RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 01 Février 2018
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/09888
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Septembre 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 12-01254
APPELANTE
SAS TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILES
[Adresse 1]
[Adresse 2]
représentée par Me Valérie SCETBON GUEDJ, avocat au barreau de PARIS, toque P0346 substitué par Me Sophie TREVET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346
INTIMEE
CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS (BOBIGNY)
[Adresse 3]
[Adresse 4]
[Adresse 5]
Représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque D 1901.
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 6]
[Adresse 7]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Madame Marie-Odile FABRE-DEVILLERS, Conseiller
Greffier : Mme Anne-Charlotte COS, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Président, et par Mme Anne-Charlotte COS, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILES à l'encontre d'un jugement rendu le 18 septembre 2013 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis .
FAITS, PROCÉDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée ainsi que dans l'arrêt du 17 novembre 2016 de la cour de céans à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.
Il suffira de rappeler que Mme [H] [P], conductrice salariée de la société TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILESdepuis le 21juin 2000, a été victime d'une agression le 22 septembre 2006 à 5h40, prise en charge d'emblée par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine saint Denis au titre de la législation professionnelle.
La société TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILES a saisi le 16 décembre 2011 la commission de recours amiable de cette caisse primaire d'assurance maladie aux fins de contester la longueur des soins et arrêts de travail prescrits à Mme [P] et de demander leur inopposabilité à son égard.
En l'absence de réponse dans le délai d'un mois, la société TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILES a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny qui par jugement du 18 septembre 2013 l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
C'est le jugement attaqué devant la cour de céans qui par un arrêt du 17 décembre 2016 a infirmé le jugement déféré et ordonné la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire dont le rapport a été déposé le 20 mars 2017 par le DR [V].
La société TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILES fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour à infirmer le jugement déféré et
-à titre principal, déclarer inopposable la totalité des soins, arrêts de travail et prestations pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis,
- à titre subsidiaire, déclarer inopposables les soins, arrêts de travail et prestations pris en charge par la caisse après la date de consolidation qui doit être fixée au 22 décembre 2006,
-et, en tout état de cause, dire que les frais d'expertise seront réglés par la caisse primaire d'assurance maladie nationale compétente du régime général ou bien avancés par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine saint Denis et enjoindre à la caisse de transmettre à la CARSAT compétente le montant des prestations correspondant aux soins, arrêts de travail et autres prestations déclarés inopposables à son égard.
La société TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILES fait valoir que devant l'importance des sommes imputées à son compte employeur de 2006 à 2009, elle a sollicité en vain la communication des éléments notamment médicaux concernant Mme [P] et que cette demande est restée sans réponse; que la caisse primaire d'assurance maladie n'a adressé aucun document contemporain de l'accident à l'expert; que la production tardive des certificats médicaux doit être sanctionnée; que le retard injustifié de la caisse primaire d'assurance maladie doit entraîné l'inopposabilité à son égard de l'ensemble des prestations prises en charge.
La caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis demande la confirmation du jugement entrepris, faisant valoir que l'envoi tardif de certificats médicaux a été validé par la Cour de cassation, qu'en l'espèce, il y a continuité de soins et que l'employeur ne rapporte pas la preuve de la cause étrangère.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE , LA COUR ,
Considérant qu'il n'est pas contesté que le compte employeur mentionne au titre de l'accident du travail de Mme [P] du 22 septembre 2006 :
-en 2006 : 2800 euros d'indemnités temporaires et 63 jours d'arrêts de travail,
-en 2007 : 13 240 euros d'indemnités temporaires et 279 jours d'arrêts de travail,
-en 2008 : 9608 euros d'indemnités temporaires et 261 jours d'arrêts de travail,
-en 2009 : 4328 euros d'indemnités temporaires et 86 jours d'arrêts de travail.
Que si la société TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILES ne conteste pas la prise en charge de l'accident du travail et deslésions constatées par l'hôpital, elle entend contester en revanche la longueur des soins et arrêts de travail.
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie n'ayant pas établi que tous les arrêts prescrits, qui ne sont pas continus, étaient bien en lien avec la pathologie initiale, la cour de céans a considéré qu'il existait une contestation sérieuse de nature médicale justifiant une expertise.
Considérant que par arrêt du 17 novembre 2016,elle a donc infirmé le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau a ordonné une expertise confiée au Dr [V] aux fins de :
-dire quels sont les arrêts et soins qui sont une conséquence de l'accident déclaré par Mme [P] ou pour lesquels il a joué un rôle même non exclusif, notamment en aggravant un état pathologique préexistant,
-préciser à partie de quelle date cet état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte est devenu la cause exclusive des arrêts et soins.
Considérant que l'expert mentionne dans son rapport du 20 mars 2017 qu'il a reçu le 7 mars 2017 de la caisse primaire d'assurance maladie de Bobigny trois certificats médicaux d'accident du travail établis par le Dr [D] le 25 février 2011 pour les deux premiers et le 8 avril 2011 pour le troisième, ainsi les conclusions motivées du Dr [L] du 10 juin 2011dans le cadre d'une expertise L.141-1 du code de la sécurité sociale ;
Que sa demande téléphonique du 8 mars 2017 auprès de ce service de documents supplémentaires est restée sans suite, de même que ses appels réitérés le 20 mars 2017 sont restés sans réponse;
Que le Dr [Z] lors de l'expertise le 23 mars 2017 a donné à l'expert :
-la déclaration d'accident du travail datée du 22 septembre 2009,
-le certificat médical initial,
-un certificat médical en accident du travail du 10 novembre 2006 (cachet illisible).
Considérant que c'est au vu de ces seuls documents que le Dr [V] a pu établir que les constatations médicales initiales mentionnent un traumatisme facial, une projection de gaz lacrymogène et des angoisses, avec un arrêt de travail jusqu'au 24 septembre 2006 ;
Qu'aucun document ne décrit un retentissement fonctionnel précis et un éventuel traitement médicamenteux ;
Qu'aucun document médical n'est produit par la caisse primaire d'assurance maladie jusqu'à celui du 25 février 2011 mentionnant une agoraphobie post traumatique;
Considérant que les lésions de Mme [P] ont été consolidées le 28 février 2011, sans que l'expert connaisse si d'éventuelles séquelles ont été retenues; que les seuls éléments relatifs aux traitements médicamenteux découlent de l'exploitation du compte employeur, qui, en raison de la faiblesse des montants pris en charge en 2006 et 2007, font présumer une prise en charge médicamenteuse et médicale simples, et très probablement sans suivi spécialisé à visée psychologique.
Considérant que l'expert n'a pas été en mesure de savoir s'il existait un état antérieur, en particulier sur le plan psychologique, et donc si l'accident du travail aurait aggraver un état psychologique antérieur.
Considérant qu'il conclut que ' ... en tout état de cause, à titre informatif, compte tenu de l'ensemble des documents médicaux vus, de la prise en charge qui ressort comme ayant été des plus simples, on peut retenir en rapport direct avec les suites de son accident de travail, un arrêt de travail justifié pour une durée de 3 mois.
Au delà de cette période, il ne ressort aucun élément médical qui permet de justifier la prolongation de l'arrêt de travail en rapport direct et exclusif avec les suites de son accident de travail.'
Considérant que l'expert n'a pas été en mesure de diligenter pertinemment la mission qui lui a été confiée ;
Que c'est seulement postérieurement que la caisse primaire d'assurance maladie a produit l'ensemble des certificats médicaux; qu'elle en reconnaît le caractère tardif sans apporter de raison légitime si ce ne sont des questions d'archivage ;
Considérant que selon l'article 11 du code de procédure civile, les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus ;
Que la caisse primaire d'assurance maladie , en s'abstenant sans invoquer de motif légitime de répondre aux demandes de l'expert de lui communiquer les pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission, n'a pas satisfait aux obligations découlant de ce texte;
Que tel est le cas en l'espèce; qu'en conséquence, les certificats médicaux produits beaucoup trop tardivement seront écartés de la discussion et le rapport de l'expert entériné en l'état ;
Considérant que ces circonstances justifient donc que soient déclarés inopposables les soins, arrêts de travail et prestations pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au delà des 3 mois fixés par l'expert, soit après le 22 décembre 2006 ;
Que les frais de l'expertise motivée par la carence de la caisse seront mis à la charge de celle-c i;
Qu'il sera enfin enjoint à la caisse de transmettre à la CARSAT compétente le montant des prestations correspondant aux soins, arrêts de travail et autres prestations déclarés inopposables à la socièté TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILES.
PAR CES MOTIFS,
- Infirme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
- Déclare inopposables à la société TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILES les soins, arrêts de travail et prestations pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis après le 22 décembre 2006;
- Dit que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis devra rembourser à la société TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILES la somme de 750 euros payés au titre des frais d'expertise.
- Enjoint à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis de transmettre à la CARSAT compétente le montant des prestations inopposables à la SAS TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILES.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT