Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 06 FEVRIER 2018
(n° 57 , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/10774
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mars 2015 -Tribunal de Grande Instance d'Evry - RG n° 13/03312
APPELANTE
Société METLIFE EUROPE LIMITED, intervenant aux lieu et place de la société METLIFE SA, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 799 036 710
Représentée et plaidant par Me Astrid RONZEL de la SELEURL VESTA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2269
INTIMES
Monsieur [B] [M] es qualité d'héritier de Monsieur [U] [M]
[Adresse 2]
[Localité 2]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 3] (92)
Madame [E] [M] es qualité d'héritière de Monsieur [U] [M]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 3] (92)
Madame [R] [M] divorcée [F] es qualité d'héritière de Monsieur [U] [M]
[Adresse 4]
[Localité 5]
née le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 3] (92)
Représentés par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250
Ayant pour avocat plaidant Me Céline ROBIC, avocat au barreau de PARIS, toque : D1615
substituant Me Frédéric BRISSAUD de la SELARL KONIKOFF - BRISSAUD ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1615
Maître [P] [B]
[Adresse 5]
[Localité 6]
né le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 7]
Représenté par Me Herve-bernard KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090
Ayant pour avocat plaidant Me François DE MOUSTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090
INTERVENANT VOLONTAIRE
BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE prise en la personne de ses représentants légaux dopmiciliés audit siège, venant aux droits de la SA SYGMA BANQUE
[Adresse 6]
[Localité 8]
N° SIRET : 542 097 902
Représentée et plaidant par Me Sophie BATTISTI, avocat au barreau d'ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Décembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Christian HOURS, Président de chambre, chargé du rapport
Mme Marie-Sophie RICHARD, Conseillère
Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Christian HOURS, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier.
*****
Par acte authentique du 7 août 2008 dressé par Me [P] [B], notaire à [Localité 6] (91), M. [U] [M] et son épouse, Mme [G] [H], nés respectivement en 1942 et 1944, ont contracté auprès de la société Sygma Banque un prêt d'un montant de 184 864 euros, au taux effectif global de 8,15 %, remboursable sur 20 ans en 240 mensualités de 1 443,68 euros.
M. [M], après avoir essuyé un refus d'assurance de la société Aig Vie, aux droits de laquelle vient la Société MetLife Europe Limited (la société Metlife), a recouru à la compagnie April Assurance.
Mme [M] avait de son côté demandé son adhésion à l'assurance-décès auprès de la société Metlife.
L'acte de prêt mentionnait au chapitre assurance les délégations au profit de la société Sygma Assurance des contrats d'assurance décès, couvrant chacun 50 % du risque.
Mme [M] est décédée le [Date décès 1] 2012.
La société MetLife a, par lettre du 9 mai 2012, refusé sa garantie assurance-décès au motif que le contrat n'avait jamais pris effet en raison de l'absence de réponse de Mme [M] à un courrier qui lui avait été adressé, le 5 novembre 2008, par son service 'acceptation' .
M. [M] a fait assigner, le 18 avril 2013, Me [B], la societe Sygma Banque et la société MetLife devant le tribunal de grande instance de Paris en paiement solidaire de la somme de 85 631,83 euros en raison de leurs manquements à leur devoir de conseil et d'information et/ou à celui de s'assurer de l'efficacité de leurs actes.
M.[M] est décédé le [Date décès 2] 2014, laissant pour lui succéder M. [B] [M], ainsi que Mmes [E] [M] et [R] [M]-[F] (les consorts [M]).
La compagnie April a versé à la société Sygma Banque, au titre de la garantie décès souscrite par M. [M], la somme de 79 504,72 euros, qui a permis un remboursement partiel de l'emprunt souscrit.
Le tribunal de grande instance d'Evry a, par jugement du 30 mars 2015 :
- rejeté la fin de non-recevoir pour défaut de qualité soulevée par la société Sygma Banque; - débouté les consorts [M] de leur demande de donner acte ;
- condamné la société MetLife à leur verser la somme de 50 000 euros, ainsi que celle de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté Me [B], la société Sygma Banque et la société MetLife de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société MetLife aux dépens et autorisé Me Sophie Battisti et la SCP Ellul-Greffe & Ellul à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
La société Metlife, qui a interjeté appel de cette décision, demande à la cour, aux termes de ses dernières conclusions du 29 juillet 2015 d'infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
- juger que les conditions d'engagement de sa responsabilité ne sont pas réunies et que seules les conditions d'engagement de la responsabilité de la société Sygma Banque et de Me [B] le sont ;
- juger que les ayants droit de Mme [M] ne rapportent pas la preuve de la réalité de leur préjudice ; en conséquence, les débouter de toute demande d'indemnisation à son encontre;
- juger que le préjudice invoqué par les ayants droit de Mme [M] correspond à la perte de chance de pouvoir souscrire un contrat d'assurance et réduire le montant alloué par le tribunal ;
- condamner toutes parties succombantes à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'supporter les entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la Selarlu Elaru Vesta, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières écritures du 1er septembre 2015, les consorts [M] demandent à la cour de :
- les recevoir en leurs écritures, les dire bien fondés et faire droit à leurs demandes reconventionnelles ;
- débouter les sociétés Metlife et Sygma Banque de leurs demandes à leur encontre ;
- à titre principal, confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Evry le 30 mars 2015 en ce qu'il a condamné la société Metlife à la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'à des dommages et intérêts mais le réformer s'agissant du quantum des dommages et intérêts octroyés ;
- en conséquence, condamner la société Metlife à leur verser la somme de 79 505,11 euros à titre de dommages et intérêts ;
- à titre subsidiaire et si par extraordinaire la cour considérait que la responsabilité de la société Metlife ne saurait être seule engagée, alors il lui est demandé de :
- dire que le montant restant dû à la société Sygma Banque au titre du prêt notarié par les époux [M] s'élève à la somme de 79 505,11 euros à la date du décès de Mme [M],
- dire que Me [B] a manqué à son obligation de conseil et commis une faute professionnelle en ne s'assurant pas de l'efficacité de la délégation d'assurance décès souscrite par Mme [M] et garantissant 50 % de l'encours du prêt notarié,
- dire que la société Sygma Banque et la société Metlife ont manqué toutes deux à leur obligation de conseil tant à l'égard de M. [U] [M] que de Mme [G] [M] en ne s'assurant pas de la prise d'effet de l'assurance décès et de l'efficacité de la délégation du bénéfice de cette assurance-décès à la société Sygma Banque,
- dire que les consorts [M] ont subi un préjudice en raison des fautes et négligences commises par Me [B], la société Sygma Banque et la société Metlife,
- dire qu'il existe un lien de causalité entre les fautes commises par Me [B], la société Sygma Banque et la société Metlife, d'une part et le préjudice des consorts [M] venant aux droits de M. [U] [M], d'autre part,
- en conséquence, condamner solidairement Me [B], la société Sygma Banque et la société Metlife à leur verser la somme de 79 505,11 euros à titre de dommages et intérêts,
- en tout état de cause, condamner toutes parties succombantes à leur verser la somme de 12 374,20 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Francine Havet en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures du 16 octobre 2015, Me [B] demande à la cour de :
- juger qu'il n'a commis aucune faute,
- juger que les consorts [M] ne caractérisent pas le lien de causalité qui doit nécessairement exister entre la faute invoquée et le préjudice allégué,
- juger que les consorts [M] ne caractérisent leur dommage ni dans son principe ni dans son quantum,
- débouter les consorts [M] de toutes leurs demandes,
- les condamner à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction sera ordonnée pour ceux d'appel au profit de la SCP Kuhn, société d'avocats qui y a pourvu, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions du 15 mai 2017, la société Bnp Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, intervient à l'instance et demande à la cour de :
- lui donner acte de son intervention volontaire aux lieu et place de la société Sygma Banque - débouter la société Metlife de son appel dirigé contre elle venant aux droits de la société Sygma Banque ;
- condamner la société Metlife à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Metlife aux entiers dépens.
SUR CE,
Considérant que la recevabilité de la demande des consorts [M], venant aux droits de leurs parents, M. et Mme [M], n'est plus contestée ;
Considérant que la société Metlife, appelante, soutient que :
- le contrat d'assurance souscrit par Mme [M] n'a jamais pris effet, faute pour elle d'avoir complété et retourné le talon qui était joint à la lettre du 16 juin 2008 et où était précisé que la lettre était valable 45 jours à compter du 16 juin 2008, de sorte que la réponse de Mme [M], manifestant son accord sur les conditions d'acceptation de sa demande d'adhésion et le prélèvement de la première prime, aurait dû intervenir avant le 30 août 2008 ; en l'absence de réponse, la contre-proposition était caduque ;
- la filiale du courtier d'assurance de Mme [M] ayant informé l'assureur, le 22 septembre 2008, que Mme [M] avait oublié de renvoyer le coupon d'accord mais souhaitait être assurée chez eux, il lui a été envoyé un nouveau questionnaire de santé qui a fait apparaître la nécessité de documents médicaux complémentaires pour formuler une éventuelle proposition d'assurance, que Mme [M] n'a jamais communiqués, de sorte qu'aucune nouvelle proposition d'assurance n'a pu lui être adressée ;
- la motivation du tribunal d'Evry, selon laquelle elle aurait adressé une lettre de garantie ne peut être approuvée, dès lors que ce courrier remis au notaire ne constituait qu'une contre-proposition (taux de surprime de 25 %) qui n'a pas été acceptée dans le délai de sa validité (45 jours) ;
- Mme [M] n'a jamais accepté la contre-proposition faite le 16 juin ni dans le délai ni après car c'est M. [M] qui a signé la lettre envoyée en télécopie le 8 octobre 2008 ;
- il est indifférent que les époux [M] n'auraient curieusement pas reçu le courrier du 5 novembre 2008 adressé par l'assureur, à la différence des précédents, puisqu'il en résulte qu'aucun accord n'est intervenu sur les modalités de l'assurance après la caducité de la contre-proposition du 16 juin 2008 ;
- elle a parfaitement rempli son devoir de conseil et d'information ;
- les situations de M. [M] et de Mme [M] étaient différentes puisque, pour le premier, il s'était agi d'un refus pur et simple d'assurance, alors que, pour son épouse, l'assureur acceptait de la garantir dans les conditions précisées dans la contre-proposition, ce qui suppose que Mme [M] l'accepte, ce qu'elle a oublié de faire ; l'assureur n'était tenu à aucune information supplémentaire ni à aucun devoir de relance ;
- les consorts [M] ont omis de mettre en cause leur courtier qui est le principal interlocuteur du candidat à l'assurance ;
- la banque et le notaire auraient dû vérifier la garantie dont bénéficiait Mme [M], la lettre du 16 juin 2008, qui ne constituait qu'une contre-proposition étant insuffisante à rapporter la preuve de son existence ;
- la condamnation prononcée à son encontre est juridiquement infondée en l'absence de preuve de la réalité du préjudice subi et de son quantum, les consorts [M] devant en outre justifier de l'acceptation de la succession des époux [M] ;
Considérant que les consorts [M], intimés, répliquent que :
- leurs parents n'ont jamais reçu la lettre du 5 novembre 2008 à laquelle ils n'ont pas pu répondre ;
- l'assureur ne justifie pas de l'annulation de la souscription de l'assurance-décès souscrite par Mme [M] ;
- après l'envoi par M.[M] d'un courrier le 8 octobre 2008, faisant part de l'accord des époux [M] sur les termes du courrier du 16 juin 2008 , ceux-ci ont cru, en l'absence de réponse, que le débat était clos et que toutes les garanties fonctionnaient normalement, d'autant qu'ils avaient attesté qu'il n'y avait aucun changement dans la situation médicale de Mme [M] ;
- la lettre du 16 juin 2008 était sans ambiguïté en ce que l'assureur apportait sa garantie à Mme [M], comme le tribunal d'Evry, dont la motivation doit être approuvée, l'a reconnu;
- ils ont accompli diverses actions impliquant leur acceptation des successions de leurs parents ;
- le préjudice subi correspond à la totalité de la somme restant due au titre du prêt ;
- subsidiairement la garantie du notaire est due car il aurait dû s'assurer de l'efficacité de son acte en vérifiant la garantie accordée à Mme [M] ; la banque Sygma n'a pas non plus vérifié l'adhésion des emprunteurs qui ne sont pas des professionnels ; le notaire et la banque n'ont pas attiré l'attention de Mme [M] sur le fait que la lettre de l'assureur ne revêtait pas le caractère de la garantie définitive requise ;
Considérant que Me [B] plaide que :
- il n'a pas commis de faute, ayant annexé à son acte authentique les lettres des assureurs justifiant de la réalité des offres émises, l'acte ne laissant planer aucun doute sur le fait que les contrats d'assurance n'avaient pas encore été souscrits ;
- les manquements des époux [M] sont postérieurs à son intervention ; il ne peut rien au fait que Mme [M] a oublié de renvoyer le coupon daté et signé ;
- les époux [M], présents à la signature, n'ont pu se méprendre sur la situation ;
- son obligation d'information ne s'applique qu'à la rédaction des actes et non à leur exécution ;
- le préjudice de perte d'une chance ne peut correspondre à l'avantage perdu ;
Considérant que la société Sygma Banque, aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas Personal Finance, plaide que :
- par courrier de la Société Aig Vie en date du 16 juin 2008, portant la mention de son annexion à la minute de l'acte notarié en date du 7 août 2008, l'assureur a informé Mme [M] de l'acceptation de la proposition d'assurance n° S220154129, des conditions des garanties, ainsi que du montant des cotisations mensuelles ;
- elle-même n'a jamais été tenue informée des éventuelles difficultés postérieures entre Mme [M] et la société Metlife, cette dernière ayant bien enregistré et accepté l'adhésion de Mme [M] au 16 juin 2008 ;
- si une difficulté était survenue postérieurement au 16 juin 2008 comme le prétend la société Metlife Europe Ltd, il lui appartenait d'en informer le prêteur, qui n'aurait certainement pas pris le risque de voir sa créance susceptible de ne pas être garantie en cas de refus d'assurance ;
- la première demande de documents complémentaires n'a été adressée par la société AIG Vie à Mme [M] que plus d'un mois et demi après la signature de l'acte de prêt et près de trois mois après la lettre de garantie qui est sans équivoque sur l'accord entre les parties;
- la seule obligation qui reposait sur le prêteur était de vérifier que les emprunteurs avaient bien souscrit un contrat d'assurance, ou, à tout le moins, de les éclairer sur les risques d'un défaut d'assurance ; or, elle a été informée par les emprunteurs eux-mêmes de la souscription du contrat d'assurance et n'a jamais été informée, ni par les emprunteurs ni par l'assureur, de difficultés relatives à la souscription de ce contrat ;
- c'est à bon droit que le tribunal n'a pas retenu sa responsabilité ;
Considérant que Mme [G] [M] a demandé à être assurée auprès de la société AIG Vie, laquelle lui a adressé, le 4 juin 2008, une lettre accusant réception de cette proposition d'assurance et lui demandant, au vu d'éléments médicaux en sa possession, de fournir à son médecin conseil, sous pli confidentiel, un certificat de son médecin traitant ou de son spécialiste apportant toutes précisions sur le trouble du rythme déclaré, de faire compléter un questionnaire 'atteinte respiratoire' par son médecin traitant, de fournir ses derniers bilans cardiologiques, de fournir des précisions sur la question 4c, de dater et signer ; qu'il était précisé que des documents originaux étaient indispensables pour traiter le dossier et que les pièces transmises n'étaient valables que trois mois ;
Considérant qu'un second courrier a été adressé le 9 juin 2008 à Mme [M] reprenant les mêmes demandes à l'exception de la réponse à la question 4c, de la date et de la signature;
Considérant que le 16 juin 2008, la société AIG Vie a adressé à Mme [M], toujours à la même adresse d'[Localité 9] (78), une acceptation de la proposition d'assurance mais avec une surprime annuelle de 25 %, précision donnée que les garanties ne prendront effet qu'à réception du règlement total de la prime et que l'émission des nouvelles conditions particulières se fera dès que le talon joint sera retourné le plus rapidement possible ; que le bulletin joint précisait qu'il devait être retourné sous 45 jours daté et signé, directement à AIG Vie France ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que ce bulletin n'a jamais été retourné, de sorte que la rencontre de volontés entre l'assureur et Mme [M] pour qu'elle soit garantie moyennant une surprime de 25 % n'a jamais eu lieu ;
Considérant que le courtier de Mme [M] a adressé le 22 septembre 2008 un mail à l'assureur, lui demandant de reprendre le dossier de Mme [M], 'car en effet la cliente a oublié de vous renvoyer le coupon d'accord daté et signé mais souhaite vivement être assurée chez vous';
Considérant que le 25 septembre 2008, la société AIG Vie a adressé à Mme [M], toujours à la même adresse, un courrier, lui demandant de remplir un nouveau questionnaire de santé avec la mention que les documents originaux sont indispensables pour le dossier et qu'ils ne sont valables que trois mois ; que cette demande était réitérée le 8 octobre par un nouveau courrier à la même adresse ;
Considérant que par courrier reçu par la société AIG Vie France le 8 octobre 2008, Mme et M. [M], invoquant des problèmes de communication de documents entre l'assureur, le notaire et eux, font état de leur accord sur les termes du courrier de l'assureur du 16 juin 2008 (celui faisant état de la garantie avec une surprime de 25 %), attestant sur l'honneur que rien n'avait changé dans l'état de santé de Mme [M] depuis cette époque ;
Considérant que par courrier du 5 novembre 2008 adressé à Mme [M], toujours à la même adresse, la société AIG Vie a demandé communication du dernier bilan de surveillance en pneumologie (4 crises par an) et la confirmation de l'évolution du résultat des épreuves fonctionnelles respiratoires ;
Considérant qu'il résulte des échanges qui précèdent que Mme [M] qui a souhaité bénéficier de la garantie de la société AIG Vie France, a obtenu le consentement de l'assureur moyennant une surprime de 25 %, sur laquelle un accord était requis dans un délai de 45 jours, qui n'a pas été donné, le courtier indiquant que Mme [M] avait oublié de renvoyer le coupon ;
Considérant que Mme [M] présentant des problèmes de santé nécessitant manifestement des données médicales récentes, d'où l'importance de la mention selon laquelle les pièces n'étaient valables que trois mois, la société AIG Vie a décidé de réactualiser ses connaissances sur sa situation médicale lorsqu'elle s'est manifestée à nouveau, au mois de septembre, par l'intermédiaire de son courtier pour indiquer que, malgré son oubli de renvoyer le coupon, elle voulait toujours être assurée par AIG France ;
Considérant que Mme [M] n'a manifestement pas fourni l'intégralité des pièces nécessaires lors de la nouvelle instruction de son dossier par la société AIG Vie puisqu'il n'est pas justifié d'un accord de l'assureur pour lui donner sa garantie après qu'elle se soit manifestée à compter du 22 septembre 2008 ;
Considérant que Mme [M] n'était par conséquent pas couverte par la société AIG Vie, aux droits de laquelle vient la société Metlife ;
Considérant que la demande de reprise de ce dossier par le courtier de Mme [M] impliquait que le dossier de celle-ci devait être réinstruit par l'assureur compte tenu des délais écoulés et de l'existence d'un problème médical ; que les courriers subséquents, suffisamment explicites de la société AIG Vie, ne pouvaient laisser aucun doute sur ce point à Mme [M] ; que Mme [M] et son époux se sont cependant abstenus de fournir à l'assureur l'ensemble des documents médicaux actualisés que celui-ci réclamait se bornant à fournir une attestation sur l'honneur établie par eux, témoignant de la stabilité de l'état de santé de Mme [M] ;
Considérant que les époux [M] ont ainsi laissé s'écouler le délai imparti pour accepter la contre-proposition de l'assureur afin de garantir Mme [M] moyennant surprime et n'ont pas régularisé le dossier de celle-ci comme il était réclamé clairement par l'assureur sans qu'il puisse être utilement reproché à l'assureur de ne pas avoir adressé une lettre de relance à Mme [M] qui ne pouvait alors ignorer les conséquences de l'absence d'actualisation relative à son état de santé quant à la souscription de l'assurance-décès;
Considérant dès lors que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a retenu une faute de l'assureur, la société AIG Vie devenue société Metlife ;
Considérant s'agissant de la mise en cause de Me [B] que le notaire est tenu d'une obligation d'exactitude et d'efficacité de ses actes ;
Considérant que figure au contrat de prêt reçu par Me [B], au chapitre Assurance, la mention d'une délégation au profit de Sygma Banque d'un contrat d'assurance-décès souscrit auprès de AIG Vie par Mme [M] couvrant le risque décès/PTIA et le risque d'incapacité de travail 0 % avec la précision selon laquelle 'les risques couverts moyennant des conditions tarifaires particulières et/ou l'application de réserves (exclusion ou restriction de garanties) sont explicités sur le certificat de garantie demeuré annexé aux présentes, après mention, accepté par l'emprunteur personne physique ou l'assuré en cas contraire' ;
Considérant que cette mention apparaît inexacte, dès lors que la lettre du 16 juin 2008, annexée à l'acte de prêt, n'est pas, comme indiqué, un certificat de garantie mais une acceptation sous condition de surprime, en réalité une contre-proposition d'assurance, qui, en tout état de cause, nécessitait l'acceptation expresse de Mme [M] adressée à l'assureur dans des conditions de délai indiquées ;
Considérant qu'il est ainsi fait mention d'une délégation inexistante puisqu'il n'y avait pas encore d'assurance-décès valide, ainsi qu'il a été indiqué précédemment ;
Considérant qu'à tout le moins le notaire aurait dû préciser ce point et attirer clairement l'attention des emprunteurs sur le fait que la réponse, dans le délai indiqué, à la contre-proposition de l'assureur conditionnait l'existence de la garantie, au lieu de parler à tort d'une lettre de garantie ;
Considérant qu'en ne donnant pas cette information essentielle, Me [B] a commis une faute, qui a fait perdre à Mme [M], ainsi qu'à son époux, manifestement profanes en matière d'assurance, une chance très importante de répondre dans les délais à l'assureur AIG Vie en acceptant sa contre-proposition de garantie avec surprime ;
Considérant dans ces conditions que la chance perdue, en relation directe avec la faute du notaire, par les consorts [M] venant aux droits de leur père M. [M], après le décès de Mme [M], doit être fixée, au vu des sommes assurées au moment du décès, (50 % de 171 263,66 euros) et déduction faites des primes que Mme [M] n'a pas réglées de 2008 à 2012 pour 880,88 euros, à la somme de 60 000 euros, laquelle leur sera allouée à titre de dommages et intérêts ; que le jugement doit être infirmé sur ce point ;
Considérant s'agissant du prêteur Sygma Banque que celui-ci, au vu de la mention précitée de l'acte notarié selon laquelle une lettre de garantie était annexée à l'acte et de celle sur l'existence d'une délégation d'assurance à son profit, a pu légitimement croire que Mme [M] était assurée, de sorte qu'il a libéré, sans commettre de faute, les fonds empruntés au bénéfice des emprunteurs ;
Considérant en définitive que le jugement doit être confirmé en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité de la banque et être infirmé pour le surplus ;
Considérant que Me [B] doit être condamné à payer aux consorts [M] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour compenser les frais irrépétibles qu'ils ont exposés en première instance et en appel et à supporter les dépens de première instance et d'appel, avec possibilité de recouvrement direct au profit de la Selarlu Elaru Vesta et de Me Francine Havet, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
- infirme le jugement du tribunal de grande instance d'Evry du 30 mars 2015 sauf en ce qu'il a débouté les consorts [M] de leurs prétentions à l'encontre de la société Sygma Banque aux droits de laquelle se trouve la société Bnp Paribas Personal Finance ;
- statuant à nouveau :
- déboute les consorts [M] de leurs demandes à l'encontre de la société Metlife ;
- condamne Me [B] à payer aux consorts [M] la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- y ajoutant, condamne Me [B] à payer aux consorts [M] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour compenser les frais irrépétibles qu'ils ont exposés en première instance et en appel et à supporter les dépens de première instance et d'appel, avec possibilité de recouvrement direct au profit de la Selarlu Elaru Vesta et de Me Francine Havet, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,