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05/02/2018 | FRANCE | N°16/04213

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 05 février 2018, 16/04213


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 05 FÉVRIER 2018



(n°43 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/04213



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Janvier 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 01 - RG n° 14/11953





APPELANTE



SAS TANGRAM ARCHITECTES

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRE

T : 344 311 8088

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avoca...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 05 FÉVRIER 2018

(n°43 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/04213

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Janvier 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 01 - RG n° 14/11953

APPELANTE

SAS TANGRAM ARCHITECTES

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 344 311 8088

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Représentée par Me Rémi HANACHOWICZ, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Laure COLIN, avocate au barreau de LYON

INTIMÉE

ASSOCIATION FONDATION LUMA STIFTUNG

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]N SUISSE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Représentée par Me Jean-François CARRERAS de l'ASSOCIATION CBR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R139, substitué par Me Ophélie IAFRATE, avocate au barreau DE PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Décembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Edouard LOOS, Président et Mme Sylvie CASTERMANS, Conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Clémentine GLEMET, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE:

La société Tangram Architectes est un cabinet d'architectes situé à [Localité 1]. La fondation privée Luma Stiftung de droit suisse a pour objet de soutenir les activités artistiques.

La Région Provence-Alpes-Côte d'Azur et la Ville [Localité 2] ont souhaité développer un projet d'intérêt régional et de renouvellement urbain sur les friches industrielles des anciens ateliers SNCF à [Localité 2]. En 2008, la fondation Luma a confié à la société Tangram Architectes, les études de conception du projet d'un complexe culturel sur ce site.

Lorsque la société Tangram Architectes a présenté une première facture d'honoraires TTC pour les prestations accomplies, l'assistant au maître d'ouvrage, la société Ingedis, devenue Myamo, lui a indiqué que les prestations intellectuelles accomplies dans le cadre d'un simple projet, devaient être facturées sans TVA. C'est ainsi qu'entre le 4 février 2010 et le 24 juin 2013, la société Tangram a émis 13 notes d'honoraires faisant apparaître un montant HT et un montant TTC identiques.

En 2013, des différends ayant vu le jour entre Luma et Tangram, les parties sont convenues des conditions de cessation de leurs relations et ont conclu un protocole transactionnel, le 4 septembre 2013.

Le 30 octobre 2013 la société Tangram a subi un redressement fiscal, au titre de la TVA, d'un montant de 14 900 906 € pour les factures du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. La société Tangram a alors adressé à la fondation Luma, le 21 octobre 2013, une nouvelle note d'honoraires correspondant aux taxes.

La fondation Luma lui ayant opposé un refus, la société Tangram a fait assigner la fondation Luma devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de la voir condamnée au versement d'une somme de 353 080,06 euros.

Selon jugement rendu le 26 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Paris a:

- déclaré irrecevables les demandes en paiement formées par la s.a.s Tangram Architectes à l'encontre de la fondation Luma Stifung .

- débouté la fondation Luma Stiftung de sa demande formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement,

- débouté les parties de leurs autres demandes.

La société Tangram Architectes a interjeté appel de cette décision le 16 février 2016.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 21 mars 2017, la Sas Trangram Architectes demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 26 janvier 2016, sauf en ce qu'il a débouté la fondation Luma Stiftung de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la fondation Luma Stiftung à lui verser la somme de 308 078,40 euros outre intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2013, date de la première mise en demeure;

- condamner la fondation Luma Stiftung à lui verser la somme de 12 620 euros, à titre de dommages et intérêts complémentaires relatifs aux intérêts de retard imputés par l'administration fiscale et la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 17 novembre 2017, la fondation Luma Stiftung demande de :

- dire et juger qu'aux termes du protocole transactionnel conclu entre les parties le 4 septembre 2013, Tangram a expressément et irrévocablement renoncé à toute demande de rémunération ou d'indemnisation complémentaire au titre des prestations qui lui avait été confiées dans le cadre du projet de création d'un centre culturel sur le site des anciens ateliers de la sncf à [Localité 2] ;

- dire et juger que faute de stipulations à cet effet, les conséquences du redressement fiscal dont Tangram faisait l'objet à la date de signature du protocole ne sauraient être exclues du champ des renonciations prévues à l'article 6 du protocole,

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable les demandes de Tangram dirigées à l'encontre de Luma ;

à titre subsidiaire, sur le caractère mal fondé de ces demandes :

- dire et juger que Luma s'est intégralement acquittée du montant TTC des honoraires lui ayant été facturés par Tangram au titre du projet;

- dire et juger qu'en l'absence de preuve d'un accord contraire des parties, les conséquences (alléguées) du redressement fiscal notifié à Tangram le 30 octobre 2013 ne sauraient être mises à la charge de Luma, sans que cela n'entraîne un quelconque enrichissement sans cause ;

En conséquence,

- débouter Tangram de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de Luma ;

3) a titre très subsidiaire, sur le nécessaire cantonnement des sommes susceptibles d'être mises à la charge de Luma :

- dire et juger qu'aucun motif ne justifie que les intérêts de retard mis à la charge de Tangram par l'administration fiscale ne soient supportés par Luma ;

- dire et juger que le rappel de TVA mis à la charge de Tangram au titre des prestations fournies par elle à Luma dans le cadre du projet n'excède pas 149 906,40 Euros ;

En conséquence, dire et juger que les sommes susceptibles d'être mises à la charge de Luma dans le cadre de la présente instance ne sauraient excéder 149 906,40 euros ;

- condamner la société Tangram au paiement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Tangram aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl BDL avocats conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la fin de non recevoir,

La société Tangram réfute l'irrrecevabilité de ses prétentions en faisant valoir que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal l'objet de la transaction ne portait pas sur le paiement de taxe sur la valeur ajoutée, la question de la TVA n'étant pas connue au jour de la signature du protocole, était exlue du périmètre de la transaction,

- le paiement de la TVA est imputable à la fondation Luma dont l'attitude déloyale l'a conduit à établir des factures hors taxes et à subir un redressement fiscal.

La fondation Luma demande la confirmation du jugement en ce qu'il déclaré les demandes irrecevables compte tenu des termes de l'accord transactionnel. Elle objecte que :

- aux termes du protocole transactionnel conclu entre les parties le 4 septembre 2013, Tangram a expressément et irrévocablement renoncé à toute demande de rémunération ou d'indemnisation complémentaire au titre des prestations qui lui avait été confiées,

- il ne fait aucun doute que les parties ont entendu largement le terme de rémunération afin qu'il englobe toutes les sommes dues à la société Tangram au titre de ses prestations ;

- les conséquences de la vérification fiscale sont nécessairement couvertes par ses renonciations à défaut d'avoir été expressément exclues ;

- la société Tangram a eu connaissance de cette problématique bien avant la conclusion du protocole.

Ceci exposé,

Aux termes des articles 2048, 2049 du code civil, les transactions se renferment dans leur objet et la renonciation qui y est faite ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu.

En l'espèce, l'objet de la transaction signée le 4 septembre 2013, était de régler la fin de collaboration et la rémunération de la société Tangram pour sa contribution au projet.

La rémunération, évoquée à l'article 2, indique que la fondation a payé un montant total d'honoraires d'un montant de 1 751 735 euros correspondant aux notes d'honoraires de son prestataire ; l'article 2-6 précise que Tangram donne à la fondation Luma bonne et valable quittance définitive du paiement des honoraires au 30 juin 2013 et au paiement d'une indemnité transactionnelle au 30 juin 2013 et donne reçu pour solde de tout compte.

L'article 2-2 porte quant à lui sur les honoraires non facturés et non payés au titre des prestations effectuées entre le 20 mai 2013 et 30 juin 2013 et introduit la TVA.

L'article 6-1 du protocole stipule qu'en contrepartie du complet paiement des sommes mentionnées à l'article 2, la société Tangram renonce définitivement à toute demande de rémunération ou indemnisation complémentaire au titre du projet ainsi qu'à toute action à l'encontre de la fondation Luma.

Il ressort de ces dispositions que l'objet de la transaction porte sur le paiement des honoraires et de l'indemnité transactionnelle, arrêtés au 30 juin 2013, qu'il n'est pas évoqué la question de la TVA.

Il n'est pas contesté que les différentes prestations accomplies par la société Tangram ont été facturées hors taxe jusqu'au 17 mai 2013. La société Tangram établit qu'elle s'est conformée à la demande de la société Myamo, l'assistant au maître de l'ouvrage, la fondation Luma, qui lui indiquait que les prestations accomplies dans le cadre d'un projet n'étaient pas assujetties à la TVA.

La fondation Luma admet que 13 notes d'honoraires ont été émises hors taxe. Elle prétend que la TVA a été introduite à compter du 13 juillet 2013 avec la délivrance du permis de construire. Pourtant, l'article 2-2 mentionne la TVA pour des prestations accomplies après le 17 mai 2013 jusqu'au 30 juin 2013.

Dans ce contexte, la fondation Luma ne peut de bonne foi, faire peser uniquement sur son maître d'oeuvre, la société Tangram, le caractère erroné de la facturation, dès lors que la facturation hors taxe et le redressement fiscal qui s'en est suivi, ont pour origine les indications inadéquates qu'elle lui a données.

En tout état de cause, la question de la TVA ne faisait plus l'objet d'un débat entre les parties pour les factures établies entre le 4 février 2010 et le 17 mai 2013.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le protocole liant les parties, qui avait pour objet de donner quitus du paiement des honoraires acquittés par le maître de l'ouvrage et du versement d'une indemnité transactionnelle revenant au prestataire, ne portait nécessairement que sur des montants hors taxe jusqu'au 17 mai 2013.

La fondation Luma soutient que les conséquences de la vérification fiscale dont Tangram faisait l'objet lors de la conclusion du protocole transactionnel sont nécessairement couvertes par ses renonciations, à défaut d'en avoir été expressément exclues.

La transaction ne vaut pas renonciation à un droit éventuel à la date de sa signature.

Or, la signature du protocole est intervenue le 4 septembre 2013, le rappel de l'administration est en date du 18 octobre 2013 et la proposition de rectification lui a été notifié le 30 octobre 2013, de sorte que le débat sur la TVA n'était pas connu lors de la conclusion du protocole.

En conséquence, le jugement sera réformé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande complémentaire de la société Tangram.

Sur la responsabilité et le préjudice subi,

La société Tangram sollicite la condamnation de la fondation Luma à lui payer la somme de 308 078,40 euros au titre de la TVA, avec intérêts au taux légal, à compter de la mise en demeure le 18 novembre 2013 en fondant ses prétentions sur le montant du complément d'imposition qu'elle a dû supporter et sur la perte subie au titre de ses prestations facturées hors taxes.

Elle soutient que la fondation Luma est redevable de la somme de 149 906,40 euros correspondant au montant du complément d'imposition qu'elle a supporté et de la somme de 158 172 euros correspondant aux montants de TVA dus sur la période du 1er janvier 2013 et le 30 juin 2013 pour les prestations qu'elle a fournies à Luma et facturées HT.

Dans le cadre du redressement, l'administration a évalué les montants facturés par Tangram à Luma commes toutes taxes comprises et dès lors, la proposition de rectification indique un rappel de TVA de 149 906, 40 € euros sur un montant HT de 764 828, 60 euros.

S'il est indéniable que le prestataire n'a pas à faire supporter par son client les conséquences d'un redressement fiscal, en l'espèce, les parties sont deux professionnelles et il est établi que l'absence de facturation de la TVA est directement imputable au maître de l'ouvrage qui l'a induite en erreur.

Dans ces conditions, la fondation Luma sera condamnée à verser le montant du complément d'imposition supporté par Tangram au titre des prestations qu'elle a fournies, dont le montant s'élève à 149 906,40 euros, majoré de la somme de 12 620 euros au titre des intérêts de retard réclamés par les services fiscaux.

En revanche, la société Tangram n'est pas fondée à réclamer le paiement d'une somme complémentaire de 158 172 €, qui d'une part, excède le montant du redressement, d'autre part remet en cause le périmètre du protocole.

Sur les autres demandes

La fondation Luma partie perdante, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera tenue de supporter la charge des dépens d'appel

Il paraît équitable d'allouer à société Tangram la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne l'association fondation Luma Stifung à payer à la société Tangram Architectes la somme de 149 906,40 euros, majorée de la somme de 12 620 euros au titre des intérêts de retard.

Condamne l'association fondation Luma Stifung à payer à la société Tangram Architectes la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette les autres demandes.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. GLEMET E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 16/04213
Date de la décision : 05/02/2018

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°16/04213 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-05;16.04213 ?
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