RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 31 Janvier 2018
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/12731
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU RG n° 13/00473
APPELANT
Monsieur [T] [X]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
[Adresse 3]
né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1]
assisté de Maître Christian SAID, avocat au barreau de l'Essonne, substitué par Maître Marie WATREMEZ-DUFOUR, avocat au barreau de l'Essonne.
INTIMEE
SAS BRAMMER
[Adresse 4]
[Adresse 5]
[Adresse 6]
représentée par Me Léo MAIO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0716
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Benoît HOLLEAUX, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Benoit HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de président
Mme Christine LETHIEC, conseillère
Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée
Greffier : Mme Laurie TEIGELL, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benoit HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de Président et par Madame Laurie TEIGELL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Longjumeau du 16 septembre 2015 ayant :
-fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires de M. [T] [X] à la somme de 2 511,04 € bruts mensuels
-pris acte de l'attribution d'une prime commerciale de 492 € bruts sur l'année 2010
-dit que la prime sur objectifs à l'exception de celles antérieures au 1er janvier 2010, l'avantage en nature et l'indemnité de repas ne doivent pas être inclus dans l'assiette de calcul des congés payés
-condamné la Sas BRAMMER à payer à M. [T] [X] les sommes de :
40 € bruts de rappel de prime d'astreinte
7 500 € de dommages-intérêts pour non-respect des temps légaux de repos
1 250 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
-débouté M. [T] [X] de ses autres demandes
-condamné la Sas BRAMMER aux dépens ;
Vu la déclaration d'appel de M. [T] [X] reçue au greffe de la cour le 9 décembre 2015 ;
Vu l'audience des débats du 24 mai 2017 au cours de laquelle les parties, assistées de leur conseil ou représentées par celui-ci, ont été orientées vers le médiateur de permanence pour recevoir une information générale sur la médiation, information ayant donné lieu à la désignation d'un médiateur (M. [Y]) par une ordonnance du 21 juin 2017, lequel a établi un rapport daté 8 août 2017 indiquant qu'elles ne sont pas parvenues à trouver une solution amiable au litige qui les oppose.
Vu la date de rappel de l'affaire à l'audience du 22 novembre 2017 ;
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience des débats du 24 mai 2017, réitérées à celle du 22 novembre 2017, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de M. [T] [X] qui demande à la cour de :
-confirmer le jugement entrepris en ses dispositions de condamnation
-l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, condamner la Sas BRAMMER à lui verser les sommes de 2 653,18 € à titre de rappel d'indemnité légale de congés payés, et 50 000 € de dommages-intérêts pour discrimination syndicale
-y ajoutant, rappeler l'engagement de la Sas BRAMMER à lui payer la somme de 492 € à titre de prime sur objectifs (année 2010) et, au besoin, l'y condamner, outre celle de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience des débats du 24 mai 2017, réitérées à celle du 22 novembre 2017, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la Sas BRAMMER qui demande à la cour de :
-confirmer la décision déférée en ses dispositions de rejet des demandes de rappel d'indemnité légale de congés payés, et de dommages-intérêts pour discrimination syndicale
-l'infirmer en ses dispositions de condamnation sur le rappel de prime d'astreinte, les dommages-intérêts pour non-respect des temps de pause et l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [T] [X] qui sera débouté de ces chefs
-prendre acte de ce qu'elle se propose de payer à M. [T] [X] des rappels de salaires au titre de primes commerciales d'un montant de 492 € (année 2010), 299 € (3ème /4ème trimestres 2011, année 2012), et 155,63 € (année 2013)
-le débouter de toutes ses autres prétentions, et le condamner aux entiers dépens.
MOTIFS :
La Sas BRAMMER a engagé M. [T] [X] e contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ayant pris effet le 25 février 2008 pour y occuper les fonctions de « Technico-Commercial Sédentaire », catégorie Technicien-niveau V-échelon 1 de la convention collective nationale des commerces de gros, moyennant en contrepartie un salaire de base de 2 080 € bruts mensuels, un 13ème mois et un intéressement aux résultats.
Aux termes d'un avenant à compter du 1er novembre 2008, M. [T] [X] a été promu sur un poste de « Tecnico-Commercial Terrain » avec un salaire de base porté à 2 250 € bruts mensuels
Ayant adhéré à l'organisation syndicale CGT en mars 2010, il exerce depuis juin 2011 divers mandats syndicaux auprès des institutions représentatives du personnel de la Sas BRAMMER au sein de laquelle il est toujours en poste.
Sur le rappel d'indemnité légale de congés payés :
Rentrent dans l'assiette de calcul de l'indemnité légale de congés payés, les éléments faisant partie intégrante de la rémunération totale brute qui inclut les primes et indemnités diverses versées en contrepartie du travail effectué, de même que les avantages accessoires ou en nature dont le salarié se trouverait privé pendant sa prise de congés.
En définitive, sont seulement exclus de cette même assiette, les remboursements de frais professionnels, les primes et gratifications non affectées par la prise de congés annuels, les primes d'intéressement calculées sur le résultat global de l'entreprise sans lien direct avec l'activité personnelle du salarié et, d'une manière générale, toutes les sommes qu'il a pu percevoir sans être la contrepartie d'une prestation de travail.
*
Comme le soutient à juste titre M. [T] [X], et nonobstant ce que considère à tort l'intimée, doivent en l'espèce être intégrées à l'assiette de calcul de l'indemnité légale de congés payés, d'une part, les primes sur objectifs contractualisées qui sont assises sur les résultats produits par l'activité de ce dernier et nécessairement affectés en période de congés et, d'autre part, les indemnités de repas tout autant contractualisées pour représenter dans un cadre professionnel les dépenses effectuées lors de déplacements nécessitant la fréquentation de restaurants et pour renvoyer à une sujétion particulière liée à l'organisation du travail sans une stricte correspondance avec le remboursement de frais réellement exposés par celui-ci.
S'agissant de l'avantage en nature que constitue l'utilisation par M.[T] [X] d'un véhicule de service qui est laissé à son entière disposition pendant les jours de repos légaux, avantage qui lui est maintenu sur ses bulletins de paie durant ceux-ci, en application de l'article L. 3141-23 du code du travail qui rappelle que pour la fixation de l'indemnité de congés payés il en est tenu compte si le salarié ne continue pas à en profiter pendant ses songés, ce qui est exactement le contraire en l'espèce, il n'y a donc pas lieu de l'intégrer dans ladite assiette, ce qu'il admet finalement dans se dernières conclusions d'appelant en page 6.
*
Au vu des pièces comptables récapitulatives que produit aux débats M. [T] [X] - numéros 25 et 36 -, lesquelles sont complétées par des précisions chiffrées figurant en pages 6 à 8 de ses écritures, infirmant le jugement entrepris, l'intimée sera en conséquence condamnée à lui régler la somme à ce titre de 2 653,18 € sur la période de juin 2009 à mai 2017 à titre de rappel (3 509,49 € de montant attendu ' 856,31 déjà perçus), sur la base de la règle non discutée du dixième, avec intérêts au taux légal partant du 16 mai 2013, date de réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation.
Sur les demandes au titre d'un rappel de prime d'astreinte, et de dommages-intérêts pour violation des temps légaux de repos :
Dès lors que l'appelant au soutien de sa demande en paiement d'un rappel de prime d'astreinte téléphonique, qui résulte en l'espèce d'un engagement unilatéral de l'employeur, se prévaut d'une revalorisation salariale entrée théoriquement en vigueur le 1er octobre 2012 - part fixe de l'astreinte passant de 120 € à 140 €, part variable de 60 € à 80 € -, revalorisation ayant de fait pris du retard dans le courant de l'année 2013 comme le rappelle la société intimée, ce qu'il ne discute pas expressément, et que la plupart de ses interventions reprises dans son récapitulatif en pièce 8 se situent en toute hypothèse avant la date du 1er octobre 2012, ce que ne manque pas de relever l'employeur, et ce qui rend son décompte manifestement insincère, après infirmation du jugement déféré, il convient de le débouter de ce chef de réclamation à hauteur de la somme de 40 €.
Au vu de sa même pièce 8, s'agissant des interventions que M. [T] [X] effectuées lors de ses permanences d'astreinte, interventions considérées comme un temps de travail effectif en application de l'article L. 3121-5 du code du travail, lesquelles ne lui ont pas permis en certaines occasions de bénéficier d'un temps de repos journalier de 11 heures consécutives, en considération du préjudice qu'il a réellement subi suite au manquement de la société intimée sur ce point, après infirmation de la décision critiquée s'agissant du quantum, elle sera condamnée à lui payer la somme indemnitaire de ce chef ramenée à 4 000 €, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.
Sur la discrimination syndicale :
Pour se considérer comme ayant été victime d'une discrimination syndicale, M. [T] [X] retient les griefs suivants contre l'intimée :
-une absence d'augmentation salariale individuelle depuis 2008, et la modification de son portefeuille clients sans prise en compte dans le calcul de ses primes d'objectifs ;
-le défaut d'ajustement de ses primes d'objectifs en considération de ses mandats syndicaux ;
-le refus de ses congés payés suite à une demande faite en janvier 2012 pour le mois de juillet, et des chèques cadeaux ;
-le retard dans le remboursement de ses notes de frais.
Contrairement à ce que prétend M. [T] [X], nonobstant les dispositions issues de l'article L. 1134-1 du code du travail, au vu de l'ensemble des éléments soumis à la cour, force est de constater qu'il ne présente aucun élément de fait qui laisserait supposer l'existence à son égard d'une discrimination directe ou indirecte à raison de son activité syndicale, dès lors que :
-sa rémunération a régulièrement fait l'objet d'une revalorisation après 2008 et jusqu'en 2011, tout d'abord et principalement dans un cadre collectif avec le dispositif en vigueur issu de l'accord d'entreprise du 25 septembre 2013 sur la négociation annuelle obligatoire ;
-à compter de l'année 2011, compte tenu des résultats commerciaux en baisse de l'agence de [Localité 2] où l'appelant était alors affecté, contrairement aux autres qui enregistraient dans le même temps une augmentation significative de leur chiffre d'affaires, la direction générale ne lui a donc pas accordé une augmentation individuelle ainsi qu'à son autre collègue en la personne de M. [W] - chef de l'agence de [Localité 2] -, avec le constat d'une dégradation nette et progressive de son comportement au travail ;
-le secteur d'intervention de l'appelant auprès des clients de la région Ouest Ile de France reste globalement inférieur aux autres secteurs confiés à ses collègues non impliqués dans l'action syndicale, alors même qu'il n'a jamais expressément sollicité une réduction de celui-ci dans son cas personnel, bien au contraire ;
-le remboursement des notes de frais, et notamment des frais de repas, relève d'une procédure interne à laquelle l'appelant ne se soumet pas toujours avec une rigueur extrême, ce qui a pu être à l'origine de certains retards, la société intimée sur ce point indiquant que l'on ne saurait lui reprocher une validation tardive consécutive à des saisies de données faites par celui-ci avec retard ;
-il n'y a aucun défaut démontré d'ajustement des primes d'objectifs de l'appelant en considération de ses mandats syndicaux au vu des sommes qu'il a encaissées à ce titre sur la période 2011/2012 - récapitulatifs en pages 26 à 29 des conclusions de l'intimée-, sachant qu'eu égard à ses faibles résultats commerciaux enregistrés sur la période 2013/2016 il n'a pu en percevoir sur les mêmes exercices ;
-contrairement à ce qu'il affirme, au vu de sa fiche de paie, l'appelant a bien été en congés payés durant le mois de juillet 2012 suite à sa demande déposée en ce sens courant janvier de la même année ;
-la répartition des chèques cadeaux fournisseurs, concernant en l'espèce la société NSK, s'est faite en juin 2011, alors même que l'appelant n'avait pas encore pris ses fonctions de délégué du personnel élu sur la liste CGT.
Aucun des griefs reprochés par M. [T] [X] à son employeur n'est ainsi matériellement établi sur le terrain de la discrimination au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail et, plus spécialement comme en l'espèce, celui de la discrimination syndicale.
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Pour l'ensemble de ces raisons, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [T] [X] de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale.
Sur la prime d'objectifs liée à l'exercice 2010 :
Il sera donné acte à la Sas BRAMMER de ce qu'elle s'engage à payer à l'appelant la somme de 492 € à titre de prime d'objectifs sur l'année 2010 et, au besoin, l'y condamne.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
L'intimée sera condamnée en équité à régler à M. [T] [X] la somme complémentaire de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [T] [X] de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, ainsi qu'en ses dispositions sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
L'INFIRME pour le surplus et, STATUANT à nouveau,
-CONDAMNE la Sas BRAMMER à régler à M. [T] [X] les sommes de :
2 653,18 € à titre de rappel d'indemnité légale de congés payés sur la période de juin 2009 à mai 2017, avec intérêts au taux légal partant du 16 mai 2013
4 000 € à titre de dommages-intérêts pour violation des temps légaux de repos, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt
-DEBOUTE M. [T] [X] de sa demande de rappel de prime d'astreinte ;
Y AJOUTANT,
DONNE ACTE à la Sas BRAMMER de ce qu'elle s'engage à payer à M. [T] [X] la somme de 492 € à titre de prime d'objectifs sur l'année 2010 et, au besoin, l'y condamne
LUI DONNE ACTE tout autant de ce qu'elle offre de s'acquitter auprès de M. [T] [X] des autres sommes de : 299 € (prime d'objectifs 3ème et 4ème trimestres 2011/2012), et 155,63 € (prime d'objectifs/2013) et, au besoin, l'y condamne
CONDAMNE la Sas BRAMMER à payer à M. [T] [X] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Sas BRAMMER aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT