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07/02/2018 | FRANCE | N°16/02162

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 07 février 2018, 16/02162


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 07 Février 2018

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/02162



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Janvier 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 13/04468





APPELANT



Monsieur [B] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



comparant en personne, assisté de

Me Nadia TIAR, avocat au barreau de PARIS, toque : G0513





INTIMEE



Association POLE EMPLOI

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Denis PELLETIER, avocat au barreau de PARIS, toque ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 07 Février 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/02162

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Janvier 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 13/04468

APPELANT

Monsieur [B] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Nadia TIAR, avocat au barreau de PARIS, toque : G0513

INTIMEE

Association POLE EMPLOI

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Denis PELLETIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R006

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Décembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Président de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, Vice Président placé faisant fonction de Conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 03 juillet 2017

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Président de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES MOTIFS

Monsieur [B] [C] a été engagé le 11 décembre 1994 par l'ANPE en qualité de directeur de l'agence de [Localité 1].

A la suite de la fusion de l'Agence Nationale pour l'Emploi (ANPE) et du régime d'assurance chômage, l'article 7 de la loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi prévoyait que les agents contractuels de droit public de l'ANPE pouvait opter pour un statut de droit privé.

Monsieur [C] a opté pour le statut de droit privé et a signé le 18 janvier 2012 un contrat d'agent contractuel de droit privé avec l'association pôle emploi à effet au 1er novembre 2011, en qualité d'ingénieur moyens réseaux et téléphonie, statut cadre coefficient 325, échelon 1 dans l'emploi générique « professionnel hautement qualifié de la fonction informatique ».

La convention collective applicable est celle du personnel de pôle emploi. L'association Pôle Emploi compte plus de dix salariés.

Monsieur [C] est délégué du personnel et a été élu au CHSCT depuis le mois de décembre 2012. Il est également représentant syndical au comité d'entreprise.

Estimant ne pas avoir obtenu le déroulement de carrière auquel il pouvait prétendre et invoquant une inégalité de traitement et une discrimination syndicale, Monsieur [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 6 janvier 2016, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Monsieur [C] a interjeté appel de cette décision, demande à la cour de l'infirmer et,

* à titre principal :

- de constater que depuis mars 2016, l'association Pôle Emploi lui fournit à nouveau du travail en qualité d'architecte technique,

- d'ordonner à l'association Pôle Emploi la remise d'une avenant mentionnant cet emploi d'architecte technique, relevant de l'emploi générique « professionnel hautement qualifié » au coefficient 450,

- de fixer son salaire mensuel de base hors ancienneté à la somme de 450*7,83 (valeur du point) soit 3.523,50 euros + partie fixe 303 euros = 3.826,50 euros,

- de condamner l'employeur à lui payer la somme de 89.000 euros au titre du préjudice économique résultant de l'inégalité de traitement et de la discrimination, outre 15.000 euros au titre des préjudices moraux et professionnels en ayant résulté,

* à titre subsidiaire :

- de dire et juger qu'il aurait dû être positionné au coefficient 350 depuis le 1er novembre 2014 par application de la convention collective,

- de constater que depuis mars 2016, il exerce les fonctions d'architecte technique,

- d'ordonner à l'employeur de le positionner par avenant sur cet emploi relevant de l'emploi générique « professionnel confirmé » au coefficient 350,

- de fixer son salaire mensuel de base hors ancienneté à la somme de 350*7,83 soit 2.740,50 euros + partie fixe 303 euros = 3.043,50 euros,

- de lui allouer un rappel de salaire sur cette base soit 6.941,52 euros outre les congés afférents et 1.527,13 euros au titre de l'incidence ancienneté 22%,

en toute hypothèse :

- de lui fournir un emploi fixe et non temporaire dans l'emploi exercé selon le coefficient revendiqué,

- d'ordonner à l'employeur de répondre par écrit à sa demande d'explication sur l'absence d'évolution de carrière conformément aux dispositions de l'article 20.4 de la convention collective,

- de condamner l'employeur à lui payer la somme de 6.000 euros en réparation des préjudices résultant de la violation de la convention collective, de la privation de travail jusqu'en 2016 et de l'exécution fautive du contrat de travail,

- d'assortir chacune de ces injonctions d'une astreinte de 100 euros par jour à compter du prononcé de la décision et se réserver la liquidation de l'astreinte,

- de lui allouer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts.

L'association Pôle Emploi demande à la cour de confirmer le jugement déféré, de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes et de le condamner aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur le harcèlement moral

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, doit assurer la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et notamment prévenir les faits de harcèlement moral.

Dès lors que de tels faits sont avérés, la responsabilité de l'employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés.

Selon les dispositions de l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L1152-2 dispose qu'aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Enfin, l'article L1154-1 prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Monsieur [C] invoque les faits suivants :

- il a été soumis dès 2009 au dispositif Trajectoires qui lui était proposé sur une période de deux ans dont le terme était fixé à mars 2011. A l'issue de ce dispositif, il a opté pour le statut de droit privé et ce dispositif Trajectoires n'a pas été validé, sans que la direction ne lui fournisse aucun motif pour expliquer le ralentissement de son évolution de carrière. Ainsi il stagne au coefficient 325 depuis 2011.

- il a postulé sur 11 postes qui lui ont été systématiquement refusés, sans aucune explication de son employeur,

- il a accepté de se soumettre à des formations dites « lourdes » pour être autorisé à postuler sur un poste d'architecte informatique sans effet et sans qu'aucune réponse ne soit apportée à ses demandes,

- depuis son intégration au service de pôle emploi il est privé de travail ce qui constitue une réelle « mise au placard »,

il n'est pas évalué sur la base d'un travail effectif ce qui lui retire toute chance d'acquérir des compétences ou d'évoluer professionnellement.

Pour étayer ses affirmations, Monsieur [C] produit notamment :

- ses candidatures aux postes d'architecte, de responsable de département innovation et architecture technique, mentionnant un avis favorable de sa hiérarchie (novembre 2009, juin 2010, décembre 2010),

- une attestation de Monsieur [G] [Z], son ancien responsable, indiquant « En 2009, j'ai eu l'opportunité de proposer [B] pour une promotion, mais la hiérarchie ex-UNEDIC par l'intermédiaire de Monsieur [L] a tout mis en 'uvre pour refuser prétextant que [B] n'avait pas les compétences, qu'il avait un problème de communication malgré tout ce qu'il avait fait et tous ses diplômes. Et depuis, Monsieur [L] a décidé unilatéralement de lui retirer ce projet, de l'écarter, de l'isoler et de le laisser sans activité réelle au sein de la DSI. [B] subit cette discrimination, a subi des entretiens avec des cabinets extérieurs qui ont montré ses compétences, a suivi des formations. Malgré cela il est toujours considéré comme une brebis galeuse, mis de côté. »,

- une attestation de Monsieur [K] [T], collègue, indiquant « Ayant été dans le même département IRT de 2008 à 2012 et aujourd'hui dans la même direction AIT que Monsieur [C], j'ai entendu de la part de collègues proches et dans différentes réunions qu'il n'avait plus de projet à traiter car la direction et notamment Monsieur [L] l'en avait exclu »,

- une attestation de Monsieur [V] [Y], collègue, indiquant « Moi-même travaillant à proximité de [B] et participant au déploiement du projet, j'ai constaté son dessaisissement progressif de ce projet, dessaisissement à l'initiative de la direction. (') son activité sur ce projet diminuant, aucune proposition sur un autre chantier ne lui a été proposée. Depuis, il essaie tant bien que mal, de trouver une activité s'investir sur le volet de la représentation du personnel et sur des points n'ayant aucun rapport avec ses compétences techniques internes Pôle Emploi. »

- plusieurs attestations de collègues de travail indiquant que « Monsieur [C] est en sousactivité depuis maintenant plusieurs mois ».

Monsieur [C] établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

En défense, l'association Pôle Emploi fait valoir qu'elle a, à plusieurs reprises, indiqué au salarié les raisons pour lesquelles elle ne pouvait valider sa « trajectoire » et en conséquence son évolution de carrière. Elle explique que ces raisons sont liées à des lacunes en matière de communication, de vision stratégique, d'aptitude à l'encadrement et même techniques et qu'elles ont été confirmées par deux experts extérieurs, le cabinet de consultant KPI et la CIBC.

Elle estime que sa classification est conforme aux fonctions qu'il exerce et qu'elle lui a toujours fourni du travail à concurrence de son temps de travail, étant précisé qu'en qualité de représentant du personnel, il bénéficie d'un crédit mensuel de 20 heures, outre d'une journée de réunion et d'une journée et demie de préparation et de bilan de la réunion pour chacun de ses trois mandats, soit au total de seize jours par mois.

Elle constate qu'en janvier 2012, Monsieur [C] a refusé une mission de suivi d'un projet et qu'à plusieurs reprises il a indiqué être très occupé.

A l'appui de ses explications, l'association Pôle Emploi verse notamment aux débats :

- un courrier daté du 24 mars 2009, dans lequel il est expliqué au salarié « Votre souhait d'évolution a été étudié en comité de direction. Sur la proposition de Monsieur [Z],(...) nous avons proposé de vous évaluer dans le cadre du dispositif Trajectoires. A l'issue de cette évaluation et après échanges sur les éléments apportés, je vous informe que nous avons pris la décision de vous permettre d'accéder à moyen terme à un poste à l'encadrement supérieur. Au préalable, il nous paraît nécessaire de compléter votre expérience par un parcours de développement qui vous permette de travailler sur les points suivants : le management d'une équipe ('), l'analyse de situation ('), votre projet professionnel afin d'élargir vos possibilités d'évolution. Ce parcours de deux ans environ est à construire avec votre responsable et en lien avec la responsable RH. »,

- un email de Monsieur [A] daté du 30 novembre 2010 indiquant « Suite à notre entretien du 17 novembre, je te confirme les conclusions partagées avec [U] [D], conseiller carrière interrégional. Tu as encore des progrès à réaliser sur les axes pointés lors de l'évaluation Trajectoires de 2009. Pour ce faire nous te proposons de prolonger ton parcours d'un an au cours duquel des actions d'accompagnement pourront être mises en 'uvre »,

- un courrier de la direction daté du 24 janvier 2011 prolongeant le parcours Trajectoires et précisant les points à travailler « la qualité de la relation, le travail en transversalité »,

le bilan de fin de parcours Trajectoires réalisé le 22 mars 2011 concluant à « un avis défavorable pour une validation de potentiel de cadre supérieur. (') Il n'a pour autant pas prouvé, au cours de cet entretien, avoir développé le potentiel attendu d'un cadre supérieur en matière de communication ni de vision stratégique. Son projet de cadre supérieur n'est par ailleurs pas construit : il attend surtout de cette évaluation de fin de parcours une reconnaissance de son investissement dans son activité professionnelle, il se projette plutôt dans une continuité d'expertise en tant que chef de projet à la DGA ou membre d'une direction métier que dans une fonction de manager supérieur. »,

- le bilan de compétence réalisé par le CIBC indiquant comme point de vigilance « en ce qui concerne les aptitudes managériales, Monsieur [C] pourrait éprouver des difficultés à s'investir dans des tâches récurrentes à dominantes administrative et organisationnelle. Compte tenu de son enthousiasme, de son implication et de son engagement dans l'action, Monsieur [C] pourrait se montrer trop intrépide et direct, et ainsi déstabiliser ses interlocuteurs »,

- un mail du salarié daté du 2 août 2012 dans lequel il indique « Je rappelle que je travaille à temps partiel pour une quotité de 90% sur 4 jours, soit un 80% (4 jours semaine, la demi journée restante est posée en congés). (') Pour mes charges : vidéoconférence en passe d'être reléguée à IRT mais pour le moment c'est 50% de mon temps, démonstrateur communication unifiée environ 1 journée par semaine soit 25% de mon temps, dossier de réflexion sur le désengagement Media Gateway et suppression des fax environ 1 journée par semaine soit 25% de mon temps. Au total je suis occupé à 100%. »,

- son affectation au chantier « Visio au poste de travail dans le contexte de l'existant pôle emploi » entre février et juin 2013,

- son affectation au chantier Oracle Entreprise Manager en décembre 2013,

- un mail du salarié du 13 février 2014 dans lequel il écrit « Je vais essayer de synthétiser pour la suite. Mais là j'ai un peu la tête dans le guidon. Et j'essaie de faire face à plusieurs fers au feu (CIBC, IRP, TGI, MEV ') Pas de problèmes de charges mais juste un peu d'élasticité intellectuelle. »,

- le planning de travail du salarié entre décembre 2013 fin 2014,

- un email du salarié envoyé le 2 juillet 2013 dans lequel il écrit « Très occupé et sans doute mal organisé ».

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que l'association Pôle Emploi démontre que les faits matériellement établis par Monsieur [C] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En effet, il apparaît que le salarié ne disposait pas des compétences suffisantes pour exercer les fonctions de cadre supérieur auxquelles il prétendait. La cour souligne que ce constat était partagé par plusieurs personnes, notamment le service RH, et pas uniquement Monsieur [L] à qui il ne peut donc reprocher d'avoir cherché à bloquer la carrière de Monsieur [C].

Le salarié n'ayant pas obtenu les fonctions auxquelles il prétendait, son coefficient et son salaire ne pouvaient donc pas augmenter.

S'agissant enfin de sa charge de travail, la cour observe que si le salarié produit des attestations de collègues faisant état de sa sous activité, il ressort des pièces versées par l'employeur et notamment de ses propres emails, qu'il était occupé et que plusieurs projets lui ont été confiés par l'association Pôle Emploi, permettant une activité professionnelle suffisante au regard des décharges dont il bénéficie du fait de ses mandats électifs.

Aucun fait de harcèlement moral ne peut donc être reproché à l'association Pôle Emploi les demandes indemnitaires du salarié seront rejetées et le jugement confirmé sur ce point.

Sur la discrimination syndicale

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2088-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales ou mutualistes.

L'article L. 2141-5 du code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

L'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et le juge forme sa conviction après avoir ordonné toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [C] invoque son absence d'évolution de carrière.

Il a été précédemment constaté que l'absence d'évolution de carrière dont Monsieur [C] prétend avoir été victime est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement mais également à toute discrimination.

La cour relève au surplus que le salarié fait état d'un blocage de sa carrière depuis le début de l'année 2011. Or ce n'est qu'à compter du mois de décembre 2012 qu'il a assumé la charge de mandats syndicaux.

C'est par une juste appréciation de la situation que les premiers juges ont rejeté les demandes indemnitaires formées par le salarié à ce titre. Le jugement sera confirmé.

La cour relève par ailleurs que le salarié ne produit aucun élément justifiant d'un accroissement de ses qualifications ou de ses compétences, nécessitant un changement de catégorie professionnelle et son positionnement à un emploi relevant de l'emploi générique « professionnel hautement qualifié » au coefficient 450. Le salarié ne développe pas cette demande, déduit du fait qu'il est harcelé et discriminé et qu'il n'a pas eu la promotion conforme à ses compétences et ses demandes.

Sur la demande de positionnement au coefficient 350

Monsieur [C] fait valoir qu'il est bloqué au coefficient 325 depuis la signature de son contrat de droit privé et en tout cas depuis plus de 3 ans. Conformément aux dispositions conventionnelles, il estime qu'il devrait être positionné au coefficient supérieur 350 depuis le 1er novembre 2014. Il ajoute que depuis mars 2016, il exerce les fonctions d'architecte technique de solutions ATS dans le cadre d'une mission temporaire sur le rétablissement du bon fonctionnement de la vidéoconférence. Il précise avoir obtenu les certifications TOGAF pour exercer en tant qu'architecte technique. Il allègue que les autres architectes techniques sont au minimum classés au 375.

Il sollicite son positionnement au coefficient 350.

L'association Pôle Emploi rappelle que les dispositions conventionnelles n'offrent aucune garantie de promotion, ni d'avancement à l'ancienneté.

Il n'est pas contesté que depuis la signature de son contrat de travail, le 18 janvier 2012, Monsieur [C] est classé en qualité de cadre, au coefficient 325, échelon 1, dans l'emploi générique « professionnel hautement qualifié de la fonction informatique ».

Il est également établi que le salarié exerce depuis le mois d'avril 2016, les fonctions d'architecte technique de solutions.

La cour constate en premier lieu que les dispositions conventionnelles invoquées par le salarié ne lui donnent pas de droit à une promotion mais prévoient simplement un examen systématique de sa situation par la hiérarchie.

L'article 19 stipule que les augmentations individuelles de salaires sont liées au passage :

- soit à un échelon plus élevé au sein d'un même emploi générique qui permet de reconnaître une maîtrise accrue des compétences,

- soit au coefficient de base de l'emploi générique immédiatement supérieur qui permet de reconnaître une qualification accrue liées à des évolutions dans le champ d'activité, la technicité, la responsabilité et l'initiative.

Force est de constater que le salarié, qui revendique l'application de cette seconde solution, ne justifie aucunement d'un accroissement de ses qualifications impliquant un changement de catégorie d'emploi générique.

Il ressort toutefois des dispositions conventionnelles que l'emploi générique « professionnel ou encadrant hautement confirmé » coefficient de base 300, comprend deux échelons : un premier à 325,appliqué à Monsieur [C], et un second à 350.

La cour relève que le salarié est affecté au 1er échelon depuis la signature de son contrat de travail en janvier 2012 et que depuis cette date il n'a bénéficié d'aucune évolution salariale. Or si l'association Pôle Emploi justifie d'éléments objectifs ne permettant pas au salarié de prétendre à des fonctions d'encadrement, elle ne fournit aucune explication pertinente de nature à justifier l'absence de réévaluation du coefficient depuis la signature du contrat en 2012.

Il ressort au contraire du document EAP 2016 que les résultats de Monsieur [C] sont « conformes à l'attendu », qu'il est « impliqué dans les missions qui lui sont confiées. » et que ses résultats sont appréciés par sa hiérarchie.

Il convient dès lors de faire droit à la demande du salarié et de le positionner au coefficient 325 échelon 2 (ce qui correspond à un coefficient 350) à compter de cette dernière évaluation soit le 1er juillet 2016.

L'association Pôle Emploi sera condamnée à lui verser la somme de 3.663,58 euros à titre de rappel de salaire pour la période comprise entre le 1er juillet 2016 et le 31 janvier 2018, outre les congés afférents, et 805,99 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté.

Il n'est toutefois pas nécessaire d'ordonner à l'employeur de formaliser ce positionnement par un avenant, s'agissant d'un simple changement d'échelon et non de catégorie d'emploi.

Sur les autres demandes

Aucune exécution fautive ou déloyale du contrat de travail, ni de violation de la convention collective ne pouvant être reprochée à l'employeur, la demande de dommages et intérêts formée à ce titre par le salarié sera rejetée. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Par ailleurs, compte tenu des précédents développements et des écritures de chacune des parties, il n'est pas nécessaire d'enjoindre à l'association Pôle Emploi de répondre par écrit à la demande d'explication du salarié sur l'absence d'évolution de carrière.

Sur les frais de procédure

L'équité commande de condamner la association Pôle Emploi à verser à Monsieur [C] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire de Monsieur [C],

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

DIT que le salarié est positionné au coefficient 350, échelon 2, dans l'emploi générique « professionnel hautement qualifié de la fonction informatique » à compter du 1er juillet 2016,

CONDAMNE l'association Pôle Emploi à verser à Monsieur [C] les sommes suivantes :

- 3.663,58 euros à titre de rappel de salaire pour la période comprise entre le 1er juillet 2016 et le 31 janvier 2018,

- 366,36 euros au titre des congés afférents,

- 805,99 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté pour la période comprise entre le 1er juillet 2016 et le 31 janvier 2018,

- 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l'arrêt et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et que la capitalisation est de droit conformément à l'article 1343-2 du code civil,

REJETTE le surplus des demandes,

CONDAMNE l'association Pôle Emploi aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 16/02162
Date de la décision : 07/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°16/02162 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-07;16.02162 ?
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