La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/02/2018 | FRANCE | N°16/06586

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 07 février 2018, 16/06586


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 07 Février 2018



(n° , 05 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/06586



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mars 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 13/03098





APPELANTE

Madame [E] [X]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 2]

représenté

e par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250 substitué par Me Pascal POLERE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1548





INTIMEE

SAS NEOM (ANCIENNEMENT CMS)

[Adres...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 07 Février 2018

(n° , 05 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/06586

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mars 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 13/03098

APPELANTE

Madame [E] [X]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 2]

représentée par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250 substitué par Me Pascal POLERE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1548

INTIMEE

SAS NEOM (ANCIENNEMENT CMS)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 341 604 007

représentée par Me Nicolas MANCRET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0061

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Décembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Véronique PAMS-TATU, Président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 03 juillet 2017

Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique PAMS-TATU, président de chambre et par Madame Valérie LETOURNEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [X] a été engagée par la société CMS, actuellement dénommée Neom, filiale de la société Vinci en France, en qualité de responsable administratif et financier de la direction régionale environnement, statut cadre ' niveau B3 ' de la classification nationale des travaux publics suivant contrat de travail à durée indéterminée du 27 janvier 2010.

Elle a été en arrêt pour maladie à compter du 10 décembre 2012 et a saisi, le 20 septembre 2013, le conseil de prud'hommes de Créteil afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat travail aux torts de l'employeur et le paiement de diverses sommes notamment au titre d'une discrimination et d'un harcèlement moral. Elle a été déboutée par jugement du 15 mars 2016.

Elle a interjeté appel et sollicite de voir notamment :

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat travail,

- dire qu'elle a été victime d'une discrimination salariale et condamner la société à lui payer des dommages et intérêts à ce titre et une indemnisation de ses trajets professionnels et de la perte de jouissance du véhicule,

- dire qu'elle a été victime d'un harcèlement moral et que l'employeur a manqué à son obligation de prévention, condamner la société à lui payer à hauteur des montants indiqués au dispositif de ses écritures, des dommages et intérêts pour préjudice moral, pour nullité du licenciement ainsi que des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat travail, à titre de prime pour l'année 2012, de manque à gagner salarial sur le contrat de prévoyance, de perte de chance de retour à l'emploi, de manque à gagner sur l'intéressement et la participation, à lui remettre les documents de fin de contrat sous astreinte et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner une mesure d'expertise permettant la production d'un rapport d'expert indépendant avec information du comité d'entreprise aux frais de la société.

La société conclut à la confirmation du jugement, au rejet de l'ensemble des demandes de la salariée et à sa condamnation à lui payer 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la discrimination

Selon l'article L. 1134'1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, (....) le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte(.....) Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Mme [X] soutient que :

- en janvier 2009, M. [Y] a été nommé directeur administratif et financier et qu'en janvier 2010, M. [N] a été nommé directeur général de la direction régionale environnement,

- que lors de ses entretiens d'embauche avec M. [N] et M. [P], fonctionnel de la direction déléguée environnement et travaux de spécialités, il lui a été clairement énoncé qu'elle occuperait les fonctions de directeur administratif et financier et remplacerait le directeur administratif et financier sortant qui ne donnait pas satisfaction,

- à la suite du départ de M. [Y], le 5 février 2010, elle a été embauchée, le 8 février 2010, pour lui succéder alors que c'est le titre de responsable administratif et financier qui est mentionné sur son contrat de travail,

- elle a été toujours été considérée comme un directeur administratif et financier, avait une rémunération mensuelle équivalente à celle de M. [Y], la même position hiérarchique que lui et que le périmètre de sa fonction et ses attributions étaient celles d'un directeur administratif et financier mais qu'elle n'avait pas les mêmes conditions et avantages et ne disposait pas d'un véhicule de fonction contrairement à son prédécesseur.

La société réplique que :

- la distinction entre le poste de directeur administratif et de responsable administratif ne repose pas uniquement sur le contenu des tâches afférentes à ces deux emplois (encadrement des équipes, contenu des missions au sein de la direction financière... ) qui est en partie similaire qui justifie un niveau de classification identique, mais sur le niveau de compétence du collaborateur et son poids dans l'organisation de l'entreprise, que le directeur administratif et financier d'une société doit être capable d'avoir une vision stratégique et un niveau d'analyse témoignant d'une grande expérience dans la pratique des comptes, qu'il est également amené le plus souvent à siéger au comité de direction, voire à occuper la fonction numéro deux de l'organisation,

- la fusion des trois sociétés CMS, Arene et Delair CFD, fin 2012, a entraîné la création d'une société unique avec un chiffre d'affaires plus conséquent et qu'il était indispensable sur une entreprise de cette dimension, de recruter un directeur administratif et financier en la personne de M. [G] qui avait occupé pendant plusieurs années la fonction de responsable administratif et financier au sein de la société Sicra et disposait d'une expérience suffisante, que M. [Y] qui avait occupé le poste de responsable administratif et financier chez un précédent employeur en 2008, a pu être engagé en qualité de directeur administratif et financier par la société CMS en 2009, que M. [G] a été remplacé à son poste de responsable administratif et financier par M. [K] qui occupait le poste de contrôleur de gestion,

- Mme [X] dans ses dernières fonctions était chargée de mission et ne pouvait prétendre dans un premier temps qu'au poste de responsable administratif et financier qui lui a été proposé et qu'elle a expressément accepté par contrat de travail signé le 27 janvier 2010.

*****

Mme [X] a été engagée suivant contrat de travail signé le 27 janvier 2010, en qualité de responsable administratif et financier. Ses bulletins de salaire mentionnaient cet emploi. Les trois comptes rendus d'entretien annuel signés par elle en octobre 2012 font également référence à ces fonctions et elle a même précisé sur l'un d'entre eux : « aucun souci dans mon poste : à l'aise sur mon poste ».

Une nouvelle organisation est intervenue en mars 2012 lors de la fusion des trois sociétés CMS, Arene et Delair CFD, et M. [G] a été nommé, en novembre 2012, en qualité de directeur administratif et financier de la société Neom issue de cette fusion. Il résulte de la pièce 33 produite par la salariée, qu'il avait occupé les fonctions de responsable administratif et financier au sein de la société Sicra (Vinci construction France) de 2002 à 2012, et de la pièce 35 produite par la salariée qu'il a été remplacé par M. [K].

Par mail du 5 novembre 2012, M. [N] a confirmé à Mme [X] que sa fonction restait inchangée à la suite de la nomination de M. [G], en qualité de directeur administratif et financier.

Celle-ci ne peut utilement se prévaloir d'un tableau de synthèse des visas salariés mentionnant sa fonction de 'responsable DAF' ou du fait qu'elle aurait été qualifiée d''interlocuteur financier et administratif' par M. [N] auprès d'un membre d'un cabinet d'expertise des comptes ou d'avoir eu un salaire équivalent à celui du directeur administratif et financier alors qu'elle ne bénéficiait pas d'un véhicule de fonction.

Le choix d'un directeur administratif et financier relevait du pouvoir de décision de l'employeur . En outre, M. [G] avait occupé le poste de responsable financier pendant 10 ans au sein de la société Sicra, entreprise du groupe, alors que Mme [X] avait une expérience récente au sein de la société CMS, et que la société Néom avait une taille d'une plus grande ampleur à la suite de la fusion des trois sociétés CMS, Arene et Delair CFD.

L'appelante n'établit donc aucun élément laissant supposer l'existence d'une discrimination et sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre, d'indemnisation de perte de jouissance d'un véhicule de fonction et de ses trajets professionnels, étant observé que les locaux de la société CMS sont desservis par les transports en commun et que les notes de frais établies par Mme [X] pour ses déplacements professionnels avec son véhicule personnel, lui étaient remboursées.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [X] soutient qu'aucun véhicule de fonction ne lui a été attribué et qu'elle a été ainsi victime d'une inégalité de traitement ainsi que 'd'une régression' car le poste promis de directeur administratif et financier a été transformé en responsable administratif et financier alors qu'elle a remplacé M. [Y], directeur administratif et financier et qu'elle avait pourtant reçu les félicitations de sa hiérarchie à de nombreuses reprises.

Cependant, Mme [X] n'étaye ses allégations d'aucune pièce probante. Elle a été engagée en qualité de responsable administratif et financier, son contrat de travail ne prévoyant pas l'attribution d'un véhicule de fonction. Il ne résulte d'aucun élément que le poste de directeur administratif et financier lui avait été promis et qu'elle a été victime 'd'une stratégie d'éviction'. Elle avait un traitement d'un montant équivalent à celui d'un directeur administratif et financier et ne peut se plaindre d'une inégalité de traitement au motif qu'elle ne bénéficiait pas d'un véhicule de fonction, avantage réservé au seul directeur administratif et financier. M. [G] a remplacé M. [Y] et, à la suite de cette nomination, M. [N] a confirmé à Mme [X] que sa fonction restait inchangée et qu'aucune modification logistique n'était prévue. Celle-ci a au demeurant été placée en arrêt de travail pour maladie peu après la nomination de M. [G]. Par ailleurs, elle fait elle-même état des nombreuses félicitations de la part de la direction sur son travail ce qui contredit l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral.

Quant au certificat du médecin du travail, délivré un an et demi après le début des arrêts de travail de la salariée, il rapporte les déclarations de celle-ci, et l'évocation par lui d'un climat délétère dans l'entreprise présente un caractère général.

Mme [X] n'établit donc aucun fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement et sera déboutée de cette demande et de celle au titre d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé.

Sur les autres demandes

Compte tenu du rejet des demandes au titre d'une discrimination et d'un harcèlement moral, Mme [X] sera déboutée de ses demandes d'exécution de mauvaise foi du contrat de travail, de résiliation judiciaire, nullité du licenciement, perte de chance de retour à l'emploi et remise des documents sociaux.

Elle sera déboutée de sa demande d'indemnisation pour le manque à gagner sur le contrat de prévoyance, la cour ayant jugé que l'employeur n'était pas responsable de ses difficultés de santé.

Mme [X] réclame aussi une somme au titre d'un manque à gagner au titre de l'intéressement et la participation depuis trois ans de 2010 à 2012 (pour des versements l'année suivante).

Selon l'accord de participation en vigueur dans l'entreprise et des accords d'intéressement 2010'2011'2012 et 2013'2014'2015, « la répartition individuelle s'effectue en prenant pour base pour chaque salarié bénéficiant de l'intéressement le montant de son salaire brut annuel (....) Les salaires à prendre en compte au titre des périodes d'absence pour congés de maternité ou d'adoption et celles consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, sont ceux qu'aurait perçus le salarié s'il avait été présent. »

Mme [X] ayant été en arrêt pour maladie ne pouvait donc prétendre à une prime de participation et d'intéressement au titre des exercices 2013 et 2014.

Elle met en cause la pertinence du calcul de sa participation et de son intéressement de 2010 à 2012, et sollicite la production d'un rapport d'expert indépendant avec information du comité d'entreprise analysant les résultats du chantier. Cependant, le rapport Apex sur l'exercice 2013 de la société CMS n'a relevé aucune anomalie dans les comptes. Elle sera donc déboutée de cette demande.

Mme [X] sollicite le paiement d'une prime de 5000 € pour 2012 au motif qu'elle a déjà perçu une prime en 2010 et 2011.

La société réplique qu'il s'agissait d'une gratification dont le montant et les bénéficiaires sont fixés discrétionnairement par l'employeur.

La salariée a bénéficié au titre de 2010 d'une prime de 3000 €, et de 2011 d'une prime de 4000 €. Cependant, il ne résulte pas de ces deux versements dont les montants sont au demeurant différents que cette prime répondait aux critères de constance, fixité et généralité. La salariée sera déboutée de cette demande.

Les circonstances de la cause et l'équité ne justifient pas de faire application des dispositions de la 700 du code de procédure civile en faveur de la société.

Par ces motifs

La cour

Confirme le jugement déféré,

Déboute Mme [X] de toutes ses demandes et la société Néom sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [X] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 16/06586
Date de la décision : 07/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°16/06586 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-07;16.06586 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award