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07/02/2018 | FRANCE | N°16/04127

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 07 février 2018, 16/04127


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 07 Février 2018

(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/04127





Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 15/00361





APPELANTE



Madame [L] [A]

Elisant domicile au Cabinet BL & Associés

[Adresse 1]

[Localité 1]

co

mparante en personne, assistée de Me Aurore GUIDO, avocat au barreau de PARIS, toque : J095



INTIMEE



Société TSAF OTC

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Muriel KRAMER-ADLER, avocat...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 07 Février 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/04127

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 15/00361

APPELANTE

Madame [L] [A]

Elisant domicile au Cabinet BL & Associés

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Aurore GUIDO, avocat au barreau de PARIS, toque : J095

INTIMEE

Société TSAF OTC

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Muriel KRAMER-ADLER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0267

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Benoît HOLLEAUX, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Benoit HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de Président

Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée,

Mme Christine LETHIEC, conseillère

Greffier : Mme Aurélie VARGAS, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benoit HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de Président et par Madame Laurie TEIGELL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 12 novembre 2015 ayant :

-dit injustifiée la prise d'acte par Mme [L] [A] de la rupture de son contrat de travail devant produire les effets d'une démission

-condamné Mme [L] [A] à régler à la Sa TSAF OTC les sommes de :

77 806,08 € au titre du préavis (3 mois de salaires) et 7 780,60 € de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal partant du 9 juin 2010

80 000 € de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-débauchage, avec intérêts au taux légal à compter de son prononcé

700 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

-débouté la Sa TSAF OTC de ses autres demandes

-condamné reconventionnellement la Sa TSAF OTC à verser à Mme [L] [A] les sommes de 6 608,90 € de rappel de rémunération variable sur le second trimestre 2008, et 660,89 € d'incidence congés payés, avec intérêts au taux légal partant du 16 mai 2012

-rejeté le surplus des demandes reconventionnelles de Mme [L] [A]

-dit que chacune des parties supportera ses propres dépens ;

Vu la déclaration d'appel de Mme [L] [A] reçue au greffe de la cour le 18 mars 2016 ;

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 29 novembre 2017 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de Mme [L] [A] qui demande à la cour :

-de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions de condamnation au titre du rappel de rémunération variable sur le second trimestre 2008

-de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, dire justifiée sa prise d'acte de rupture de son contrat de travail devant produire les effets d'un licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, avec la condamnation de la Sa TSAF OTC à lui régler les sommes de :

60 831,60 € d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois de salaires) et 6 803,13 € d'incidence congés payés

207 757,97 € d'indemnité conventionnelle de licenciement

243 326 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse

-de lui donner que c'est par une précédente décision du 16 mai 2012 que le conseil de prud'hommes, suite à une radiation administrative du 17 février 2010, n'a pas retenu à son encontre une péremption d'instance, en sorte que ses demandes sont restées recevables

-d'assortir les sommes lui revenant des intérêts au taux légal partant de la saisine du conseil de prud'hommes, avec leur capitalisation

-de condamner la Sa TSAF OTC à lui payer la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 29 novembre 2017 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la Sa TSAF OTC qui demande à la cour :

-de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a sur le principe jugé injustifiée la prise d'acte par Mme [L] [A] de la rupture de son contrat de travail devant produire les effets d'une démission

-de l'infirmer sur le quantum au titre du préavis et, statuant à nouveau, condamner Mme [L] [A] à lui régler de ce chef une indemnité compensatrice de 99 206,58 €, et 9 920,65 € de congés payés afférents

-de l'infirmer tout autant sur le quantum indemnitaire pour violation par Mme [L] [A] de la clause de non-débauchage et, statuant à nouveau, porter sa condamnation à ce titre à la somme de 150 275 €

-de l'infirmer en ce qu'elle a rejeté sa réclamation indemnitaire en réparation d'un préjudice distinct résultant des agissements de concurrence déloyale commis par Mme [L] [A] qui sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de ce chef de 486 804 €

-de condamner Mme [L] [A] à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS :

Mme [L] [A] a été initialement recrutée en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ayant pris effet le 8 juillet 1991 par la société VIEL ET CIE pour y occuper les fonctions d'«Opératrice de Trésorerie dans le département des valeurs du Trésor», cette même société ayant fait l'acquisition à la fin de l'année 2000 des activités d'intermédiation financière de la société FINACOR que la salariée a intégrée à compter du 1er mars 2001.

Suite à une opération de fusion absorption de la société FINACOR par la Sa TSAF, cette dernière est devenue l'employeur de Mme [L] [A] à compter du 1er mai 2001, ayant pris ultérieurement la nouvelle dénomination TSAF OTC.

Les parties ont conclu un avenant le 9 mai 2005 réévaluant la rémunération de Mme [L] [A] pour sa partie fixe à 150 275 € bruts annuels prime d'ancienneté incluse, outre une prime d'expatriation de 20 000 € annuels, une part variable « dont l'assiette collective est égale à 35% de la production nette facturée et recouvrée de la branche d'activités parisienne obligations d'Etat long terme OAT exploitées sous l'enseigne commerciale Finacor », ainsi qu'une « gratification » ou « prime exceptionnelle » d'un montant annuel de 153 500 € sur les années 2006 à 2008.

Par une lettre du 1er juillet 2008, Mme [L] [A] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à son employeur une exécution déloyale de celui-ci (« Je constate aujourd'hui que mon investissement personnel n'est plus reconnu, qu'aucune perspective de carrière ne m'est donc permise et que mon état de santé se dégrade inéluctablement »).

Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, l'appelante percevait une rémunération en moyenne de 20 277,20 € hors prime exceptionnelle ou gratification, correspondant à un emploi d'opérateur, catégorie cadre, coefficient 450 de la convention collective nationale des sociétés financières.

Sur la rupture du contrat de travail :

Au soutien de sa prise d'acte de rupture du contrat de travail qui la liait à l'intimée, Mme [L] [A] invoque les griefs de discrimination en raison de son sexe, d'une part, et de manquement à l'obligation légale de sécurité, d'autre part.

*

Au titre de la discrimination prohibée à raison de son sexe, au visa des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, Mme [L] [A] fait état la concernant d'une absence de toute promotion professionnelle que seule la « misogynie » pratiquée au sein de l'entreprise peut expliquer, puisqu'elle est restée sur des fonctions d'opératrice de trésorerie durant 17 années consécutives d'activité tandis que dans le même temps, les salariés qu'elle formait dont en particulier M. [B], accédaient à des postes à responsabilités, et que de fait elle a été placée sous l'autorité de ce dernier nouvellement promu, ce que l'employeur conteste.

Contrairement à la lettre de licenciement qui fixe les limites du débat judiciaire, et malgré ce qu'indique l'intimée en page 19 de ses dernières écritures, le juge prud'homal n'est pas tenu par les termes de la lettre de prise d'acte, en ce qu'il est permis au salarié de développer à l'audience tout autre grief justifiant, selon lui, qu'il ait pris l'initiative de rompre son contrat de travail, grief(s) auquel (auxquels) il appartient ensuite à l'employeur de répondre contradictoirement.

Il est un fait que la salariée est restée sur un poste d'opératrice de trésorerie durant ses 17 années de collaboration au service de l'intimée, cela sans avoir pu bénéficier d'une promotion interne qui lui aurait permis dans le temps d'accéder légitimement à des responsabilités et fonctions de niveau supérieur, ce qui s'est notamment manifesté courant mars 2008 au travers de la nomination de M. [B] en tant que directeur du développement et co-directeur de l'activité « Govies » (obligations d'état), en dépit du fait que M. [K], alors directeur général exécutif et responsable de cette même activité, ait émis les plus extrêmes réserves sur ce choix dans son courriel du 11 mars (« Une nouvelle fois, une décision concernant la tables gouvies a été prise SANS CONCERTATION et accessoirement pendant mon absence. Cette décision uniquement motivée par une politique de clientélisme porte en elle les germes de la division. Elle assure à terme la politique d'éclatement et de destruction du desk govies de Paris. Pour toutes ces raisons, je ne peux m'associer, ni sur le fond ni sur la forme, à cette décision ») - pièce 7 de l'appelante -, cette réaction de M. [K] devant être replacée dans un contexte plus général qu'il expose avec précision dans une attestation et qui concerne directement la salariée (« J'ai proposé plusieurs fois depuis le 9 mai 2005, à ma direction, la nomination de Mme [L] [A] au poste de responsable des marchés Long Terme Obligataire et co-directrice des Govies. Promotion qu'elle méritait largement ' La nomination de M.T. [B] à la place de Mme [A], annoncée à mon insu, sans concertation et en mon absence a été une surprise, non seulement pour moi mais également pour tout le desk. Cette nomination a été un désaveu fort de mon action ' et a été perçue négativement par tous les membres de mes équipes et d'autant par Mme [A] qui perdait définitivement la possibilité de devenir responsable de l'activité qu'elle développait depuis 17 ans ») - son autre pièce 32.

M. [B], quoiqu'avec moins d'ancienneté puisque son recrutement remonte au mois d'octobre 2005, est de fait devenu le responsable hiérarchique de l'appelante en sa qualité de co-directeur de l'activité « Govies » spécialisée dans les obligations d'état à court (BTF), moyen (BTAN) et long terme (OAT), ainsi que celles indexées sur l'inflation.

Ce climat interne peu propice au développement des carrières féminines est encore confirmé par le témoignage d'un autre salarié de l'entreprise, affecté à l'activité « Govies » de 1989 à 2008, en la personne de M. [F], et qui met l'accent sur une certaine « misogynie » dont a été notamment victime Mme [L] [A] - sa pièce 45.

Il en ressort que Mme [L] [A], comme le lui impose l'article L. 1134-1, alinéa 1er, du code du travail, présente des éléments de fait laissant supposer à son l'égard l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à raison de son sexe.

Au vu de ces mêmes éléments, force est de constater que l'employeur ne prouve pas que sa décision vis-à-vis de Mme [L] [A] est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, dès lors qu'il se limite à faire état de « critiques fantaisistes » de la part de cette dernière qui durant ses 17 années de présence aux effectifs, affirme-t-il, a « bénéficié des conditions d'emploi les plus favorables », tout en déclarant contrairement aux pièces adverses produites - 7 et 32 précitées - que « la promotion de Monsieur [B] a été décidée conjointement avec Monsieur [K] », et en prétendant que l'appelante n'était affectée que sur les obligations d'état à long terme (OAT) alors que M. [B] se serait vu exclusivement confier les obligations d'état à moyen terme (BTAN), ce qui ne ressort de manière précise d'aucune pièce sous la forme par exemple d'un organigramme, et ce qui en toute hypothèse reste inopérant puisque les nouvelles responsabilités de M. [B] en tant que co-directeur de l'activité « Govies » couvraient nécessairement toutes les formes d'obligations d'état gérées par l'entreprise.

Pour l'ensemble de ces raisons, il est permis de considérer que Mme [L] [A] a bien été victime de la part de l'employeur d'une discrimination prohibée en lien avec son sexe au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail, et que donc ce premier grief est caractérisé.

*

Au surplus, force est de relever que l'employeur, contrairement aux prescriptions de l'article R. 4624-16 du code du travail, soumet à la cour trop peu d'éléments sur l'organisation effective et dans la durée au sein de l'entreprise d'examens médicaux périodiques par l'intermédiaire des services de la médecine du travail dont il dépend, ces examens concourant à la protection de la santé et de la sécurité des salariés placés sous son autorité, dès lors en effet qu'il ne produit de documents traitant de cette question en interne que sur les seules années 2006/2007, soit peu de temps avant la rupture du contrat de travail à l'initiative de Mme [L] [A] et qui est intervenue en juillet 2008 - ses pièces 59 à 62.

Ce deuxième grief invoqué par l'appelante est ainsi tout autant établi.

*

Ces mêmes deux griefs présentent une gravité suffisante ayant de fait rendu impossible la poursuite entre les parties de l'exécution du contrat de travail.

Il convient en conséquence, après infirmation du jugement critiqué en toutes ses dispositions sur ce point, de dire justifiée la prise d'acte par Mme [L] [A] de la rupture de son contrat de travail et, comme telle, devant produire les effets indemnitaires d'un licenciement nul.

La Sa TSAF OTC sera en conséquence condamnée à régler à l'appelante :

-60 831,60 € (20 277,20 € x 3) à titre d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis équivalant à trois mois de salaires, et 6 083,13 € d'incidence congés payés

-207 757,97 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,

lesdites sommes avec intérêts au taux légal partant du 15 mai 2012, date de la première audience de bureau de jugement au cours de laquelle les demandes afférentes ont été régulièrement soutenues par la salariée ;

-243 000 € de dommages-intérêts pour licenciement nul représentant l'équivalent de 12 mois de salaires compte tenu de son âge (42 ans) et de son ancienneté dans l'entreprise (17 années) lors de la rupture, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur le rappel de rémunération variable au titre du second trimestre 2008 :

Contrairement à ce que soutient l'employeur, et comme le rappelle à bon droit Mme [L] [A], en application de l'article 6.2 de l'avenant du 9 mai 2005 à son contrat de travail, dès lors qu'elle a exécuté normalement sa prestation sur la période avril/juin 2008 au vu de ses bulletins de paie et de son certificat de travail - ses pièces 2.10 à 2.13, et 10.1 -, et compte tenu par ailleurs des indications chiffrées données par la Sa TSAF OTC - ses propres pièces 14 et 16 -, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle l'a condamnée à régler à l'appelante la somme à ce titre de 6 608,90 € (37 679 € de montant de l'enveloppe de rémunération variable sur le second trimestre 2008 x 17,54% correspondant à la contribution directe de la salariée, ou 37 679 € x 17,54/100), et 660,89 € d'incidence congés payés, avec intérêts au taux légal partant du 15 mai 2012.

Sur les demandes de dommages-intérêts de la Sa TSAF OTC pour violation de la clause de non-débauchage, et actes de concurrence déloyale :

1/ La clause de non-débauchage.

Ladite clause est expressément prévue dans l'avenant précité du 9 mai 2005 au contrat de travail initial conclu entre les parties, en ces termes : « Pour une durée de un an après la résiliation du contrat de travail, pour quelque motif que ce soit, Madame [A] s'engage expressément à ne pas débaucher, ni favoriser le départ, directement ni indirectement, pour son compte ou pour le compte d'un tiers, des collaborateurs de la société ou du groupe tradition. Le non-respect de cette clause sera sanctionné par le versement d'une pénalité dont le montant sera équivalent au dernier salaire fixe annuel brut ».

Contrairement à ce qu'affirme l'intimée, et comme le fait observer non sans pertinence Mme [L] [A], au vu des pièces produites devant la cour, il ressort qu'elle n'a finalement pas donné suite à la proposition de contrat de travail du 10 juin 2008 émanant de la société HPC intégrée au groupe concurrent HPC/OTCex, que ne peuvent lui être reprochés de manière directe ou indirecte les actes imputables exclusivement à M. [K] au titre de la violation de la clause contractuelle de non-débauchage qui le liait à l'intimée suite à son rapprochement avec la société concurrente KEPLER CAPITAL MARKETS, que les témoignages établis par ses anciens collègues de travail - Messieurs [J] et [F] - confirment une très nette dégradation en interne de la situation les ayant conduits à se repositionner par eux-mêmes sur le marché de la finance sans qu'elle soit intervenue à quelque titre que ce soit, et qu'un autre ancien salarié de la Sa TSAF OTC, en la personne de M. [O], a intégré la société KEPLER CAPITAL MARKETS à compter du 18 mai 2010 sans intervention démontrée de sa part, largement au-delà du délai d'un an, tel que prévu dans la clause précitée, ayant couru à compter de sa prise d'acte du 1er juillet 2008.

En l'absence d'actes de débauchage actif commis par l'appelante, dans le délai d'un an à compter du 1er juillet 2008, après infirmation du jugement entrepris, la Sa TSAF OTC sera déboutée de sa demande de ce chef.

2/ La concurrence déloyale.

En conclusion de ses dernières écritures en pages 10 à 18 , l'intimée considère qu'« en quittant brutalement TSAF OTC et entrainant 4 autres collaborateurs de son département pour exploiter la clientèle qu'elle y avait développé, Madame [L] [A] a procuré à KCM un avantage anormal, provoqué corrélativement une désorganisation de TSAF OTC, et par voie de conséquence un préjudice matériellement vérifiable notamment à l'analyse des résultats du pôle d'activité OAT, dont cette dernière est fondée à requérir indemnisation », cela à hauteur de la somme de 486 804 € à titre de dommages-intérêts.

Il a été précédemment jugé qu'était justifiée la prise d'acte par Mme [L] [A] de la rupture de son contrat de travail devant produire les effets d'un licenciement nul, et que n'était démontré de sa part aucun débauchage actif de collègues de travail de la Sa TSAF OTC pour rejoindre la concurrence sur ce segment d'activité en violation de la clause contractuelle de non-débauchage.

Si, au plan procédural, la présente action indemnitaire pour concurrence déloyale à l'initiative de la Sa TSAF OTC contre Mme [L] [A] n'a ni le même objet ni la même cause ni les mêmes parties que celle ayant déjà opposé devant le tribunal de commerce de Paris la Sa TSAF OTC à la Sa KEPLER CAPITAL MARKETS et à la société anonyme de droit suisse sous la même dénomination, il est permis toutefois de se reporter au jugement consulaire du 2 Juillet 2013 qui, pour débouter la Sa TSAF OTC de l'ensemble de ses demandes, a retenu la motivation suivante des plus explicite : « Attendu que TSAF réclame la somme de 2 423,840 € à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble commercial généré par les actes de concurrence déloyale commis par les sociétés défenderesses ; Mais attendu que la demanderesse succombe à démontrer les fautes qu'elle impute a KEPLER et toute corrélation avec la baisse de chiffre d'affaires qu'elle allègue alors qu'il est démontré que la société TSAF souffre de profonds problèmes d'organisation et de compétitivité d'où le départ volontaire de nombre de ses personnels».

S'agissant d'une action en concurrence déloyale engagée par la Sa TSAF OTC contre Mme [L] [A], son ancienne salariée, sur une période postérieure à la rupture du contrat de travail intervenue le 1er juillet 2008, force est de relever qu'en l'espèce l'intimée est dans l'incapacité d'établir la matérialité d'actes fautifs commis par cette dernière pour répondre précisément à cette même qualification juridique.

Ajoutant à la décision querellée qui n'a pas répondu sur ce chef de demande bien qu'elle en était valablement saisie, la cour, pour l'ensemble de ces raisons, rejettera la réclamation de la Sa TSAF OTC à ce titre (486 804 €).

Sur les autres demandes :

En application de l'article 1343-2 du code civil, tel qu'issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il sera ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal sur les sommes ainsi allouées à Mme [L] [A].

L'intimée sera condamnée en équité à payer à Mme [L] [A] la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR

VU le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 15 mai 2012 ayant rejeté les exceptions d'irrecevabilité de la Sa TSAF OTC pour cause d'unicité et de péremption d'instance en déclarant Mme [L] [A] recevable en ses demandes reconventionnelles, et l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 février 2014 ayant déclaré irrecevable l'appel interjeté par la Sa TSAF OTC ;

CONFIRME le jugement déféré du 12 novembre 2015 seulement en ses dispositions de condamnation de la Sa TSAF OTC au titre du rappel de rémunération variable sur le second trimestre 2008 ;

L'INFIRME pour le surplus et STATUANT à nouveau,

DIT et JUGE justifiée la prise d'acte par Mme [L] [A] de la rupture de son contrat de travail devant produire les effets d'un licenciement nul, en conséquence, CONDAMNE la Sa TSAF OTC à lui régler les sommes de :

60 831,60 € à titre d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis, et 6 083,13 € d'incidence congés payés

207 757,97 € d'indemnité conventionnelle de licenciement

avec intérêts au taux légal partant du 15 mai 2012

243 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt

DEBOUTE la Sa TSAF OTC de sa demande de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-débauchage ;

Y AJOUTANT,

DEBOUTE la Sa TSAF OTC de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale

ORDONNE la capitalisation des intérêts au taux légal sur les sommes allouées à Mme [L] [A] dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil

CONDAMNE la Sa TSAF OTC à payer à Mme [L] [A] la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Sa TSAF OTC aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 16/04127
Date de la décision : 07/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°16/04127 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-07;16.04127 ?
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