régler la somme de 2500 € titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Sur la discrimination:

Madame [R] [H] soutient avoir été victime d'une discrimination fondée sur le sexe.

Or, il résulte de l'article L1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son sexe.

L'article L1134-1 du code du travail dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions ci-dessus, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Pour étayer l'allégation selon laquelle elle a fait l'objet d'une discrimination caractérisée par une différence de traitement par rapport à un homme exerçant des fonctions et assumant des responsabilités similaires mais bénéficiant d'une rémunération supérieure, elle communique aux débats des lettres de la SA ACCOR portant sur la rémunération adressées tant à elle-même qu'à Monsieur [P] [W] et ce, pour les années 2010 à 2014.

Il en résulte que les deux salariés assumant des fonctions de directeurs ne bénéficiaient pas de salaires identiques, la rémunération de Monsieur [W] étant supérieure, observation étant faite que les différences touchaient aussi bien le salaire de base annuel que le bonus potentiel.

La salariée établit ainsi des faits de nature à laisser présumer l'existence d'une discrimination en rapport avec le sexe.

La SA ACCOR fait valoir que cette différence de traitement est justifiée par l'expérience professionnelle et le niveau de responsabilité plus importants de Monsieur [W], ainsi que par son niveau de qualification plus élevé.

L'examen des éléments communiqués de part et d'autre montre que Madame [R] [H] et Monsieur [W] occupaient des fonctions de directeurs au sein de l'entreprise, au même niveau hiérarchique et de responsabilité. Toutefois, il est avéré que la salariée encadrait un nombre moindre d'employés, que Monsieur [W], titulaire d'un mastère en école de commerce et d'un diplôme d'ingénieur, bénéficiait d'une expérience professionnelle antérieure de huit années lorsqu'il a été embauché en mars 2009 par le groupe ACCOR, que Madame [R] [H] titulaire d'un BTS tourisme ne disposait d'aucune expérience professionnelle similaire lors de son embauche par le groupe ACCOR au mois de mars 2009.

En conséquence, la différence de rémunération entre Madame [R] [H] et Monsieur [W] repose sur des éléments objectifs pertinents en sorte que l'employeur justifie que ses décisions à cet égard étaient étrangères à toute discrimination en lien avec le sexe.

Le jugement du conseil des prud'hommes sera confirmé sur ce point.

Sur le licenciement

- Sur la nullité du licenciement

L'article L1121-1 du code du travail dispose que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Ainsi, l'employeur ne peut, sans violer la liberté fondamentale du respect de l'intimité de la vie privée du salarié, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, et ceci même au cas où l'utilisation non professionnelle de l'ordinateur aurait été interdite.

Par ailleurs, si l'employeur peut toujours consulter les fichiers qui n'ont pas été identifiés comme personnels par le salarié, il ne peut les utiliser à son encontre dans une procédure judiciaire s'ils s'avèrent relever de sa vie privée.

En l'espèce, il est établi que les messages litigieux ont été échangés par l'intermédiaire de la messagerie professionnelle de Madame [R] [H] à usage professionnel, entre elle et Monsieur [P] [W], son collègue, que ces messages étaient également transmis de manière automatique sur la messagerie de Madame [M] [P], assistante de Monsieur [P] [W], et ce, avec l'autorisation de ce dernier.

L'employeur de Madame [R] [H] a été informé de leur existence, non pas par un contrôle de sa correspondance, mais par Madame [M] [P].

Ainsi, il ne peut être reproché à l'employeur de Madame [R] [H] d'avoir porté atteinte à la vie privée de son employée, dès lors que les messages litigieux, échangés dans un contexte professionnel, perdent leur caractère personnel par leur diffusion volontaire à un autre employé, même si Madame [R] [H] n'avait pas connaissance de la diffusion de sa correspondance à Madame [P].

En conséquence, le moyen tiré de la nullité du licenciement est écarté par la cour.

- Sur le caractère réel et sérieux du licenciement

Aux termes de l'article L1232-1 du code du travail tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En l'espèce, la lettre de licenciement datée du 30 avril 2014, qui circonscrit le litige, est rédigée en ces termes :

« Nous vous informons que nous avons pris la décision de vous licencier pour faute grave pour les motifs suivants :

Vous avez intégré le groupe le 27 août 2007. A ce jour, vous occupez chez la société ACCOR SA les fonctions de directrice du développement international au sein de la direction E-commerce au statut de cadre dirigeant.

A ce titre, il vous appartient d'avoir un comportement exemplaire, d'être professionnelle, de respecter l'entreprise et votre hiérarchie, d'entretenir de bonnes relations avec vos collègues et les personnes des autres départements, de manager et motiver votre équipe. Vous vous devez d'être loyale en toutes circonstances envers votre employeur.

Il vous appartient également de respecter le règlement intérieur de l'établissement, ainsi que la charte informatique et les valeurs du groupe.

Or, force est de constater que vous avez manqué gravement à vos obligations contractuelles :

En effet, depuis près de 18 mois, vous utilisez votre messagerie mails ainsi que la messagerie instantanée de votre ordinateur portable qui vous a été remis pour l'exercice de votre activité professionnelle, pour échanger quotidiennement à des fins non professionnelles avec votre collègue, Monsieur [P] [W].

Le 9 avril 2014, l'entreprise a eu connaissance de tous ces échanges car, le 8 juillet 2011 à 14H45, Monsieur [P] [W] (') avait donné l'autorisation à l'assistante de direction du département E-commerce d'accéder à sa boîte de réception.

L'assistante de direction a fait preuve d'un grand professionnalisme et a gardé la confidentialité de ces échanges pendant une longue période. Ce n'est que le 9 avril 2014, voyant que vos attaques s'en prenaient à son responsable direct, le directeur du département E-commerce, qu'elle a alerté sa hiérarchie qui a prévenu la direction des ressources humaines.

De plus, vous échangiez ces messages avec tellement peu de discrétion que vos collègues ont pu, par mégarde, lire des messages dans lesquels vous les critiquiez.

Dans ces messages, vous critiquez, dénigrez, insultez votre hiérarchie, vos collègues et les équipes que ce soit sur leur travail, sur leur apparence physique, leur handicap, sur leur orientation sexuelle, leur origine, ou en leur octroyant des surnoms insultants et dégradants.

Nous avons également constaté de nombreuses critiques de l'organisation de l'entreprise, de la stratégie et des méthodes.

Dans vos messages, vous employez des propos vulgaires, insultants, vous encouragez également à la violence'

Vous diffusez des photos dégradantes en faisant référence à votre hiérarchie et vos collègues et vous faites courir des rumeurs.

Vous échangiez tous ces mails personnels pendant votre temps de travail et durant les réunions, ce qui est incompatible avec vos responsabilités.

(')

Par des actes de dénigrement contraires à l'intérêt de l'entreprise, vous avez manqué de loyauté envers votre employeur.

Un tel comportement est intolérable. Il fait apparaître un manque de professionnalisme inacceptable. Votre attitude a engendré un trouble caractérisé et manifeste au sein des équipes de la direction E-commerce et a porté préjudice à la bonne marche de l'entreprise.

De plus, votre attitude nuit gravement à l'ambiance générale du service et de l'entreprise et fait régner une tension et un trouble que nous ne pouvons tolérer.

Ce comportement est inadmissible et ne correspond pas aux valeurs du groupe ACCOR et aux règles de l'éthique.

Vos agissements ont eu des conséquences sur la santé morale et physique de l'assistante de direction, qui s'est demandé, pendant une longue période, si elle devait alerter ou préserver la confidentialité. (')

Cette situation a également provoqué un trouble sur le fonctionnement du service car vos collègues avaient connaissance de vos pratiques.

En utilisant constamment, de façon excessive, les outils informatiques à des fins autres que professionnelles, pendant votre temps de travail et durant les réunions, votre rendement, votre efficacité et la qualité de votre travail ont été affectés.

(')

Vous n'avez pas respecté le règlement intérieur de l'établissement et notamment l'article 14 5°) qui stipule que « l'utilisation de la messagerie internet du groupe ACCOR doit se faire dans un cadre licite et conforme aux consignes édictées par la direction informatique, dont celles visées dans la charte internet ».

(')

Ainsi, le fait d'avoir tenu de tels propos dans des courriels à l'encontre de votre hiérarchie directe et indirecte, de vos collègues, de votre équipe et de l'entreprise constitue une faute rendant impossible votre maintien, même temporaire, dans notre établissement.

Nous considérons que votre comportement, constitutif d'une violation flagrante de vos obligations contractuelles, s'analyse en une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire, dans notre établissement.

(...) »

Madame [R] [H] conteste être l'auteur des messages tels que retranscrits par la SA ACCOR.

Toutefois, Madame [P], salariée de la société, atteste qu'elle recevait les messages litigieux depuis le mois de juillet 2011 et qu'elle a pris, elle-même, l'initiative de les transmettre à la SA ACCOR.

Elle fait état de leur caractère « vulgaire, insultant, touchant au physique de certaines personnes », de discussions « dégradantes » et « infâmes ».

Un huissier de justice, mandaté par la société a dressé un procès verbal de constat, produit aux débats aux termes duquel il précise avoir extrait quelques messages, en présence de Madame [P].

En conséquence, l'authenticité et l'intégrité de ces messages ne peuvent pas être utilement contestées.

De plus, dans la mesure où Monsieur [P] [W] a autorisé son assistante à en être destinataire, comme elle l'était de tous les messages qu'il était susceptible de recevoir, les messages litigieux ne présentent pas le caractère d'une correspondance privée faisant obstacle à leur production en justice, en sorte que la SA ACCOR, qui les a obtenus par l'intermédiaire de Madame [P], n'avait pas à respecter une procédure spécifique pour accéder à ces messages et peut les produire en justice.

Les très nombreux messages que Madame [H] a adressés à son collègue, entre septembre 2012 et avril 2014, contenaient des propos moqueurs sur l'orientation sexuelle, l'apparence physique et le handicap de leurs collègues, des critiques et des insultes à l'égard de leur hiérarchie, des critiques à l'égard de l'organisation de l'entreprise, des critiques et des insultes sur leurs collègues, des affirmations dénigrantes sur des membres du personnel et de la hiérarchie. Il est aussi avéré qu'ils ont, pour certains d'entre eux, été envoyés pendant des réunions.

Il en découle que l'utilisation faite par Madame [R] [H] de sa messagerie était contraire à la charte informatique du groupe qui stipule en son article 5 que « l'utilisateur ne doit utiliser les moyens de communications électroniques mis à sa disposition par le groupe ACCOR d'une façon susceptible de constituer un comportement illicite, en ce comprenant ('): la diffusion de messages à caractère injurieux, pornographique, pédophile, raciste ou diffamatoire (...) ».

Ainsi, la rédaction et l'envoi de ces messages, diffusés permettent de caractériser une faute grave rendant immédiatement impossible le maintien de Madame [R] [H] dans l'entreprise.

En conséquence, le jugement du conseil des prud'hommes déboutant Madame [R] [H] de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents, d'indemnité légale de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse sera confirmé.

Sur le caractère vexatoire de la rupture

En l'espèce, Madame [R] [H] reproche à la SA ACCOR d'avoir procédé à sa mise à pied conservatoire et à son licenciement de manière brutale, de l'avoir privée brusquement de son véhicule de fonction et de l'avoir empêchée de récupérer ses affaires personnelles au sein de l'entreprise.

Toutefois, la faute grave reprochée à Madame [R] [H] justifiait une réaction rapide de l'employeur et autorisait la société ACCOR SA à notifier à Madame [R] [H] sa mise à pied conservatoire et à engager la procédure disciplinaire de licenciement.

Par ailleurs, il ressort des pièces communiquées par l'employeur qu'il a adressé une lettre recommandée à Madame [R] [H] le 12 mai 2014 aux termes de laquelle il l'informe qu'elle peut venir récupérer ses effets personnels et qu'elle doit également restituer son véhicule.

Dans ces conditions, Madame [R] [H] ne démontre pas le caractère vexatoire de la rupture.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour manquements graves à l'exécution du contrat de travail

La cour a retenu que la SA ACCOR n'avait pas manqué à son obligation de respect de la vie privée et du secret des correspondances de Madame [R] [H] puisque les messages ayant conduit au licenciement étaient accessibles à Madame [P] avec l'autorisation de Monsieur [W], ni failli aux obligations prévues dans la charte informatique du groupe ACCOR dans la mesure où les messages en cause n'ont pas été portés à sa connaissance à la suite d'un contrôle qu'elle aurait effectué de manière illicite, mais par une autre salariée de la société, Madame [P] ayant accès à ces messages.

Dès lors, le jugement déféré la déboutant de sa demande à ce titre sera confirmé.

Sur la privation abusive des stock-options attribuées par l'entreprise

En l'espèce, le licenciement est licite et Madame [R] [H] indique que la levée des stock-options était conditionnée par sa présence dans l'entreprise.

En conséquence, Madame [R] [H] ne démontre aucune faute commise par l'employeur.

Le jugement déféré la déboutant de sa demande à ce titre sera confirmé.

Sur les demandes accessoires

Madame [R] [H], succombant à l'instance, sera condamnée aux dépens de l'entière procédure.

En revanche, il ne paraît pas équitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Paris le 10 septembre 2015 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société anonyme ACCOR SA de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [R] [H] aux dépens de l'entière procédure.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 16/08435
Date de la décision : 21/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°16/08435 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-21;16.08435 ?
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