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08/02/2018 | FRANCE | N°15/10832

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 08 février 2018, 15/10832


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 08 Février 2018



(n° , 5 pages)



SUR RENVOI APRES CASSATION





Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10832



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Novembre 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 120550





APPELANTE

Madame [Y] [P]

Née le [Date naissance 1]1952

[Adres

se 1]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de M. [S] [Q] en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMEE

CAVIMAC

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Patrick DE LA GRANGE, avo...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 08 Février 2018

(n° , 5 pages)

SUR RENVOI APRES CASSATION

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10832

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Novembre 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 120550

APPELANTE

Madame [Y] [P]

Née le [Date naissance 1]1952

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de M. [S] [Q] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

CAVIMAC

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Patrick DE LA GRANGE, avocat au barreau de PARIS, toque : R112 substitué par Me Sarah LACAZE, avocat au barreau de PARIS, toque : R112

Société DU SACRE COEUR DE JESUS

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Bertrand OLLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque P0137,

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 4]

[Localité 3]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Claire CHAUX, Présidente de chambre, et Mme

Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Claire CHAUX, Présidente de chambre Madame Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseiller

Madame Marie-Odile FABRE-DEVILLERS, Conseiller

Greffier : Mme Anne-Charlotte COS, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Claire CHAUX, Président et par Mme Anne-Charlotte COS, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [P] a demandé à la CAVIMAC la prise en compte, dans le calcul du nombre de trimestres acquis dans ce régime, de sa période de noviciat effectuée dans la congrégation du Sacré Coeur de Jésus du mois de septembre 1984 au mois de septembre 1986 pour le calcul de sa pension de retraite.

La Caisse n'ayant pas accédé à sa demande, Madame [P] a saisi la commission de recours amiable pour obtenir validation de ses huit trimestres. Sa requête a été rejetée le 28 avril 2011 et elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris d'un recours aux même fins.

Par jugement du 29 novembre 2012, ce tribunal a confirmé la décision de la commission de recours amiable et débouté Madame [P] de ses demandes.

La Cour d'Appel de Paris dans un arrêt du 15 mai 2014 a confirmé le jugement entrepris au motif que jusqu'au prononcé de ses premiers voeux le 6 septembre 1986, Madame [P] pouvait racheter les trimestres en qualité de période de formation, mais n'avait pas droit à leur validation gratuite, puisque la période de noviciat correspond seulement à une période de formation, d'expérience et de préparation à la vie religieuse, différente de celle liée à l'observation des voeux.

La Cour de Cassation dans un arrêt du18 juin 2015 a cassé l'arrêt de la cour d'appel dans toutes ses dispositions au motif que 'en statuant par des motifs inopérants, alors qu'elle constatait que Mme [P] participait à la vie de la congrégation et s'était soumise au règlement du noviciat, ce dont résultait la preuve d'un engagement religieux de l'intéressée manifesté notamment par un mode de vie en communauté et par une activité essentiellement exercée au service de sa religion qui l'investissait de la qualité de membre de cette congrégation ou collectivité religieuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé'.

L'affaire a été renvoyée devant la cour d'appel de Paris autrement composée .

Par lettre reçue au greffe du Pôle social le 21 juillet 2015, Madame [P] a demandé la réinscription de l'affaire qui a été plaidée le 30 novembre 2017.

Elle fait soutenir par son représentant des conclusions écrites dans lesquelles elle demande à la Cour d'infirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du 29 novembre 2012 et statuant à nouveau de :

- condamner la CAVIMAC à prendre en compte les trimestres du 24 septembre 1984 au 8 septembre 1986 comme trimestres d'activité et à recalculer sa pension en conséquence et à lui verser les arriérés de pension depuis le 1er janvier 2016 et subsidiairement, à lui payer la somme de 80.585€ à titre de dommages et intérêts ,

- dire qu'il incombe à la CAVIMAC de recouvrer les cotisations auprès de la société du Sacré Coeur ou de les assumer à titre de dommages et intérêts,

- de condamner la CAVIMAC à lui payer 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à lui rembourser la somme de 309,12€ payée au titre du droit d'appel.

Elle rappelle que la loi a créé l'obligation d'assujettissement des ministres des cultes et des membres des congrégations religieuses, que la CAVIMAC créée en 1979 prononce les affiliations individuelles y compris de sa propre initiative, recouvre les cotisations et paie les pensions de retraite.

Elle soutient que la Caisse n'a aucune obligation de suivre les 'directives' des églises ou des ordres religieux quant à la définition de l'appartenance à la congrégation et que celle-ci s'apprécie au vu de l'engagement religieux manifesté notamment par un mode de vie en communauté. Elle prétend que son admission au noviciat a constitué une rupture, qu'elle pratiquait déjà les voeux religieux sans les avoir prononcés, qu'elle vivait en communauté la même vie que les religieuses professes et avait une activité exclusivement religieuse, qu'en échange c'est la communauté qui pourvoyait à ses besoins.

Elle soutient également que le fait d'être en formation et donc de pouvoir bénéficier de l'article L382-15 du code de la sécurité sociale et de racheter les trimestres, n'empêche pas l'affiliation en tant que membre de la communauté religieuse du Sacré Coeur dès son entrée au noviciat. Elle fait valoir d'ailleurs que depuis 2006, le culte catholique affilie novices et séminaristes dès leur admission.

Elle estime que si la CAVIMAC refuse de prendre en compte les huit trimestres au motif que les cotisations n'ont pas été payées, elle doit lui rembourser son préjudice qu'elle a évalué en tenant compte du manque à gagner et de son espérance de vie puisqu'elle a commis une faute en ne l'affiliant pas.

La CAVIMAC fait soutenir oralement à l'audience par son avocat des conclusions écrites dans lesquelles elle demande à la Cour de confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du 29 novembre 2012 en ce qu'il a refusé la validation des 8 trimestres de noviciat et subsidiairement, de constater que la CAVIMAC n'a commis aucune faute, rejeter sa responsabilité et débouter Madame [P] de toutes ses demandes.

Elle rappelle que, au moment de la création de la CAVIMAC, le novice n'était pas considéré comme membre de collectivité religieuse et que ce n'est que depuis le 1er juillet 2006, que le culte catholique a décidé que les périodes de formation à la vie religieuse donneraient lieu à affiliation obligatoire, sous réserve de versement des cotisations, mais sans effet rétroactif.

Elle soutient que pour permettre de valider malgré tout ces périodes de noviciat, le législateur, par la loi du 21 décembre 2011, a créé l'article L382-29-1 du code de la sécurité sociale dans le but de permettre le rachat, à partir de 2012, de ces périodes au titre de la formation et elle fait valoir que saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité sur ce texte, la Cour de Cassation ne l'avait pas transmise au Conseil Constitutionnel estimant que le législateur pouvait qualifier un fait pour l'avenir autrement que le juge judiciaire et que le texte ne privait pas de garantie légale les exigences constitutionnelles.

Elle soutient que reconnaître que le noviciat peut être considérée comme une période de vie religieuse et non de formation, serait une véritable 'abrogation' de l'article L382-29-1 du code de la sécurité sociale qui avait pour objet de mettre fin à la jurisprudence considérant le noviciat comme une période de vie religieuse et de le considérer dorénavant comme une période de formation, qu'en outre il créerait une différence entre le culte catholique et les autres mouvements religieux.

Elle prétend également que Madame [P] ne démontre pas avoir eu la qualité de membre de la communauté religieuse, que le noviciat est bien une période d'apprentissage et de formation.

Subsidiairement, si la Cour considère que la période de noviciat doit être considérée comme une période d'activité religieuse et comme telle justifier l'affiliation à la CAVIMAC, elle lui demande de dire que la validation n'est possible que sous réserves du paiement des cotisations afférentes et fait valoir que ni la société du Sacré Coeur, ni Madame [P] elle-même n'avaient sollicité son affiliation et qu'elle n'avait pas d'obligation de le faire.

La société du Sacré coeur de Jésus a fait soutenir oralement à l'audience par son avocat des conclusions écrites dans lesquelles elle demande à la Cour de confirmer le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du 29 novembre 2012 et l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 18 juin 2015 et de débouter Madame [P] de toutes ses demandes.

Elle soutient que la Cour de Cassation fait un amalgame entre les périodes de formation et d'engagement religieux, qu'au regard du droit canon, les novices ne sont pas membres de l'institut religieux, ils sont seulement candidats à la vie religieuse et ont des règles et des lieux de vie propres. Elle soutient que l'article L382-29 du code de la sécurité sociale introduit par la loi de finance pour 2012 a explicitement visé le noviciat comme une période de formation pour permettre de racheter des trimestres de cotisations à ce titre puisque ce n'était pas des périodes d'affiliation.

Il est fait référence aux écritures déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

MOTIFS

Aux termes de l'article L382-15 du code de la sécurité sociale, sont affiliés à la CAVIMAC, les 'membres des congrégations et collectivités religieuses' et c'est cette seule qualité de membre qui entraîne l'affiliation. L'article 382-29-1 de ce même code vise 'les périodes de formation, accomplies au sein des collectivités religieuses qui précèdent l'obtention du statut défini à l'article 382-15" qui sont des périodes rachetables.

Contrairement à ce qu'affirme la CAVIMAC, ces dispositions ne sont pas un

obstacle pour qu'une personne en formation, mais déjà membre de la congrégation religieuse, soit affiliée à la CAVIMAC, le texte de loi n'ayant pas donné une qualification exclusive de formation aux périodes de noviciat, mais offert la possibilité de les considérer comme des périodes de formation et comme telles rachetables par les intéressés, même si la formation n'avait pas été assurée par une université ou une école.

Il convient de relever que ce texte s'il est appliqué strictement crée une inégalité entre ceux qui ont effectué un noviciat, et qui sont toujours membres de la communauté religieuse au moment de la retraite (où la communauté religieuse a intérêt à procéder au rachat de leurs trimestres et en toutes hypothèses assure leur entretien) et ceux qui ne le sont plus (où la communauté n'a aucun intérêt à les racheter).

Avant de relever le caractère de 'formation ', qui n'est pas contesté, du noviciat, et qui permet le rachat de trimestres de cotisations, il convient donc de rechercher si Madame [P] ne remplissait pas déjà les conditions pour être affiliée à la CAVIMAC dès le 24 septembre 1984 et si elle devait donc être considérée comme 'membre de la congrégation ou collectivité religieuse' dès son entrée au noviciat.

Comme y a invité la Cour de Cassation, il faut donc rechercher si l'engagement religieux de l'intéressée, manifesté notamment par un mode de vie en communauté et par une activité essentiellement exercée au service de sa religion, l'investissait de la qualité de membre de cette congrégation.

En l'espèce, il ressort des déclarations de Madame [P], non contestées par la société du Sacré Coeur et par la CAVIMAC, ainsi que des constitutions de la congrégation, que dès le 24 septembre 1984 ,celle-ci avait du démissionner de son travail précédent, avait du se séparer de tous ses biens, n'était autorisée à recevoir des visites que de façon très restreinte ce qui manifeste un renoncement à sa vie sociale, amicale et familiale au moins partiel, et établit qu'elle était déjà entièrement consacrée à la vie religieuse.

Même si elle n'avait pas encore prononcé de voeux formels, conformément aux constitutions de son ordre 'elle s'exerçait à la pratique' de ces trois voeux: pauvreté (elle n'avait plus de biens à elle et plus de compte bancaire), chasteté, et obéissance (à la maîtresse des novices) et elle 'commençait à vivre la communauté des biens et le partage au service des autres'. Elle menait la même vie que les soeurs professes : même emploi du temps, même lieu de vie.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments, que Madame [P] ne suivait pas seulement une formation mais était totalement initiée à la vie de la communauté qu'elle partageait, qu'elle faisait incontestablement partie de celle-ci, les voeux ne faisant que marquer un engagement dans la durée et définitif et cette période qui ne peut être qualifiée seulement de période de formation, mais qui est bien une période de vie religieuse 'à l'essai', mais totale.

Dans la mesure où Madame [P] menait une vie exclusivement consacrée à la religion dans la communauté de la société du Sacré Coeur, elle devait être affiliée à la CAVIMAC.

Dans la mesure où l'obligation de cotiser pesait à titre principal sur la communauté religieuse, considérée comme employeur de Madame [P], cette dernière, comme un salarié dont l'employeur n'a pas payé les cotisations, ne doit pas être victime du refus de l'employeur, ou de sa négligence, de payer ces sommes et l'absence de cotisations comme pour tout salarié ne prive pas Madame [P] du droit de faire valider les trimestres de noviciat par la CAVIMAC, à charge pour cette dernière de demander les cotisations qui auraient du être payées, en relevant que celle-ci n'a formulé en l'état aucune demande en paiement.

Il convient donc d'infirmer le jugement, de condamner la CAVIMAC à recalculer la pension de Madame [P] en tenant compte des ces huit trimestres supplémentaires et de lui verser les arriérés de pension dus depuis le 1er janvier 2016 date de liquidation de celle-ci.

Sur les autres demandes

Il apparaît équitable d'accorder à Madame [P] la somme de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, elle ne justifie pas du paiement du droit d'appel auquel l'avait condamnée la Cour en première instance et sera donc déboutée de sa demande de remboursement de celui-ci.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement déféré ,

Statuant à nouveau,

Dit que la période de vie religieuse de Madame [P] du 24 septembre 1984 au 8 septembre 1986 doit être validée pour l'ouverture et le calcul de ses droits à la retraite,

Renvoie la CAVIMAC à procéder à une nouvelle notification de la pension de retraite de Madame [P] et à lui verser les arriérés dus depuis le 1er janvier 2016,

Dit le présent arrêt commun à la société du Sacré Coeur.

Condamne la CAVIMAC à payer à Madame [P] la somme de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute Madame [P] du surplus de ses demandes.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 15/10832
Date de la décision : 08/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°15/10832 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-08;15.10832 ?
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