Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 02 FÉVRIER 2018
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/06526
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Janvier 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/11011
APPELANTE
Madame [F] [M] [Q]
née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] ( USA )
demeurant [Adresse 1]Y, SUISSE
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Assistée sur l'audience par Me Eric MARGNOUX de l'ASSOCIATION MARGNOUX DELAS, avocat au barreau de PARIS, toque : J065
INTIMÉS
Monsieur [O] [P] [R] [I] [G]
né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 2]
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Sophie OBADIA de la SELARL OBADIA - STASI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1986
Madame [D] [V]-[J]
née le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 3]
demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Charles-hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029
Assistée sur l'audience par Me Maurice LANTOURNE de la SELAS L&A, avocat au barreau de PARIS, toque : L0163
Monsieur [Y] [C]
né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 4]
demeurant au [Adresse 4] ROYAUME-UNI [Adresse 4]
Représenté et assisté sur l'audience par Me Michel PIALOUX de la SARL CABINET DE LASTELLE PIALOUX FREZAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0070
Société GV INVEST LTD prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège au [Adresse 5] ROYAUME-UNI [Adresse 5]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Michel PIALOUX de la SARL CABINET DE LASTELLE PIALOUX FREZAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0070
SA BANQUE NEUFLIZE OBC agissant poursuites et diligences en la personne de son Président du Directoire domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 552 003 261
ayant son siège au [Adresse 6]
Représentée par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
Assistée sur l'audience par Me Claire BOUSCATEL de l'ASSOCIATION BIARD BOUSCATEL, avocat au barreau de PARIS, toque : R146
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Décembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Dominique GILLES, Conseiller, et Mme Christine BARBEROT, Conseillère, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
Madame Christine BARBEROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Par jugement définitif du tribunal civil d'arrondissement de l'Est-Vaudois du 10 mars 2005, a été prononcé le divorce de Mme [F] [G] et de M. [G] et a été 'ratifi[ée] pour valoir jugement' la convention du 29 septembre 2004 réglant les effets du divorce. Aux termes de cette convention, les parties ont stipulé qu'elle s'engageaient à transférer à leur fille majeure [Q], à titre de donation, un immeuble parisien désigné '[Adresse 7]appartenant en propre à M. [G], sous réserve d'un droit d'usufruit viager en faveur de Mme [G], avec renonciation aux sûretés de l'article 760 du code civil suisse. La convention prévoyait de signer un contrat de donation et d'usufruit séparé, ce qui n'a jamais été fait. L'immeuble désigné par les parties est un hôtel particulier situé à [Adresse 8].
Par acte authentique du 20 décembre 2012, M. [G], sans la participation de son ex-épouse, a vendu à Mme [V]-[J] la pleine propriété de l'hôtel particulier, moyennant le prix de 3 400 000 € financé en partie par un prêt consenti à l'acquéreur par la banque Neuflize OBC. La vente a été réalisée par l'entremise de M. [Y] [C] et de la société de droit anglais G.V.Invest Ltd.
S'estimant victime d'infractions pénales, Mme [G] a fait délivrer des citations directes devant le tribunal correctionnel à son ex-mari, à Mme [V]-[J] et à M. [C]. Par jugement du 14 mars 2014, définitif sur l'action publique, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé tous les prévenus. La cour d'appel de Paris, dans son arrêt confirmatif du 16 septembre 2015 rendu sur les seuls intérêts civils, a débouté Mme [G] de toutes ses demandes de dommages et intérêts. Entre-temps, par actes extrajudiciaires des 18 et 22 juillet 2013, Mme [G] avait assigné Mme [V]-[J], M. [G], M. [C], la société GV Invest Ltd et la SA Baqnue Neuflize OBC pour voir prononcer la nullité de la vente, sur le fondement de l'article 1599 du code civil et, subsidiairement, l'inopposabilité de celle-ci, sur le fondement de l'article 621 du code civil.
C'est dans ces conditions que le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 12 janvier 2016, a :
- ordonné la mise hors de cause de M. [C] à titre personnel ;
- fait droit aux fins de non-recevoir tirées : d'une part, de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal, et tirées, d'autre part, du défaut de qualité pour agir de Mme [G], pris de ce qu'elle n'avait qualité ni de vendeur ni d'usufruitière et qu'elle ne pouvait agir ni sur le fondement de l'article 1599 du code civil, ni sur le fondement de l'action oblique ;
- déclaré Mme [G] irrecevable à agir ;
- déclaré sans objet la demande de Mme [G] en déclaration de jugement commun à l'égard de la banque, partie au litige ;
- rejeté les demandes de dommages et intérêts pour abus de droit et d'indemnité de procédure de Mme [G] ;
- débouté Mme [V] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;
- condamné Mme [G] à payer 3 000 € à chacun des défendeurs au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné Mme [G] aux dépens.
Par dernières conclusions du 20 novembre 2017, Mme [G], appelante, demande à la Cour de :
- vu les articles 1154, 1599, 1371, 1166, 1167, 621 et 599 du code civil ;
- vu l'article 509 du code de procédure civile ;
- réformer le jugement entrepris ;
- dire qu'il n'y a pas en l'espèce d'autorité de chose jugée du pénal sur le civil ;
- dire que le jugement de divorce définitif et revêtu de l'apostille est constitutif d'usufruit viager au profit de la concluante ;
- dire que la vente litigieuse est nulle par application des articles 1599 et 1166 du code civil et la rétablir dans ses droits d'usufruitière à l'égard de M. [G] ;
- condamner solidairement Mme [V]-[J] et M. [G] à lui payer une somme de 15 000 € par mois à compter du 16 août 2013 date de la fin de la location à Mme [V]-[J], puis au double de cette somme à compter de la signification du présent arrêt 'jusqu'à rétablissement dans ses droits d'usufruitière ou paiement de la contrevaleur de ce droit', avec intérêts à compter de l'acte introductif d'instance ;
- condamner solidairement Mme [V]-[J] et M. [G] à lui payer une somme de 717 310 € représentant le montant des travaux réalisés dans l'immeuble par elle, outre les intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance ;
- 'condamner conjointement et solidairement M. [C] et la société GV Invest dans la proportion que la Cour jugera utile pour avoir participé a son préjudice financier';
- subsidiairement :
- dire que lui est inopposable, en vertu des articles 1167 et 621 alinéa 2 du code civil, la vente de son usufruit viager sur le bien litigieux opérée par la vente en pleine propriété consentie par son ex-mari à Mme [V]-[J] ;
- en conséquence, la rétablir dans ses droits d'usufruitière avec toutes conséquences de droit, ordonner sa réintégration avec expulsion de Mme [V]-[J] et de tout occupant du chef de celle-ci, sous peine d'astreinte de 1 000 € par jour de retard ;
- à défaut :
- condamner M. [G], solidairement tenu avec Mme [V]-[J], à lui payer une somme de 2 410 909 € avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2012, jour de la vente et capitalisation des intérêts dus pour une année entière, en compensation de la valeur de l'usufruit perdu, par application de l'article 621 alinéa 1 du code civil ;
- valider les publications effectuées par elle au service de la publicité foncière compétent à raison de l'emplacement de l'immeuble ;
- à défaut :
- condamner in solidum M. [G] et Mme [V]-[J], à lui payer une somme de 2 410 909 € avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2012, jour de la vente et capitalisation des intérêts dus pour une année entière, en compensation de la valeur de l'usufruit perdu, par application de l'article 1382 du code civil devenu l'article 1240 du même code ;
- en toutes hypothèses, contre la Banque Neuflize OBC :
- dire que le privilège de prêteur de deniers pris par la banque à hauteur de 2 000 000 € sera levé ou limité à la nue propriété ;
- débouter Mme [V]-[J] de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à sa réputation ;
- débouter les intimés de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner, hormis la banque, à lui payer une somme de 3 000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner, hormis la banque, aux dépens.
Par dernières conclusions 03 octobre 2016, M. [G] prie la Cour de :
- vu l'article 122 du code de procédure civile ;
- vu le principe de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal ;
- vu les articles 1599 et 1166 du code civil ;
- confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;
- à titre surabondant :
- dire qu'aucun contrat de démembrement de propriété n'a été conclu entre le concluant et son ex-épouse concernant l'immeuble litigieux ;
- débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes ;
- la condamner à lui verser une somme supplémentaire de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en plus de supporter la charge des dépens d'appel.
Par dernières conclusions du 7 décembre 2017 Mme [V]-[J] prie la Cour de :
- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a admis la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée et a déclaré Mme [G] irrecevable en ses demandes ;
- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a admis la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir ;
- vu les articles 1599 et 621 du code civil ;
- vu l'article 1240 nouveau du code civil ;
- déclarer Mme [G] irrecevable en sa demande de nullité de la vente, pour défaut de qualité pour agir ;
- déclarer Mme [G] irrecevable en son action paulienne fondée sur l'article 1167 du code civil ;
- 'déclarer irrecevable la demande tendant à engager sa responsabilité civile en l'absence de faute de sa part' ;
- à titre subsidiaire au cas où la Cour statuerait sur les demandes d'inopposabilité de la vente :
- dire que Mme [G] n'a jamais eu la qualité d'usufruitière du bien immobilier litigieux ;
- dire que le prétendu usufruit est inopposable à la concluante ;
- débouter en conséquence Mme [G] de ses demandes ;
- condamner Mme [G] à lui verser une somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts ;
- condamner Mme [G] à lui verser une indemnité de procédure supplémentaire de 30 000 €, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il lui a alloué une somme de 3 000 € à ce titre et a condamnée Mme [G] aux dépens qui sera également condamnée aux dépens d'appel ;
- 'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir' ;
- dire n'y avoir lieu à quelque solidarité que ce soit de Mme [V]-[J], tiers de bonne foi, pour le paiement d'une indemnité quelconque au titre de l'usufruit.
Par dernières conclusions du 27 octobre 2016, M. [C] et la société GV Invest Ltd prient la Cour de :
- confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;
- vu les articles 1599 et 1166 du code civil ;
- dire qu'en tout état de cause Mme [G] est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir ;
- dire que Mme [G] est irrecevable et sans fondement en toutes ses demandes ;
- et y ajoutant :
- leur allouer 10 000 € d'indemnité en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, à la charge de Mme [G], qui sera condamnée aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 3 octobre 2016, la société Banque Neuflize OBC prie la Cour de :
- vu l'autorité de chose jugée et le défaut de qualité pour agir de Mme [G] ;
- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a déclaré Mme [G] irrecevable en ses demandes et l'a condamnée au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- en tout état de cause :
- dire que Mme [G] est mal fondée en ses demandes, faute de justifier d'un usufruit, en l'absence de publication d'un usufruit au service de publicité foncière, et eu égard à la qualité de tiers de bonne foi de la banque concluante ;
- dire en tout état de cause que le droit d'usufruit revendiqué lui est inopposable en sa qualité de tiers de bonne foi ;
- débouter Mme [G] de sa demande en nullité et en inopposabilité ainsi que de sa demande de levée de l'inscription du privilège de prêteur de deniers ;
- débouter Mme [G] de toutes ses demandes ;
- y ajoutant, la condamner à lui payer une somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en plus de supporter la charge des dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE
LA COUR
L'autorité de chose jugée découlant, d'une part, du jugement de relaxe du 14 mars 2014 du tribunal correctionnel de Paris, définitif sur l'action publique et, d'autre part, de l'arrêt confirmatif de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris du 16 septembre 2015, rendu sur la seule action civile et ayant débouté Mme [G] de ses demandes, s'attache uniquement aux faits sur lesquels le juge pénal s'est nécessairement et certainement prononcé pour retenir, en premier lieu que les délits pénaux poursuivis n'existaient pas et, en second lieu, qu'il n'y avait pas de faute prouvée à partir et dans les limites des faits objets de la poursuite.
Ainsi, malgré le fait que M. [G] ait, dans l'acte de vente litigieux, passé sous silence le divorce d'avec Mme [G] et la convention signée pour en régler les effets, il demeure établi, par l'effet des décisions pénales, que M. [G] n'a pas commis de faux à l'occasion de la signature de cet acte de vente, ni, par suite, d'usage de faux. Il est également déjà jugé que M. [G] n'a pas commis de déclaration mensongère dans l'acte notarié et qu'il n'est pas prouvé qu'il ait voulu falsifier la situation juridique du bien en dissimulant des informations au notaire, avec la conscience d'altérer la vérité. Ces décisions pénales établissent encore que non seulement que Mme [V]-[J] n'a pas commis recel de faux, mais encore qu'on ne peut lui reprocher d'avoir acquis l'immeuble à un prix dérisoire en ayant conscience de mentions frauduleuses de l'acte authentique ; il n'est pas établi, en particulier, qu'elle aurait eu connaissance de ce qu'un usufruit de Mme [G] limitait les pouvoirs de vendre de M. [G]. Enfin, ces décisions pénales établissent que M. [C], à l'occasion de la signature de l'avant-contrat 'passé devant notaire' et de l'acte de vente, n'a commis aucune des fautes que lui reproche Mme [G] et qu'il n'est pas même établi que cet intermédiaire ait pu avoir un doute sur les mentions contenues dans ces actes.
En revanche, ne possèdent aucune autorité de chose jugée dans le cadre de la présente instance, les motifs surabondants énoncés par le tribunal et la cour d'appel, aux termes de ces décisions pénales, qui ont affirmé, conformément à la conviction juridique de bonne foi de M. [G] à la date des faits objets de la poursuite, que la convention réglant les effets du divorce n'avait en elle-même créé aucun droit sur l'immeuble litigieux au profit de Mme [G], en l'absence de conclusion du contrat séparé de donation et d'usufruit qui avait été prévue par les parties, de sorte que M. [G] était demeuré seul propriétaire. En effet, la véracité de cette opinion juridique n'est le soutien nécessaire ni des décisions de relaxe, ni du débouté de Mme [G] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'action civile exercée devant le juge pénal. Le tribunal ne peut donc être approuvé d'avoir retenu qu'était définitivement jugée la qualité de propriétaire plein et entier de M. [G], exclusive du démembrement allégué par Mme [G].
Or, tandis que le paragraphe 4.9 de la convention de divorce précise que dès la signature de celle-ci, Mme '[F] [G]' assumera les charges courantes de l'immeuble et tandis que le paragraphe 4.10 indique que dès la signature de la convention de divorce, Mme [G] décidera librement de l'usage du bien, M. [G], en vertu de dispositions expresses n'ayant plus aucun droit de jouissance et n'assumant plus aucune obligation relative à l'immeuble, il est établi que les ex-époux ont exécuté spontanément les obligations qu'ils avaient stipulées l'un envers l'autre relativement à l'usufruit de l'immeuble litigieux, et ce nonobstant le fait que le contrat de donation et d'usufruit séparé n'ait pas été signé avec leur fille [Q].
En effet, il est prouvé (pièce n° 10-2 de Mme [G]) que par acte sous seing privé du 11 mars 2011, 'Monsieur et Madame [O] [G]', se domiciliant ensemble dans l'immeuble litigieux, ont donné un mandat de recherche d'acquéreur à l'agent immobilier dénommé société Bureau d'études et de transactions immobilières afin de le proposer à la vente au prix de 5 800 000 € ; ce mandat, dont l'existence n'est pas contestée, est signé du seul M. [O] [G], qui en a donc accepté les termes conférant expressément des droits réels sur l'immeuble à son ex-épouse, ce qui ne peut s'analyser que comme la mise en oeuvre spontanée et volontaire par M. [G] des dispositions sur l'usufruit de Mme [G] contenues dans la convention ratifiée par le juge du divorce. Cet accord des parties, attesté par l'avocat suisse rédacteur de la convention et alors conseil des deux époux, est encore corroboré par le fait que, logiquement, Mme [G] a elle-même donné mandat sous son nom d'épouse à d'autre agents immobiliers en vue de la vente de l'immeuble litigieux. Il importe peu dans ces conditions, pour ce qui concerne les relations entre les parties, que le jugement suisse n'ait pas été rendu exécutoire en France par application des dispositions de la convention de Lugano, ni qu'un acte notarié n'ait pas été signé en France au sujet de l'usufruit, alors que la loi française ne l'exige pas, ni qu'un acte notarié n'ait pas été signé en Suisse, alors que la constitution de l'usufruit relève de la loi française, ni qu'un acte de donation au bénéfice d'un tiers n'ait pas été signé, ni même qu'aucune publication de l'usufruit au service de la publicité foncière ne soit intervenue à la date de la vente litigieuse.
Dès lors qu'il est établi que Mme [G] justifie de sa qualité d'usufruitière du bien litigieux dans ses rapports avec M. [G], d'une manière qui est opposable à celui-ci, le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a retenu que Mme [G] était totalement irrecevable à agir.
S'agissant de la demande en nullité de la vente litigieuse et en application de l'article 621 du code civil, la vente du bien grevé d'usufruit sans accord de l'usufruitier ne modifie pas le droit de ce dernier, qui continue à jouir de son usufruit sur le bien s'il n'y a pas expressément renoncé ; il se déduit de ces dispositions que Mme [G] n'est pas recevable à agir en nullité de la vente litigieuse, seule l'inopposabilité de la vente pouvant être constatée. Par ailleurs, Mme [G] ne peut invoquer la fraude paulienne à l'appui de sa demande en nullité, dès lors qu'elle se heurte sur ce point à l'autorité de la chose jugée au pénal, puisqu'il est déjà établi que M. [G] n'a pas agi frauduleusement.
Dès lors qu'il est également établi, en vertu des décisions pénales, que Mme [V]-[J] a acquis de bonne foi la pleine propriété du bien et dès lors que son droit de propriété a été publié au service de la publicité foncière, l'usufruit de Mme [G], qui n'était pas publié à cette date, lui demeure inopposable. Il s'ensuit que Mme [G] ne peut obtenir sa réintégration dans l'immeuble litigieux ni l'expulsion de Mme [V]-[J]. En revanche, Mme [G] a droit à une portion du prix de vente perçu par M. [G] et correspondant à la valeur comparative de son usufruit viager avec la nue-propriété, étant observé que la circonstance que le prix de vente aurait été frauduleusement minoré au regard de la valeur vénale ne peut plus être retenue et que, si Mme [V]-[J] occupait déjà les lieux au titre d'un bail en meublé venant à échéance le 15 août 2013, il n'est pas établi que cette circonstance ait conduit à une minoration du prix de vente au regard de la valeur vénale. Mme [G] étant née le [Date naissance 1] 1961, la valeur de son usufruit peut être fixée à 50% du prix, par application du barème fiscal, étant observé que l'évaluation économique de cet usufruit proposée par l'appelante à hauteur de 2 410 909 € ne peut être retenue, en ce que l'hypothèse de rendement de 5% apparaît trop forte. En effet, en l'absence de toute prévision des charges afférentes à l'immeuble, alors que la convention constitutive de l'usufruit n'en laissait supporter aucune à M. [G], pas même les frais de grosse réparation, il n'est pas établi que Mme [G], qui indique avoir investi 717 310 € de travaux dans les lieux et qui les a loué 180 000 € par an seulement, l'immeuble ayant été vendu au prix de 3 400 000 €, aurait pu bénéficier, de manière viagère, d'un rendement de 5%. M. [G] sera donc condamné à verser à Mme [G] une somme de 1 700 000 € au titre de la valeur de l'usufruit.
Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de la vente, à laquelle l'usufruitière aurait dû la percevoir si elle avait d'accord pour vendre ; et la capitalisation des intérêts dus pour une année entière sera ordonnée.
Compte tenu de la solution donnée au litige s'agissant de l'autorité de chose jugée des décisions pénales, Mme [G] doit être déboutée de sa demande contre Mme [V]-[J] tendant à voir celle-ci condamnée solidairement, avec son ex-mari, au paiement de cette somme, dès lors qu'elle a acquis l'immeuble de bonne foi, tandis que l'usufruit ne lui était pas opposable.
Mme [G], dont l'usufruit viager a été compensé, à la date de la vente, par un droit propre sur une proportion du prix total de l'immeuble, ne peut pas demander, en sus de cette compensation, à être indemnisée du préjudice né de la perte des loyers générés par la chose vendue, cette perte ayant déjà été compensée. La demande formée à hauteur de 15 000 € par mois à compter du16 août 2013, puis à hauteur de 30 000 € par mois à compter de la signification du présent arrêt ne peut pas prospérer.
En outre, si Mme [G] demande à Mme [V]-[J], sur le fondement de l'enrichissement sans cause, le remboursement de la somme de 717 310 € qu'elle indique avoir investie dans des travaux dans le bien litigieux il ne peut être soutenu que Mme [V]-[J], qui a payé le prix de l'immeuble travaux effectués, se soit enrichie sans cause. La demande à ce titre ne peut donc pas prospérer.
En revanche, dès lors qu'aux termes de l'article 599 du code civil le propriétaire ne peut, de quelque manière que ce soit, nuire aux intérêts de l'usufruitier, et dès lors qu'il est établi que M. [G] a vendu le bien objet de l'usufruit sans l'accord de l'usufruitier et dans des conditions telles que la jouissance conforme à la convention des parties ne peut plus s'exercer, l'usufruitière est fondée à demander remboursement au vendeur des travaux effectués sur le bien en considération de la jouissance viagère de l'immeuble dont elle a été frustrée, correspondant à des dépenses quelle n'aurait pas exposées si elle avait su qu'elle allait être évincée. Or, Mme [G] justifie par attestation et factures de ce qu'elle a investi dans l'immeuble la somme de 717 310 € au titre de travaux, d'équipement, d'aménagement divers et de frais de décoration et il est établi qu'elle n'aurait pas exposé ces dépenses si elle avait su que sa jouissance de l'immeuble, qui devait être viagère, serait d'aussi courte durée du fait de M. [G]. Celui-ci sera donc condamné à l'indemniser à hauteur de cette somme de 717 310 €. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de la vente litigieuse ; la capitalisation des intérêts dus pour une année entière sera également ordonnée.
Les demandes de Mme [G] contre M. [C] et contre la société GV Invest Ltd, fondées sur des fautes de M. [C] dont il a déjà été jugé qu'elles n'avaient pas été commises, ne peuvent prospérer et seront rejetées.
Les demandes de Mme [G] contre la banque Neuflize OBC, à l'égard de laquelle l'usufruit est également demeuré inopposable, sont sans objet au vu de la solution du litige.
La demande reconventionnelle en dommages et intérêts de Mme [V]-[J] contre Mme [G] ne peut prospérer en ce que le préjudice d'atteinte à l'image et à la réputation de l'intimée n'est pas établi et en ce qu'il n'est pas établi que Mme [G] aurait commis un abus de son droit d'ester en justice à l'occasion de la présente procédure. En équité, Mme [V]-[J] ne versera toutefois pas d'indemnité de procédure à Mme [G].
M. [G], qui succombe à titre principal, sera condamné en tous les dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Mme [G] recevra de M. [G] une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En équité, M. [C] et la société GV Invest Ltd ne recevront pas d'indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement querellé en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
Condamne M. [G] à payer à Mme [G], en compensation de la valeur de l'usufruit viager de celle-ci, une somme de 1 700 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2012 et ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
Condamne M. [G] à payer à Mme [G], en compensation des frais d'amélioration du bien exposés par celle-ci en considération de la durée viagère de l'usufruit, une somme de 717 310 € avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2012 et ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
Rejette les demandes de Mme [G] contre Mme [V]-[J],
Rejette les demandes de Mme [G] contre M. [C] et la société GV Invest Ltd
Dit que les demandes de Mme [G] contre la banque Neuflize OBC sont sans objet,
Rejette les demandes de M. [G],
Déboute Mme [V]-[J] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts contre Mme [G] et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute Mme [G] de sa demande contre Mme [V] [J] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [G] à payer à Mme [G] une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [C], la société GV Invest Ltd et Mme [V]-[J] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [G] aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.
Le Greffier, La Présidente,