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21/02/2018 | FRANCE | N°14/14245

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 21 février 2018, 14/14245


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 21 Février 2018

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/14245



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Août 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/08306





APPELANT



Monsieur [P] [X]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 2] ([Localité 2])





comparant en personne, assisté de M. [Y] [J] (Délégué syndical ouvrier)







INTIMEE



Association PRO BTP

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 394 164 966 00019



représentée par ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 21 Février 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/14245

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Août 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/08306

APPELANT

Monsieur [P] [X]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 2] ([Localité 2])

comparant en personne, assisté de M. [Y] [J] (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEE

Association PRO BTP

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 394 164 966 00019

représentée par Me Thomas GODEY, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305, M. Pierre LE MESRE DE PAS (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Véronique PAMS-TATU, Président de Chambre

Madame Marie-Antoinette COLAS, Président de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseiller

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique PAMS-TATU, Président de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les conclusions de Monsieur [P] [X] et celles de l'association PRO BTP dite l'Association visées et développées à l'audience du 10 janvier 2018.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [X] a été engagé le 14 janvier 2008 par contrat à durée indéterminée par l'association PRO BTP en qualité d'employé logistique et est toujours en poste.

Il a été désigné en mars 2012 pour représenter l'URIF CGT au conseil d'administration et à la commission régionale de formation au sein de l'OPCA interprofessionnel AGEPOS PME Ile de France, puis a été nommé trésorier du nouveau syndicat CGT Pro BTP Regard en novembre 2012 et représentant de la section syndicale (RSS) le 14 mars 2013 par l'union locale CGT.

Les parties s'opposent sur le paiement de certaines heures que le salarié estime être passées en réunions syndicales ou en congé formation économique sociale et syndicale et dont il soutient qu'elle lui ont été payées en 2012 mais qu'elles ont été contestées par l'employeur en 2013, 2014 et 2015.

Convoqué le 25 février 2013 à un entretien préalable, l'employeur a notifié un blâme à Monsieur [X] le 25 mars 2013 pour des absences injustifiées que le salarié estime motivées par des réunions les 17 et 24 janvier 2013.

Une nouvelle procédure disciplinaire a été engagée par l'employeur pour les mêmes motifs le 21 juin 2013 avec un entretien fixé au 4 juillet 2013 ; par lettre du 19 juillet 2013, l'employeur lui a notifié une mise à pied d'une journée le 24 septembre 2013.

Une troisième sanction a été notifiée au salarié soit une mise à pied disciplinaire de 5 jours par lettre du 20 octobre 2014.

Entre temps, estimant être victime de discrimination syndicale, Monsieur [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 4 juin 2013 aux fins de se voir rembourser les heures retenues par l'employeur ainsi que d'annuler les sanctions disciplinaires et de lui allouer des dommages et intérêts pour discrimination syndicale.

Par jugement rendu le 5 août 2014, le conseil de prud'hommes a débouté Monsieur [X] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Monsieur [X] a régulièrement interjeté appel le 22 décembre 2014 et demande à la cour d'infirmer le jugement, d'annuler les sanctions disciplinaires et de condamner l'Association à lui verser les sommes suivantes :

- 4.232,96 euros à titre de rappel de salaire,

- 423,30 euros à titre de congés payés afférents,

- 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

- 1.000 euros à titre de contrepartie de l'annulation des sanctions disciplinaires à titre de dommages et intérêts,

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et d'ordonner la remise des bulletins de paie de mars 2013 et décembre 2015 conformes à la décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard « pendant 60 jours de la décision à intervenir » et d'ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal et de condamner l'association aux dépens.

L'association PRO BTP demande la confirmation du jugement, de débouter Monsieur [X] de ses demandes injustifiées et sans fondement légal et de le condamner à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Si l'exercice du droit syndical est reconnu dans toutes les entreprises dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution de la République, il est encadré par des règles légales notamment depuis le 22 août 2008 qui a vu la création du représentant de la section syndicale dit RSS.

Selon l'article L. 2142-1 du code du travail, peuvent constituer une section syndicale dans l'entreprise ou l'établissement, à condition d'avoir notamment plusieurs adhérents, les organisations syndicales qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise concernée.

Ainsi, la section syndicale est ouverte aux syndicats non représentatifs, afin qu'ils disposent des moyens de devenir représentatifs à l'issue des élections professionnelles et de disposer de prérogatives plus étendues quant à la négociation et la conclusion de accords collectifs.

L'article L. 2142-1-1, alinéa 1er du code du travail dispose ainsi que « chaque syndicat qui constitue, conformément à l'article L. 2142-1, une section syndicale au sein de l'entreprise ou de l'établissement de cinquante salariés ou plus peut, s'il n'est pas représentatif dans l'entreprise ou l'établissement, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l'entreprise ou de l'établissement. ».

En application de l'article L 2142-1-3 du code du travail, chaque représentant de la section syndicale dispose d'un temps nécessaire à l'exercice de ses fonctions. Ce temps est au moins égal à quatre heures par mois. Les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale. En outre en application de l'article L 2145-1 du même code, les salariés appelés à exercer des fonctions syndicales bénéficient du congé de formation économique, sociale et syndicale prévu à l'article L. 3142-7 et la durée totale annuelle des congés pris à ce titre ne peut excéder dix-huit jours.

En l'espèce, au premier tour des élections au comité d'entreprise ou d'établissement du 18 octobre 2012, deux syndicats étaient représentés dans le collège employé et la représentante du syndicat CFDT a été élue pour trois ans au détriment du syndicat CGT représenté par Monsieur [X].

Par lettre du 24 novembre 2012, Monsieur [X] a informé l'employeur de la création du syndicat CGT PRO BTP.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 novembre 2012, l'Association a été informé de la désignation de Monsieur [X] comme délégué syndical, désignation annulée par le tribunal d'instance du 6ème arrondissement de Paris par jugement du 22 février 2013 au motif de la non représentativité du syndicat CGT qui avait obtenu moins de 10% aux dernières élections d'octobre 2012, décision qui n'a pas fait l'objet de recours.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 mars 2013, Monsieur [X] a été désigné comme représentant de la section syndicale (RSS) par l'union locale CGT.

Cette décision a été contestée par l »employeur selon requête déposée le 2 avril 2013 ; par jugement du 15 octobre 2013 le tribunal d'instance du 6ème arrondissement a annulé cette désignation et relevé l'existence d'un détournement de la condition d'ancienneté de deux ans ; cette décision a été cassé par un arrêt de la cour de cassation du 25 juin 2014 qui a reconnu que le syndicat CGT PRO BTP devenu CGT Pro BTP Regard avait deux adhérents lors de la désignation litigieuse et que l'union désignataire dont ce syndicat était membre avait au moins deux ans d'ancienneté.

Si le 17 janvier 2013, le syndicat a averti l'employeur de la présence de Monsieur [X] pour une réunion statutaire, il a été précisé que cette réunion avait lieu jeudi matin (le salarié a été absent 3 heures) ; à partir de la réunion du 24 janvier 2013, le syndicat a été moins précis en indiquant « pour la date du jeudi 24 janvier 2013 » et Monsieur [X] a été absent toute la journée soit 7 heures 30.

Mais l'employeur a contesté par lettre du 14 janvier 2013 que le nouveau syndicat créé et nommé CGT PRO BTP soit différend du syndicat CGT CNRO, tous deux affiliés à la même confédération, et rappelé que le protocole de raccordement PRO BTP à la convention collective prévoit la représentation de chaque confédération syndicale de manière unique, ce qui induit que les absences et le crédit d'heures pour assister aux réunions statutaires ne peuvent être demandées que pour un délégué ou représentation de la section syndicale (en l'espèce 4 car l'Association dépasse 3.000 salariés) et au plus deux fois par an et ne peut être multiplié par le nombre de syndicats affiliés à la même confédération ; l'employeur ajoute que le risque est de porter atteinte à l'égalité de droits et de traitement dont bénéficie les organisations syndicales, celles-ci devant faire leur affaire personnelle du choix de leur représentant.

Par lettre du 15 février 2013, l'employeur a rappelé à Monsieur [X], qui avait à nouveau posé une absence pour le 20 février 2013 malgré les explications données et qu'il était considéré pour ces jours de janvier et février en absence injustifiée faute d'avoir posé une journée de congé ou de RTT et l'a averti que sans régularisation de sa part une sanction disciplinaire pourrait être prise et qu'une retenue sur salaire interviendrait.

Par lettre du 25 mars 2013, l'employeur a indiqué à Monsieur [X] que la confédération CGT était représentée par la CGT CNRO et la CGT PROB BTP et que l'Association ne disposait que d'une « seule interlocutrice au nom de la CGT pour PRO BTP qui est Madame [M] [D] déléguée syndicale nationale » et que cette dernière n'avait pas fait part de réunions statutaires au sein de la CGT et que c'était la raison pour laquelle il avait été demandé au salarié de régulariser les absences sous peine de les considérer comme des absences injustifiées. Et c'est faute de régularisation à l'absence du 20 février 2013, que l'employeur a infligé un blâme à Monsieur [X] en lui précisant en outre que si le salarié avait renoncé aux nouvelles absences des 8 février et 12 mars 2013, il avait maintenu celle du 24 avril 2013 et qu'il serait dans l'obligation d'en tirer les conséquences.

La convention collective applicable prévoit expressément en son article 7 paragraphe 4 que « des autorisations d'absence peuvent être accordées sans retenue de salaire pour le temps de travail pris pour assister aux réunions statutaires de l'organisation syndicale, de sa fédération ou du syndicat représentant la branche des IRC au plus 2 fois par an et dans la limite de une personne par organisation syndicale et par entreprise et d'une 2ème lorsque l'effectif de l'entreprise dépasse 100 personnes, d'une 3ème si l'entreprise compte plus de 1000 personnes » et d'une 4ème au-delà de 3000 et d'une 5ème au-delà de 4000 « sur justification et sous réserve que les absences n'apportent pas de gêne sensible au travail ».

Par ailleurs, il est indiqué en point B qu'au plan local, chaque délégué syndical ou représentant de section syndicale dispose d'un crédit d'heures fixé à 20 heures par mois pour l'exercice de sa mission pour le premier et 6 heures par mois pour le second, le minimum prévu par les textes étant de 4 heures de délégation par mois, lesdites heures étant considérées comme du temps de travail effectif et payées à l'échéance normale.

Et le protocole de raccordement PRO BTP à la convention collective nationale de travail du personnel des institutions de retraite complémentaire du 9 décembre 1993 qui se substitue aux articles 6 et 7 B de la convention collective nationale prévoit la répartition des crédits d'heures entre les délégués syndicaux central d'entreprise et de ses suppléants et des délégués par établissement.

Mais il résulte de l'article L 2143-17 du code du travail que les heures de délégation considérées de plein droit comme temps de travail, qu'elles soient prises pendant ou hors des heures habituelles de travail, doivent être payées à l'échéance normale et que l'employeur ne peut saisir la juridiction prud'homale pour contester l'usage fait du temps alloué aux représentants du personnel pour l'exercice de leur mandat qu'après l'avoir payé.

Ainsi, l'employeur qui conteste la validité du mandat d'un délégué syndical ou d'un représentant de section syndicale, ou l'utilisation faite des heures de délégation ne peut opérer de retenue sur salaire pour absences injustifiées ; il doit d'abord saisir les juges de cette contestation et payer les heures de délégation tant que ceux-ci ne se seront pas prononcés sur la validité du mandat ou l'utilisation de ces heures.

Et si les heures ne sont pas payées à l'échéance, l'employeur ne peut pas invoquer une mauvaise utilisation des heures de délégation ou, le cas échéant, l'absence de justification par le salarié de la nécessité d'avoir exercé son mandat ; de tels moyens soulevés en violation de l'article précité imposant le paiement préalable à la contestation sont irrecevables.

Or le refus de payer les heures de délégation à Monsieur [X] a commencé en 2013, alors qu'il est justifié du paiement de ces heures en 2012 et malgré l'arrêt de la cour de cassation du 25 juin 2014, une troisième sanction sur le même fondement a été notifiée au salarié par lettre du 20 octobre 2014, nonobstant le fait que le salarié n'ait pas donné à l'employeur les précisions demandées sur ses activités et leur durée.

L'employeur ne soutient pas que la demande excède le crédit d'heures et il est constant qu'il n'a pas payé à l'échéance normale les heures de délégation contestées, il sera donc fait droit aux demandes de Monsieur [X] tendant à l'annulation des sanctions disciplinaires et au rappel de salaires dans les termes de la demande ainsi qu'à une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, même s'il s'agit plutôt d'un délit d'entrave, en raison des circonstances qui démontrent, par la multiplication des sanctions disciplinaires et les retenues sur salaires, la réalité de la discrimination subie par Monsieur [X] telle qu'elle résulte des articles L 1132-1 et L 1134-1 du code du travail.

Toutefois, le salarié sera débouté de sa demande de dommages et intérêts relative à l'annulation des sanctions, laquelle est sans fondement juridique distinct, et qui a déjà été réparée par le rappel de salaire et les dommages et intérêts allouées au titre de la discrimination syndicale.

Succombant, l'Association PRO BTP supportera la charge des dépens ; il serait inéquitable de laisser à Monsieur [X] la totalité des frais exposés pour faire valoir ses droits ; il leur sera alloué à ce titre la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement,

Prononce l'annulation des trois sanctions disciplinaires prononcées par l'Association PRO BTP à l'encontre de Monsieur [P] [X] en 2013 et 2014,

Condamne l'Association PRO BTP à payer à Monsieur [X] les sommes de :

-4.232,96 euros à titre de rappel de salaire de janvier 2013 à décembre 2015,

-423,30 euros à titre de congés payés afférents,

-2.000 euros au titre de la discrimination syndicale,

-1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne la remise d'un bulletin de paye conforme à la décision sans qu'il soit utile de l'assortir d'une astreinte,

Rappelle que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et que les créances de nature indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter de la décision, et que la capitalisation demandée est de droit à condition qu'elle respecte les dispositions de l'article 1154 du code civil, devenu l'article 1343-2 du même code,

Déboute les parties de toute autre demande,

Condamne l'Association PRO BTP aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 14/14245
Date de la décision : 21/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°14/14245 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-21;14.14245 ?
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