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14/02/2018 | FRANCE | N°16/11383

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 14 février 2018, 16/11383


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 14 Février 2018

(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/11383



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F 15/00460





APPELANT

Monsieur [Y] [L]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]

représenté par

Me Stéphane BEURTHERET de la SCP LCB & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0088







INTIMÉE

SARL BETSY

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 752 357 061

représentée par Me ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 14 Février 2018

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/11383

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F 15/00460

APPELANT

Monsieur [Y] [L]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]

représenté par Me Stéphane BEURTHERET de la SCP LCB & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0088

INTIMÉE

SARL BETSY

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 752 357 061

représentée par Me Marc PATIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1988

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, conseillère, faisant fonction de président

Mme Aline DELIERE, conseillère

Mme Séverine TECHER, vice-présidente placée,

Greffier : Mme Clémence UEHLI, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, conseillère, faisant fonction de présidente et par Madame Clémence UEHLI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur [Y] [L] a été engagé par la SARL BETSY par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 août 2012 en qualité de responsable de magasin au niveau 7, statut cadre de la convention collective nationale du commerce de détail de fruits et légumes, épicerie et produits laitiers.

Le 15 janvier 2015 il a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande en résiliation de son contrat de travail et de paiement, d'indemnités de rupture, pour travail dissimulé et pour repos compensateur et de rappels de salaire pour heures supplémentaires.

Par courrier du 23 avril 2015 Monsieur [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

Par jugement en date du 20 mai 2016, le Conseil de prud'hommes de Paris a débouté Monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné aux dépens et a débouté la société de sa demande reconventionnelle.

Monsieur [L] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 08 septembre 2016.

Par conclusions déposées le 13 décembre 2017, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [L] soutient que sa prise d'acte doit s'analyser en une rupture de contrat imputable à l'employeur et doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence, il sollicite l'infirmation du jugement du conseil de prud'hommes de PARIS du 20 mai 2016 en toutes ses dispositions et demande à la Cour de :

- dire et juger sans effet la convention de forfait en jours stipulée à l'article 3 de son contrat de travail ;

en conséquence, condamner la société BETSY à lui verser les sommes suivantes :

* 184 332,93 euros à titre d'heures supplémentaires,

* 18 433,25 euros au titre des congés-payés correspondants,

* 61 636,75 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de contrepartie de repos obligatoire,

* 53 600 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- fixer son salaire mensuel brut de référence à la somme de 8 933,19euros ;

- dire et juger que les manquements graves de la société BETSY, justifiaient sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de cette dernière, laquelle produit les effets d'un licenciement abusif ;

en conséquence, condamner la société BETSY à lui verser les sommes suivantes :

* 26 799,57 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 2 679,95 euros au titre des congés-payés sur préavis,

* 5 955,46 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 53 600 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- ordonner la remise des bulletins de paie, attestation Pôle emploi et certificat de travail conformes à la décision à intervenir ;

- débouter la société BETSY de toutes ses demandes (principales, subsidiaires et reconventionnelles), fins et conclusions contraires au présent dispositif ;

- condamner la société BETSY à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens, tant de première instance que d'appel.

En réponse la société BETSY soutient que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur [L] à la date du 23 avril 2015 doit s'analyser en une démission.

Elle sollicite la confirmation du jugement entrepris et demande à la Cour de :

- Dire et juger que la demande de nullité de la convention de forfait-jours formulée par Monsieur [L] est prescrite,

- Dire et juger que la convention de forfait-jours dont relevait Monsieur [L] est licite,

- Dire et juger que l'exécution de la convention de forfait-jours est licite et ne l'a jamais empêché de poursuivre l'exécution de sa relation de travail,

- Dire et juger que la société BETSY a satisfait à son égard à l'ensemble de ses obligations,

- Dire et juger que Monsieur [L] n'a pas réalisé d'heures supplémentaires,

- Dire et juger que la société BETSY ne s'est pas rendue coupable de travail dissimulé,

- Fixer la rémunération mensuelle brute de Monsieur [L] à 3459,67 euros,

- Débouter Monsieur [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire, la société demande à la Cour de :

- Dire et juger que l'indemnité de licenciement due s'élève à 1931,85 euros,

- Dire et juger que l'indemnité de préavis s'élève à 10 379,01 euros,

- Dire et juger que les dommages-intérêts pour travail dissimulé s'élève à 20 758,02 euros,

- Limiter la condamnation de la société BETSY pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à un mois de salaire.

A titre reconventionnel, la SARL BETSY demande à la Cour de condamner Monsieur [L] à lui verserla somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et de le condamner aux entiers dépens.

Monsieur [L] percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute de 3 459,67 euros.

La société occupait à titre habituel moins de 11 salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

MOTIFS

Sur le forfait jour.

Sur la recevabilité de l'action en nullité de la convention de forfait jour.

Selon l'article L 1471 '1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour ou celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Relevant sur ce fondement que Monsieur [L] a contesté pour la première fois les modalités d'exécution de sa convention contractuelle de forfait jour le 23 novembre 2014, et a saisi le conseil de prud'hommes le 16 janvier 2015, alors que le contrat de travail prévoyant la convention de forfait jour avait été conclu le 20 août 2012, soit plus de deux ans auparavant, la société en déduit que sa demande de nullité de la convention de forfait jour est nécessairement prescrite.

Mais Monsieur [L] fonde sa demande en nullité sur la carence de l'employeur à mettre en place les moyens de contrôle de son temps de travail contractuellement convenus ce dont il se déduit qu'il ne pouvait avoir connaisance de ces fait, qu'à compter des échéances de contrôle convenues.

Considérant alors que son contrat prévoyait un examen semestriel des documents complétés par le salarié lors d'un entretien individuel tenu à l'initiative de la société au cours duquel les parties devaient analyser conjointement l'organisation de travail, l'amplitude de sces journées de travail, les difficultés d'organisation qui pourraient exister, ainsi que la charge de travail en résultant, et les moyens envisagés pour la constater, la carence de l'employeur sur ce point lors de la première échéance semestrielle suivant la conclusion soit le 20 janvier 2013,constitue le point de départ du délai de prescripion de sa demande.

En tout état de cause en application des dispositions transitoires de la loi du 14 juin 2013 entrée en vigueur le 17 juin 2013 qui a réduit de 5 ans à 2 ans le délai de prescription, il apparaît que l'entrée en vigueur de cette loi a eu pour conséquence sur la prescription initiale du 20 août 2017 applicable aux actions en cours de Monsieur [Y] [L] fondées sur son contrat de travail du 20 août 2012, de fixer celle-ci à deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi, soit au 17 juin 2015.

En conséquence la demande de Monsieur [Y] [L] visant à voir déclarer sans effet et donc inopposable, la convention de forfait, est recevable.

Sur l'inopposabilité au salarié de la convention de forfait jours.

L'article trois du contrat de travail de Monsieur [L] prévoit que compte tenu de la nature des fonctions exercées et de l'autonomie dont il devait disposer dans leur accomplissement, lesquelles ont conduit la société à retenir le niveau 7 de la classification conventionnelle, sa durée du travail ne pouvant être prédéterminée, ni relever d'un horaire collectif de travail de sorte que les parties conviennent d'un commun accord que Monsieur [L] relèvera d'une convention de forfait jour régie par les dispositions légales et conventionnelles, et spécialement l'article cinq de l'avenant numéro 37 du 3 mars 2000 relatif à la réduction du temps de travail à 35 heures attachées à la convention collective applicable ; qu'ainsi la convention de forfait jour de Monsieur [L] s'élève à 217 jours par an.

Répondant aux obligations posées par les dispositions légales des articles L3121 ' 38 et suivants du code du travail et 5-6 de la convention collective nationale du commerce de détail de fruits et légumes, épicerie et produits laitiers, le contrat de travail de Monsieur [L] prévoit un dispositif de contrôle de sa durée de travail sur les bases suivantes:

' l'établissement d'un document récapitulant l'amplitude des journées de travail sur une base hebdomadaire, signé chaque mois par le salarié et l'employeur,

' l'examen des documents ainsi complétés, une fois par semestre, lors de l'entretien individuel tenu à l'initiative de la société, afin d'analyser conjointement l'organisation de travail, l'amplitude de ses journées de travail, les difficultés d'organisation qui pourrait exister, ainsi que la charge de travail en résultant, et les moyens envisagés pour la diminuer, si nécessaire,

' l'établissement d'un document récapitulant le nombre de jours déjà travaillés, le nombre de jours ou demi-jours de repos pris et ceux restant à prendre, sur une base mensuelle, signé par le salarié et la société et conservé par les parties pendant trois ans pour rester à la disposition de l'inspecteur du travail,

- l'établissement d'un document annexe récapitulant les documents de contrôle, joint avec le dernier bulletin de paie de chaque trimestre.

Dès son courrier du 23 novembre 2014 Monsieur [L] a reproché à l'employeur l'absence de mise en place de ce dispositif de contrôle.

L'employeur dans son courrier en réponse du 27 novembre 2014 affirmait avoir procédé à un contrôle régulier de sa durée de travail et constaté que la charge de travail n'était pas déraisonnable et pas susceptible de porter atteinte à sa santé mais ne développait pas ces allégations.

Encore dans le cadre de la procédure, la SARL BETSY ne répond aux interrogations du salarié sur ce point qu'en lui reprochant de ne contester la validité de sa convention de forfait jour que pour justifier de la mauvaise exécution de son contrat de travail qui lui était reprochée par la société .

Il peut alors immédiatement être observé que la contestation du salarié n'apparait pas comme relevant d'un stratagème pour prévenir les conséquences de la mauvaise qualité de son travail puisque à cette date il n'avait été destinataire que d'un rappel à l'ordre (au mois d'avril 2014) et d'un avertissement ( le 27 octobre 2014) et que les multiples sanctions et contenus de constats d'huissier qui alimentent le dossier de l'employeur, sont au contraire postérieurs à la première réclamations du salarié quant à sa charge de travail (avertissements des 10 et 21 février 2015- constats d'huissier du 28 octobre 2014 mais surtout postérieurs: 16 décembre 2014-13, 20, 22 et 26 janvier 2015- 10,17 et 24 février 2015-3,10 et 17 mars 2015).

Il est également observé que dès son premier courrier de contestation de sa convention forfait, le salarié faisait un lien entre la présence de « quelques périmés ayant pû être trouvés en rayons » et sa trop grande charge de travail écrivant « je peux vous assurer qu'avec mon équipe, nous faisons tout pour éviter leur présence, mais qu'en raison de notre charge de travail et de la faiblesse de notre effectif, c'est extrêmement difficile » et que la société n'a eu aucune considération pour cette plainte puisqu'elle se limite à affirmer le 27 novembre qu'au regard de la surface du magasin dont il a la charge, des huit salariés qui y sont attachés, et de la liberté d'organisation dont il dispose, il est indéniable qu'il a les moyens nécessaires pour satisfaire à cette obligation élémentaire inhérente à sa fonction et qu'elle se limite encore à réaffirmer dans ses conclusions « la convention de forfait jour de Monsieur [Y] [L] n'a pas été inexécutée par la société BETSY puisqu'elle a mis tout en oeuvre pour protéger sa santé et sa sécurité en ne le contraignant pas à une surcharge de travail en le faisant disposer d'une équipe de salariées importantes au regard de la surface du magasin ».

En tout état de cause, la mauvaise qualité du travail de Monsieur [L], sa charge de travail ou le montant d'une rémunération supérieure au minimum conventionnel, sont des développements sans effet sur l'obligation de l'employeur de s'assurer de la mise en place des moyens de contrôle de son temps de travail.

Or de la date d'embauche le 20 août 2012 à la prise d'acte le 25 avril 2015, l'employeur qui soutient que « trois fois par an le gérant prenait l'initiative d'un entretien avec Monsieur [Y] [L]  », ne démontre pas avoir pris l'initiative d'aucun entretien semestriel ou même annuel, d'avoir disposé ou réclamé d'aucun moyen de décompte et de contrôle de la charge et du temps de travail et ce même après les réclamations du salarié sur ces points par courrier du 24 novembre 2014 et saisine de la juridiction prud'hommale le 15 janvier 2015.

En conséquence la convention de forfait jour est inopposable à Monsieur [Y] [L] .

Sur les rappels de salaire pour heures supplémentaires

Sont des heures supplémentaires, des heures de travail effectif accomplies au-delà de la durée hebdomadaire légale (35 heures) ou de la durée considérée comme équivalente si elle existe (C. trav. art. L. 3121-22). Elles ouvrent droit à contreparties constituées d'une part d'une majoration du paiement de ses heures, sur le fondement de l'article L. 3121-22 (25% pour les 8 premières heures et 50 % au-delà) ou d'une convention collective de branche ou accord d'entreprise, sans pouvoir être inférieures à 10 %, et d'autre part à des repos compensateurs pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et s'il appartient au salarié defournir préalablement au juge des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Par ailleurs le fait pour un salarié de ne pas formuler de réclamation ne vaut pas renonciation au paiement des heures supplémentaires et ne dispense pas l'employeur de produire les éléments de nature à justifier des horaires effectués de sorte qu'il ne peut être tiré aucune conséquence du fait que la première réclamation de Monsieur [Y] [L] en paiement d'heures supplémentaires effectuées n'a été formulée que le 24 novembre 2014.

En outre même si les heures supplémentaires ne résultent pas de la demande expresse de l'employeur elles doivent être payées au salarié dès lors qu'elles ont été imposées par la nature ou la quantité de travail demandé ou ont été effectuées avec l'accord implicite de l'employeur.

Or en l'espèce Monsieur [Y] [L] a été engagé en qualité de responsable d'un magasin de commerce de détails ouvert de 9h à 21h, avec pour fonctions, et au bénéfice d'une délégation de pouvoirs, d'assurer la gestion du personnel (6 salariés: emploi du temps, répartition des tâches, consignes, contrôle, sanctions), la gestion des opérations commerciales (prélèvements, échange de monnaies, contrôle de fonds de roulement et des caisses, remises des encaissements auprès l'établissement bancaire), la gestion de l'utilisation et du stockage des produits et des denrées alimentaire commercialisés, la gestion des locaux (maintien en bon état de fonctionnement et d'entretien des surfaces de vente, réserve, bureaux, entrepôts réfrigérés..) et de veiller au respect de l'ensemble des prescriptions légales en ces matières.
Il affirme que les contraintes imposées par l'employeur pour exécuter son contrat de travail l'ont conduit à réaliser les horaires hebdomadaires suivants:

* de 7h 30 à 14 h puis de 15h à 21 h les lundi, mardi, et samedi,

* de 7h30 à 14h puis de 15h à 21 h le jeudi jusqu'à la semaine 37 puis de 7h30 à 14h le jeudi,

* de 6h à 14h puis de 15h à 21 h les mercredi et vendredi.

Il développe qu'il était le seul responsable du magasin et de la caisse, seul détenteur des codes, des clés et qu'il devait assurer l'ouverture et la fermeture tous les jours, si ce n'est le jeudi après midi à compter de la semaine 37, où il a été remplacé par le gérant et il produit pour étayer cette amplitude:

* des feuilles de congés accordés par l'employeur qui mentionnent une prise de services à son retour à 7 heures (le jeudi 1er août 2013) ou 7 heures 30 (le lundi 7 avril 2014)

*des bons de livraison sur lesquels figurent des créneaux de livraison à compter de 7 h,

* des relevés de commande auprès de la centrale d'achats mentionnant les jours et les heures de saisie des commandes à compter de 6h 30 régulièrement le jeudi,

*des exemples détaillés de journées type de travail débutant à 7h30 avant l'ouverture du magasin par l'ouverture de la grille, le désarmement de l'alarme, le traitement du mailing, des étiquettes, la préparation de la monnaie pour les 3 caisses, le nettoyage du linéaire, la réception des palettes, la mise en rayon des marchadises et les consignes à donner aux employés, la préparation des commandes, ,puis les tâches déployées pendant la journée, et enfin les tâches à effectuer après la fermeture du magasin à 21h (rangement fonds de caisse, commande pain, fermeture lumière, musique, chambre froide, armement alarme..)

*des décomptes établis par semaine civile de 2012 à 2015 indiquant les horaires quotidiens réalisés, les heures supplémentaires majorées à 25 ou 50% dont il ressort qu'il réclame les sommes suivantes:

pour l'année 2012: 26 132,86 euros,

pour l'année 2013:77 976:61 euros,

pour l'année 2014:65 428,99 euros,

pour l'année 2015:21 883,25 euros

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments pour justifier des horaires réalisés par le salarié et contester ses demandes en paiement.

A ce titre la société BETSY soutient:

- que le salarié dirigeait une équipe de 6 salariés et n'avait donc pas à exécuter seul les tâches qu'il détaille; que notamment il n'était pas le seul à pouvoir ouvrir et fermer le magasin, gérer la sortie des clients ou réceptionner les livraisons qui de manière générale s'effectuaient non vers 7h mais entre 9h et 10h et étaient très réduites en hiver; que des salariés attestent qu'ils réalisaient certaines tâches qu'il vise dans ses fonctions ( rangement des livraisons et nettoyage de la chambre froide..)

-qu'il cite des tâches qui n'incombaient à personne comme le retrait des emballages par les fournisseurs eux-mêmes, les changements des prix quotidiens opérés par un logiciel informatique de gestion en 5 minutes, les consignes aux salariés qui attestent qu'il ne leur en donnait pas.

Mais d'une part au regard de la surface de vente du magasin (190 m2 dont plus de 100 ml de produits à remplir, augmentée de 30m2 de réserves et chambre froide), de la nature périssable des denrées qu'il propose et de la législation stricte à respecter à ce titre, de la large plage d'ouverture (9h-21h), de son chiffre d'affaires important et en constante augmentation (555 000 en 2012- 2 745 000 en 2013-3 50900 en 2014..), de la qualité attendue et mesurée par un baromètre mensuel et du nombre nécessairement restreint de salariés soumis aux 35 heures présents en même temps au magasin, il en résulte nécessairement, et à défaut de preuve contraire, que la charge de la réception des livraisons, du rangement dans les rayons, du nettoyage ou des caisses pesaient sur chacun d'eux de sorte que les attestations de salariés décrivant des tâches qu'ils effectuaient ne démontrent pas pour autant que leur charge ne pesait pas sur chacun d'eux, y compris le responsable.

Et si les horaires de livraison indiqués sur les bons produits par l'employeur, indiquent un passage après 8 h, ils mentionnent également un créneau horaire de livraison possible de « 7h30 à 10h30 » ce qui impliquait une présence dans ce créneau.

Un seul courrier d'un fournisseur du 11 mai 2016 s'engageant à reprendre les cartons d'emballage par le biais d'un box préalablement préparé par les équipes du magasin, ne peut sérieusement avoir d'incidence sur la charge de travail de Monsieur [Y] [L] .

Par ailleurs il faut considérer qu'à défaut d'autres éléments apportés par l'employeur, la cour, se référant au contenu des attestations des salariés du magasin qu'il produit, en déduit que le faible niveau de formation de ceux-ci ne leur permettait pas de remplir les obligations contractuelles de Monsieur [Y] [L] tenant à la responsabilité de la caisse et des codes d 'alarme, à la gestion des opérations commerciales, à l'application de la législation contraignante de ce type de commerce ou tout élément décrit dans le fiche de fonctions que produit la société BETSY et qui correspondent aux obligations contractuelles de Monsieur [Y] [L] et permettant de démontrer que le responsable n'était pas tenu d'être toujours présent, avant et pendant l'ouverture, et pour la fermeture du magasin.

Ainsi à défaut de justifier des horaires effectués par Monsieur [Y] [L], les critiques sans pertinence des tâches décrites par le salarié ou de leur mauvaise qualité, subitement découvertes en 2015, soit après sa contestation de la convention de forfait étant sans intérêt sur ce point, la réalisation d'heures supplémentaires par le responsable du magasin est démontrée.

Constatant alors que les horaires quotidiens détaillés par le salarié sont en cohérence avec ses fonctions et sa charge de travail telles que développées ci dessus et les tableaux détaillés, la cour fait droit à la demande du salarié et condamne la société BETSY à lui payer un rappel de salaire de 184 332,93 euros augmenté de 18433,25 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les dommages et intérêts pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires.

Selon l'article L3121-11 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dans les entreprises de moins de 20 salariés, les heures supplémentaires accomplies au delà du contingent annuel d'heures supplémentaires conventionnel ou réglementaire, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire fixé à 50%

Les décomptes produits révèlent que le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu par la convention collective applicable, à savoir 150 heures a été dépassé chaque année dans de larges proportions détaillées et calculées par le salarié sans contestation sur ce point de l'employeur.

Le salarié qui n'a pas été mis en mesure, du fait de son employeur de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi, laquelle comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés afférents

En conséquence ils ouvrent droit à la somme totale de 61.636,75 euros réclamée par le salarié à titre de dommages et intérêts pour absence de contrepartie de repos obligatoire.

.
Sur le travail dissimulé.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Or considérant que le salarié était régulièrement déclaré et employé à temps complet par la société qui estimait, même à tort, qu'il était soumis à une convention de forfait, l'élément intentionnel n'est pas démontré.

En conséquence Monsieur [Y] [L] est débouté de ses demandes à ce titre.

Sur la prise d'acte.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et qu'il prend acte de la rupture du contrat de travail ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée.

Mais en l'espèce Monsieur [Y] [L] ne présente plus de prétentions relatives au prononcé d'une résiliation judiciaire de son contrat de travail .

En conséquence il convient de vérifier le bien fondé de sa prise d'acte et donc sur le fondement de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail de vérifier s'il démontre la matérialité de manquements suffisamment graves de l'employeur pour faire obstacle à la poursuite de la relation de travail et justifier que la rupture produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par courrier du 23 avril 2015 Monsieur [Y] [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en écrivant que depuis l'envoi de sa mise en demeure par courrier recommandé du 23 novembre 2014 dénonçant la convention de forait jours insérée à l'article 33 de son contrat de travail, et la saisine de la juridiction prud'homale, l'employeur n'a pris aucune mesure pour alléger sa charge de travail, et:ou, mettre en place les dispositifs de contrôle de ses horaires prévus contractuellement; qu'il s'est contenté de lui indiquer que sa convention est valable, a refusé de lui régler ses très importantes heures supplémentaires et a continué son travail de sape et de remise en cause systématique de son travail sans prendre la moindre mesure pour le soulager.

Or la matérialité de ces manquements a été démontrée précédemment et leur gravité résulte de la durée au cours de laquelle ils ont été observés, de leur importance et de leur persistance malgré les réclamations du salarié jusqu'au jour de la rupture.

En conséquence les manquements de l'employeur sont suffisamment graves pour faire obstacle à la poursuite de la relation de travail et justifier que la rupture produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les indemnités de rupture.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de licenciement.

Monsieur [Y] [L] sollicite la condamnation de la société BETSY à lui payer les sommes suivantes sur la base d'un salaire mensuel brut de référence de 8933,19 euros tenant compte des heures supplémentaires réalisées :

* 26 799,57 euros au titre de l'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis (3 mois);

* 2 679,95 euros au titre des congés-payés sur préavis ;

* 5 955,46 euros à titre d'indemnité légale de licenciemen.;

La société BETSY ne conteste ces montants que quant au salaire de base retenu par le salarié et propose l'assiette contractuelle de 3 459,67 euros.

Mais les modalités de calcul tant de l'indemnité de licenciement que de l'indemnité de préavis sont fonctions de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail, et incluent tous les éléments du salaire perçu, y compris les heures supplémentaires réalisées.

En conséquence les indemnités de rupture sont à calculées sur la base de l'assiette à partir de laquelle le salarié les a calculées.

En conséquence la société BETSY est condamnée à lui verser les montants réclamés sur le fondement des articles L 1234 ' 9 et R 1234-1,L 1234 '1, L.1234-5 du code du travail et de la convention collective applicable.

Sur l'indemnité pour licencicement abusif.

Monsieur [Y] [L] sollicite sur la base de l'article L 1235'3 du code du travail, qui prévoit que lorsque le licenciement d'un salarié survient sans cause réelle et sérieuse, celui-ci ouvre droit à son profit à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois et qui a pour but d'une part de sanctionner l'employeur fautif et d'autre part d'indemniser le salarié de son préjudice moral, professionnel et financier causé par la rupture de son contrat de travail, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 53 600 euros .

Mais ces dispositions ne s'appliquent pas aux entreprises de moins de 11 salariés de sorte que sur le fondement de l'article L1235-5 du code du travail il lui appartient de justifier du préjudice subitement à ce titre.

Considérant alors son inscription à pôle emploi, sa prise en charge au titre du RSA et la reprise d'un travail à compter du 25 novembre 2015, considérant son âge, son ancienneté et son revenu mensuel recalculé, la cour trouve les éléments pour fixer son préjudice à la somme 35 000 euros.

Sur la remise des documents sociaux.

En application de l'article R 1234-9 du code du travail, les employeurs sont tenus, au moment de la résiliation, de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, de délivrer au salarié des attestations ou justification qui leur permettent d'exercer leurs droits aux prestations mentionnées à l'article L 5421-2 du code du travail, et de transmettre ces mêmes attestations aux organismes gestionnaires du régime d'assurance chômage.

En outre, en application des dispositions de l'article L 3243-2 du code du travail, lors du paiement de sa rémunération, l'employeur doit remettre au salarié une pièce justificative dite bulletin de paie.

Ce bulletin doit également être remis pour la période de préavis, que celui-ci soit effectué ou non.

En conséquence pour tenir compte des condamnations prononcées la société BETSY est condamnée à remettre à Monsieur [Y] [L] , une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes à la décision.

Sur les frais irrépétibles et les dépens.

Il n'est pas inéquitable de condamner la société BETSY à payer à Monsieur [Y] [L] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de ses prétentions à ce titre.

Partie succombante, la société BETSY sera condamnée au paiements des entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant

Dit que la convention de forfait en jours stipulée à l'article 3 du contrat de travail est sans effet et inopposable à Monsieur [Y] [L] ;

Condamne la société BETSY à lui verser les sommes suivantes :

* 184 332,93 euros bruts à titre d'heures supplémentaires ;

* 18 433,25 euros brus au titre des congés-payés correspondants ;

* 61 636,75 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de contrepartie de repos obligatoire ;

Fixe le salaire mensuel brut de référence de [Y] [L] à la somme de 8 933,19 euros ;

Dit que les manquements graves de la société BETSY justifient que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Monsieur [Y] [L] produise les effets d'un licenciement abusif ;

En conséquence, condamne la société BETSY à lui verser les sommes suivantes :

* 26 799,57 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 2 679,95 euros bruts au titre des congés-payés sur préavis,

* 5 955,46 euros bruts à titre d'indemnité légale de licenciement,

*35 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

Ordonne la remise des bulletins de paie, attestation Pôle emploi et certificat de travail conformes à la décision à intervenir ;

Condamne la société BETSY à payer à Monsieur [Y] [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

Condamne la société BETSY au paiement des entiers dépens, tant de première instance que d'appel.

Le greffier Le conseiller, faisant fonction de président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 16/11383
Date de la décision : 14/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°16/11383 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-14;16.11383 ?
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