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15/02/2018 | FRANCE | N°14/09475

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 15 février 2018, 14/09475


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 15 Février 2018



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/09475



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Juillet 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 13/04550





APPELANTE

ASSURANCE MALADIE DE PARIS

Direction du Contentieux et de la Lutte Contre la Fraude

Pôle Con

tentieux Général

[Localité 1]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901







INTIME

Monsieur [Z] [G]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Philipp...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 15 Février 2018

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/09475

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Juillet 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 13/04550

APPELANTE

ASSURANCE MALADIE DE PARIS

Direction du Contentieux et de la Lutte Contre la Fraude

Pôle Contentieux Général

[Localité 1]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIME

Monsieur [Z] [G]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Philippe Rudyard BESSIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0391

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 2]

[Localité 3]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Décembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Luc LEBLANC, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre

M. Luc LEBLANC, Conseiller

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseiller

Greffier : Mme Anne-Charlotte COS, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Président, et par

Mme Anne-Charlotte COS, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris d'un jugement rendu le 25 juillet 2014 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à M. [G] ;

Les faits, la procédure, les prétentions des parties :

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;

Il suffit de rappeler qu'à la suite d'un contrôle portant sur les actes et cotations effectués durant la période du 1er mars 2009 au 31 mars 2010 par M. [G], exerçant la profession de chirurgien-dentiste, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris lui a notifié ses observations au sujet des anomalies relevées par ses agents et la créance en résultant sur le fondement de l'article L 133-4 du code de la sécurité sociale d'un montant de 15 479,18 € ; que cet organisme lui a ensuite adressé, le 6 juillet 2012, une mise en demeure pour obtenir le paiement de sa créance ; qu'en l'absence de règlement dans le délai imparti, une contrainte a été signifiée, le 18 septembre 2013, à M. [G] pour le recouvrement de la même somme augmentée de celle de 1 547, 92 € représentant les majorations de retard ; que l'intéressé a formé opposition à l'exécution de cette contrainte devant la juridiction des affaires de sécurité sociale.

Par jugement du 25 juillet 2014, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a annulé la contrainte signifiée par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris à M. [G] le 18 septembre 2013.

La caisse primaire d'assurance maladie de Paris fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions tendant à infirmer cette décision et valider la contrainte pour son entier montant. A titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas l'irrecevabilité de la contestation de l'indu, elle souhaite la réouverture des débats pour être entendue sur le fond du litige.

Elle estime en effet qu'à défaut d'avoir saisi la commission de recours amiable dans le délai d'un mois à compter de la notification de la mise en demeure du 6 juillet 2012, M.[G] n'est plus recevable à contester sa créance conformément aux dispositions de l'article R 142-1 du code de la sécurité sociale. Elle ajoute que l'absence de réclamation de la lettre recommandée contenant la mise en demeure ne le dispensait pas de son obligation de saisir au préalable la commission de recours amiable. Selon elle, lorsque le bien-fondé de la créance n'a fait l'objet d'aucune critique dans les formes et délai impartis devant la commission de recours amiable, la contestation élevée après la délivrance de la contrainte ne peut porter que sur les questions de régularité de la procédure mais pas sur le fond du litige ou sur la régularité de la procédure de contrôle comme le fait M. [G].

Aux termes de conclusions soutenues par son conseil, M. [G] demande à la cour de confirmer le jugement attaqué et de condamner la caisse primaire d'assurance maladie de Paris à lui verser la somme de 2 500 € pour procédures abusives et celle de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

Subsidiairement, il demande à la cour d'ordonner la production par la caisse :

- de l'ensemble des documents et requêtes informatiques avec les mots-clés utilisés ainsi que tous les éléments ou informations relevant des motifs de l'analyse de son activité,

- pour chaque patient convoqué au contrôle dentaire : le schéma dentaire établi, l'ensemble des constats relevés, la totalité des radiographies prises et l'ensemble des photographies prises ainsi que tous les comptes-rendus réalisés avec les autorisations des patients permettant à la caisse d'utiliser leurs données personnelles,

- des autorisations de la CNIL d'utiliser la base de données nominatives des soins et thérapeutiques des citoyens patients des professionnels de santé et des professionnels de santé eux-mêmes,

- de l'ensemble des déclarations faites par son correspondant informatique et libertés ainsi que la copie de son registre des déclarations portant sur l'utilisation des données des professionnels de santé,

- pour chaque patient son autorisation individuelle d'utiliser ses données personnelles médicales et de les diffuser à différentes administrations,

et de renvoyer le dossier à une audience ultérieure afin de conclure sur ces documents.

Encore plus subsidiairement, il souhaite la nomination d'un expert afin d'éclairer la cour sur la validité de ses cotations.

Il fait d'abord valoir que sa contestation de la créance est bien recevable en soulignant le fait que la mise en demeure du 6 juillet 2012 ne lui est jamais parvenue en raison d'une erreur de distribution en boîte postale, que la mise en demeure ne donnait de toute façon aucune précision explicite sur le délai de contestation, que la lettre du 19 décembre 2011 lui demandant le remboursement du prétendu indu ne mentionnait pas non plus la possibilité d'une réclamation devant la commission de recours amiable. Il ajoute que la créance, dont le recouvrement est poursuivi par une contrainte, peut être contestée même si elle ne l'a pas été antérieurement.

Il considère ensuite que la procédure de contrôle de son activité est entachée d'irrégularité dans la mesure où elle s'est déroulée de façon non contradictoire. Il n'a en effet reçu aucune information préalable sur les patients qui allaient faire l'objet d'une vérification, sur les cotations étudiées alors que l'article R 315-1-1 du code de la sécurité sociale ne permet au contrôle médical d'entendre et d'examiner les patients qu'après en avoir informé le professionnel de santé. Il reproche également au service du contrôle médical de s'être opposé à ce qu'il assiste aux examens cliniques de ses patients alors que cela est expressément prévu par l'article R 166-1 du code de la sécurité sociale.

De même, il invoque la violation du principe de loyauté, d'équité et d'égalité des armes entre les parties dès lors que, durant le contrôle, il a été privé de toute possibilité de se défendre et de présenter ses observations de façon contradictoire, en violation de l'article L 315-1-IV du code de la sécurité sociale et des prescriptions de la Charte du patricien contrôlé qui ne lui a d'ailleurs pas été remise. Il indique ainsi qu'il a été tenu dans l'ignorance de la méthode utilisée pour rechercher les dossiers retenus, de ce qui s'est dit au cours des examens de ses patients et de ce qui a été réellement constaté. Il relève aussi l'inobservation des dispositions de l'article D 315-2 du code de la sécurité sociale qui imposent au service de contrôle médical de communiquer préalablement au professionnel de santé l'ensemble des éléments nécessaires à son entretien avec le médecin-conseil. Il fait encore grief à la caisse de s'être fondée sur des données personnelles de ses patients sans justifier de leur consentement ni de l'autorisation de la CNIL pour le traitement de ces données et d'avoir par la même occasion enfreint le secret médical. Enfin, il estime que la mise en demeure ne l'informait pas précisément de la cause, de la nature, de la date et du montant de chaque versement indu.

En tout état de cause, il soutient avoir accompli tous les actes pris en charge et appliqué l'ensemble des règles de cotation comme il le devait.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;

Motifs :

Sur la recevabilité de la contestation de la créance :

Considérant que pour s'opposer à cette contestation introduite dans le délai de 15 jours suivant la signification à M. [G] de la contrainte délivrée à son encontre, le 18 septembre 2013, la caisse soutient que sa créance est devenue définitive à défaut pour l'intéressé d'avoir saisi la commission de recours amiable dans le délai d'un mois suivant la notification de la mise en demeure du 6 juillet 2012 ;

Considérant cependant que la contrainte peut faire l'objet d'une opposition même si la dette n'a pas été antérieurement contestée ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la caisse, l'opposition n'a pas alors à être précédée d'une saisine de la commission de recours amiable ;

Considérant qu'au demeurant, M. [G] fait observer que la mise en demeure ayant précédé la contrainte ne lui est jamais parvenue en raison d'une erreur de distribution postale ;

Considérant que, de même, il relève à juste titre que la notification d'indu du 19 décembre 2011 ne l'informait pas des modalités et délais de recours ;

Considérant qu'il ne peut donc lui être opposé l'absence de contestation de la créance de la caisse avant la délivrance de la contrainte ;

Considérant qu'enfin la voie de recours ouverte au débiteur à la suite de la signification de la contrainte peut être fondée sur n'importe quel moyen de fait ou de droit permettant au débiteur de contester le recouvrement de la créance invoquée par l'organisme de sécurité sociale ;

Considérant qu'ainsi, même si la mise en demeure n'a pas été antérieurement contestée, l'opposition à contrainte peut avoir d'autres motifs que l'irrégularité de la procédure de recouvrement et notamment celui tiré du caractère injustifié de la créance de la caisse ;

Considérant que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont décidé que M. [G] était recevable à contester la créance d'indu invoquée par la caisse;

Considérant qu'il y a donc lieu d'examiner le fond du litige sans qu'il soit utile de renvoyer l'affaire à une autre audience dès lors que la caisse a eu connaissance de l'ensemble des moyens soulevés par la partie adverse et était donc en mesure d'y répondre ;

Sur la régularité de la procédure de contrôle de l'activité professionnelle de M.[G]:

Considérant que M. [G] se prévaut essentiellement de l'absence d'information préalable de la liste de ses patients qui allaient faire l'objet d'une vérification par le service du contrôle médical et de la méconnaissance du principe contradictoire ;

Considérant qu'il ressort en effet des dispositions de l'article R 315-1-1 du code de la sécurité sociale que lorsque le service du contrôle médical procède à l'analyse de l'activité d'un professionnel de santé, il ne peut consulter les dossiers médicaux des patients ayant fait l'objet des soins dispensés, entendre et examiner ces patients qu'après en avoir informé le professionnel de santé ;

Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas établi que le service du contrôle médical ait informé M. [G] de l'identité des patients concernés par le contrôle ou que l'analyse de son activité ait eu pour but de démontrer l'existence d'une fraude ;

Considérant que, de même, la caisse ne donne aucune précision sur la façon dont les données personnelles ont été traitées et si cela s'est fait conformément aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 et en s'assurant du respect du secret médical ;

Considérant ensuite que, selon l'article L 315-1 IV du code de la sécurité sociale, lorsque le service du contrôle médical procède à l'analyse, sur le plan médical, de l'activité des professionnels de santé, cette procédure se déroule dans le respect des droits de la défense;

Considérant que la Charte du praticien contrôlé, dont un exemplaire doit être envoyé avant tout contrôle, précise également que sont favorisés 'la transparence des contrôles, les droits de la défense et le respect du contradictoire' ;

Considérant que, sur ce point, M. [G] fait observer qu'il n'a pas eu connaissance des critères de sélection des dossiers, ni eu la possibilité d'assister aux examens cliniques de ses patients et que les comptes-rendus d'examen, les radiographies et les données informatiques recueillies par le service de contrôle ne lui ont pas non plus été communiqués ;

Considérant aussi que l'article D 315-2 du code de la sécurité sociale prévoit que lorsque le professionnel demande à être entendu par le service du contrôle médical, comme l'article R 315-1-2 lui en donne la possibilité, le service doit lui communiquer au préalable 'l'ensemble des éléments nécessaires à la préparation de cet entretien, comportant notamment la liste des faits reprochés et l'identité des patients concernés' ;

Considérant que M. [G] indique s'être présenté à l'entretien sans aucune information et la caisse ne donne aucune explication à ce sujet ;

Considérant qu'enfin, le praticien souligne le caractère lacunaire de la mise en demeure du 6 juillet 2012 qui ne l'informait pas précisément des motifs de la récupération opérée à son encontre alors que l'article R 133-9-1 du code de la sécurité sociale prévoit que 'cette mise en demeure comporte la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date des versements indus donnant lieu à recouvrement' ;

Considérant que cette lettre se borne en effet à lui indiquer que 'l'examen de votre dossier fait ressortir que vous êtes redevable d'une somme de 15 479,18 € relative au non-respect de la Nomenclature des Actes Professionnels du code de la santé publique' et à se référer à la lettre du 19 décembre 2011 précédemment notifiée ;

Considérant que, dans ces conditions, le tribunal a exactement décidé que les vices de procédure affectant la procédure de contrôle de l'analyse d'activité du patricien et la privation du droit à un débat contradictoire devaient être sanctionnés par la nullité de la contrainte ;

Considérant qu'au demeurant, tant en première instance qu'en appel, la caisse n'apporte aucun élément de nature à justifier du bien-fondé des sommes réclamées ; qu'il n'est fourni aucune explication sur les griefs retenus à l'encontre du praticien ;

Considérant que le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'en exerçant le recours qui lui était ouvert à l'encontre du jugement du 25 juillet 2014, la caisse n'a pas commis d'abus ; que M. [G] sera débouté de sa demande de condamnation pour procédure abusive;

Considérant qu'au regard de la situation respective des parties, il convient de condamner la caisse à verser à M. [G] la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que la procédure en matière de sécurité sociale est gratuite et sans frais ; qu'elle ne donne pas lieu à dépens ;

Par ces motifs :

- Déclare la caisse primaire d'assurance maladie de Paris recevable mais mal fondée en son appel;

- Confirme le jugement entrepris ;

- Déboute la caisse primaire d'assurance maladie de Paris de ses demandes;

- Déboute M. [G] de sa demande en condamnation de la caisse pour procédures abusives;

- Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Paris à verser à M. [G] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens ;

- Dispense la caisse primaire d'assurance maladie de Paris du paiement du droit d'appel prévu à l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale ;

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 14/09475
Date de la décision : 15/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°14/09475 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-15;14.09475 ?
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