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07/02/2018 | FRANCE | N°16/04120

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 07 février 2018, 16/04120


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 07 Février 2018



(n° , 05 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/04120



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/05716





APPELANTE

Madame [N] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 1]

co

mparante en personne,

assistée de Me Grégoire HERVET, avocat au barreau de PARIS, toque : R235







INTIMEE

Société mutualiste SOLIDARITE MUTUALISTE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 78...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 07 Février 2018

(n° , 05 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/04120

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/05716

APPELANTE

Madame [N] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 1]

comparante en personne,

assistée de Me Grégoire HERVET, avocat au barreau de PARIS, toque : R235

INTIMEE

Société mutualiste SOLIDARITE MUTUALISTE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 784 442 923 00123

représentée par Me Frédéric GRAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1051

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Véronique PAMS-TATU, Président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 03 juillet 2017

Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique PAMS-TATU, président de chambre et par Madame Valérie LETOURNEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [K] a été engagée par la Mutuelle inter-entreprise du personnel de la caisse Régionale d'assurance maladie d'Ile de France et des organismes de sécurité sociale, selon contrat à durée déterminée pour la période du 19 février au 18 août 2009, en qualité de décompteuse de prestation, classe E2. Son contrat a été renouvelé jusqu'à fin 2009. Le 1er janvier 2010, elle a été embauchée, suivant contrat à durée indéterminée, en qualité de gestionnaire clientèle, catégorie E2, par la Solidarité mutualiste, à la suite de sa fusion avec la mutuelle interentreprise.

Madame [K] a été élue déléguée du personnel le 10 mai 2012, son mandat courant jusqu'en mai 2016.

Le 18 juin 2013, a été signé par la CGT et la direction de l'entreprise un accord de départ volontaire pour les salariés ne souhaitant pas signer l'avenant à leur contrat de travail en raison de difficultés économiques.

Le 11 juillet 2013, Mme [K] a écrit à son employeur : « Je fais suite à la réception de l'avenant de mon contrat de travail remis le 20 juin 2013, motivé par les difficultés économiques rencontrées par l'entreprise. Au regard des difficultés actuelles traversées et suite à notre entretien du 4 juillet 2013 au cours duquel je vous ai indiqué ne pas vouloir rester au poste actuel et résultant sur une proposition de poste au service informatique, je vous fais part de mon acceptation. Je retourne par courrier séparé, à ce jour, l'avenant signé de mon contrat de travail qui prend effet au 1er septembre 2013. » Mme [K] ainsi été affectée au service informatique.

Par lettre du 10 février 2014, elle a interpellé son employeur, en qualité de déléguée du personnel titulaire, et l'a informé de la mise en 'uvre de son droit d'alerte sur les conditions de travail et appelé également son attention, en qualité de salariée, sur son contrat de travail et ses fiches de paye en invoquant':

-une surcharge de travail,

-une absence de formation pour l'adaptation au poste de travail aux services gestion et informatique

-un climat social dégradé.

Copie de cette lettre était adressée à l'inspection du travail.

Mme [K] a été en arrêt pour maladie du 12 février 2014 au 1er octobre 2014.

Par lettre du 24 mars 2014, elle a proposé à son employeur une rupture conventionnelle aux mêmes conditions que celles qui avaient présidé aux départs volontaires de 2013, ce qui lui a été refusé.

Elle a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 23 avril 2014 afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail, puis, le 23 janvier 2015, pris acte de la rupture.

Par jugement du 26 février 2016, le conseil de prud'hommes l'a déboutée de ses demandes.

Le 18 mars 2016, elle a interjeté appel et demande de voir':

- infirmer le jugement,

- juger que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul car prononcé en violation de son statut protecteur,

société,

- condamner la société Mutualiste à lui verser les sommes suivantes :

- 27.576 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 6.894 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 684,40 € bruts à titre de congés payés y afférents

- 6.894 € à titre d'indemnité légale de licenciement

- 48.258 € à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur

- 27.576 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat

- 2.368,5 € bruts à titre d'heures supplémentaires

- 234,8 € bruts à titre de congés payés y afférents

- 3.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Mutualiste demande de voir confirmer le jugement et débouter la salariée de ses demandes.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS'

Sur la prise d'acte de la rupture

À l'appui de sa demande de prise d'acte de la rupture, Mme [K] invoque les griefs suivants':

'absence de formation sur son nouveau poste à compter d'août 2013,

'prise progressive de quatre postes de travail différents au sein du service informatique de la Solidarité mutualiste, sans davantage de formation,

'mise en danger de sa santé et de sa sécurité par l'accomplissement de quatre types de fonctions distinctes, sans formation et sans soutien,

'acharnement de l'employeur à la maintenir dans un état de dépendance à son égard et déni de ce dernier à assumer la situation,

'continuité dans l'acharnement de son employeur à son égard.

Mme [K] développe le dernier grief en faisant valoir qu'elle a dû reprendre son travail au sein de la Solidarité mutualiste à compter du 1er octobre 2014, en intégrant le service gestion en qualité de gestionnaire et non dans un poste de technicien informatique alors qu'elle avait déjà été affectée à ce poste et qu'elle l'avait expressément refusé par lettre du 24 avril 2014, que ce changement de ses conditions de travail lui avait été imposé sans être accompagné d'un avenant ni d'une formation.

La lettre du 24 avril 2014 était ainsi libellée : « Par notification du 23 avril 2014, vous avez souhaité modifier mon poste de travail. Cet événement est survenu une heure après la réception par vos soins du courrier en recommandé de mon avocat qui vous précise saisir les prud'hommes pour une demande de résiliation judiciaire de mon contrat de travail.

Je vous ai alors fait savoir en la présence du directeur général, mon refus à signer la notification présentée le jour-même.

Cependant, vous avez maintenu votre décision de m'intégrer au service gestion.

Vu l'ordre chronologique des événements étant donné que j'ai déclenché un droit d'alerte le 10 février 2014, je ne peux subir cette modification de mon contrat de travail que j'estime non seulement être une sanction (rétrogradation) mais également une ultime démonstration de votre acharnement à mon encontre.

En effet, le poste de gestionnaire que vous me demandez d'intégrer ne comporte pas les mêmes fonctions, qualifications et responsabilités que mon poste actuel, technicienne d'exploitation.

De plus, vous m'avez obligée et forcée à intégrer ce poste malgré mon refus et rendu cette décision officielle puisque vous m'avez également convoquée en qualité de déléguée du personnel afin de faire connaître la nouvelle structure interne à l'ensemble des salariés le jour-même.

Je vous fais savoir que j'adresse également à ce jour, une copie du présent courrier à l'inspection du travail ».

L'employeur soutient que Mme [K] était gestionnaire de clientèle depuis le 1er janvier 2010, qu'il peut modifier les conditions de travail des salariés dès lors que la tâche correspond à leur qualification, que le changement d'affectation de Mme [K] ne pouvait constituer un manquement grave, et que l'externalisation des tâches du service informatique justifiait la réintégration de la salariée au service gestion.

Cependant, Mme [K] invoquait sa qualification de technicienne d'exploitation - figurant sur ses bulletins de paye - et, en tout état de cause, compte tenu de son statut de salariée protégée, ne pouvait se voir imposer une modification de ses conditions de travail sans l'autorisation de l'inspecteur du travail.

Il s'ensuit qu'en modifiant, à tout le moins, les conditions de travail de celle-ci sans autorisation administrative, la société a commis un manquement suffisamment grave de sorte que la prise d'acte de la rupture doit être requalifiée en licenciement nul.

Il convient de faire droit aux demandes de la salariée à titre d'indemnités':

- de préavis et congés payés afférents,

pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour évaluant le préjudice de la salariée, eu égard à son ancienneté (six ans), sa rémunération (2298 €) et aux circonstances de la rupture à 14'000 €,

- pour violation du statut protecteur. Sur ce dernier point, Mme [K] a pris acte de la rupture le 23 janvier 2015, son mandat expirait en mai 2016 et elle bénéficiait du statut de salariée protégée jusqu'en novembre 2016. Il convient de lui allouer la somme qu'elle réclame correspondant à 21 mois de salaire.

Sur l'obligation de sécurité de résultat

Par lettre du 10 février 2014, la salariée a interpelé l'employeur notamment sur une surcharge de travail, une absence de formation, et un climat social dégradé en exerçant également son droit d'alerte.

Celui-ci lui a répondu le 15 février 2004 qu'il diligentait une enquête qu'il s'abstient au demeurant de produire. Il ne conclut pas non plus sur ce chef de demande.

La salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie du 12 février au 1er octobre 2014.

L'employeur a ainsi manqué à son obligation de sécurité de résultat. Il sera accordé à celle-ci une somme de 1500 € à ce titre.

Sur les heures supplémentaires

Il résulte de l'article L.'3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, et que si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Mme [K] étaye sa demande en produisant les relevés du badgeage faisant apparaître l'exécution de 110 heures supplémentaires.

L'employeur réplique qu'il ne lui a jamais demandé d'effectuer des heures supplémentaires, et se prévaut de la lettre de la salariée du 10 février 2014 indiquant : « Ce n'est pas sans rappeler toutes les heures supplémentaires que j'ai dû effectuer, certes sans demande directe de la direction, mais par conscience professionnelle, qui sont consultables sur le logiciel d'enregistrement des horaires ».

Cependant, la salariée a exécuté des heures supplémentaires avec au moins l'accord implicite de l'employeur qui lui donnait une charge de travail inappropriée à son temps de travail, et qui avait en outre accès aux relevés du badgage.

Il sera donc fait droit à la demande de la salariée.

Il est équitable de lui accorder une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré,

Dit que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement nul,

Condamne la société Solidarité mutualiste à payer à Mme [K] les sommes de':

- 14'000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 6.894 € bruts à titre d'indemnité compensatrices de préavis

- 684,40 € bruts à titre de congés payés y afférents

- 6.894 € à titre d'indemnité légale de licenciement

- 48.258 € à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur

- 1500 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat

- 2.368,5 € bruts au titre des heures supplémentaires

- 234,8 € bruts à titre de congés payés y afférents

- 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Condamne la société Solidarité mutualiste aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 16/04120
Date de la décision : 07/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°16/04120 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-07;16.04120 ?
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